PAUL-FRANÇOIS MARQUET (1685-1743) DIT L’ESCLAVE
Georges GRIGNON
Paul-François Marquet qui inaugure cette rubrique, n’est certainement
pas le plus célèbre, pas autant assurément que son parent François-Nicolas
Marquet (1682-1759) (1), auteur d’un remarquable dictionnaire des plantes en
Lorraine, d’une méthode d’analyse du pouls par les notes de musique et de
précieuses observations cliniques ou thérapeutiques sur les maladies contagieuses,
auquel plusieurs ouvrages ont été consacrés. Pourtant, Paul-François
connut, dans sa jeunesse, une aventure dont le déroulement puis l’issue
heureuse rassemble tous les ingrédients dont on pourrait faire un conte :
impétuosité, courage, adresse du héros, brigands sans pitié et geôliers
cupides, affection et intelligence d’une soeur, générosité et habileté d’un
Prince ...
Né le 12 décembre 1685 à Nancy, Paul-François Marquet étudie la Physique à Besançon, la Médecine
à Montpellier pour enfin devenir Docteur de la Faculté de Pont-à-Mousson. Il eut
été simple pour le jeune docteur d’exercer paisiblement son art comme la
plupart l’aurait fait. Au lieu de cela, il s’estime
trop jeune, trop inexpérimenté, trop ignorant du monde pour prétendre mériter
la confiance de ses patients.
Paul François s’engage, alors,
comme Médecin de l’équipage, sur un vaisseau marchand et parcourt ainsi la
Méditerranée. On peut, certes, lui prêter mille étonnements qui, pourtant, semblent
perdre leur attrait avec le temps, puisque l’histoire dit que c’est sur
l’insistance de son «patron» qu’il accepte de partir encore pour un dernier
voyage. Las! son bateau est attaqué par un Corsaire
algérien, la bataille est rude, lui-même est blessé au combat avant de se
retrouver mis aux fers avec le reste de l’équipage. Voilà notre héros en
mauvaise posture.
Vendu à un entrepreneur en
bâtiments, il se garde bien de faire état de sa profession et, pendant
plusieurs années, il gâche le mortier, menant ainsi une existence monotone que ne
semble pas avoir troublé quelqu’étonnement nouveau.
Pourtant notre prisonnier trouve le moyen de faire connaître sa situation à sa
soeur Marie-Françoise, qui, seule de ses proches, est encore à Nancy :
peut-elle s’acquitter d’une rançon qui lui rendrait la liberté ? Elle peut le lui
faire connaître et surtout ne pas faire allusion à son état de Médecin...
Marie-Françoise est pauvre et ne peut envisager le rachat de son frère, mais
elle est une femme de tête et s’adresse tout simplement au duc Léopold qui va
apparaître dans le récit comme le prince généreux qui use, en outre, d’un
habile stratagème pour que la rançon de Paul-François
puisse être payée sans que lui-même y participe ouvertement, ceci afin de ne
pas encourager d’autres demandeurs. Le duc réunit son conseil secret auquel
assiste notamment Antoine Bagard, père de Charles Bagard, futur Président du Collège Royal de Médecine. Ce
dernier rapporte, comme il les a entendues de son père, les paroles de Léopold
:
« 1l y a dans la
Collégiale de S. Georges une Confrérie établie pour la rédemption des
captifs et un tronc dont le produit doit être employé à cet objet.
Il y a longtemps que ce tronc
n’a été ouvert. Je le ferai ouvrir en ma présence; et si la somme nécessaire ne
s’y trouve pas, j’y suppléerai ».
Ainsi fut fait, mais le duc
avait, au préalable, secrètement déposé dans le tronc la somme
nécessaire au rachat du prisonnier.
Le reste de l’histoire est
simple : l’envoyé du duc de Lorraine auprès de la Cour de Vienne traite avec le
Ministre de la Sublime-Porte et obtient le rachat du
prisonnier pour la somme convenue, ce qui fut réalisé sans grande difficulté.
Paul-François Marquet revient alors à Nancy, sans doute mûri par cette
expérience, à coup sûr soulagé de recouvrer la liberté et de retrouver famille
et terre natale. Pendant plusieurs jours, il reste à la Cour où on le surnomme « l’esclave »
et où chacun se presse pour obtenir le récit de sa captivité et admirer les
cicatrices des blessures reçues au cours de l’abordage du bateau, quelques
années auparavant.
Les feux de la gloire cependant
s’éteignent un à un, la vie reprend son cours normal, sinon monotone. Paul-François Marquet va enfin exercer dans la sérénité
chèrement acquise son métier de Médecin. I1 est nommé Médecin ordinaire du duc
Léopold et Médecin stipendié des Paroisses de la ville vieille, des faubourgs
des Trois Maisons et de Boudonville; il se consacre avec
grand succès à ses malades jusqu’au 16 mai 1743, jour où il rend l’âme.
(1) Le Musée possède un
tableau représentant François-Nicolas Marquet dont
l’Association vient de faire procéder à la restauration.