GUILLEMIN François

1950-2020

` sommaire

HOMMAGE de l'Institut de Cancérologie de Lorraine Alexis Vautrin

C'est avec émotion et tristesse que nous apprenons la disparition du Professeur François Guillemin, survenue le 24 décembre 2020 à son domicile. Le Professeur Guillemin a été un homme d'engagement et de responsabilités, un chirurgien d'une habileté et d'une expertise remarquables et un manager innovant. L'ICL lui doit beaucoup. Chef de clinique au CHU de Nancy, il rejoint le Centre Alexis Vautrin en 1980 et est nommé professeur des universités en 1988. Il prend la responsabilité du département de chirurgie en 1992, ainsi que la direction de l'enseignement et de la recherche. Directeur général de 2001 à 2011, il engage un plan directeur immobilier qui permet la création de l'unité de biologie des tumeurs et l'extension des plateaux techniques de radiothérapie et d'hospitalisation de jour. Il se mobilise pour les innovations scientifiques et technologiques (thérapie photodynamique, CyberKnifee, CHIP, chirurgie robotisée...) et met en place avec le CHU de Nancy le Pôle Régional de Cancérologie. Très attaché à la transmission des connaissances, il met en place plusieurs diplômes universitaires, dont à Nancy le DESC de cancérologie. Ardent défenseur de la chirurgie oncologique, il a été président de la section de cancérologie du Conseil national des universités. Suite au décès accidentel du chef de service de chirurgie de l'institut Godinot en 2015, il avait choisi de terminer sa carrière à Reims, tout en gardant ses fonctions universitaires à Nancy. Participant à plus de 40 conseils scientifiques, il assurait, il y a encore quelques semaines, la présidence de l'HADAN, créée en 2005 sous son mandat, et celle du comité scientifique national de la Ligue contre le cancer. Infatigable travailleur, il s'est mobilisé pendant toute sa carrière dans la qualité et la sécurité des soins, la transmission de compétences et la recherche fondamentale. François Guillemin était profondément engagé pour le soutien aux patients et pour l'humanité de leur prise en charge. Aujourd'hui son combat continue.

 

ARTICLE de l'Est Républicain

Le Professeur François Guillemin est décédé le 24 décembre. Chirurgien cancérologue, il a exercé au Centre Alexis Vautrin de Nancy, devenu Institut de Cancérologique de Lorraine en 2013, de 1980 à 2015, date à laquelle il a rejoint l'Institut de Cancérologie Jean-Godinot de Reims pour y œuvrer jusqu'en 2019. Directeur général du Centre Alexis Vautrin de 2001 à 2012, le Professeur Guillemin a toujours eu à cœur de développer de nouvelles techniques, d'améliorer l'organisation hospitalière, viser l'excellence pour la prise en charge médicale, humaine et éthique des patients atteints de cancer. Très investi sur le plan technologique, il a dirigé une équipe de recherche sur l'instrumentation médicale automatisée en cancérologie en collaboration avec l'Institut National Polytechnique de Lorraine et le Centre de Recherche en Automatique de Nancy. Professeur des Universités, il a partagé ses compétences et son expérience avec de nombreux étudiants et stagiaires français ou étrangers et encadré plus d'une centaine de travaux de thèse et de recherche. Vice-président du bureau de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer de 2007 à 2010, le Professeur Guillemin a également été président du conseil scientifique national de la Ligue contre le Cancer de 2017 jusqu'au début de ce mois de décembre. Le président de la Ligue Axel Kahn salue en lui un « homme du devoir accompli jusqu'au bout, quoi qu'il en coûte ». Reconnu pour sa rigueur, son exigence, son énergie sans faille, le Professeur Guillemin l'était aussi pour ses qualités humaines, son sens de l'écoute et son empathie. Le patient ayant été au cœur de tout son parcours, il a continué à promouvoir sa qualité de vie au sein de l'Hospitalisation à Domicile de l'Agglomération Nancéienne (HADAN) dont il avait pris la présidence, structure dans laquelle il a œuvré jusqu'au dernier jour. Le Professeur François Guillemin avait de multiples autres passions dont la lecture, la philosophie, la sculpture sur bois, la bijouterie.

 

ARTICLE de Pierre Taribo (La Semaine, no 292, octobre 2010)

Directeur du Centre Alexis Vautrin qui figure au palmarès des meilleurs établissements pour la lutte contre le cancer, le professeur François Guillemin reste humble et modeste.

