LEON POINCARE ET SON
OEUVRE DE PRECURSEUR
Eric SALF
Le nom de Poincaré est suffisamment
répandu dans la toponymie nancéienne pour que soient rapportées quelques
savoureuses orthographes médiévales : Poincarré
(1367), Poinquaré, Poingquarrez,
Poingcarré (1403, 1418).
Le professeur Emile Léon
Poincaré est né à Nancy le 16 août 1828. Son lignage provient de Landaville (54) au XVIIe siècle
puis de Neufchâteau (88) au XVIIIe siècle où son
grand-père Jean Nicolas est marchand de bois. Jacques Nicolas, son père, est
pharmacien à l’angle de la Grand’Rue et de la Rue de
Guise où l’officine existe toujours.
Léon Poincaré fait ses humanités
au lycée royal de Nancy jusqu’en 1847. Il est major de promotion à l’hôpital
militaire d’instruction de Metz en 1848 et en 1849. La fermeture de l’hôpital
de perfectionnement du Val-de-Grâce en mai 1850 et
les nouvelles conditions d’accès à l’état de médecin militaire (être déjà
docteur en médecine) poussent Léon Poincaré à terminer en deux ans ses études à
la Faculté de Paris où il soutient le 3 juillet 1852 une thèse intitulée : “De
l’ophtalmie purulente des nouveaux-nés” qui anticipe de plus de trente ans la
prophylaxie de Crédé (1884).
Le Docteur Léon Poincaré débute
à Nancy sa carrière libérale dès 1852 tout en exerçant des fonctions
médico-sociales (bureau de bienfaisance, vaccination) et d’enseignement (chef
de clinique médicale à l’École de Médecine). Il épouse à Arrancy
en 1853 Eugénie Launois (1830- 1897). Son fils Henri,
le futur célèbre mathématicien, né le 28 avril 1854, et sa fille Aline, seront
les témoins fidèles de son oeuvre.
Préparateur (1853) puis chef des
travaux anatomiques (1854-1857), il se dévoue remarquablement lors de deux
épidémies (1854-1855). Il est nommé professeur adjoint d’anatomie et de
physiologie à l’École de Médecine le 25 mai 1858, chargé de la physiologie (1858-1872)
pour une cinquantaine d’étudiants.
Son neveu Raymond, fils du
polytechnicien Antoine Poincaré, et futur Président de la République, naît en
1860.
Le Professeur Léon Poincaré
publie dès lors régulièrement, surtout sur le diabète, maladie dont il sera
atteint. Membre de l’Académie de Stanislas (1862), son intérêt se porte également
sur la thyroïde (1868).
Médecin de l’ambulance de
l’École Normale durant la guerre de 1870, L. Poincaré est membre de la
commission municipale de transfèrement avec Parisot
en juin 1871 et le 30 septembre 1872, il “enterre” au restaurant “Le France”,
avec tous ses collègues, l’Ecole de Médecine et de Pharmacie de Nancy
(1822-1872) qui est remplacée par la Faculté issue du transfèrement de la
Faculté de Médecine de Strasbourg.
Léon Poincaré poursuit sa tâche
comme professeur adjoint de physiologie à la Faculté de Médecine de Nancy le 10
octobre 1872. Son oeuvre principale, selon Bernheim est : “Leçons sur la physiologie
normale et pathologique du système nerveux” (1873-1874), deuxième édition (1877),
travail reconnu de tous les grands physiologistes contemporains, “oeuvre
précoce mais hardie, ingénieuse, et dans laquelle ses successeurs trouveront
toujours à glaner des idées utiles et fécondes” (Bernheim-1892). Ces “Leçons”
du Professeur Léon Poincaré sont analysées dans la récente thèse de médecine
(Nancy, 2000) du Docteur Jean Sébastien Joly, consacrée à la vie et l’oeuvre de
ce Nancéien.
Léon Poincaré verra alors son
professorat s’orienter vers l’hygiène. Chargé de cours entre 1874 et 1879, il
devient le premier titulaire de la chaire d’Hygiène de la Faculté, de 1879 à
1892.
Président de l’Académie de
Stanislas (1876-1877), membre du conseil central d’hygiène de Meurthe-et-Moselle
(1878) et de la commission centrale d’observations météorologiques (1878), il
multiplie les publications nationales et notamment communique plusieurs fois à l’Académie
des Sciences (1879) et dans de nombreux congrès internationaux d’hygiène (La Haye, Turin).
Parmi plusieurs dizaines de
publications, cet esprit original, ce médecin suractif
a “multiplié les travaux sur l’incidence de l’environnement sur la santé”,
“militant pour un service national d’hygiène”. Il “organisera un laboratoire
étudiant la toxicité de certains produits de l’activité quotidienne ou
industrielle”, mettant en garde la population contre leurs méfaits.
Pionnier de la médecine du
travail, il visite les usines avec ses étudiants.
En 1884 paraît : “Prophylaxie et
géographie médicale des principales maladies tributaires de l’hygiène ”, où la
stratégie prophylactique repose sur la connaissance de l’aire de répartition
des maladies, représentée sur une planisphère. En 1886 paraît son “Traité
d’hygiène industrielle” où il souligne l’importance du dépistage des nuisances
industrielles, des maladies qui en découlent, de l’ergonomie de l’homme à son
poste de travail et du rôle clef du médecin entre ouvriers et patrons. Dans les
années suivantes, il ne cessera de publier sur de nombreux sujets d’hygiène et
d’histoire de la médecine, tout en faisant de fréquents voyages en Europe.
Durant l’été 1892, en
contemplant une éruption de l’Etna, le Professeur Léon Poincaré fit une chute
occasionnant une grave blessure de la tête avec une forte hémorragie. Son
diabète s’aggrava et fut à l’origine de son brusque décès le 15 septembre 1892.
Il avait 64 ans.
Le Professeur Léon Poincaré,
membre correspondant de l’Académie de Médecine, grand médecin nancéien, a
réalisé une oeuvre novatrice et, par certains aspects, prophétique, en
physiologie, en hygiène, en médecine du travail et en histoire médicale, oeuvre
vaste et passionnante à lire. Il est un digne ancêtre des non-moins
célèbres Henri et Raymond Poincaré.