Article de l’Est Républicain – 1-3-2007
Haigneré avec le major des P2 : Jean-Charles Bernard
Elle était attendue par 270
étudiants massés dans l'amphi 600A de la fac de médecine à Brabois. Hier,
Claudie Haigneré n'a pas raté son grand oral.
Une explication de textes sous
forme de partage, deux heures durant, de son savoir de médecin et de son
expérience spatiale.
La fine et élégante marraine de promo a assuré devant des étudiants sous le charme. Ils lui ont réservé une salve d'applaudissements et un tonnerre de coups de pieds pendant deux à trois minutes, après son exposé.
Dans un amphi aux trois-quarts remplis, Claudie Haigneré, 49 ans, a justifié sa présence par « l'envie » inépuisable de « transmettre l'excellence et de partager sa passion avec les plus jeunes ».
La marraine de promo a abordé,
pêle-mêle, son travail de médecin rhumatologue, son vécu politique aux
ministères de la Recherche et des Affaires européennes, ses aventures dans
l'espace.
Ecoute, respect, dignité
Suite à une question de Delphine,
« Est-ce que votre expérience de médecin vous a servie ? », Claudie Haigneré a
plaisanté : « Oui, bien sûr. Mes collègues masculins se rasaient tous les
matins. L'écoute, le respect et la dignité sont primordiaux en équipage ».
La spationaute a volé en 1996 et en 2001. Seize jours lors de la première
mission, dix au cours de la seconde. « Y a-t-il eu de l'appréhension ? », a
interrogé Mohamed. La spationaute a levé les yeux au ciel : « Imaginez un peu
ce jour, en haut de la fusée Soyouz, où j'attendais la mise à feu », se remémore-t-elle,
la tête dans les étoiles. « Il y avait à la fois de l'excitation, de la
concentration et de l'exaltation. Je n'avais pas l'impression de prendre des
risques. J'ai profité de chacune des secondes de vol, ce fut un privilège
extraordinaire ».
Emerveillement
Claudie Haigneré s'émerveille, encore surprise aujourd'hui par « la capacité de
son organisme à s'adapter à des conditions de vie extrêmes ». Un zénith atteint
après onze années d'une intense mise en condition pour voler.
Devant des étudiants sages comme des images, Claudie Haigneré s'est posée en conquérante de l'espace : « Il faut savoir aller au-delà des frontières. L'enthousiasme crée des vocations ». Les étudiants en ont pris bonne note.
Dans l'espace, la spationaute a vécu sa féminité « comme un plus et non une contrainte », source d'obstacles. « Est-ce que le fait d'être une femme a eu des répercussions sur votre carrière ? », a demandé Perrine. « Ce fut un atout », lui a rétorqué Claudie Haigneré. « Ce n'est pas facile, mais possible. Les portes sont entrouvertes, poussez-les. Ne vous isolez pas, ne vous fixez pas. Faut y aller, se donner, s'engager ».
Aujourd'hui, la spationaute mène de front son rôle de maman (d'une fille de neuf ans) et son métier au sein de l'agence spatiale européenne.
« La science amène de la puissance, mais aussi de la sagesse ». Claudie Haigneré, l'auteur de cette maxime, l'illustre parfaitement. Elle a gardé les pieds sur terre, même si l'espace s'apparente à sa seconde maison.
La marraine de promo a cité Marcel Proust pour achever son exposé. Une conclusion en guise de méditation : « Regardez de nouveaux paysages avec de nouveaux yeux ». Les étudiants en médecine en restent cois. Une ovation s'ensuit.
Des applaudissements nourris jaillissent à nouveau dans l'amphi lorsque Jean-Charles descend les marches. Le major de la promo vient rendre hommage à sa marraine, médaillée d'honneur de la fac de médecine.
Emu, Jean-Charles espère : «
J'aimerai que cette rencontre ne soit pas unique. Vous reviendrez sûrement une
seconde fois à Nancy ». Claudie sourit, un peu gênée : « Je crois que je vais
revenir très vite ». Nouvelle ovation. La marraine a emmené ses élèves au
septième ciel.
Julien DELATTRE