A la maison, le professeur François Guillemin fait des bijoux. « Deux à trois par an » avoue-t-il un peu gêné qu'on s'intéresse à cette facette inattendue de sa personnalité. « C'est créatif, ça fait travailler les mains. Les femmes qui en ont profité ne m'ont pas dit qu'elles ne le porteraient jamais. Au contraire, » dit-il en faisant tomber à regret la barrière qui protège sa vie privée et un secret désormais éventé. Le directeur du Centre Alexis Vautrin n'aime pas les confessions intimes. Il préfère parler de son établissement classé par l'Express parmi les meilleurs du pays dans la lutte contre le cancer. Un tableau d'honneur qu'il reçoit avec flegme et humilité. « Pour notre ego c'est plutôt bien. On ne mesure pas toujours l'impact de ces classements sur les patients mais on est toujours prudent sur ce type de palmarès. Pour les cancers de la prostate par exemple, c'est le nombre d'interventions qui est prise en compte. Or, la qualité d'un établissement repose sur les soins de support, les palettes thérapeutiques ouvertes, pas sur la comptabilisation des opérations.» Dès l'enfance, François Guillemin a le goût de la médecine. Père et grand- père chirurgiens, lignée maternelle concernée elle aussi par le milieu médical, il est naturellement happé par son destin. « Chez nous c'est génétique. Quand on entend parler d'un métier on se l'approprie vite.» Après le bac il aborde la carrière. « A l'époque on faisait ses études dans la ville où on habitait. Quand tout allait bien on ne bougeait pas. J'ai fait la fin de mon internat et un clinicat au CHU dans le service de chirurgie digestive, puis au centre Alexis Vautrin en tant que chirurgien. »

Alexis Vautrin dont il a pris la direction en 2001. Proche voisin du CHU qui pour de multiples raisons accapare la lumière, l'établissement travaille dans la discrétion. Certains disent même dans l'ombre. Une façon d'être et d'agir en tous points conforme aux aspirations de François Guillemin qui s'il met du poids dans sa fonction déteste parader. « Il y a ici une culture de réserve. Se mettre en avant ne fait pas partie des habitudes. Ensuite c'est dû à des raisons un peu diplomatiques. Quand on a un voisin jaloux de ses prérogatives, on ne va pas le titiller. Enfin la reconnaissance du Centre se fait par sa fréquentation. La moitié des patients vient de Metz, de Moselle, des Vosges, de la Haute-Marne, des Ardennes et du Luxembourg. Lorsqu'on a la reconnaissance des collègues des départements environnants, on ne va pas le crier sur les toits. » Ce statut sans paillettes convient à François Guillemin. Il s'y adosse avec la certitude que ses équipes ne sont pas en besoin de preuves ou en manque de brillant. Leur travail, leur dévouement les résultats obtenus en matière de prévention, de traitement de recherche font autorité. Et puis pourquoi vouloir être jugé, apprécié en fonction des autres ? C'est un enfermement inutile et stérile. « Le plan régional de cancérologie va permettre de faciliter la convergence des compétences qui existent au CHU et à Alexis Vautrin. D'une manière plus générale, il y a une participation au réseau Oncolor dont l'objectif, grâce à une collaboration pluridisciplinaire, est d'améliorer la qualité des soins. » On perçoit de la pudeur et beaucoup de détermination dans cette attitude fondée sur un principe sacré : le service des autres. Il est vrai aussi qu'on ose rarement parler du cancer. Peut-être par superstition ou pour conjurer le sort. Pourtant les avancées et les progrès de la médecine nourrissent l'espoir. « On a fait de gros progrès dans l'annonce du diagnostic que le patient exige net et clair. On explique les modalités de prise en charge, on tente de dédramatiser la situation. » N'empêche, les tabous sont toujours là. Ils reculent légèrement mais ne tombent pas. «Quand on dit cancer, dans l'esprit des gens c'est déjà imaginer l'issue la plus funeste. La maladie a mauvaise réputation. Pourtant on guérit la moitié des cancers. On gagne un petit pourcentage chaque année. Les progrès ne se font pas forcément à pas de géant. Mais lorsque sur des cancers fréquents : ceux du sein ou colorectal, on gagne 1%, c'est 500 personnes qui sont concernées. Ce sont de petits progrès qui ont un fort impact en matière de santé publique. Nous, nous voulons avancer le plus vite et le plus fort possible. Quand un traitement fonctionne, on fait tout de suite une évaluation, on mesure, on contrôle. C'est ainsi que l'on progresse. »

Difficile ce parcours qui n'efface pas les douleurs, les craintes, les soucis qui pèsent sur la vie familiale et professionnelle de ceux qui entrent dans le cycle de soins lourds mais il contribue à les adoucir. Selon les vœux de François Guillemin médecins et patients s'écoutent, s'épaulent et combattent ensemble. Côte à côte, presque en couple avec foi et si possible un regard de vainqueur. Pédagogue, cartésien et sensible en même temps, François Guillemin dirige le Centre anti-cancer avec compétence, modestie, sens de l'écoute et du devoir. Surtout il reste un homme de terrain. « Je suis chirurgien, professeur de cancérologie. C'est mon métier de base. La direction générale de l'établissement n'est venue que par la suite. J'opère toujours parce que c'est le métier que j'aime.»