Jean-Paul VUILLEMIN (1861-1932) : Son tableau mérite notre attention car il s’agit d’une œuvre qui tranche par son originalité. Son style « années 1900 » est indubitable même s’il n’est pas signé. Il pourrait donc être d’un artiste de l’Ecole de Nancy, sans que l’on puisse identifier un peintre particulier. Cette hypothèse est rendue pratiquement certaine par les orientations scientifiques de Vuillemin qui l’ont vraisemblablement amené à entrer en contact avec les artistes de cette Ecole. En effet, dès son plus jeune âge, grâce à son grand-père maternel et à ses parents, il reçoit une formation très solide en botanique dont on sait la place qu’elle tient dans le discours de l’école artistique nancéienne de cette époque.
Après des études secondaires à Epinal, Vuillemin commence sa médecine à Nancy où ses connaissances botaniques sont rapidement reconnues et utilisées. Il est « aide d’histoire naturelle » à 19 ans, nommé sur concours, puis préparateur l’année suivante. Membre de la Société des Sciences de Nancy dès 1882, son ascension est rapide. Ses productions scientifiques sont nombreuses dont un volume de Biologie végétale en 1888. La mycologie retient particulièrement son attention. Il a naturellement passé sa thèse de docteur en médecine, mais aussi de docteur ès-sciences. Il doit patienter quelques années avant qu’un poste d’agrégé ne se libère en histoire naturelle médicale, ce qui ne comble pas totalement ses vœux en l’obligeant à réorienter momentanément sa carrière. Sa réputation scientifique dépassera les frontières. Il est le créateur du mot antibiotique qui aura un succès certain quelques décennies après lui. Le chercheur A. Klein qui lui est apparenté, a résumé cette préscience dans un article paru dans l’Est républicain : « Le parasite vise moins à profiter de son hôte pour finalement le détruire (antibiose) qu’à s’allier avec lui pour favoriser un équilibre profitable à tous (symbiose) »,… ce qui amenait Vuillemin à s’interroger sur l’intérêt médical d’étudier ces phénomènes symbiotiques et antibiotiques. En France, il est élu membre correspondant de l’Académie des sciences, dans la section botanique. Il a publié plus de 300 communications et plusieurs ouvrages d’enseignement.
A son départ, alors que sa santé est quelque peu chancelante, il reçoit son portrait dessiné par Emile Friant, dont un exemplaire fait partie de la collection du musée.
Anonyme : Portrait de Jean-Paul Vuillemin
Musée de la Faculté de médecine
En comparant le dessin au tableau, il semble que le portrait ait pu
être fait vers 1910-1920. Il s’agit d’une toile peinte de 98x79 cm, dans un
cadre en bois assez simple. Vuillemin
est assis dans son laboratoire, en costume protégé par une blouse blanche légèrement entrouverte
sur le devant. Il tient, de la main droite, un livre ouvert sur ses genoux. Son
bras gauche, replié et appuyé sur le bureau, soutient sa tête. Des rayonnages
contiennent des livres assez peu visibles.
On devine également le microscope avec lequel il a travaillé toute sa
vie et que le professeur Gilles Percebois détaille
dans son article : « C’était un monoculaire acheté d’occasion,
éclairé par la lumière d’un (bec de) gaz
traversant une boule de cristal remplie d’eau. » On aperçoit cette
boule sur le tableau. Elle devait faire office de condensateur. « Ce
tableau est de très belle qualité, d’un style « années
1930 » affirmé, malheureusement non signé. En
raison de ses qualités artistiques, ce tableau vient d’être déplacé dans la salle
du conseil.
En 1924, à l’occasion de sa
promotion au grade de chevalier de la Légion d’honneur, l’Université, les
collègues et amis de Vuillemin, demandent au peintre et portraitiste lorrain Emile
Friant de réaliser son portrait. Un original de
celui-ci est présent dans la salle de réunion
n°1 (salle Kissel). De nombreuses
reproductions en ont été publiées dans
divers ouvrages.
Emile
Friant : Portrait de Jean-Paul
Vuillemin
Musée de la Faculté de médecine
Vuillemin apparaît plus âgé que sur le tableau. Il a 63 ans. Il est
visible en totalité, assis dans un fauteuil dans lequel il se tient légèrement
voûté. En costume de ville, celui-ci est déformé par un certain embonpoint. Il
a les bras écartés, reposant sur les accoudoirs, les mains sont posées sur les
cuisses, la droite presque fermée, la gauche avec les doigts étendus. Le visage
est bienveillant, avec une barbe et une moustache fournies.
Le regard est franc, dirigé sur l’artiste. Le front bombé paraît d’autant plus
vaste que la chevelure est réduite.
L’œuvre est un dessin au crayon, encadré avec un passe-partout sur lequel des traits dorés en lavis ont été dessinés pour donner un effet de profondeur. Le cadre lui-même est en bois doré, mouluré, de 30x40 cm.
Emile Friant (1863-1932) est né à Dieuze. Il appartient à l’Ecole
de Nancy, dont il fut, très jeune, un des membres du comité directeur. Il
débute précocement des études de
peinture à l’Ecole des Beaux-Arts de Nancy, avant de partir pour Paris. Il est
l’élève de Cabanel et bénéficie des conseils de Bastien-Lepage. Il obtient un
second prix de Rome à l’âge de 20 ans.
Il est considéré comme un naturaliste,
en particulier dans son activité de portraitiste. Lui-même se réclamait
d’Ingres. Certains lui ont reproché de vouloir imiter la photographie
naissante, qui d’ailleurs le passionnait. Il a réalisé de grandes œuvres dont
certaines sont visibles au musée des Beaux-Arts de Nancy : Un étudiant, La Toussaint, La douleur, Les
amoureux, Portrait d’Albert Jasson. L’hôtel de
ville lui doit aussi une œuvre, Les jours
heureux, exposée dans la salle du conseil.