L’histoire de l’Urologie nancéienne n’est compréhensible que si elle est intégrée au contexte géographique et surtout historique très particulier de Nancy et de la Lorraine.
La naissance de l’Urologie
n’aurait probablement pas eu lieu aussi précocement si la France n’avait
pas perdu la guerre de 1870. Sa croissance rapide après 1918 n’aurait probablement
pas eu lieu si Nancy ne s’était pas trouvé au cœur des combats pendant
la Première Guerre Mondiale. Construit sur ces fondations historiques particulières
le Service connut ensuite une longue période de paix où l’Urologie nancéienne
a continué à se développer et à suivre de très près les progrès techniques
de la spécialité, à peine perturbée par la période confuse de la Deuxième
Guerre Mondiale. Quelques turbulences récentes n’ont pas entamé la combativité lorraine
qui a repris le dessus comme en témoigne son implication actuelle dans
les domaines de pointe de l’Urologie du XXI ème siècle qui vont de la génétique à la
robotique chirurgicale.
I. LA GUERRE DE 1870 ET SES CONSEQUENCES (1870-1914)
Avant 1870, il n’existait que 3 Facultés de Médecine en France, Montpellier, Paris et Strasbourg, qui jouissaient d’une autonomie et d’une autorité académique enviées par les Ecoles de Médecine qui existaient dans une vingtaine d’autres villes dont Nancy, crée en 1822. Théoriquement les Facultés se devaient d’être le creuset des futurs enseignants et de l’innovation, alors que les Ecoles avaient pour vocation la formation pratique des futurs médecins et chirurgiens de terrain. La réalité était quelque peu différente !
La défaite française de 1870 devait bouleverser l’histoire de Nancy pour deux
raisons.
L’intégralité de l’Alsace et le nord de la Lorraine ayant été annexés à l’Allemagne,
la frontière franco-allemande était à moins de 20 kilomètres de Nancy. L’autre élément a été la
perte de la Faculté de Médecine de Strasbourg. Le corps professoral ayant
refusé l’annexion allemande a demandé a être réintégré dans une autre Faculté française,
tout en restant groupé pour garder à la fois son identité et sa cohésion.
Par ailleurs, la radiation par les armes d’une des 3 Facultés de Médecine française n’était pas acceptable par les dirigeants français humiliés. Il fallait donc recréer immédiatement cette Faculté dans l’Est de la France en attendant la Revanche. Deux villes furent proposées pour accueillir les Strasbourgeois et leur Faculté : la grande Ecole de Médecine de Lyon et la petite Ecole de Médecine de Nancy. La première forte de son histoire et de sa dimension accueillait à bras ouvert la Faculté, mais était plus réservée quant à la réussite de l’intégration des professeurs strasbourgeois. Pour l’Ecole de Nancy, accueillir les Strasbourgeois c’était accepter une domination universitaire évidente mais c’était, en contre partie, acquérir l’envergure d’une grande Faculté de Médecine. En 1872, Nancy devenait ainsi la troisième Faculté de Médecine de France en remplacement de Strasbourg.
Les bâtiments hospitaliers et universitaires de Nancy n’étaient plus compatibles avec cette nouvelle dimension. C’est ainsi que les grands travaux hospitaliers ont commencé, aboutissant à l’ouverture de l’Hôpital Civil en 1883.
C’est précisément à cette époque que naissait l’Urologie française moderne sous l’impulsion de deux grandes personnalités : Guyon puis Albarran. En 1899 était individualisée la 1ère Consultation spécifique d’Urologie à Nancy et en 1907 était créé un Service d’Urologie autonome, dirigé par Paul ANDRE, constitué d’une unité d’hospitalisation de 12 lits et d’une importante consultation accueillant 6000 patients par an.
II. LA GUERRE 14-18 ET SES CONSEQUENCES
( 1914 –1937)
Situation du Front Allemand
Les Hôpitaux de Nancy situés à seulement quelques kilomètres du Front sont rapidement transformés en Hôpitaux Militaires, la plupart des services de spécialité, dont l’Urologie, disparaissant pour faire place à la chirurgie de guerre : « lors des violentes batailles du Grand Couronné, l’Hôpital Civil accueillait jusqu’à 400 à 500 blessés par jour ».
Visite de l’Hôpital Central par le Général de Castelnau en 1914, sous la conduite de Sœur Louise.
Quant à son Chef de Service, Paul ANDRE, il est nommé à l’Etat Major de Foch en 1914 et y restera jusqu’en 1919 : « Il fut amené à donner des soins réguliers à celui qui avait été nommé Commandant du 20ème Corps à Nancy en 1913 et qui devint Chef des armées Alliées : le Maréchal FOCH. Il dût le sonder quotidiennement sans jamais provoquer d’infection. Cette belle performance lui facilita, sans doute, la création d’une Chaire d’Urologie dans l’immédiat après-guerre et assura une solide réputation, dans cette spécialité au Centre Hospitalier ».
Professeur Paul ANDRE
« Au lendemain de la paix et de la libération de l’Alsace, une question majeure venait à l’ordre du jour : la Faculté de Médecine, héritière en 1872 de la Faculté française de Strasbourg devait-elle faire retour à sa ville d’origine et ainsi quitter Nancy ? » (J.P. Grillat, 1997).
