L’étonnant traitement de la maladie
du Cardinal Charles de Lorraine
Jacqueline
CAROLUS
Le jeune fils de Charles III, handicapé
très jeune par une maladie arthritique invalidante, s’est cru possédé du démon.
Les médecins les plus renommés n’ont pu le guérir, seul l’exorcisme a apporté
un discret soulagement.
C’est grâce au rapport que Jean Delorme1, médecin de la Cour de Lorraine, adresse
à Monsieur de La Rivière2,
Premier médecin du roi Henri IV, que nous avons eu connaissance de cet étonnant
traitement. La lettre de Delorme3,
opuscule de douze pages, est un exemplaire unique, le seul connu, imprimé à
Nancy en 1604, chez Blaise André, imprimeur de Son Altesse. Les symptômes de la
maladie de Monseigneur le Cardinal, ainsi que les différentes phases de l’exorcisme,
y sont décrits.
Mais avant tout, qui est ce Cardinal Charles ?
Au XVIe siècle,
on connaît trois cardinaux Charles de Lorraine. Le plus célèbre est le
fondateur de l’Université de Pont-à-Mousson : Charles, fils de Claude de Guise
(1524-1574), évêque de Metz, de Toul, de Verdun, archevêque de Reims… Nommé
cardinal en 1547, il est d’abord appelé Cardinal de Guise puis Cardinal de
Lorraine à la mort de son oncle, le Cardinal Jean de Lorraine.
Le deuxième Charles (1561-1587), est le
fils de Nicolas de Vaudémont, évêque de Toul et de Verdun, fait cardinal par
Grégoire XIII en 1578, sous le nom de Cardinal de Lorraine-Vaudémont.
Celui dont il s’agit ici est Charles de
Lorraine (1567-1607), fils de Charles III, évêque de Metz en 1578. Créé
cardinal-diacre au titre de Sainte-Agathe en 1589 par le pape Sixte V, il est
légat apostolique dans les Trois-Evêchés en 1591, primat de la Primatiale de
Nancy en 1602 et évêque de Strasbourg en 1604.
La vie de Charles de Lorraine
Charles de Lorraine est le 2ème fils et le 3e enfant
de Charles III, duc de Lorraine, et de Claude de France. Né à Nancy le 1er juillet 1567, il est destiné à l’Eglise,
reçoit la tonsure de Pierre du Chatelet (évêque de Toul), à l’âge de 6 ans et
est nommé coadjuteur de l’évêque de Metz.
Il fait de rapides études à l’Université
de Pont-à-Mousson (1577-1578), à laquelle il reste attaché : il sera un
généreux donateur lors des distributions des prix, favorisera l’installation d’un
imprimeur, encouragera la fondation d’un séminaire « des menus », soutiendra
les professeurs de médecine quand les Jésuites les humilieront et leur fera don
de sa robe de cérémonie fourrée d’hermine (depuis lors les professeurs portent
le « chaperon d’hermine »).
Très jeune, il reçoit l’évêché de Metz et
perçoit dès l’âge de onze ans, les revenus très considérables de la mense
épiscopale auxquels s’ajoutent de nombreuses rentes puisqu’il est aussi abbé de
Gorze et de Clairlieu, chanoine de Mayence et de
Trèves, abbé commendataire de Saint-Victor-les-Paris, Saint-Mihiel, Beaupré,
Saint-Vincent et Saint-Martin de Metz, prieur de Salonnes,
Stenay, Saint-Nicolas. Bien qu’élu en 1592, il sera enfin évêque titulaire de
Strasbourg en 1604, après une longue « guerre des évêques » contre Jean Georges
de Brandebourg, usurpateur élu par les protestants. Bref, le Cardinal est
immensément riche, mais également infiniment généreux.
Très pieux et d’un catholicisme ardent, il
va être l’âme de la réforme des ordres religieux en Lorraine, créer de
nouvelles paroisses à Nancy, participer aux réunions de la Sainte Ligue,
rédiger la coutume de l’évêché de Metz, soutenir financièrement les écoles de
Pierre Fourier et d’Alix le Clerc… Bâtisseur, gouvernant parfois les duchés,
chef d’État frappant monnaie…, il se révèle être un grand administrateur,
édicte les règlements de la corporation des maîtres et compagnons verriers,
fait engager des études sur la qualité d’une mine de fer au ban de Laveline pour la commodité de la forge. Son entreprise la
plus marquante est la grande opération immobilière qu’il organise en 1604,
quand il fallut trouver des revenus pour construire et faire vivre la Primatiale
de Nancy. Le Cardinal va alors réaliser le lotissement du domaine de l’ancien
prieuré Notre-Dame. Les terrains situés entre la rue des Loups à l’ouest, la
rue du Petit Bourget au nord, la rue des États au sud et la Grand rue à l’est,
vont être lotis en vingt-huit parcelles, autour d’une rue qu’on appelle
Cardinal (elle deviendra la rue de Guise). Cette opération rapportera environ
37.000 fr. qui seront affectés à l’établissement de
la Primatiale.
