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Préface de Jacques Roland[1]

 

« et le rapide oubli, second linceul des morts… » a écrit Alphonse de Lamartine.

Le cas de Théodore Guilloz est l’illustration de cette amnésie désastreuse. Mais pourquoi l’avoir oublié ? C’est d’abord la période de sa mort qui est en cause, elle survint en 1916 et les Nancéiens, et la France, avaient, pendant cette guerre meurtrière, bien d’autres préoccupations que de lui rendre justice, et étendre sa renommée.

J’avais été nommé chef de service de radiologie en 1998 dans un service à reconstruire : la « Radiologie centrale ». A force de passer dans un petit couloir encombré, j’ai lu attentivement une petite plaque de marbre, celle-ci dédiée à un certain professeur Guilloz, chevalier de la Légion d’honneur. Mais qui donc était ce Guilloz, dont je n’avais jamais entendu parler durant mes études de radiologie, pas plus que dans des ouvrages sur l’histoire de la Radiologie ? J’ai donc commencé une enquête qui m’a mené à un personnage extraordinaire, que le monde radiologique s’était empressé d’oublier ! Une rapide recherche bibliographique m’amena à une nouvelle surprise : un article écrit sur Guilloz par un pharmacien le Professeur Labrude.

La poursuite de mes recherches m’amena à cerner la personnalité de celui que jamais mes maîtres de radiologie n’avaient cité au cours de mes études et qui se révéla comme un personnage passionnant. A tel point que je fis donner immédiatement à mon service le nom de « Service Guilloz »

Théodore Guilloz, en effet, avait une qualité dominante : la curiosité scientifique. C’est elle qui guida sa carrière, essentiellement à Nancy, depuis la Faculté des sciences, en passant par l’École de pharmacie, pour finir à la Faculté de médecine. Cet éclectisme n’avait rien à voir avec une instabilité, c’était en utilisant ses connaissances successivement acquises qu’il pouvait étendre le champ de ses recherches qu’il termina en radiologie. Inspiré par les travaux de Roentgen, ce fut donc lui qui fonda l’École nancéienne de radiologie.

Un autre sujet d’admiration fut son patriotisme.

Dans ce Nancy proche du front, le Bois-le-Prêtre est à une vingtaine de km, la guerre se vivait au quotidien. Seule la Faculté de médecine avait été maintenue à Nancy ainsi que l’École de Pharmacie. Le courage et le dévouement de leurs enseignants, celui de leurs élèves firent que l’Université de Nancy reçut la Croix de la Légion d’Honneur.

Théodore Guilloz joua un rôle éminent durant le conflit à deux titres, d’abord en ayant installé un service de radiologie au service de la chirurgie de guerre, pour les blessés on pouvait donc diagnostiquer leurs fractures, repérer les éclats d’obus. On se rappelle, à la suite de la bataille du Grand Couronné en 1914, les centaines de blessés amenés sur des charrettes à l’Hôpital Central et étendus faute de places sur les pelouses… Combien ont été sauvés grâce aux renseignements de la Radiologie.

Un rôle inattendu lui fut donné grâce à ses connaissances en sciences physiques, il mit au service des artilleurs un système de repérage des avions allemands, dans le but d’améliorer la défense anti-aérienne. Pendant le conflit il avait par solidarité porté l’uniforme militaire.

Il mourut hélas très tôt des suites des séquelles de l’irradiation reçue au service des patients.

La Légion d’Honneur fut la récompense de ses mérites et de son dévouement. C’est une des personnalités les plus marquantes de notre Faculté de Médecine. Que ses exemples soient suivis, lui qui est enfin sorti de l’oubli.

Une fois de plus Bernard Legras a permis de raviver l’histoire de notre chère Faculté. J’en suis d’autant plus sensible et reconnaissant que j’ai été le premier chef du service Guilloz ! Il a donc pris une part essentielle à la réhabilitation d’un de nos aînés trop longtemps méconnu. »  

 



[1] Radiologue, ancien  professeur de la faculté de médecine de Nancy, et chef du service de radiologie de l’hôpital central, doyen de 1994 à 2004, président de la conférence nationale des doyens de 1994 à 2004, président du conseil national de l'ordre des médecins de 2005 à 2007.