LES OFFICIERS DE SANTE
DANS LE DEPARTEMENT DE LA MOSELLE
François JUNG
La Convention avait supprimé en
1792 les universités et mis fin à 1’activité des corporations. L’art de guérir,
exercé sous l’Ancien Régime par des médecins et des chirurgiens, n’était plus
enseigné et son exercice était libre.
Seuls continuaient à être
instruits des chirurgiens destinés aux armées de la République.
Ils étaient formés dans quatre
hôpitaux militaires, dont celui de Metz.
Bonaparte, soucieux de remédier
à l’anarchie régnant dans le domaine de la santé, promulguait, en 1803, une loi
qui allait régir l’exercice de la médecine en France pendant près d’un siècle.
L’enseignement était rétabli dans les universités, et l’exercice de la médecine
ne pouvait être assuré que par des praticiens titulaires d’un diplôme de
docteur en médecine ou d’officier de santé.
Ce deuxième ordre était réservé
à des praticiens, non titulaires du baccalauréat, ayant suivi des stages dans
des hôpitaux ou chez des praticiens et ayant fait preuve de leurs connaissances,
lors d’un examen soutenu devant un jury départemental, remplacé plus tard par un
jury universitaire.
Les officiers de santé ne
jouissaient pas de tous les privilèges des médecins. Leur exercice était limité
au département dans lequel ils étaient inscrits. Ils n’avaient pas le droit d’effectuer
certains actes et ne pouvaient pas avoir accès aux fonctions de médecin
hospitalier ou d’expert.
Après que la situation des
praticiens exerçant avant la nouvelle réglementation eut été régularisée, dès
1804, le premier jury départemental procédait à l’examen des candidats.
Ultérieurement il devait se
réunir de façon plus ou moins régulière, selon la demande.
Le nombre d’officiers de santé
exerçant en Moselle fut, au début, très important ; ils représentaient, en
1804, 80% des 112 praticiens exerçant dans le département. Il ne cessa de
diminuer au profit des docteurs en médecine et, en 1866, alors que les
conditions de leur réception étaient devenues plus rigoureuses, ils n’en
représentaient plus que 20%.
L’exercice des officiers de
santé, contrairement aux idées reçues, ne s’effectuait pas seulement en milieu
rural ; certains d’entre eux exerçaient en ville, et en particulier à Metz. La carrière
de l’un d’entre eux, Pierre Morlanne, fut
particulièrement exemplaire.
Spécialisé en obstétrique, cet
officier de santé avait fondé à Metz la Congrégation de la Charité maternelle,
communauté de 4 sages-femmes religieuses, destinée à venir en aide aux
accouchées, et avait fondé une maternité qui est encore, de nos jours, la plus
importante du département.
Les rapports entre médecins et
officiers de santé étaient parfois ambigus. Si quelques docteurs se
félicitaient de la qualité de certains officiers de santé, et si des places
leur avaient été réservées à la Société des Médecins de la Moselle, fondée en
1852, il n’en reste pas moins que la plupart restaient attentifs aux dérives
possibles. Ils n’hésitaient pas à les dénoncer publiquement et à poursuivre,
pour exercice illégal, ceux qui exerçaient en dehors du département dans lequel
ils avaient été inscrits.
Par ailleurs, les docteurs en
médecine militaient en faveur de la suppression de ce deuxième ordre. Reprenant
les positions prises par le Congrès médical réuni en 1842 et par les assemblées
générales de l’Association Générale des Médecins Français (AGMF), la Société des
Médecins de la Moselle poursuivit une action constante en vue de cette
suppression. Un de ses membres, le Docteur Finot,
avait publié en 1862 une brochure consacrée à « L’unité professionnelle de la
médecine » dans laquelle il avait développé ses arguments en faveur de cette
solution.
Le recrutement des officiers de
santé cessa en Moselle en 1871, après l’annexion du département à l’Empire
allemand, alors qu’il se poursuivit dans le reste de la France jusqu’en 1894.
Les autorités allemandes autorisèrent cependant la poursuite des activités des
officiers de santé restés en place (l3 en 1873), et n’hésitèrent pas à leur
confier des fonctions officielles de médecins cantonaux.
Au début du XXe
siècle, les officiers de santé avaient disparu du paysage médical mosellan.