Il sait s’entourer d’un personnel choisi :
nombreux conseillers, trésoriers et douze valets de chambre parmi lesquels
Nicolas Signac, auteur d'une œuvre musicale importante, Rémond
Constant, valet de chambre et peintre, Nicolas de Brancourt,
valet de chambre et chirurgien. Ses médecins sont Messieurs Belin et Pitz, et son apothicaire est Claude Breton.
Charles, Cardinal de Lorraine (1567-1607),
Évêque de Metz (1578) et de Strasbourg (1604)
Collection Musée Lorrain – Nancy
La santé du Cardinal
Ce pauvre Cardinal, triste et sérieux,
est, depuis l’âge de 20 ans, immobilisé au Palais ducal de Nancy par une
affection chronique. Les plaisirs lui sont interdits par sa santé, il a
tellement de mal à se déplacer ! S’il semble avoir eu, selon Le Pois, une
enfance normale, ses ennuis de santé débutent en 1587. Des douleurs
intolérables dans les membres inférieurs lui rendent la marche très difficile.
On attribue ces troubles à « la vivacité d’esprit qu’il met à tous les travaux,
à son ardeur à chasser, et à l’emploi journalier du vin chaud d’Espagne ». Il
est tellement handicapé que, lorsque Sixte-Quint4 le
nomme cardinal-diacre en 1589, il ne peut se rendre à Rome pour recevoir le
chapeau des mains du pape. C’est seulement en mars 1591 qu’il se résout à faire
le voyage en litière, pour se présenter au nouveau pape Grégoire XIV.
Quelques années plus tard, en 1595, il a 29 ans, son état continue à s’aggraver, on commence à
attribuer sa maladie « à un sort ». Nicolas Remy lui dédie sa Démonolâtrie5. Il est fréquent, à l’époque, de se
croire ensorcelé quand on est malade. Ce qui est le
cas de ses frères et sœurs : Charles écrit à sa grand-mère Chrestienne
de Danemark « pour l’assurer de la santé de S.A. et de tous nous autres… Quant
à Monsieur mon frère (le marquis de Pont) il espère demain commencer une diète
pour se guérir du sort…». Cette même année 1595, sa soeur
Catherine (22 ans) est exorcisée pour ses maux d’estomac, on prétend que le
sort lui a été jeté par Monsieur de Beauvau, seigneur de Tremblecourt
(le malheureux est arrêté à Remiremont et noyé dans la Moselle). Les sieurs Pitz et Fuzy, les médecins
personnels du cardinal, sont impuissants et n’arrivent pas à le soulager, pas
plus que son chirurgien et valet de chambre, Nicolas de Brancourt,
qui le saigne régulièrement, tandis que son apothicaire, Claude Breton, lui
concocte les plus merveilleuses potions. En désespoir de cause, on fait venir
de Metz, en 1598, une « experte », la comtesse de Sousse, dont l’intervention
est sans succès. On demande conseil aux médecins de son père, les docteurs Le
Pois, Poirot …
Quand l’Infante Isabelle d’Autriche passe
à Nancy, en 1599, elle trouve le cardinal « dans un état de santé misérable, il
se trouve mal à tous instants » dit-elle, ne peut suivre les déplacements de la
Cour et « s’en va tout dolent » à pied.
En 1600, le Cardinal, 33 ans, est «
entièrement perclus de ses membres » et ne peut plus tenir une plume. Ainsi
cette lettre à sa tante la duchesse de Brunswig,
datée du 8 juin 1600 : « Madame excusez-moi si je manque à mon devoir de
vous écrire de ma main, mes fluxions l’ont ces jours passés tant débilitée que
je suis contraint de me servir d’un autre… ». Toutefois la signature est
autographe.
