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Daniel MEYER (1908-1993)

sculpteur-xylographe, et les Médecins Lorrains

 

Jean FLOQUET

 

 

Les collections du musée de la Faculté de Médecine de Nancy se sont enrichies récemment de deux bustes en bronze, œuvres de Daniel Meyer, sculpteur Lorrain du siècle dernier. Celui-ci a entretenu des relations suivies avec le milieu médical ; de ce fait, notre Faculté et le Centre hospitalier de Nancy rassemblent une des plus importantes collections de ses œuvres.

 

Daniel Meyer est né à Mulhouse dans une famille d’artistes. Très tôt attiré par la sculpture, à l’âge de 17 ans, il suit les cours de L’Ecole des Arts décoratifs de Strasbourg. En même temps, il s’initie à la gravure sur bois près du maître alsacien H. Bacher. Après un bref séjour parisien, il vient à Nancy où il continue à diversifier ses activités : gravure sur cuivre, peinture ; il réalisera de très nombreux ex-libris, ce qui l’amène à être l’un des membres fondateurs de l’Association française des collectionneurs d’Ex-libris, dont il sera le président pendant de nombreuses années. De même, il est à l’origine de la revue trimestrielle de L’Ex-libris français. En 1938, il est professeur de modelage et de sculpture à l’Ecole des Beaux-Arts de Nancy où il enseigne pendant trente-cinq ans. Il transmet son expérience à de nombreux élèves, dont deux futurs pris de Rome : Gignet, Gouttin, Stradelli... Meyer était officier des Palmes Académiques.

 

Son œuvre est importante. Il a réalisé de nombreux bustes - le sien est visible au parc Sainte-Marie à Nancy - des statues, en particulier des nus, comme « Aurore » exposée dans le hall d’entrée du conseil Général de Meurthe et Moselle. Ses gravures sont également diverses, plus de 400, et témoignent de qualités artistiques reconnues. De facture classique, ses œuvres savent traduire la personnalité, la nature généreuse de l’auteur qui associe une technique parfaite à un sens aigu de l’observation. Son sens de la perspective, de la composition, la finesse de son lettrisme sont, en particulier, soulignés. Capable de passer dans la même journée de la taille directe à la gravure délicate du bois, sa maîtrise était reconnue par ses pairs.

 

Nous voudrions ici insister sur les réalisations qui concernent le monde médical Lorrain, sachant que sa réputation avait largement dépassé notre province.

 

Trois bustes sont actuellement visibles au musée de notre Faculté : celui du Doyen Jacques Parisot (1882-1967), sculpté en 1969, a été réalisé à partir du buste qui se trouve devant l’entrée du Centre de Réadaptation de Flavigny. Jacques Parisot a fait ses études à la Faculté de Médecine de Nancy. Externe, puis interne des Hôpitaux, agrégé de Médecine Générale en 1913, sa jeune carrière est interrompue par la guerre. Figure marquante de la médecine Lorraine, son implication en Médecine Sociale lui vaudra une réputation nationale puis internationale. (Il sera président de 1937 à 1939 du comité d’Hygiène de la Société des Nations). Doyen de notre Faculté (1949-1955), il sera conseiller du ministre.... Rappelons que Jacques Parisot appartient à une famille qui a donné plusieurs membres éminents à notre Faculté. Le second buste est celui du Professeur René Grimaud (1902-1978). Réalisé en 1952, il nous a été confié en 2006 par la fille de Madame Grimaud, Madame Wenger, qui réalisaient ainsi un souhait du Professeur Grimaud lui-même. Une biographie sera trouvée par ailleurs dans ce numéro. Le dernier buste a été inauguré le 7 octobre 2006 lors de la séance solennelle de Rentrée de notre Faculté. Il s’agit de celui d’Albert Schweitzer, (1875-1963), musicien et médecin dont le dévouement pour les malades déshérités d’Afrique lui vaudra de recevoir le prix Nobel de la Paix en 1952. Le buste a été réalisé en plâtre par Meyer en 1954, (Musée de Gunsbach) ; une première coulée en bronze a eu lieu en 1996 pour la ville de Nancy ; il se trouve à la salle Poirel. C’est à partir de ce bronze qu’a été effectuée l’œuvre de notre musée par Maître Huguenin, fondeur à Vezelise. Nous nous garderons d’insister sur la biographie de Schweitzer. Nous signalerons cependant les liens indirects qui unissaient celui-ci à Meyer. Outre une admiration certaine pour le musicien et le médecin, il se trouve que le frère de Daniel Meyer était le pasteur de la communauté de Gunsbach, village alsacien où Schweitzer se fit construire une maison, devenue son musée.

