FRANÇOIS NICOLAS MARQUET
LE POULS ET LE MENUET
(1682-1759)
Georges
François Nicolas Marquet, né à Nancy en 1682, fait ses études de Médecine à la
Faculté de Montpellier et devient en 1720, médecin du Duc Léopold. Il sera
également médecin de l’Hôtel de Ville et en 1752, Doyen des Médecins de Nancy
et membre du Conseil du Collège Royal de Médecine qui vient d’être créé.
Sa contribution à la
connaissance médicale s’est traduite dans un ouvrage “Observations sur la
guérison de plusieurs maladies notables aiguës et chroniques, auxquelles on a
joint l’histoire de quelques maladies arrivées à Nancy et dans les environs
avec la méthode employée pour les guérir“.
Cet ouvrage, où N. Marquet
rapporte des observations cliniques et notamment la thérapeutique mise
en oeuvre avec succès, a une incontestable valeur historique.
ll est
également l’auteur d’un important dictionnaire historique des plantes de
Lorraine où chacune est soigneusement étudiée et où sont décrites ses
propriétés pharmacologiques.
La contribution la plus
originale de N. Marquet est sa méthode d’analyse et surtout de représentation du
pouls en utilisant les notes de musique. Cette méthode est consignée en 1747
dans un mémoire “Nouvelle méthode facile et curieuse pour apprendre
par les notes de musique à connaître le pouls de l’Homme et les
différents changements qui lui arrivent depuis sa naissance jusqu’à sa
mort”; une deuxième édition en paraît en 1761.
Dans ce travail, N. Marquet
insiste d’abord sur l’importance que, pour lui, revêt la connaissance du pouls
(qu’il écrit pous ou poux ou poulx)
: “le Cœur tient le même rang, et fait les mêmes fonctions dans l’Homme,
que le Balancier dans une Montre, ou dans une Horloge ; les Veines et
les Artères tiennent lieu de Roues, et les Nerfs sont les cordages qui
font agir la machine Hidrolique. Tant et si long-tems, que le mouvement du Coeur et des Arteres est réglé, le Corps de l’Homme reste dans
une santé parfaite, mais d’abord que ce mouvement se dérange par quelque
accident, la santé se trouve altérée par une infinité de maladies ;
c’est pour connaître ce dérangement, que 1’on a inventé le toucher du Pous, qui est une science absolument nécessaire aux
Médecins et aux Chirurgiens, science qui a quelque chose de divin,
puisqu’elle nous apprend non seulement ce qui se passe en nous, et
qu’elle nous instruit aussi de l’avenir”.
Il propose ensuite de donner du
pouls une représentation par les notes de musique et se défend d’emblée des
critiques qui peuvent lui être adressées : “mais il me semble déjà entendre
dire par certains Critiques que c’est une chose bizare,
d’apprendre à connoïtre le Pous
par Musique ; on peut leur répondre, qu’il n’est pas plus de bizarerie à peindre le pous avec
des notes, qu’il y en a, à peindre les sons de Musique avec les mêmes Notes,
à peindre les Nombres avec les Chiffres, et enfin, à peindre les paroles
avec les Lettres de l’Alphabet. D’ailleurs je n’ai pas été le premier à
faire le parallèle des cadences de la musique avec le mouvement du Pous. Avicene, Savonarola, Saxon, Fernel, et plusieurs autres sçavans Médecins de l’Antiquité, l’ont proposés
avant moi sans néanmoins le mettre à exécution”.
Puis N. Marquet décrit le pouls
naturel qui “dans notre système a donc toujours la même force et la même
cadence, garde toujours cinq tems entre chaque pulsation … il égale pour
l’ordinaire, la cadence du menuet mouvement”. A côté du “pouls naturel”,
il reconnaît des “pouls non naturels” où le sang, dit-il,
pêche en quantité ou qualité. Ainsi N. Marquet distingue-t-il
vingt-quatre sortes de pouls : le pouls grand, dû à des vaisseaux trop pleins,
le pouls petit, où les vaisseaux, au contraire, ne sont pas assez
pleins, le pouls profond, où le sang circule faiblement, le pouls tendu,
le pouls mol, le pouls convulsif, le pouls vite à quatre temps, le pouls
lent, le pouls inégal, etc. I1 conclut de manière péremptoire cette longue
liste par cette affirmation : “les Pous que
l’on appelle Raboteux, Ondés..., Arrondis, Longs..., Pétillans...,Evaporés..., Suffoqués, Solides ou Massifs ..., à queue de
Souris, sont tous imaginaires”.
Les pouls sont représentés par
une note de musique : noire pour le pouls naturel, blanche pour le pouls grand,
croche pour le pouls petit et double croche pour le pouls vermiculaire. Par ailleurs,
l’emplacement de la note sur une portée de musique, traduit également la
qualité du pouls : le pouls naturel est placé entre les deux premières lignes,
le pouls profond sur la première ligne, le pouls superficiel sur la seconde
ligne, etc. Des lignes verticales coupent l’ensemble des lignes horizontales,
marquant la “cadence ou mesure”, les petites lignes verticales qui ne dépassent
pas deux lignes horizontales voisines indiquent les intervalles (à raison de
cinq par mesure).
Par cette traduction ingénieuse
des caractères du pouls, N. Marquet a peut-être atteint son objectif de donner
à tous une méthode facile et sûre, mais ce ne fut,
bien sûr, que pour un temps.
Le pouls, certes, est resté, les
accents du menuet s’en sont allés.
N. Marquet était, dit-on, doué
d’un caractère difficile ; sa vie a été émaillée de procès et de querelles au
sein même du Collège de Médecine. Pourtant il avait, dit Lionnois,
la réputation d’un homme de coeur qui est mort en 1759, “victime de sa
charité... pendant qu’il arrachait à la mort plusieurs malheureux
atteints d’une maladie contagieuse”.