Grâce au comportement courageux des nancéiens pendant la guerre et au soutien d’hommes politiques lorrains comme Raymond Poincaré ou Albert Lebrun, Nancy put garder sa Faculté. Une nouvelle Faculté de Médecine fut crée à Strasbourg.
Cette sage décision donnait satisfaction aux 2 villes qui, depuis, ont toujours entretenu d’excellentes relations.
Quant au Service d’Urologie, il est agrandi et logé provisoirement à l’Hôpital Marin en attendant la construction d’un bâtiment à l’Hôpital Civil chargé d’abriter, entre autre, un grand Service d’Urologie de 55 lits qui s’est ouvert en 1930 (40 lits d’hommes, 12 lits de femmes et 3 d’enfants). Parallèlement était créé en 1921 une Chaire de Clinique des Voies Urinaires confiée au Professeur Paul ANDRE, jusqu’à sa retraite, en 1937. Président du Congrès de l’Association Française d’Urologie en 1923, Rapporteur du Congrès en 1932 sur « Les traitements des tumeurs malignes de vessie », puis Président du Syndicat National des Médecins Urologistes Français, il a été le fondateur de l’Ecole Urologique de Nancy.
III LA CONSOLIDATION PAISIBLE DU SERVICE D’UROLOGIE (1937-1989)
Cette longue période d’essor et de calme s’est déroulée successivement à l’Hôpital Civil qui avait été rebaptisé Hôpital Central puis dans le grand complexe hospitalier construit sur le plateau de Brabois à Vandoeuvre-les-Nancy où le Service d’Urologie a été transféré en 1975.
Constitué de 56 lits, 3 salles d’opération, une salle de radiologie urinaire et un laboratoire « d’explorations manométriques », le service devait encore s’agrandir en 1979 à 72 lits. Les innovations en urologie ont été toutes très rapidement intégrées, qu’il s’agisse de la chirurgie de l’adénome prostatique, des calculs de l’uretère, des tumeurs de vessie, entre les deux guerres ou de la première transplantation rénale en 1971, du développement de la microchirurgie, de l’endo-urologie ou de l’installation du premier lithotriteur extra-corporel en 1989.
Professeurs André et Paul GUILLEMIN
Pendant cette période, le service a été successivement dirigé par le Professeur André GUILLEMIN (1937-1962) puis par son fils, le Professeur Paul GUILLEMIN (1967-1992), après un intérim de 5 ans assuré par un chirurgien non-urologue (1962-1967). Paul Guillemin présida le Congrès Français d’Urologie en 1984. (voir article de Paul Guillemin, Uro-Jonction n°32, nov. 1997). Quant à Michel BITTARD, formé à Nancy, il a rejoint Besançon en 1970 pour y créer le Service d’Urologie du CHU.
IV . LA PERIODE RECENTE « TURBULENCES ET ACCALMIE » ( 1989-2001)
S’il est habituel de ne pas parler des problèmes internes de chaque famille professionnelle on ne peut pas parler de l’histoire du service d’Urologie de Nancy sans tenir compte de 4 années de turbulences internes (déc1989-déc1993).
Fête de départ à la retraite de Paul GUILLEMIN
Au 1er rang, de gauche à droite : Ph. Mangin, Cl. Huriet, P. Guillemin, Mme Guillemin, Mme. Kessler.
Derrière, on reconnaît Ph. Cloché, J. Hubert, G. Chopin, J.P. Maire, D. Scharff, C. Petit, J.J. Larcher, J.L. Moreau et P. Colombel
Cette période gérée successivement et en continuité par Paul Guillemin puis par moi-même a été très difficile pour toute l’équipe, qui, a juste titre, n’a eu qu’un souhait : l’oublier le plus vite possible. Après réduction du service à 62 lits, 5 ans environ (1994-1998) ont été nécessaires pour progressivement re-stabiliser le service avec, en particulier, l’aide interne de Jacques Hubert et Luc Cormier, le soutien des dirigeants hospitaliers et universitaires nancéiens et de la communauté urologique nationale mais aussi régionale : la création en 1994 d’un Collège Lorrain d’Urologie sur l’initiative de Jean-Luc Moreau rétablissait une harmonie entre tous les urologues de la région lorraine.
1999 marque le début d’une nouvelle ère : réunion annuelle provinciale de la Société Française d’Urologie à Nancy, célébration de la 1000ème transplantation rénale, installation d’un lithotriteur extra-corporel de nouvelle génération, introduction de nouvelles technologies comme la Neuro-modulation et la Curiethérapie prostatique, premiers résultats tangibles de l’investissement dans le groupe de Recherche Français d’Uro-Génétique avec la mise en évidence d’un locus de prédisposition du cancer de prostate familial, puis en 2000, acquisition du robot chirurgical de dernière génération « Da Vinci » qui est opérationnel depuis novembre 2001.
Au cœur de la nouvelle Europe, Nancy est maintenant
prête à accueillir toute invasion technologie pacifique !
Société Française d’Urologie à Nancy en 1999
Réception à l’Hôtel de Ville, place Stanislas
Nous remercions le Professeur Paul Guillemin et le Doyen Honoraire Georges Grignon pour leur aide précieuse