PICARD Jean-Marie

 

1925-1992


` sommaire

 

ELOGE

Jean-Marie PICARD est né à Metz en 1925 dans une famille de tradition médicale. Son père, médecin du travail, quitta Metz pour Nancy pendant la guerre, pour soustraire Jean-Marie au travail obligatoire en Allemagne, rançon des habitants de la Moselle à cette date, et lui permettre de faire ses études de médecine à la Faculté de Nancy.

En 1947, alors qu'il était en 4ème année, PICARD commença à travailler comme laborantin dans le Centre de Transfusion qui venait juste d'être créé par le Professeur Paul MICHON. Tout en poursuivant ses activités transfusionnelles, il fit ses études d'anesthésie à la Faculté de Paris (seule faculté enseignant l'anesthésie à l'époque, la discipline n'ayant été reconnue discipline médicale qu'en 1948). Il fut diplômé en 1952. Il fut le premier médecin anesthésiste de la Région Lorraine et a travaillé avec les Professeurs LOCHARD (chirurgie thoracique) et CHALNOT (chirurgie cardiaque) dans des sphères où les problèmes transfusionnels étaient majeurs.

Nommé Directeur de la Réanimation au Centre de Transfusion en 1953, il y a développé des techniques utiles à l'anesthésie réanimation : dons du sang, CEC (dès 1955), mise en route du centre de dessiccation du plasma, premières exsanguino-transfusions chez le nouveau-né, rein artificiel (avec le Professeur Alain LARCAN en 1958)....Dès le début, il travaillait au Centre de transfusion avec le Docteur Emile REMIGNY, qui était appelé à faire une carrière hospitalo-universitaire en hématologie à Nancy. Reçu à l'écrit de l'agrégation, il se rendait par le train à Paris pour passer l'oral, le 18 juin 1961, lorsqu'un attentat attribué à l'OAS a entraîné un effroyable déraillement du train Strasbourg-Paris, à St-Dizier, se soldant par de nombreux morts dont le Docteur REMIGNY.

Le Professeur PICARD a continué à mener de front ses activités anesthésiques et transfusionnelles jusqu'en 1966, date à laquelle il a été nommé Professeur d'anesthésiologie et qu'il a structuré le département d'anesthésie, en l'individualisant des services de chirurgie. Il fut le premier professeur d'anesthésie nommé à Nancy. Il eut ainsi l'entière responsabilité de l'enseignement de la spécialité d'anesthésie. Auparavant, à Nancy comme ailleurs en France, c'étaient les professeurs de chirurgie qui étaient responsables du CES d'anesthésiologie : le Professeur ROUSSEAUX, neurochirurgien, jusqu'en 1956, puis le Professeur CHALNOT, chirurgie générale et cardiaque, jusqu'en 1966.

Tout en structurant la pratique de l'anesthésie dans les services du CHU, créant ainsi en 1966, le premier département d'anesthésie, le Professeur PICARD a développé, avec le Professeur Marie-Claire LAXENAIRE, nommée en 1969, une véritable école d'anesthésie, avec un enseignement très encadré de la spécialité, théorique et pratique, accueillant 20 à 25 étudiants de la spécialité par an. La grande majorité des médecins anesthésistes travaillant actuellement en Lorraine ont été formés à Nancy. S'il n'y avait en 1952 qu'un seul médecin anesthésiste diplômé en Lorraine, il y en a plus de 300 désormais.

Après l'ouverture de Brabois, le département d'anesthésie du CHU fut scindé en deux services d'anesthésie : Hôpitaux de Brabois auxquels fut rattachée une unité de 14 lits de réanimation chirurgicale gérée par l'anesthésie (ce qui représentait une réelle innovation pour l'époque) et Hôpitaux de Ville et Jeanne d'Arc (une unité de réanimation chirurgicale n'y fut individualisée qu'en 1990). Le Professeur PICARD fut le chef du service d'anesthésie-réanimation chirurgicale des Hôpitaux de Brabois jusqu'à son départ en retraite (1976-1984).

Le professeur PICARD a été à l'origine de la création à Nancy de l'école d'infirmières d'anesthésie, à une époque où un certain nombre de facultés refusaient d'enseigner les infirmières par crainte de la concurrence... Il a été le pionnier en le domaine car plus tard les écoles de formation des infirmières à la pratique de l'anesthésie ont du être créées dans tous les hôpitaux universitaires français, imposées par une législation précise.

Ses principaux centres d'intérêt  ont été : le matériel d'anesthésie et de réanimation, la surveillance des installations des gaz médicaux, l'informatisation de la feuille d'anesthésie. Pour assurer la maintenance du matériel, il a contribué, dés 1968, à la création d'une équipe de techniciens, placés sous son contrôle, et dont l'atelier se situait dans le service d'anesthésie (embryon du futur service biomédical du CHU) Pour assurer le contrôle de l'installation des gaz médicaux dans toute nouvelle structure et le contrôle régulier des anciennes installations, il avait créé un appareil permettant la mesure de la qualité des gaz, ce qui était une réelle innovation ; il est toujours utilisé par la Commission des gaz médicaux de l'établissement. Quant à l'informatisation de la feuille d'anesthésie, elle a été imaginée avec le service d'informatique de la Faculté de médecine en 1972 (Professeur MARTIN). Si elle n'a pu se finaliser, c'est par manque de moyens informatiques de l'établissement hospitalier. Cette idée a eu l'énorme avantage d'imposer à chaque médecin anesthésiste la rédaction d'une fiche pour chaque anesthésie, ce qui était, avant l'heure, la constitution du dossier d'anesthésie.

Son départ en retraite en 1982 ne l'a pas empêché de continuer à œuvrer pour l'anesthésie car il a poursuivi avec compétence et rigueur intellectuelle ses activités d'expert en anesthésie près la Cour d'Appel de Nancy et la Cour de Cassation. Il a même été, pendant les 12 dernières années de sa vie. Président de la Compagnie des Experts Judiciaires auprès du Tribunal et de la Cour d'Appel de Nancy. C'est au titre du Ministère de la Justice que, déjà Chevalier des Palmes Académiques (1981), il a été fait Chevalier dans l'Ordre National du Mérite en 1991.

Jean-Marie PICARD , au-delà de cette carrière bien remplie au service de tous, était un homme de grande convivialité, toujours disponible, généreux, profondément respectueux d'autrui, aimant les contacts humains et sachant animer l'équipe de ses collaborateurs. I1 était juste et simple, ce qui lui conférait le don de transmettre la confiance aux malades, à ses proches, et ses collaborateurs. Toute sa vie il a œuvré pour rapprocher les hommes et leur permettre de réaliser de grandes actions sociales et professionnelles. Il s'est donné à fond dans l'anesthésie-réanimation, l'a fait accepter à tous comme une discipline médicale universitaire et de cela nous lui sommes profondé­ment reconnaissants et ne l'oublierons jamais.

Professeur M-C. LAXENAIRE