` sommaire

Cent ans de vertiges : 1908-2008

 

Pr. Claude PERRlN (Nancy)

Numéro spécial de la  Revue du Syndicat National

des Médecins spécialisés en O.R.L. et Chirurgie Cervico-faciale

 

 

Naissance de l'objectivité expérimentale

 

En matière de vertiges et de troubles de l'équilibre, l‘ère moderne débute avec .l. E. Purkinje (1787-1869), anatomiste, histologiste, embryologiste et physiologiste tchèque qui fut un véritable visionnaire. Avant lui, les vertiges faisaient l'objet de débats philosophiques passionnés où s'était notamment illustré .l. Offray de la Mettrie (1709-1751), mais ne suscitaient pas de recherches médicales. Par l'auto-observation des manifestations déclenchées par la rotation du corps et en fonction de différentes positions de la tête (1820-1826), LE. Purkinje entre dans l'ère expérimentale objective de l'étude des vertiges et des troubles de l'équilibre. Il pense que ces manifestations fondent le cadre d'un chapitre particulier de la physiologie concernant la motricité affectée à nos relations avec le monde environnant sans, pour autant, parler encore d'équilibration ni de nystagmus. Il n'établit pas de relations avec les travaux de destructions labyrinthiques réalisés en 1824 par P-MJ. Flourens (1794-1867), et ses travaux resteront totalement ignorés jusqu'à leur traduction intégrale en 1918 !

C'est Vulpian (1826-1887) qui le premier emploiera le mot de nystagmus en 1861, bientôt suivi par les neurologues. P. Ménière (1799-1862) n'en fera pas mention dans les célèbres descriptions de la triade labyrinthique à laquelle son nom reste attaché.

L'attribution d'une fonction sensorielle affectée à |'équilibration aux différents canaux semi-circulaires est expressément formulée en  1870 par F.L. Goltz (1834-1902) à qui, en outre, doit être reconnu le mérite d'avoir observé la notion très féconde que la réhabilitation motrice de grenouilles ayant subi des exérèses étendues de cortex cérébral n'est complète que si les animaux ne sont pas entravés. Son élève et successeur à Strasbourg alors allemande, J.R. Ewald (1855-1921), réalise sur les canaux semi-circulaires du pigeon des expériences de stimulation basées sur la création de courant ampullipète et ampullifuge permettant d'établir les lois qui portent son nom. Il donnait consistance aux travaux convergents de J. Breuer (1842-1925), E. Mach et A. Crum-Brown établissant dans les années 1873-1874 que ces canaux semi-circulaires fonctionnaient comme un dispositif inertiel freiné par les frottements et dont la disposition orthogonale les rendait aptes à enregistrer les mouvements de la tête dans les 3 plans de l'espace. Enfin, l'apparition d'un nystagmus au cours et à la suite de  mouvements de rotation de la tête est clairement considérée comme la preuve d'un bon fonctionnement labyrinthique par Kreidl en 1892.

 

 

La labyrinthologie clinique

 

La clinique suivra avec retard. Sçhwabaçh rapporte un cas d’infection grave de l'oreille associé à un nystagmus en 1878. Lucae décrit le signe de la fistule labyrinthique en 1881 et, c'est Jansen qui, en 1894, dénonce le nystagmus comme signe d'appel  chirurgical au cours des labyrinthites à une époque où, en raison des risques chirurgicaux, les opérateurs étaient à la recherche d'un indice de gravité obligeant à intervenir. En 1904, Hennebert décrit le signe de la fistule inverse, interprété comme signe de laxité ligamentaire de l'articulation stapédo-vestibulaire dans la syphilis.

