ETIENNE PARISET
(1770-1847)
MEDECIN DES ALIENES ET DES
EPIDEMIES AU XIXe SIECLE
Sylvain SALZGEBER
Qui se souvient, de nos jours,
du Docteur Etienne Pariset, même si une planche récente des “images d’Epinal”
est consacrée à son fabuleux destin. Il eut pourtant une vie mouvementée et
connut une notoriété certaine. Il fut un acteur important de la vie médicale et
intellectuelle de son temps, participant à l’effervescence qui marqua la
période post-révolutionnaire.
La vie d’Etienne Pariset
commence dans les Vosges, à Grand où il naît en 1770. Sa famille - le père est
cloutier - connaît de graves difficultés économiques et, à l’âge de cinq ans,
Etienne est envoyé à Nantes chez un oncle parfumeur, pour devenir apprenti. Il
effectue le voyage dans un panier suspendu sous la charrette qui le transporte,
ce qui lui vaut d’avoir un pied écrasé. Il lui faudra trois ans de
convalescence.
Il est scolarisé par son oncle,
apprend à lire et à compter avant de débuter son apprentissage.
Nostalgique de la courte période
studieuse qu’il a vécue, il profite de tous ses moments pour lire les auteurs
classiques. Devant son enthousiasme - Pariset déclame des vers tout en
effectuant son travail - son oncle le fait entrer au collège à 18 ans ; en deux
ans, il apprend le grec et le latin. Ses capacités sont remarquées par ses
maîtres dont Joseph Fouche, jeune séminariste, professeur de réthorique où il
excelle.
En 1790, il commence des études
de médecine et obtient une bourse pour faire ses études à Paris ; mais, à son
arrivée dans la capitale, il subit de plein fouet les famines du Directoire qui
le contraignent à abandonner ses études pour un emploi précaire de
bibliothécaire. Un de ses amis, Jean Honoré Riouffe, jeune écrivain et futur
préfet de la Meurthe, lui trouve un emploi de précepteur qui le met à l’abri du
besoin ; il gardera cet emploi huit années.
C’est également grâce à Riouffe
et à ses relations avec le parti Girondin que Pariset est introduit, sous le
Directoire, au salon d’Auteuil où se rassemblent des hommes politiques, des
philosophes, des médecins et des scientifiques héritiers des encyclopédistes.
Il entre ainsi en contact avec les philosophes idéologues, réformateurs de l’enseignement,
ainsi qu’avec des membres de la médecine et du clergé.
Ces rencontres ont joué un rôle
important dans l’orientation de Pariset. Parmi eux, il croise ainsi le docteur
Cabanis. Ancien médecin personnel de Mirabeau, il est un des réformateurs de l’enseignement
en général et de la médecine en particulier. C’est lui qui fait entrer Pariset,
qui a repris ses études médicales, au service des Hôpitaux. Il rencontre
également un médecin éminent, le docteur Pinel. Celui-ci, considéré comme le
fondateur de la psychiatrie en France, a publié une nosographie intitulée
“Traité médico-philosophique de l’aliénation mentale”, qui servira de cadre aux
connaissances psychiatriques pendant un siècle. L’influence de Pinel s’est
étendue à toute l’Europe et à l’Amérique Latine. Avant d’exercer la médecine,
Pinel a été journaliste ! Cet exemple va t-il influencer Pariset ?
Sous l’Empire, Etienne Pariset
commence à se faire connaître en publiant des traductions de l’oeuvre
d’Hippocrate, des articles scientifiques dans des revues médicales et d’autres,
politiques et philosophiques, dans différentes revues littéraires.
Il enseigne la psychologie, la
physiologie et l’hygiène au Collège de France. Sa vie va alors avoir une double
orientation : la psychiatrie et l’épidémiologie.
La psychiatrie : sous la
restauration, il est nommé à Bicêtre en remplacement de Pinel ; il prend la
charge des aliénés. Il défend, comme Pinel, Esquirol, le camp positiviste. Il
s’oppose aux méthodes de choc préconisées dans le traitement de l’aliénation
(saignée, usage de chaînes comme moyen de contention, bain glacé…) et propose
“un traitement moral de la folie” qui fait prévaloir l’écoute du patient, la
compassion et la resocialisation par le travail. Il participe à la commission
pour l’amélioration du sort des aliénés où il siège avec Pinel, Esquirol et
Royer-Collard.
L’épidémiologie : dès 1811, il
est médecin des épidémies de l’arrondissement de Sceaux, où il se fait l’ardent
défenseur de la vaccination antivariolique.
En 1821, il part en mission à
Barcelone pour observer l’épidémie de fièvre jaune la plus meurtrière que
l’Espagne ait connue. Les descriptions de cette catastrophe, que Pariset
adresse à différents journaux, bouleversent l’opinion française et donnent ainsi
naissance à un nouveau type de littérature, romantique compassionnelle et
macabre, dans laquelle le classique héros militaire est supplanté par le
médecin. A cette occasion, Pariset soutient la théorie de la contagion, sans
toutefois pouvoir la prouver, s’opposant aux partisans de la génération
spontanée. En l’absence de médication efficace, il propose des mesures
collectives et sociales contre ce fléau. Il est à l’origine des lois sanitaires
de 1822 qui prévoyaient le rétablissement des quarantaines en cas d’épidémie de
fièvre jaune, de peste et de choléra. A la suite de ce voyage, il est accueilli
à l’Académie royale de médecine.
En 1828, Pariset part observer
la peste en Egypte et en Syrie.
Il obtient la création d’un
hôpital à Tripoli. Au cours de ce voyage, il se lie d’amitié avec Champollion
avec lequel il correspondra par “hiéroglyphes”. Avec lui, il rencontre le pacha
du Caire, dont il soigne le fils. Il aurait reçu, en remerciement, l’obélisque
de Louxor, toujours visible place de la Concorde.
Après cet épisode, Pariset
n’apparaîtra plus que rarement sur le devant de la scène, à l’exception de
quelques interventions sur les débats médico-judiciaires qui défrayaient la chronique.
A l’occasion de “l’affaire Riviere”, il s’inscrit parmi les pionniers de
l’expertise médico-légale (1835). Pour la première fois, des médecins
démontrent, lors d’un procès, l’aliénation de leur patient dont ils obtiennent
la grâce.
En 1842, l’Académie des sciences
accueille Pariset comme académicien libre à la section de zoologie, au fauteuil
de Pelletier, le découvreur de la quinine. Au sein de cette Académie, son
action la plus notable fut la création de la Société Protectrice des Animaux ;
il avait pu constater l’état déplorable des animaux présents au Jardin des
Plantes. Il occupe ses dernières années à écrire de nombreux éloges
académiques, devenant, avec 35 éloges, l’écrivain le plus prolifique après vicq
d’Azir.
Il termine ses jours dans le
hameau de Mont Buisson de Luciennes (actuellement Louveciennes près de
Versailles) en compagnie d’un ami, Jean-François Cottenot, comme lui originaire
de Grand. Il décède à son domicile parisien le 8 juin 1847. Inhumé au Père
Lachaise, après que de nombreux discours aient été prononcés sur sa dépouille -
Bousquet pour l’Académie française, Duvernoy pour l’Académie des sciences, son
ami, François Arago obtint que la Ville de Paris lui accorde une concession
gratuite, le seul bien qu’il laissait étant sa bibliothèque dont l’inventaire
dura trois jours.