 

Plusieurs médaillons, œuvres de Meyer, qui veulent honorer la mémoire d’anciens maîtres disparus, ornent les murs de notre Faculté ou d’établissements hospitaliers de Nancy. Le plus ancien (1943), est situé à la Maternité Départementale où il fut posé par les élèves du Professeur Albert Frühinsholz (1876-1963). Né d’une famille alsacienne ayant fui l’occupation allemande, celui-ci fit toutes ses études à Nancy. Étudiant très brillant, élève de Bernheim, de Haushalter, il s’oriente ensuite vers l’obstétrique, où il succède à Hergott. Il sera le patron de la nouvelle Maternité dont il fut un des artisans. Il y crée une des premières Maisons Maternelles et développe l’aide aux mères déshéritées, créant une section de Protection Maternelle dans le cadre de l’OHS. En 1948, c’est l’effigie du Professeur Paul Jeandelize que Meyer réalise. Externe puis interne des Hôpitaux de Nancy, Jeandelize se dirige d’abord vers la physiologie avec une thèse remarquée sur l’insuffisance thyroïdienne. Il se différencie alors en ophtalmologie où il succède à Rohmer. Il fondera la Société Ophtalmologique de l’Est. Son médaillon est toujours visible à l’entrée du service d’ophtalmologie de l’Hôpital de Ville. En 1957, Paul-Louis Drouet est honoré, à son tour, par ses élèves. Étudiant nancéien, Drouet - externe puis interne des hôpitaux - sera chef de clinique de Dermato-vénérologie avant de passer l’agrégation de médecine générale. Il enseigne la propédeutique médicale, la pathologie générale et expérimentale puis occupe la chaire de Thérapeutique avant celle de la Clinique Médicale B. Lui aussi fut passionné par le laboratoire et l’endocrinologie Le dernier  médaillon (1958) rappelle le souvenir du Professeur Jules Watrin (1887-1955) qui personnalisa pendant de nombreuses années la dermatologie. Élève de Spielmann, des professeurs Ancel et Bouin, il consacre sa thèse à l’étude de la cortico-surrénale pendant la gestation. Un bref passage en histologie puis en anatomie-pathologique précède son orientation clinique définitive. Ses travaux seront toujours marqués par sa formation morphologique initiale. Son médaillon est actuellement au musée de la Faculté. A noter que des médailles furent également produites à partir de ses différentes œuvres.

Nous rapprocherons de ses médaillons des travaux effectués par Meyer pour le Professeur Pierre Chalnot (buste, dessus de cheminée représentant Esculape soignant le pied de Philoctète) et pour le Professeur Charles Thomas (bois gravé représentant un oculiste gallo-romain dont le modèle se trouve au musée de Bar-Le-Duc, timbres pour différentes manifestations ophtalmologiques, Ex-libris ...) ; ces œuvres sont représentées au musée par les documents que Madame Odette Pierron-Meyer, pianiste-concertiste, épouse de Daniel Meyer, lui a confié. De même un bois gravé reproduit le portrait du Professeur Henri Vermelin (1891-1968), réalisé en 1950 à la demande de ses élèves ; le musée en  possède un tirage. Il en est de même des œuvres commandées par le docteur Marcel Verain, qui dirigea un important laboratoire de ville, œuvres gravées à l’occasion du tricentenaire de la fondation de la congrégation des Soeurs de Saint-Charles.

Nous ne voudrions pas oublier le sceau actuel de notre Faculté, réalisé en 1954. Il souligne la filiation mussipontaine de notre établissement.

 

Pour terminer, nous évoquerons les différents Ex-Libris que Meyer réalisa pour des médecins Lorrains : ils sont de facture variable mais témoignent de la sûreté, du sens artistique et de la culture du maître graveur : celui du Professeur Jean Girard (1903-1955) illustre un poème de Paul Verlaine, «Cavitri-Mahabharatta», en référence à la vaste culture artistique et littéraire du destinataire (Op.29-1942). L’Ex-libris du Professeur Jean Hartemann (1898-1946) fait allusion à la carrière universitaire de l’intéressé en gynècologie-obstétrique, ainsi qu’à ses talents de musicien et d’écrivain. (Op.27-1942). Celui du Docteur Vichard évoque la carrière chirurgicale du titulaire et son penchant pour les voyages.(Op.34-1944). L’Ex-libris du docteur Marc Grunewald, médecin praticien à Trieux, est orné d’une scène mythologique représentant Machaon, fils d’Esculape, soignant le pied du guerrier grec Philoctète. (Op.69-1949). La même année Meyer grave celui d’Antoine Bergeret, médecin et directeur du laboratoire qui fabriquait les extraits Noirot, ce que rappelle le thème retenu.(OP.75-1949). En 1973, sont gravés les Ex-libris du Professeur Jean-Pierre Grilliat (Op.182), et celui du Professeur Marcel Ribon (Op.183), ces œuvres en rapport direct avec les orientations professionnelles des titulaires. Le Docteur Guy Steinbach fait représenter les armes de sa famille originaire de Mulhouse (Op.193-1975). Les docteurs Claude et Annette Spielmann utilisent des thèmes rappelant leur activité d’ophtalmologistes, leur amour de la montagne. (Op.201-1977). Le Professeur Claude Chardot se voit offrir une composition qui évoque les activités et attachements du destinataire « Opposition entre le monde d’En-Haut personnifié par l’ange D’Autun, et le monde d’En-Bas avec la Lorraine, le Maroc, la médecine et spécialement la chirurgie cancérologique dont il fut un pionnier » (Op.206-1978). Le dernier est celui du Professeur Pierre Landes, chirurgien, gynécologue et obstétricien. La composition retenue, à sujets multiples, rassemble les attributs de ces activités en même temps que les armes de Nancy et de Darney.

 

Ces différents exemples témoignent de la diversité de l’inspiration de Daniel Meyer et de sa parfaite intégration dans notre région. Comme bien d’autres Alsaciens venus à Nancy pour des raisons diverses, il a contribué à l’enrichissement du patrimoine artistique de la Lorraine et particulièrement celui de notre Faculté.