En fait, le départ de la labyrinthologie moderne devait s'effectuer à partir du nystagmus provoqué par une stimulation calorique, et c'est R. Barany (1876-1937) qui en a, à la fois, fondé les bases et assuré l'essor. Le constat de départ était le nystagmus observé lors des lavages d'oreille à l'eau froide et le premier argument décisif établi par Barany a été l'inversion de la direction du nystagmus quand le lavage était effectué à l'eau chaude, ce qui a donné lieu à une note technique publiée à la Société d‘Otologie de Vienne en 1905. Un travail dense de 104 pages devait faire suite l'année suivante, exposant une théorie cohérente du mécanisme du nystagmus reposant sur la création d‘un courant endolymphatique d'origine thermo-convective. Un argument de poids était l’inversion de la direction du nystagmus provoqué par la bascule de la tête qui retournait du même coup le canal semi-circulaire intéressé par la stimulation calorique.

Cette inversion, spécifique du nystagmus d'origine calorique, à l'exclusion des nystagmus d'origine rotatoire, galvanique ou pressionnelle, renforçait la démonstration. Barany s'est livré à un inventaire de toutes les situations donnant lieu à l'apparition de nystagmus et à sa recherche dans les affections cliniques à tropisme labyrinthique. Il a débordé ce cadre strict pour reconnaître les tumeurs développées sur le tronc du nerf auditif. On lui doit également la description du vertige positionnel avec son assistant Carlefors, la notion de position déclenchante et même le constat rapporté par certains patients que le maintien volontaire de la position critique pouvait avoir à terme un effet thérapeutique.

 

Les déviations segmentaires

 

Dès 1846, Romberg (1795-1873), considéré comme le fondateur de la neurologie, immortalise son nom en décrivant l'effondrement des malades atteints de tabes dorsalis lorsqu'on leur demande l'occlusion des yeux. M. Charcot décrira la déviation de la marche en 1874, Babinski et Weil la marche en étoile en 1913. En 1938, Unterberger proposera le piétinement sur place. Mais, c‘est Barany qui décrit en 1906 la déviation des membres supérieurs et l'épreuve de l'indication. La confrontation des résultats de la recherche de ces différents signes permet la séparation entre syndromes harmonieux (d'origine périphérique) et syndromes dysharmonieux (d'origine centrale).  

 

Les épreuves instrumentales

 

ll appartenait à Barany de codifier l'épreuve calorique, épreuve reine pour celui qui avait échafaudé un système cohérent reposant sur elle. Il y pourvoit dès 1906 et propose d'emblée également la stimulation bilatérale simultanée. Utilisant un otogoniomètre et réglant la température de l'eau par un otocalorimètre, Brünnings, en 1911, codifie les trois positions qui portent son nom, pour une observation optimale.

Bien plus tard, en 1942, Fitzgerald et Hallpike, soulignant la difficulté d'observer le début des secousses nystagmiques, proposeront de noter l'intervalle de temps séparant début de l'irrigation et fin du nystagmus (plus aisément observable). A cette époque, l'accord semble fait pour le choix de 37° et 44° comme températures de référence (il y a des exceptions, comme Kobrak par exemple). Les paramètres de référence sont essentiellement la durée et l'intensité (amplitude, fréquence, et, bientôt, vitesse angulaire de la phase lente), et, de façon diversement appréciée, la latence. Torek note qu'il y a culmination fréquentielle entre la 30 et la 60ème seconde de l'épreuve codifiée d'Hallpike. Henrikson montre que cette période est aussi celle où la vitesse angulaire est la plus élevée. La nystagmographie informatisée tiendra compte de ces constats. .

Organe inertiel, le labyrinthe n'est sensible qu'aux accélérations et non aux vitesses et la mise au point d'une épreuve rotatoire fiable souffrira longtemps de cette particularité. Au terme d'une épreuve comptant 10 tours en 20 secondes comme le proposait Barany en 1906, l'opérateur observe deux effets intriqués : nystagmus per-rotatoire et nystagmus post-rotatoire. Buys, en 1909, remédiera partiellement à cet inconvénient en utilisant une accélération infraliminaire permettant d'atteindre la vitesse angulaire de l'épreuve précédente L'arrêt brutal permet alors, en théorie, de n'observer que les effets de cette décélération brutale.

