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LES ATTRIBUTIONS DU COLLEGE ROYAL DE MEDECINE DE NANCY EN MATIERE DE PHARMACIE

 

Pierre LABRUDE et Marie-Hélène MIGNARDOT

 

Au milieu du XVIIIe siècle, des collèges de médecine étaient établis dans plusieurs grandes villes de France comme Lyon, Bordeaux, Marseille ou Rouen. En revanche, la ville de Nancy, capitale des duchés de Lorraine et de Bar, n’en possédait pas.

Le duc-roi Stanislas avait dans son entourage un médecin de grande réputation et d’illustre ascendance, Charles Bagard. Il eut l’idée de faire créer à Nancy, à l’instar de ce qui existait dans ces autres villes, un collège qui grouperait les médecins et serait à la fois une académie et une école ainsi qu’une sorte d’ordre et de service municipal de secours aux déshérités. Le projet, auquel Stanislas prêta une oreille bienveillante, fut mis en chantier à partir de septembre 1751 et aboutit à la signature de lettres patentes données par Stanislas à Lunéville le 15 mai 1752, qui portaient création à Nancy d’un Collège royal de médecine et comportaient ses statuts et règlements.

Ces statuts et règlements précisaient notamment les domaines d’intervention du Collège royal de médecine en matière de pharmacie, à savoir :

- L’enseignement, évoqué dans l’article XXV. Il précisait que le Collège se chargerait de faire des cours d’anatomie, de botanique et de chimie. L’existence de cet enseignement fut brève et se déroula au mieux de 1753 à 1768, année du transfèrement de la Faculté de médecine mussipontaine à Nancy, et plus particulièrement dans les locaux du Collège royal. Dès lors, il devint impossible de faire coexister deux enseignements similaires dans les mêmes locaux.

L’enseignement prodigué par le Collège ne rencontra que peu de succès auprès des élèves apothicaires pour qui la seule formation obligatoire était alors l’apprentissage chez un maître, dont le nombre était de six à Nancy. Enfin, l’existence de cet enseignement semble jusqu’à aujourd’hui plus théorique que réelle, aucun document relatif à ce sujet n’ayant encore pu être retrouvé.

- La participation aux examens. Les examens conduisant à la maîtrise d’apothicaire comportaient cinq épreuves, chacune se déroulant sur trois heures : une première épreuve portant sur les principes de chimie et de pharmacie galénique (article 28 des statuts des apothicaires de Nancy), une seconde épreuve appelée « herborisation », se déroulant entre juin et septembre (articles 29 et 30), une troisième épreuve de démonstration de drogues (article 31). Ensuite, cinq chefs-d’oeuvre devaient être réalisés par l’aspirant : un composé solide, une confection, un sirop, un onguent et un emplâtre (article 32). Pour Willemet, en 1762, il s’agissait des tablettes de soufre, de la confection Hamech, du sirop de chicorée composé, de l’onguent modificatif d’ache et de l’emplâtre de Vigo composé. Enfin, quatre questions de pharmacie étaient données par le président du Collège à l’aspirant qui disposait d’un mois pour préparer ses réponses, qu’il exposait devant le président et le corps des apothicaires (article 34). Cette épreuve, appelée

“Conclusions de pharmacie” semble avoir été spécifique à la maîtrise de Nancy et elle exista jusqu’au rattachement de la Lorraine à la France.

L’article LII des statuts du Collège précisait qu’il nommerait deux agrégés qui devraient assister à chaque épreuve. Le Collège réglementait les examens, il autorisait les soutenances d’épreuves et en fixait les horaires, mais il réglait aussi les litiges relatifs à ces examens. Cette sorte de police causa des tensions avec les apothicaires, qui voyaient d’un mauvais oeil le fait d’être dirigés par un autre corps professionnel. Ce fut le cas par exemple en 1764 à propos des examens de l’aspirant Bastien.

- Les inspections des pharmacies étaient définies par l’article L : “

Le Président et l’un des Conseillers, feront tous les six mois, les visites des pharmacies des apothicaires et des hôpitaux et maisons de charité, de même que celles des boutiques des marchands droguistes de la ville de Nancy”. Les officines furent inspectées en premier et se révélèrent dans l’ensemble correctement tenues et convenablement fournies. Ensuite, ce furent les pharmacies des hôpitaux, mais, à l’inverse, nombre d’entre elles furent déclarées mal tenues. Décision fut donc prise d’inspecter ces pharmacies non plus tous les six mois, mais tous les deux mois. Au vu des bons résultats obtenus pour la ville de Nancy, les inspections furent étendues aux autres villes des duchés. Les plaintes contre l’exercice illicite ou exagéré des soeurs hospitalières de diverses villes des duchés sont nombreuses dans les archives.

- La lutte contre les charlatans était réglementée par l’article LI : “Le magistrat de la ville ne permettra aux charlatans, opérateurs et empiriques, de vendre, débiter ou exercer, qu’après avoir consulté le Président du Collège, qui en conférera avec le Conseil”. Des écrits attestent que le conseil du Collège se réunissait effectivement à ce sujet et décidait ou non de donner une autorisation à ces personnes. Citons par exemple le refus opposé au sieur Grecy en

1756. Cette intervention active du Collège en faveur des apothicaires fut très appréciée par ces derniers à qui les charlatans portaient un grand préjudice.

- La dispensation des remèdes par les maîtres apothicaires. Le Collège intervenait de plusieurs façons. Tout d’abord il délivrait les autorisations de commercialisation : le détenteur du remède et de sa composition adressait une demande au Collège qui nommait une commission chargée de l’examiner, puis de rédiger un rapport sur lequel il s’appuyait pour rendre sa décision.

C’est ainsi que les archives conservent l’autorisation accordée le 23 avril 1759 au sieur Pierson, apothicaire à Nancy, pour sa “Ptisane contre-vers & purgative”. Le Collège se chargeait aussi du contrôle de la dispensation des eaux minérales (de Vichy, Plombières, Bains, Bourbonne, Bussang, Spa, Sedlitz, etc.) qui, à cette époque, étaient considérées comme des remèdes. Enfin le Collège réglementait le tarif des drogues en éditant un catalogue des tarifs remis à jour une fois par an.

Nous n’oublierons pas, pour terminer, la fourniture gratuite de médicaments aux pauvres des campagnes par les apothicaires de Nancy, à partir de 1764, dans le cadre de la consultation des pauvres organisée chaque samedi matin par le Collège royal, sujet dont il a été question dans une précédente Lettre.

Le Collège royal de médecine de Nancy, malgré sa brève existence, une quarantaine d’années, et grâce à la volonté et à l’implication de l’ensemble des médecins agrégés, mais aussi des apothicaires, est intervenu de manière très active et positive dans le domaine de la Pharmacie, notamment en posant plusieurs des bases de la réglementation encore actuelle de la profession.