En 1601, un nouveau médecin, Jean Delorme,
arrive à Nancy. Il avait reçu le bonnet de docteur à Montpellier en 1577, était
devenu le premier médecin de Louise de Lorraine, épouse d’Henri III. Quand la
reine Louise décède à Moulins en 1601, Delorme se présente à la Cour et devient
« aide médecin ordinaire » du duc aux gages de six cents francs par an. Il ne
passera que cinq ans à Nancy, repartira à Paris en 1606 où, d’abord attaché à
la reine Marie de Médicis, il devient médecin de Louis XIII. C’est ce Jean
Delorme qui aurait imaginé, en 1619, le vêtement en toile cirée avec son masque
au nez pointu, que les médecins portaient pour se protéger de la peste. Après
avoir cédé sa charge à son fils Charles en 1626, Delorme assiste encore au
siège de La Rochelle en 1628. Il se retire à Moulins où il meurt en 1637.
Arrivant à Nancy, Jean Delorme est frappé
par l’état de santé du Cardinal. Avec l’appui de Catherine de Bourbon, duchesse
de Bar, belle-sœur du Cardinal et sœur d’Henri IV, huguenote convaincue qui ne
fait confiance qu’aux médecins protestants, Delorme prend l’avis du Sieur de La
Rivière. Ce médecin huguenot est devenu premier médecin d’Henri IV, en 1594, à
la mort de Daliboust. Et comme Daliboust,
dont il est le digne successeur, il commence ses auscultations en cherchant,
chez ses malades, la marque du diable, d’où l’importance donnée aux exorcismes
dans les traitements qu’il prescrit. Dans le cas du Cardinal, La Rivière
préconise donc l’exorcisme. On lui obéit. Et cette lettre de Delorme à La
Rivière, datée du 28 janvier 1604, après avoir fait le point sur les symptômes,
rend compte de l’exorcisme dans ses moindres détails.
La description clinique de Delorme
Quand Delorme voit le Cardinal pour la
première fois, le malade, âgé de 37 ans, présente « des nouures aux
articles des mains et des pieds, bras et coudes gros, enflés et durcis à
merveille, les poignets fort luxés et difformes, surtout à gauche, une grande
partie des articles des doigts toute nouée, les jambes fort exténuées, avec une
grande faiblesse des genoux et des pieds, le corps tout immobile sauf le col »…
Il décrit aussi une tumeur étrange dans le mésentère, au milieu du ventre,
tumeur pulsatile, qui lui cause des « chaleurs et rougeurs importunes au visage
», il signale « que le malade rend des urines cruentes,
purulentes et si fétides qu’elles en sont insupportables, qu’il est fréquemment
travaillé de diarrhées humorales, colliquantes,
puantes…, qu’il est quelquefois 8 à 10 jours sans dormir… et, témoin de la
nature putridineuse des parties internes, qu’il a une
haleine incroyablement chargée… ». Delorme tente un traitement, prétend que ses
remèdes ont amélioré la situation, mais, dit-il, « reste la goutte, fréquente,
maligne, exerçant ses rigueurs en un corps rompu, débilité, avec une longue
possession des jointures ». Depuis Pâques dernière, poursuit Delorme, « les
bras et coudes restent gros, enflés, durcis, les poignets de même, une partie
des articles des doigts nouée, les jambes exténuées, les vertèbres du dos et
les jointures des cuisses ne pouvant plus faire leur office ». En décembre
1603, devant cette situation, il prend l’avis de La Rivière, admet avec lui
qu’il faut recourir à l’exorcisme et convoque les Ambrosiens.
Interprétation de la maladie
Par les contemporains : Jean Barclay (le
fils du doyen de la faculté de droit Guillaume Barclay), qui dans son Euphormion décharge toute sa bile contre le
duc, les jésuites et la société lorraine, se moque de la maladie imaginaire du
Cardinal qu’il appelle Fibulus (du
latin fibula=péroné ?). Il rit de tous les médecins Diaphoirus qui le soignent et
particulièrement du charlatan « Ambrax »
qui tire ses ordonnances au hasard, d’un tonneau…
Jean Delorme identifie cette maladie comme
« une goutte », tandis que Le Pois dans son étude des rhumatismes, se penche
sur « le rhumatisme qui accable depuis plusieurs années, le plus grand des
princes… ». Le Pois reconnaît que la cause du rhumatisme n’est pas uniquement
« l’intempérie » (par intempérie, il entend un déséquilibre entre les
quatre humeurs : sérum, pituite, bile noire et bile blonde). Bien que pour Le
Pois, le Cardinal boive beaucoup de « vin chaud d’Espagne », la cause des
douleurs c’est la sérosité qui distend les articulations et leurs ligaments. Le
Pois note aussi que le Cardinal présente des désordres urinaires et des
diarrhées fréquentes.