En 1948, Van Egmond, Groen et Jongkees proposeront une série d'épreuves, selon le modèle de protocole de Buys, explorant toute une gamme de vitesses angulaires. Etudiant réponses nystagmiques et sensation ressentie par le sujet, ils pensent ainsi appréhender durée et valeur de la déflectivité cupulaire et considèrent qu'ils réalisent ainsi une cupulométrie. Utilisant l’électronystagmographie en continu, Montandon, en 1954 propose une épreuve comportant une accélération angulaire constante et entretenue, avec recherche du seuil d'apparition du nystagmus. Après palier à vitesse constante, il réalise soit décélération régulière, soit arrêt brusque.

Mais c'est l'épreuve rotatoire amortie, obtenue par les mouvements périodiques d'un fauteuil solidaire d'une barre de torsion écartée de sa position d'équilibre, proposée en 1961 par Greiner, Conraux et Collard qui sera appelée au plus brillant essor. Elle permet, en effet, de stimuler quasi symétriquement les deux labyrinthes par une succession d'accélérations angulaires dégressives. Associée à l'enregistrement nystagmographique en continu, elle devait pendant de nombreuses décennies être la référence de base en matière d'exploration instrumentale rotatoire. Malheureusement, victime de son succès, elle a eu l'inconvénient de détourner le médecin de l'approche clinique raisonnée de son malade et de conduire à des excès d'interprétation des tracés et de leur moindre altération (salves, bouffées, pauses, crochetages. micro-écriture, etc.).

L'effet de l'orientation du regard par rapport à la direction du nystagmus a été connu très tôt, obligeant à prendre des mesures en conséquence. Jansen avait observé en 1898 que le nystagmus spontané, d'origine clinique, est renforcé, par le regard dans sa direction. Wanner en 1912 étendra ce constat au nystagmus post-rotatoire du sujet sain, et Alexander en tirera une classification en 3 degrés de l'intensité du nystagmus. Dès 1906, Barany observait le nystagmus derrière lunettes grossissantes. Les lunettes de Bartels apparaîtront en 1912.

Le nystagmus d'origine centrale n'obéit pas aux mêmes règles : c'est ce qu'établit Holmes en 1917 à propos du nystagmus cérébelleux. Et c'est ce qui déterminera en 1968 Demanez à définir un indice de fixation visuelle, dans l'intention d'opérer une discrimination à propos d'un nystagmus indéterminé. On sait aujourd'hui que le seul fait pour un sujet, lors d'une épreuve rotatoire, de fixer une cible imaginaire, dans l'obscurité, à des répercussions sur les tracés enregistrés.

Toutes ces particularités ont eu des conséquences pratiques importantes dans l'exécution des épreuves instrumentales. La vidéonystagmoscopie sera très utile sur ce plan au cabinet du médecin.

 

Quelques repères importants

 

1919

M. Lermoyez, le fondateur de la clinique Oto-rhino-laryngologique parisienne avec Sebileau, décrit « le vertige qui fait entendre » qu'il considère comme un vertige de Ménière à rebours et assimile à l’onglée des doigts qui précède le retour de l'irrigation sanguine chez le sujet victime d'une gelure ou atteint d'un syndrome de Raynaud. On doit aussi à Lermoyez un aphorisme qui n'a rien perdu de son actualité et qui gagnerait à être médité en notre époque où seules courbes graphiques et images sont jugées dignes de crédit : « si vous n'avez pas fait le diagnostic d'un vertige à l'interrogatoire, vous ne le ferez jamais ! »

 

1927

G. Portmann pratique une intervention à visée décompressive sur le sac endolymphatique pour atténuer  les  vertiges d'une triade labyrinthique de Ménière. Cet auteur avait réussi, un des premiers, à visualiser la cupule en injectant de l'encre de chine dans le labyrinthe de la raie, qui communique largement avec le milieu marin ambiant.

