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Préface de Mgr Jean-Louis Papin

Evêque de Nancy et de Toul

 « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d'être incrédule, sois croyant » (Jean 20,27).

 

Lorsque j'étais enfant, ces paroles adressées à Thomas par le Christ ressuscité m'impressionnaient toujours. La scène stimulait mon imagination. C'était comme si j'y assistais et que je voyais Thomas mettre ses doigts dans les plaies toujours ouvertes et sanglantes du Crucifié. Je trouvais cette scène un peu gore .

Les années passant, je suis devenu plus sensible à la dernière parole adressée par Jésus à Thomas : « Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu » . Il ne s'agissait plus seulement de Thomas qui accédait à la foi en la résurrection de Jésus parce qu'il avait pu vérifier que celui qui lui parlait était bien le même qu'il avait suivi pendant trois ans et qui avait été crucifié. Il s'agissait de tous ceux qui sont venus après lui, et donc de moi. Nous étions invités à croire sans les signes dont Thomas avait pu bénéficier. Le fruit promis de cette situation, ce n'était pas une frustration. C'était un bonheur profond et durable. Oui, heureux sommes-nous qui croyons sans avoir vu !

Puis il y eut les années de séminaire avec les études bibliques et théologiques suivies d'un ministère de vingt années d'enseignement de la théologie à de futurs prêtres et à des laïcs en mission ecclésiale. Le récit de l'apparition du Ressuscité à Thomas a pris alors un relief nouveau. Il m'est apparu que pour l'auteur du quatrième évangile, il s'agissait d'attester non seulement que celui qui se manifestait aux disciples après la mort de Jésus était bien leur maître, mais aussi que sa résurrection n'effaçait pas ce qu'il avait vécu depuis sa naissance à Bethléem jusqu'à son dernier souffle sur le Golgotha. Au contraire, elle l'assumait pleinement et lui donnait une dimension d'éternité. Le Christ ressuscité demeurerait à jamais celui dont les mains et les pieds avaient été cloués sur une croix, et dont le côté avait été transpercé d'un coup de lance, laissant couler du sang et de l'eau.

Celui qui est apparu à Marie de Magdala dans le jardin où se trouvait le tombeau de Jésus, aux apôtres sur les rives du lac de Tibériade, dans la maison où ils s'étaient réfugiés, ou aux deux disciples sur la route d'Emmaüs n'était pas un être délivré de son corps, encore moins un fantôme. Les signes de la crucifixion inscrits à jamais dans la chair du Ressuscité attestent la permanence de son amour infini pour chacun de nous. Leur contemplation ne peut que susciter en retour notre amour pour lui et le désir de le faire connaître à la multitude de ceux pour lesquels il avait répandu son sang, c'est-à-dire à tous. Là est le fondement de notre foi en la résurrection de la chair et en l'Église née du côté ouvert du Christ.

Après deux livres dédiés l'un à la manifestation du Ressuscité à Marie de Magdala et l'autre à sa rencontre avec les deux disciples d'Emmaüs, Bernard Legras achève avec ce livre une trilogie consacrée aux manifestations de Jésus à ses disciples après sa crucifixion. Comme dans les deux ouvrages précédents, il allie à merveille peintures, sculptures et textes qui nous font passer alternativement de la lecture à la contemplation, nous permettant ainsi d'entrer sous divers modes dans la profondeur du message délivré par saint Jean l'Évangéliste.

Dans une lettre adressée aux artistes, saint Jean-Paul leur disait que le langage artistique permet à l'Église de « rendre perceptible, et même, autant que possible, fascinant, le monde de l'esprit, de l'invisible, de Dieu » . L'art n'est donc pas seulement un patrimoine du passé. « Il est aussi un carrefour culturel de la tradition vivante qui nous relie aujourd'hui à l'Évangile » .

 

Jean-Paul II, Lettre aux artistes, n°12 (1999).

Texte National pour l'Orientation de la Catéchèse en France (p.59) (2006).