Les archives de la
Faculté de Médecine
Un cercueil ambulant
Jean FLOQUET
La
lecture des Archives conservées au Musée de la Faculté de Médecine de Nancy
réserve parfois des découvertes inattendues et quelque peu macabres :
«
Le 8 juillet 1792 (an 4 de la Liberté française), le sieur Jean-Baptiste Febve – juge de Paix et officier de police – enregistre la
déposition d’un nommé Jean-François Thouvenin,
tailleur en la ville de Nancy où il demeure rue du Moulin. Celui-ci, accompagné
de plusieurs témoins, vient demander au juge de rédiger une plainte concer- nant un certain François Col(l)ignon*, menuisier et fossoyeur au cimetière de la
Paroisse Saint- Sébastien. Il accuse celui-ci d’avoir dérobé, au cimetière, le
cercueil dans lequel il a enseveli sa femme le 4 juillet. Des témoins ont vu
Collignon, aidé de son apprenti Bourguignon, et d’une autre personne, un
certain Delsart, faiseur de parapluies, sortir du
cimetière en portant un cercueil neuf qu’ils ont transporté chez lui. La tombe
de la femme Enel, épouse de Thouvenin,
a de plus été fraîchement retournée et une lame de quatre pieds de long
enfoncée en terre n’a rencontré aucune résistance. La déposition de Collignon
ne conteste pas le transfert du cercueil mais il dit avoir pris ce dernier dans
une réserve de la chapelle Saint-Sébastien où il avait deux cercueils à
l’intention des pauvres. Il n’avait pas le temps d’en réaliser un autre pour la
famille d’une dame Hennequin, demeurant rue des
Artisans ; il est simplement passé à son domicile pour vérifier les mesures
avant de le livrer ».
Le
rapport de l’officier ne nous fait grâce d’aucun détail concernant les
vérifications faites aussi bien aux domiciles de Collignon et du veuf Hennequin, à la chapelle, au cimetière où la tombe est
ouverte. Le cercueil est bien présent et le mari doit constater que le corps de
sa femme n’a pas bougé depuis l’inhumation.
Collignon
est donc relaxé des faits les plus graves. Cependant l’officier soumet aux
juges deux constatations. D’une part, le fossoyeur par ses voyages intempestifs
a quelque peu compromis la « tranquillité publique »… mais surtout, a
contrevenu à la Loi en enterrant la dame Enel à une
profondeur insuffisante car inférieure aux quatre pieds réglementaires.
Nous
ignorons la suite donnée par les juges à cette histoire. De même, nous ne nous
expliquons pas la présence de ce long document dans les archives de notre
musée. Nous savons par ailleurs que les enseignants d’anatomie avaient parfois
du mal à se procurer des cadavres pour les leçons d’anatomie. Les religieuses
notamment s’opposaient vivement à cette pratique réglementée. Y aurait-il eu
parfois des corps transportés clandestinement et qui auraient éveillé la
suspicion du sieur Febve ??
Référence : Ach.146.7749
*L’orthographe varie d’un endroit à l’autre du manuscrit
comme cela était fréquent à cette époque.