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Accouchement difficile

 

Jean FLOQUET

 

La naissance de l’enseignement médical en Lorraine à la fin du XVIème siècle a été difficile. Il lui a fallu émerger de l’Université naissante de Pont-à-Mousson. Pourtant, cette période a été plutôt favorable à la création de lieux d’enseignement nouveaux. En France, il existe une dizaine d’universités à la fin du XIVème, presqu’une vingtaine à la fin du siècle suivant. Mais ces lieux sont le plus souvent sous la dépendance de la religion, souvent catholique, plus rarement protestante. Pont-à-Mousson n’échappe pas à cette règle puisqu’elle est confiée par le Pape à la Compagnie de Jésus. Ce choix est loin d’être négatif car les Jésuites possédaient un corps enseignant de qualité. Mais, s’ils étaient hautement capables d’enseigner les Arts et les Lettres, il n’en était pas de même du Droit et de la Médecine. D’où une résistance, de leur part, à l’ouverture de ces deux disciplines.

 

Voilà ce qu’écrivait au Duc Charles III, le Père Everard Mercurian en 1573 : « Les loys (le droit) et médecine ne serviraient d’autre chose au Pont, que de faire une très grande dépense à votre excellence pour l’entreténement de bien peu de gens débauchés ». Or cet éminent jésuite n’était pas n’importe qui. Il avait été envoyé en France par le Général des Jésuites et futur saint, François de Borgia, en qualité de visiteur. Il devait veiller à l’uniformité et à l’orthodoxie des disciplines enseignées dans les collèges récemment fondés. Il succédera comme Supérieur général des Jésuites, de 1573 à 1580, à ce même François Borgia. Il est vrai que l’Université de Pont avait été en partie créée pour s’opposer aux risques de la Réforme, particulièrement active dans l’évêché de Metz. Heureusement, Charles III ne tint aucun compte de ces remarques, bien au contraire, puisqu’il envoya son deuxième fils faire ses études à Pont (1) et incita des nobles de son duché à faire de même. C’est ainsi que Charles de Vaudémont, futur évêque de Toul et Verdun, également cardinal, fera partie des premiers étudiants de Pont avec plusieurs autres nobles.

Il est aisé de comprendre que les laïcs nommés pour diriger ces enseignements « parasites », - d’ailleurs « exilés ? » sur la rive gauche qui dépendait du diocèse de Toul alors que les enseignements « nobles » étaient sur la rive droite placée sous la juridiction de l’évêque de Metz - aient manifesté une certaine opposition à l’encadrement religieux de l’Université. A Pont, Charles Le Pois refusa de prêter serment d’obéissance au chancelier, soutenu en cela par Charles III. Mais les enseignants perdront ce privilège comme en témoigne le serment de Guébin : « Je, Nicolas Guébin, dit La Fontaine, Professeur simpliste et Pharmacien Botanique, jure et promets de garder inviolablement les Statuts et Règlements de l’Université de Pont-à-Mousson et d’obéir au recteur d’icelle Université et au Doyen de la Faculté et de conserver de tout mon pouvoir les privilèges d’icelle. Fait au Pont à Mousson le 24ème jour de may 1655. Présents le R.P. Bouvier, Chancelier en la dite Université et le Sieur Toussaint Paquotte et le Vice-Notaire de la dite Université souscripte ».

 

En 1578, un autre visiteur de la Province de France pour la Compagnie, aurait bien voulu que ces enseignements soient autonomes. Il s’agit d’un jésuite d’origine espagnole, Juano Maldonado (Jean Maldonat en France (1533-1583). De 1578 à 1580, ce théologien réputé veillera à l’organisation des études littéraires et théologiques de la nouvelle université. Les commentaires des quatre évangiles qu’il avait rédigés seront publiés à Pont après sa mort en 1595-1596.

Signalons encore un conflit au sujet de la dénomination latine des institutions : les Jésuites avaient opté pour « Mussipontum » et « Mussipontanae » alors que le premier doyen de Droit, Grégoire, utilise les termes de « Pontimussum et pontimussanae ». La postérité ne les départagera pas puisque les habitants de « Pont-à-Mousson » sont appelés « Mussipontains ».

 

Ces oppositions entre les différentes composantes de l’Université affecteront parfois le Droit et la Médecine, notamment en ce qui concerne leur préséance réciproque dans les grands événements de l’Université ou du Duché. Le Droit, plus ancien, précédera la Médecine. C’est en compensation que le second fils du Duc Charles III autorisera les professeurs de médecine à porter un camail herminé identique au sien (1&2).

 

 (1) - voir l’article du Docteur Jacqueline Carolus dans le numéro précédent de « La Lettre ».

(2) - Cette donation, jusque maintenant, a été attribuée au cardinal de Lorraine fondateur de l’Université. Or celui-ci était mort depuis une vingtaine d’années.