Les historiens penchent pour la goutte, à
cause du facteur familial : nos ducs sont tous goutteux, le duc Antoine est
mort en anurie (rein goutteux ? ) après avoir souffert
sur ses vieux jours de terribles crises de goutte…
Le lecteur du XXe siècle, à défaut de radiographies et
d’examens biologiques, hésite entre une spondylarthrite ankylosante, un
rhumatisme inflammatoire chronique, une polyarthrite rhumatoïde, ou encore,
pourquoi pas, une « maladie de Still », arthrite
chronique juvénile…
La délivrance du maléfice
Puisque tous les médecins de France,
d’Allemagne et de Lorraine sont impuissants, on en vient à admettre que le
cardinal est victime, comme sa sœur Catherine, d’un maléfice qu’on lui aurait
jeté en 1595. Il faut faire appel aux exorciseurs les plus efficaces : le
marquis de Sulin, ambassadeur du duc de Savoie en Angleterre,
avait rapporté que les Ambrosiens avaient guéri récemment le Cardinal Amédée de
Savoie. La signora Concini, Éléonor Galigaï, sœur de
lait de Marie de Médicis, venait d’être exorcisée pour épilepsie (en 1603) 6, par le général et le prieur de l’ordre.
On va donc faire appel aux Ambrosiens7. Le 4e du mois de janvier 1604, voilà donc « deux
religieux ambroisiens, dont le R.P. Michel Murazane,
honnête et vénérable vieillard, requestés jusqu’en
Piémont aux fins de reconnaître si le sieur cardinal est ensorcelé » qui
arrivent à Nancy. Les religieux commencent d’abord par faire changer tout ce
qui touche au lit du patient. Le lendemain, jour des rois, ils font des prières
à haute voix, tout près de la couche du malade, célèbrent la messe à
l’oratoire, renouvellent leurs prières l’après-midi, recommencent le mercredi 7
janvier et découvrent, ce jour-là, quelques indices du maléfice redouté.
Dès qu’on a la certitude du sortilège, les
Ambrosiens se mettent à l’œuvre, pratiquant des incantations bizarres dans les
jardins du palais ducal, tenant un réchaud ou encensoir dans lequel il y a du
feu et de l’encens, ou « autre chose qui rend une grosse fumée » ; les
Ambrosiens mettent le réchaud par terre, bénissant celle-ci en plusieurs
endroits. Sans doute purifient-ils l’atmosphère, pour en chasser les
diablotins, invisibles mais présents. Le lendemain 8 janvier, le père commande
aux démons « qu’ils aient entièrement à monter à la tête et donner là un
témoignage de leur présence ». L’expérience réussit. Il leur donne ensuite
l’ordre « qu’ils se rendent à la langue et l’on voit le malade faisant un hyat et ouverture étrange du gosier, pousser sa langue hors
les dents… et la tenir exposée dehors ».
Le 10 janvier, il recommence et continue à
appeler les démons aux doigts du pied droit, et tente de les y incarcérer sans
qu’il leur fut loisible d’en sortir. Le malade se sent mieux. Les jours
suivants, on continue à appeler les démons aux doigts du pied droit, leur
ordonnant « d’y marquer leur logis sans qu’il leur fut loisible d’en sortir… ».
Les Ambrosiens assistent aux repas du
Cardinal, surveillant tout ce qui est absorbé, de peur que le Malin ne s’y
introduise, préconisant de ne manger que « crestes de
coq et rognons de bélier et de ne toucher aucune viande que préalablement sur
icelle n’est jectée de l’eau bénite. Ils bénissaient
toutes les viandes, comme consommez et aultres
petites choses pour les malades et faisaient une croix pour bénir les plats qu’on
portait et surveillaient ces plats de près, de peur que les chiens ne
mangeassent les restes de viande parce qu’elles étaient bénies ».
C’est le 20 janvier, jour de la saint
Sébastien, que le religieux devait chasser définitivement les démons. Ce fut
pendant l’élévation de l’Eucharistie… Le malade se sentit beaucoup mieux, il
put remuer ses doigts, les bras, les jambes et même tracer un mot : mardi. Mais
la guérison n’était pas complète, « le prince retint encore ses premières imbecillités et vicieuses conformations des membres… ».
Jean Delorme qui avait, suivant les conseils de Monsieur de La Rivière,
Conseiller et Premier médecin du Roy, fait intervenir les Ambrosiens,
reconnaissait que la guérison n’était pas complète, qu’il restait des reliquats
du mal.
Et puis il fallait trouver le responsable
qui avait jeté le sort : peu après les séances d’exorcisme, le 6 février 1604,
on désigne le contrôleur Le Borgne. Le malheureux, accusé d’avoir « donné le
sort » au Cardinal8,
est brûlé au bois de Condé.
