UN VIEUX MEDICAMENT EN
RELATION AVEC TOUL
LE BAUME DU COMMANDEUR -
HYPOTHESES SUR SON ORIGINE
Pierre LABRUDE
Le Baume du commandeur apparaît
en France en 1694 dans la première édition de l’Histoire générale des
drogues du marchand droguiste parisien Pierre Pomet.
C’est un médicament vulnéraire, fondant et résolutif, propre à guérir les
plaies, les blessures, les contusions, et à faire disparaître l’inflammation.
De plus, absorbé dans du bouillon ou dans du vin, il est réputé efficace dans
la colique, la goutte, le mal de dents, la petite vérole, les hémorroïdes, les fluxions,
les maux des yeux, et l’encloueure des pattes des
chevaux. C’est donc une panacée.
Selon la formule donnée par Pomet, on l’obtient en laissant au soleil, pendant la
canicule, une bouteille d’esprit de vin contenant du baume sec, du storax, du
benjoin, de l’aloès, de la myrrhe, de l’encens, de la racine d’angélique et des
fleurs de millepertuis. A l’issue de cette exposition, on filtre et on conserve
ce liquide brun, fluide et d’odeur aromatique assez agréable dans un flacon
bien bouché. Pomet écrit qu’il n’y a point de coup
de fer ou de feu, ... , qu’on ne guérisse dans huit jours, en y mettant
de ce baume ... Cet admirable médicament a été inventé, dit-on, par Gaspard
de Pernes, commandeur de l’Ordre de Malte à Toul-Libdeau.
Peut-être né à Autun vers 1634, il est entré dans l’Ordre en 1650 et a été
nommé commandeur en 1682. La commanderie de Libdeau
est associée à celle de Xugney, près de Charmes dans
les Vosges.
Toutes deux ont d’abord
appartenu à l’Ordre du Temple.
La formule du baume a été
transmise à Pomet, - c’est lui qui l’écrit -, par le
“lieutenant de roi” de Toul, M. de Rarécourt de La
Vallée de Pimodan. Il appartient à une ancienne
famille originaire d’Argonne, qui s’est d’abord illustrée à Toul avec
Christophe, évêque de 1588 à 1607, et son neveu Claude. On ne sait rien des
raisons qui ont conduit M. de Pimodan à connaître cette
formule de médicament qui ne semble pouvoir lui venir que de M. le Commandeur.
Mais on ignore également tout de leurs relations, si ce n’est que leurs hôtels
sont dans la même rue de la ville, la rue du Saint-Esprit,
actuellement rue Général Gengoult. On ignore tout
autant les motifs qui ont abouti à la transmission entre M. de Pimodan et M. Pomet, ni comment
et où ils se sont rencontrés et connus.
Une autre question importante
est celle de l’origine de ce médicament. Parmi ses autres noms figure celui de baume
persique, et il nous semble en effet qu’il faut rechercher la composition
initiale de la formule plutôt au Moyen Orient qu’en Occident, compte tenu en particulier
des origines géographiques de la plupart des plantes qui la constituent. Le
Baume provient sans doute du service médical de l’Ordre du Temple ou de celui
de Malte, qui était bien organisé, et pourrait l’avoir “emprunté”, sans qu’on
sache comment, à ceux qu’il combattait en Terre Sainte. Des modifications sont
sans doute intervenues ensuite, en particulier l’introduction de l’angélique et
du millepertuis, peut-être en France par un des ordres, peut-être, pourquoi
pas, par Gaspard de Pernes. Par ailleurs, tant les Turcs et d’autres peuples,
que les chevaliers du Temple ou de Malte, avaient besoin de médicaments actifs
dans le traitement des plaies et des blessures.
Le fait qu’on trouve de nombreuses
recettes analogues à celle du Baume, laisse à penser que la formule originale,
sans doute unique, a subi diverses modifications tout au long de son essaimage
depuis sa source sans doute moyen-orientale. Ces modifications rendent
extrêmement difficile aujourd’hui de situer et de dater avec certitude son
origine. Deux exemples de cette “dispersion” et de cette variation sont d’une
part l’existence du Baume des Turcs et d’autre part celle du Baume
sympathique qui figure à la fois dans L’officine de Dorvault et dans un formulaire nancéien du XVIIIe siècle...