CORDIER Jacques

1912-1990

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ELOGE FUNEBRE

Le Professeur Jacques CORDIER, Professeur Honoraire de Clinique Ophtalmologique, est décédé le vendredi 14 septembre 1990 à l'âge de 78 ans. Il y a 25 ans, je devenais son élève et ma dette de reconnaissance envers lui est considérable. Il m'a appris l'ophtalmologie, il m'a préparé à l'agrégation et m'a conduit à sa succession hospitalo-universitaire en m'offrant son exemple quotidien, ses conseils éclairés, son soutien bienveillant et son amitié. C'est avec une immense tristesse que je vais essayer de rendre hommage à mon Maître bien aimé.

Né le 1er juillet 1912 à Joeuf, le Professeur Jacques CORDIER fit toutes ses études secondaires et médicales à Nancy. Externe des Hôpitaux en 1932, Aide d'Anatomie en 1935, Interne en 1936, Prosecteur d'Anatomie en 1938, la guerre interrompit son ascension hospitalo-universitaire et ses activités militaires lui valurent d'être promu au grade de Médecin Commandant de réserve. Il fut nommé Chef de Clinique en 1941, et au cours de la même année 1949 il fut reçu Ophtalmologiste des Hôpitaux et à l'agrégation. Il devint Professeur sans Chaire en 1962, puis Professeur à titre personnel et Chef de Service en 1968. Il ne connut qu'un Maître, le Professeur Charles THOMAS, qu'il honora d'une loyauté fidèle jusqu'à sa succession en 1976.

Dès le début de sa carrière, il s'intéressa aux manifestations ophtalmologiques des affections générales et ses remarquables dons d'observation lui fournirent matière à de nombreuses publications dont plusieurs ont eu un grand retentissement comme les manifestations ophtalmologiques dans les affections naso-sinusiennes et dans les troubles auditifs, les corrélations neuro-électroencéphalographiques et ophtalmologiques au cours des dégénérescences tapétorétiniennes, le courant granulo-veineux rétinien dans les affections hématologiques et les conjonctivites proliférantes avec tuméfaction préauriculaire. Ce dernier travail de synthèse fut largement diffusé au plan internationnal après les analyses élogieuses parues dans les revues étrangères. Il précisa aussi l'intérêt des diverses modalités d'administration des premiers antibiotiques dans la pathologie du globe oculaire. Il a entretenu des relations amicales avec les Professeurs FRANCESCHETTI et BABEL, généticiens de réputation mondiale, et la confrontation de leurs observations permit des progrès cliniques dans cette discipline.

Le traitement du décollement rhegmatogène de la rétine le passionna. La recherche d'une déchirure rétinienne était très difficile avant l'apparition des verres de contact et l'examen en ophtalmoscopie indirecte nécessitait une grande précision et une habilité de coordination entre plusieurs mouvements. Il fut l'un des plus brillants ophtalmologistes européens dans cette technique, ce qui lui valut l'admiration du Professeur ARRUGA et son élection en 1965 au Club Jules GONIN. Cette récompense internationale, la plus honorifique en ophtalmologie, n'était décernée qu'à quelques ophtalmologistes en mémoire de l'inventeur du traitement chirurgical du décollement de la rétine.

Dès 1970, il conçoit avec enthousiasme l'agencement du futur service d'ophtalmologie de l'hôpital de Brabois qu'il dirigea de son ouverture en 1973 jusqu'à sa retraite en 1980. Il m'associa étroitement à l'élaboration de ses projets dont la réalisation lui procura une grande satisfaction.

Le Professeur CORDIER était un chirurgien habile, excessivement rigoureux dans la préparation du patient et dans le respect de l'aseptie. Les jeunes ophtalmologistes craignaient leurs premières aides opératoires auprès d'un médecin aussi exigeant et méticuleux. Très sensible devant la maladie, il savait écouter les malades avec une grande patience et une bonté naturelle si bien qu'il arrivait toujours à les rassurer. La finesse de ses examens et la précision de son enseignement clinique furent hautement appréciées de tous ses élèves et collaborateurs.

Il était très cultivé et employait ses loisirs à la connaissance des arts et de la littérature et à la promotion du golf. Sous son impulsion, ce sport se développa à Nancy et il prit une grande part à la création du golf d'Aingeray dont il fut le Président de 1968 à 1979.

Ses connaissances, son dévouement et son sens de la mesure lui valurent d'être Vice-Président de la Commission Médicale Consultative pendant six ans et Administrateur de la Société Française d'Ophtalmolgie pendant sept ans. Il participa aux comités de direction des Archives d'Ophtalmolgie, du Journal Français d'Ophtalmologie et des leçons de thérapeutique médicale oculaire. Il fut secrétaire général adjoint puis secrétaire général de la Société d'Ophtalmologie de l'Est de la France. Il était membre associé étranger de la société belge d'Ophtalmologie depuis 1952.

Le Professeur CORDIER reçut de nombreuses décorations nationales et étrangères. Il était Chevalier de la Légion d'Honneur, Commandeur de l'Ordre des Palmes Académiques, Chevalier de l'Ordre de la Santé Publique, Chevalier du Mérite Agricole et Officier de l'Ordre Royal du Million d'Eléphants et du Parasol Blanc du Laos.

Depuis 1977, il connut plusieurs graves problèmes de santé et il s'isola de plus en plus dans sa maison de la rue Marquette. Aidé par le dévouement admirable de son épouse, il supporta avec courage un état déficient, et au cours de ces derniers mois son affaiblissement progressif nous faisait redouter sa prochaine disparition.

Nous présentons avec émotion à Madame CORDIER et à son fils Pierre nos condoléances attristées en les assurant que ses collègues, ses confrères, ses élèves et ses amis garderont fidèlement du Professeur CORDIER le souvenir d'un ophtalmologiste érudit d'une grande distinction et d'un grand humanisme.

Professeur A. RASPILLER