Article de présentation : Revue "binome" de la Faculté de médecine de Nancy
Seize leçons inaugurales et discours - Professeurs de médecine de Nancy
(textes réunis par B. Legras)
Editions Euryuniverse - 378 p - 2011
Vente par Amazon (format 22x28) : cliquez ici
Introduction
« Sachez aimer et respecter l'homme dans le
malade et vous respecterez, vous aimerez votre
science ». Paul Spillmann
Le but de cet ouvrage est de sauver d’un
possible oubli des textes anciens de grande qualité publiés pour la plupart
dans la Revue
médicale de Nancy. Il s’agit de
discours prononcés par d’éminents professeurs de la Faculté de Médecine de
Nancy entre 1887 pour le premier (Spillmann)
et 1977 pour le dernier
(Ribon). L’auteur a
sélectionné selon ses gouts treize leçons inaugurales complétées par trois
discours dont deux prononcés en fin de carrière, à l’occasion d’un jubilé
(Bernheim) ou d’un hommage solennel (Parisot).
Parmi ces seize professeurs (quatre
chirurgiens, cinq médecins, six biologistes, un obstétricien), plusieurs ont
connu des carrières exceptionnelles et sont de véritables gloires pour la
Faculté : Hippolyte Bernheim, Pol Bouin, Paulin de Lavergne,
Jacques Parisot.
Ce travail de mémoire complète différentes
réalisations dont la finalité est voisine : le livre sur les professeurs
de la Faculté de Médecine de Nancy décédés entre 1782 et 2005, l’album de
photos des médecins de cette Faculté entre 1885 et 2005, le document relatif
aux activités hospitalo-universitaires à Nancy de 1975 à 2005, l’ouvrage sur
l’histoire des hôpitaux de Nancy, sans oublier le site Internet relatif à la
médecine hospitalo-universitaire de Nancy de 1872 à 2010.
Les seize textes ont
été complétés par des éléments biographiques portant sur ces auteurs, souvent
l’éloge funèbre. Les textes sont présentés dans l’ordre chronologique,
les biographies dans l’ordre alphabétique. Afin de bien distinguer les
Nancéiens, professeurs ou non, nous avons mis leur nom en majuscule, à la
première apparition dans le texte.
Ces textes de référence présentent le
grand intérêt de nous apporter une vision évolutive
de la médecine, au cours d’une période de près d’un siècle, mais déjà assez
éloignée de l’époque actuelle, trente ans pour le plus récent. Les professeurs
y affirment l’importance de nouvelles disciplines, soit fondamentales :
histologie (Bouin, Collin), bactériologie (de Lavergne), anatomie pathologique (Watrin), soit cliniques : chirurgie
réparatrice (Gosserez), physio-pathologie
respiratoire (Sadoul), soit enfin de santé publique : médecine sociale (Parisot). On peut noter que certains développent des
positions en avance sur leur temps et comment ne pas penser, par exemple, à
Jean Lochard dont la leçon est d’un modernisme remarquable pour l’époque.
Ces documents dévoilent
aussi des éléments fort personnels : la haute idée de leur métier que se
faisaient ces Maîtres et le grand respect qu’ils manifestaient pour leurs
devanciers ; leurs parcours avant d’atteindre ce but prestigieux à leur
époque : être professeur titulaire d’une chaire ; leurs positions et
propositions relatives à l’enseignement (et notamment celle de Dufour dont le
texte est consacré presque uniquement à ce problème).
On rencontre également dans ces
écrits, des notions historiques : par exemple, la
chirurgie en Lorraine avant la création de la Faculté en 1872 (Michel) ou la
naissance de l'Ecole anatomique de Nancy (Collin) ou enfin une histoire de la gynécologie (Ribon).
En guise de conclusion, pour mettre en exergue la qualité d’écriture et de pensée de ces auteurs et pousser le lecteur à parcourir ces textes dans leur totalité, nous proposons un petit florilège de phrases extraites de leurs discours.
Citations choisies
Ancel - 1908 : C'est une des grandes faiblesses de l'homme de vouloir
tout juger sans rien connaître. Son esprit est ainsi fait qu'il sent
l'impérieux besoin d'avoir un avis sur toute chose et ce n'est malheureusement
pas seulement dans les salons qu'on entend solutionner les plus graves
problèmes par des hommes qui possèdent à peine les notions suffisantes pour
leur permettre de formuler une timide hypothèse.
