PIERRE-FRANÇOIS NICOLAS
APOTHICAIRE, MEDECIN,
PROFESSEUR A LA FACULTE DE MÉDECINE DE NANCY, A LA VEILLE DE LA REVOLUTION
Pierre LABRUDE
Pierre-François Nicolas naît à
Saint-Mihiel le 26 décembre 1743 dans une famille sans doute aisée. Il est
élève des chanoines de la ville, puis des jésuites de Saint-Nicolas-de-Port où
il obtient la maîtrise ès-arts. Il devient alors, semble-t-il, apothicaire
militaire à l’armée d’Allemagne sous les ordres de Bayen pendant la guerre de
Sept-Ans. A son retour, sans doute en 1763, il s’installe à Nancy où il est
reçu à la maîtrise de pharmacie le 31 décembre 1768. Il acquiert l’officine de
Pierson qui se désiste en sa faveur.
A ce moment il devient
inspecteur honoraire des mines de France, ce qui le conduit à réorganiser des
installations et à écrire un Mémoire sur les fers de Lorraine et d’Alsace. En 1769,
il épouse à Nancy Marie-Madeleine Arnould, âgée de 20 ans, qui lui donnera huit
enfants, et dont le père Mengin est marchand chandelier et propriétaire de la
fonderie des suifs. Deux ans plus tard, Pierre-François succède à son beau-père
et à des membres de sa belle-famille dans cette entreprise.
La notoriété de Nicolas lui
vient de la fondation, en 1776, avec le médecin Henri Michel du Tennetar,
originaire de Metz, d’un cours privé de chimie pour les étudiants et les
amateurs, qui a lieu dans la pharmacie, rue du Pont Mouja. Au bout de quelques
mois, le Roi transforme ce cours en chaire de chimie de la Faculté de Médecine,
avec Michel comme professeur et Nicolas comme démonstrateur. Mais, très vite,
les deux hommes cessent de s’entendre, et Michel quitte Nancy en 1780. Le
laboratoire de Nicolas a été transféré à la Faculté et ce dernier a rédigé et édité
un livre intitulé “Cours de chimie théorico-pratique”. Pour succéder à Michel,
Nicolas, qui a reçu des lettres de provision, effectue rapidement ses études de
médecine et soutient sa thèse le 29 mars 1781. Il prête serment le 6 juin.
Nicolas fait parler de lui par
les travaux qu’il effectue et dont il publie les résultats.
Il analyse les eaux de Nancy et
celles de Saint-Dié dans les Vosges. Il améliore un procédé d’extraction du
phosphore des os, ce qui lui vaudra le surnom, donné par Fourcroy, de Nicolas phosphore.
Il est aussi un adepte de l’électrothérapie qu’il met en oeuvre dans les
maladies nerveuses et musculaires. Il s’intéresse à la distillation et est
chargé des expertises des eaux de vie à propos desquelles il rédige un “Manuel
du distillateur”. En 1783, il décide de lancer un aérostat, à l’image de la
réalisation des frères Montgolfier, et il y parvient le 19 décembre.
Toutes ces activités le
conduisent à être élu dans les sociétés savantes, en particulier à celle de
Dijon et à la Société royale des sciences et belles-lettres de Nancy qui
l’accueille en 1782 et où il présentera plus de vingt mémoires jusqu’à la
Révolution. Lorsque celle-ci éclate, Nicolas adhère au mouvement et participe à
de nombreux titres à la vie publique et politique de la commune et du district.
Il est aussi capitaine dans la Garde nationale et médecin de la maison de
réclusion. Il est mêlé aux activités de Marat-Mauger, en 1793, et arrêté en
février 1794 alors qu’il se fait appeler Terre végétale... Heureusement, tout
cela n’a pas de suites fâcheuses pour lui.
Avec la recréation des
structures d’enseignement, Nicolas est nommé professeur à l’Ecole de santé de
Strasbourg, mais il refuse de s’y rendre en raison de l’absence de laboratoire.
Il est élu membre non résident
de l’Institut national de France à sa création en 1795, puis il est nommé professeur
d’histoire naturelle à l’Ecole centrale de la Meurthe, à Nancy, et professeur de
chimie à la Société de santé de la ville. Mais il quitte soudain Nancy au
milieu de l’année 1798 pour des raisons qu’il dit
impérieuses, pour se rendre à Paris. Nous ne connaissons pas ces raisons qui
peuvent être multiples.
Dans la capitale, Nicolas
travaille avec Chaptal, sans doute avec Fourcroy, peut-être avec Berthollet qui
le connaît à la suite d’une mission dont Nicolas a été chargé dans les salines en
1794. Il s’intéresse à la naturalisation des animaux et dédie un travail à
Lucien Bonaparte. Mais il ne reste pas à Paris et, là encore, nous ignorons
pourquoi.
En 1801, il est nommé professeur
à l’Ecole centrale du Calvados, à Caen, puis, en 1808, professeur de physique
et de chimie à la Faculté des sciences. Il entreprend une réédition de son
cours de chimie, et est élu à l’Académie de Caen. Plusieurs travaux datent de
cette époque, et, en particulier, des recherches sur la phtisurie sucrée,
publiés avec Gueudeville en 1803 puis 1805, qui montrent que le sucre trouvé
dans l’urine des diabétiques n’est pas celui présent dans l’alimentation.
Pierre-François Nicolas prend sa retraite en 1811 et décède à Caen le 18 avril 1816.
Depuis sa mort, les auteurs de
biographies lui ont attribué de nombreuses recherches et publications qui ne
sont vraisemblablement pas de lui. Il n’a pas encore, à ma connaissance, fait
l’objet d’une étude exhaustive. Je pense qu’il le mérite parce qu’en dépit sans
doute d’une grande ambition, certainement assurée par de hautes protections, il
a participé à la révolution chimique de la fin du XVIIIe siècle et parce qu’il
était, je crois, l’homme le plus entreprenant et le plus ouvert au progrès de
la Faculté de médecine de Nancy du siècle des Lumières.