 

1938

C.S. Hallpike (1900-1979) rapporte avec H. Cairns les corrélations anatomo-cliniques précises (avec coupes histologiques d'une grande qualité à l'appui), de malades décédés des suites d'une intervention neurochirurgicale réalisée pour « syndrome de Ménière ». ll propose une explication pathogénique appelée à un grand avenir sous le nom d'Hydrops Iabyrinthi, bien que l'expression ne soit pas employée dans le texte.

 

1952

Dix et Hallpike présentent un important rapport sur « la pathologie, la symptomatologie et le diagnostic de certains désordres communs du système vestibulaire » qui contribue efficacement à clarifier les idées sur les signes distinctifs du vertige de Ménière (redevenu pour la circonstance Maladie de Ménière), de la neuronite vestibulaire, et du vertige positionnel paroxystique bénin.

 

1955

Un Cours international de labyrinthologie clinique, à l'initiative d'A. Aubin et P. Clerc, associe à Paris, des cliniciens, des électrophysiologistes et des chercheurs.

Cette démarche originale et très constructive fera école, le cheminement des connaissances s'opèrant jusque-là souvent en rangs dispersés et le défaut de communication étant très préjudiciable à tout progrès.

 

La seconde moitié du siècle

Elle semble marquée par l'abandon du « tout labyrinthique » et la prise en compte progressive de la plurimodalité sensorielle caractéristique de la fonction d'équilibration.

Mettons à part l'originale démonstration apportée par Money et Myles en 1974 sur le mécanisme des troubles de l'équilibre, et notamment du nystagmus, liés à la consommation d'alcool. Barany s'était déjà intéressé à la question en tentant de profiter des traditionnelles beuveries des étudiants viennois, mais, il s'était fait rosser et cette tentative avait contribué à le discréditer à une époque où il n'en avait pas vraiment besoin. Le nystagmus à l'alcool évolue en deux phases distinctes, géotropique dans la première phase, agéotropique dans la seconde. Selon la démonstration apportée par ces deux auteurs, toute la question repose sur une modification de densité ; dans une première phase, l'alcool imprègne la cupule et celle- ci est hypodense par rapport à l'endolymphe, dans la seconde phase, le passage de l'alcool dans l'endolymphe en l'absence de toute alcoolémie, provoque l'effet inverse. L’ingestion d'eau lourde détermine exactement les mêmes effets successifs, ce qui donne des réponses « en miroir inversé » par rapport à celles de l'alcool. ll y a donc dans les deux cas, disparition transitoire de l’isodensité cupule/endolymphe.

 

Quelques jalons de la deuxième moitié du siècle

 

1964/1967

Description et étude par Greiner, Collard et Conraux, du nystagmus de torsion cervicale, « nystagmus binoculaire déclenché par la rotation du corps, la tête restant fixe », considéré comme un test global de dépistage d'un facteur cervical osseux, articulaire, musculaire ou vasculaire, excluant toute composante vestibulaire. Battant dans la direction opposée à la rotation du corps, il est physiologique chez le nouveau-né, mais inconstant chez l'adulte. Sa recherche en pathologie donne lieu à des résultats contradictoires et déconcertants qui ne peuvent recevoir une part d'explication que si on les recadre dans la pluri-modalité des entrées sensorielles de la fonction d'équilibration. Or le poids des entrées sensorielles diffère d'un individu à l'autre et en fonction des actions à entreprendre. L'entrée proprioceptive nuquale est en outre susceptible d'être modifiée voire pervertie par une atteinte pathologique (rhumatisme, traumatisme et spécialement « coup du lapin »). Les expériences utilisant les vibreurs, comme celles réalisées par Roll et coll. donnent consistance à cette manière de voir et rendent caduques les interprétations faisant suite à l'élaboration du syndrome d'irritation sympathique cervicale de Barré-Liéou.