Les séquelles après l’exorcisme
Selon Donnadieu, après l’exorcisme, il
subsista une grande faiblesse dans les bras, les jambes et le reste du corps.
Le Cardinal demeura perclus tout le reste de sa vie malgré le recours aux
reliques et aux pèlerinages. « On lui a ôté le sort, dit Léonard Périn, par les moyens dont l’Eglise se sert en tels
accidents. Mais le mal avait agi si violentement
principalement aux mains, jambes et pieds, dont l’usage s’était perdu que ces
parties de son corps ainsi estropiées, ne purent être rétablies par la rupture
de ce sort ». Par la suite, le Cardinal éprouva quelques soulagements par le
toucher des reliques de saint Sébastien, qu’on venait de transporter de
Dieulouard à Nancy ; il fit aussi un pèlerinage à Notre-Dame de Montaigu, par
la Meurthe, la Moselle, le Rhin jusqu’à Cologne, puis se faisant porter par
terre, on le véhiculait sur un brancard… En avril 1607, les douleurs
redoublaient, le Cardinal réussit encore à faire, en litière, un voyage à
Strasbourg, durant lequel, oubliant ses misères, il se souciait de la santé de
son père, alors aux eaux de Bussang. La paralysie de son corps devint générale,
ne laissant libres que la tête et la langue (Pfister
II, p. 678). Le pauvre Cardinal fut délivré de ses maux, le 24 novembre 1607, à
6 heures du matin.
Portrait du Cardinal de
Lorraine (1567-1607)
Collection du Musée
Lorrain de Nancy
La mort du Cardinal
Le Cardinal, âgé de 40 ans, est mort d’une
pneumonie. Le Pois est présent : « Aux environs de la nouvelle lune du mois de novembre
1607, fièvre, somnolence, difficultés de respirer, douleurs durant quatre jours
dans la partie supérieure du thorax, toux, fièvre, joues rouges, aggravation de
la dyspnée et mort en vingt-quatre heures ». Le Pois assiste à « l’ouverture du
corps » de Charles de Lorraine et confirme le diagnostic : on trouva « tous les
viscères normaux par leur couleur, leur aspect, leur consistance », sauf le
poumon, ce qui permit à Le Pois de confirmer le diagnostic de « péripneumonie
».
La sépulture du Cardinal
Le corps du Cardinal, après avoir été
déposé à gauche du maître-autel, dans l’église primatiale provisoire, fut
enfin, après la construction de la nouvelle église, et après délibération du
Chapitre, placé le 23 août 1752, au cours d’une pieuse cérémonie, à la
primatiale de Nancy, dans le caveau de la chapelle Saint-Charles (actuelle
chapelle Saint-Fiacre) où il se trouve toujours. L’épitaphe en fut brisée à la
Révolution. On l’a remplacée par un cartouche placé à droite du retable de
l’autel : « Hic Jacet Carolus Cardinalis a
Lotharingie filius Caroli
III, Cardinalis, sanctæ sedis apostoli a
latere legatus, Argentinensis
et Metensis episcopus, insignis ecclesiæ primatialis fundator. In Hanc novam basilacam
translatus anno 1752 obiit die 24 novembris 1607 ».
Palais ducal de Nancy -
Gouache de Denuet - Collection particulière
Notes
1 Jean Delorme était le médecin de la reine Louise de Lorraine,
épouse du roi de France Henri III. À la mort de la reine, en 1603, Delorme
arrive de Paris comme médecin ordinaire de Charles III.
2 Ce Monsieur de La Riviere, c’est
Jean Ribit de La Rivière, suisse et huguenot, Premier
médecin d’Henri IV de 1594 à 1605. Il n’est pas étonnant que Catherine de
Bourbon, sœur du roi, devenue duchesse de Bar, qui n’a confiance que dans les
médecins huguenots, se soit souvenue de lui.
3 Classé à la bibliothèque de la SHLML sous la cote 8° x38.
4 Sixte V (Felice Peretti) est élu pape en 1585. Il meurt en
1590. C’est le bâtisseur de la Chapelle Sixtine.
5 Le traité en latin de Nicolas Remy est imprimé à Lyon en
1595.
6 Emportée par la disgrâce de son mari, elle sera décapitée et
son corps brûlé le 8 juillet 1617.
7 Ordre religieux mis sous la protection d’Ambroise, évêque de
Milan. Uni en 1589 aux Barnabites, l’ordre est supprimé en 1650 par Innocent X.
8 Catalogue Favier : fait rapporté par François du Bois, valet
de chambre de Charles III.