Bernheim - 1911 : Saluons l'ère
scientifique contemporaine, comme l'aurore d'une thérapeutique nouvelle ! Que
les sceptiques ne découragent pas les croyants ! Tant de miracles scientifiques
s'accomplissent de nos jours !
Bodart - 1959 : On ne peut que rester confondu devant l'inimaginable crédulité de
l'homme d'aujourd'hui, quels que soient d'ailleurs
son rang social et son niveau
de culture.
Bouin - 1908 : Il ne suffit pas de démonter pièce à pièce et jusque
dans ses plus infimes rouages la machine vivante ; il faut également en
pénétrer le mystérieux mécanisme et chercher à saisir au
sein des cellules les manifestations vitales
élémentaires.
Collin - 1920 : En restant sur le plan physique pour faire de
l'histologie, pour cultiver les sciences biologiques et pour pratiquer la
médecine, nous sommes sûrs, par surcroît, d'être utiles à nos semblables et de
nous acheminer ainsi vers le but supérieur et le couronnement de la
science : connaître pour aimer.
De Lavergne - 1931 : Et
c'est alors que, venu que venu de loin, sans attache
aucune avec la Lorraine, étranger autant qu'on peut l'être, je suis
arrivé parmi vous... Certes, ce n'est point sans quelque émoi que je fis mes premiers pas dans
cette Faculté lorraine
que le renom de ses maîtres a, de tous temps, auréolée
de prestige.
Dufour - 1924 : A part
quelques très rares exceptions, nos étudiants ne s'intéressent qu'à ce qu'ils
voient et ne retiennent que ce qu'ils ont vu. Les raisonnements abstraits n'ont
pas de prise sur eux quand ils ne sont pas soutenus par des expériences.
Gosserez - 1962 : Ce recours de plus en
plus fréquent à la chirurgie esthétique nous
prouve qu'il y a actuellement, dans le monde travaillé par une crise de civilisation, et où la spiritualité a
souvent cédé devant le matérialisme,
un défaut d'adaptation, une incertitude du lendemain, que chaque individu
éprouve plus ou moins douloureusement,
mais auxquelles personne n'échappe complètement.
Lochard - 1962 : Cette pénétration des sciences et des
investigations objectives dans
la Médecine […] tient à son actif
tous les grands progrès qui se sont manifestés,
ou tout au moins elle en a aidé et permis
l'avènement et, dans l’avenir comme par le passé, c'est essentiellement par elle qu’il faut entrevoir l'essentiel des progrès futurs.
Michel - 1922 : Par votre
vie, par vos actes, montrez que vous avez au fond du cœur, autre chose que la
soif de l'or, ou le désir de faire du bruit autour de votre nom.
Parisot - 1957 : Ainsi, à côté de la médecine dite « de soins » la
médecine préventive et sociale constitue une étape logique dans l'évolution de
la Science médicale. La Médecine sociale […] a pour programme fondamental la
protection et le développement de la personnalité humaine considérée à la fois
comme valeur économique et comme valeur spirituelle.
Ribon - 1977 : Rester dans le réel et le possible,
c'est suivre le conseil donné il y a deux mille ans par Hérophile, le célèbre anatomiste d'Alexandrie : Par-dessus tout, le médecin devra connaître
les limites de son pouvoir ; car celui-là seul qui sait distinguer le possible
de l'impossible est un médecin parfait.
Sadoul - 1962 :
Il est utile pour trouver des solutions neuves que des groupes de travail rassemblent des hommes venus d'horizons
variés, ayant une formation différente
et si possible complémentaire.
Schmitt - 1910 : Sachez gagner
la confiance des malades, et quand leur mal dure, que leur courage faiblit, que
leur résignation se perd, quand vous-même vous n'espérez plus, apprenez et efforcez-vous,
malgré tout, à relever leur espoir ; ne prononcez jamais une parole qui puisse
les éclairer sur la gravité du mal et montrez-leur que vous luttez jusqu'au bout. Ils sont deux fois à plaindre, car ils sont malades et ils sont malheureux ; et à ce
double titre, ils
ont droit à
toute votre sollicitude, à tout votre
dévouement, à
tous vos respects.
Spillmann - 1887 : Pour étudier avec succès la médecine, il faut l'aimer
et l'aimer avec passion.
Watrin - 1938 : Chez tous, sans distinction, je veux exalter ce besoin de curiosité, qui est la clé la plus sûre de toutes sciences, m'efforçant de vous faire comprendre que l'obtention d'un diplôme ne procure qu'une satisfaction passagère et que le serment d’Hippocrate ne fixe pas définitivement la somme des connaissances à acquérir.