 

1961

L'aventure spatiale a déjà commencé, mais le fait déterminant est ici la mention par Germann Titov, cosmonaute soviétique, d'une sensation de malaise quand il bouge la tête. Le mal de l’espace fait son entrée dans l'inventaire des syndromes d'adaptation de la fonction d'équilibration à un environnement gravito-inertiel différent de celui qui règne sur terre. Il s'intègre vraisemblablement dans le chapitre des cinétoses.

L'étude de cette variété très particulière de mal des transports et des troubles de l'équilibre en microgravité imposera des protocoles expérimentaux complexes et surtout l'élaboration d'appareils de mesure très sophistiqués dont bénéficieront à terme la physiologie et la clinique humaines.

Une des premières préoccupations a été de vérifier si l'épreuve calorique produisait les mêmes effets en impesanteur qu'en conditions de gravité terrestre. Reposant sur la notion d'un flux induit par un différentiel de densité du liquide endolymphatique créé par l'effet thermique, l'épreuve pratiquée en microgravité n'aurait pas dû provoquer les effets obtenus sur terre. L'expérience fut réalisée lors de l'expédition Spacelab S.L. 1 en novembre 1983. Les tests furent réalisés avec de l'air à 30 °C et 44 °C et les résultats comparés à ceux obtenus au sol avant et après la mission. Les réponses se révélèrent identiques en condition 0 g et 1 g, ce qui paraissait remettre en question la théorie thermoconvective  élaborée par Barany. En fait, sans entrer dans les détails, cette remise en cause n'est que partielle. Il s'agit plutôt de relativiser la part de la thermoconvection et celle de la variation induite de pression hydrostatique dans les deux types de conditions de gravité.

 

1975

J.T. Reason et J.T. Brand élaborent la « sensory rearrangement theory », connue en France sous le nom de théorie du conflit d'informations, concept interprétatif de la pathogénie du mal des transports, repris et diffusé en France par J. Colin. Ce concept est basé sur la plurimodalité concordante, congruente, voire redondante des informations sensorielles (acquise par l’usage) permettant d'assurer l'équilibration et la capacité d'interagir avec l'espace environnant. Il faut y ajouter la sensation escomptée basée sur les expériences vécues. C'est la non-concordance des informations par rapport à des schémas préétablis qui serait à la base du mal des transports et entrainerait des manifestations considérées comme expressives d'un syndrome d'adaptation. Ce concept qui restitue leur valeur à l'ensemble des entrées sensorielles et non plus seulement à l'entrée labyrinthique, nous paraît d'une grande fécondité y compris dans l'interprétation du vertige, manifestation essentiellement subjective. Aussi lui avons nous fait une large part dans le rapport 1987 à la Société Française d'Oto-Rhino- Laryngologie intitulé « L'équilibre en pesanteur et en impesanteur » et surtout dans le petit essai paru en 1991, « I'Homme et ses espaces » tous les deux exposant, sans doute pour la première fois, une vision synthétique des troubles de l'équilibration, des illusions sensorielles et des différentes variétés de mal des transports, en les regroupant dans le cadre plus large des troubles de l'intégration spatiale.

 

Les dernières décennies du siècle

Elles voient apparaître la posturologie, en France essentiellement sous l'impulsion de P.M. Gagey, permettant d'explorer le réflexe vestibulo-spinal et de ne plus se limiter au réflexe vestibule-oculaire.

Posturologie statique puis dynamique, bientôt couronnée en clinique médicale par l'Equitest dû à Nashner. Ce dispositif entérine et couvre la nécessité d'un bilan multisensoriel réalisé par la méthode des scores, obtenus par privations sensorielles sélectives.

L’équitest permet de rendre compte de l'utilisation réelle des différentes entrées sensorielles indépendamment de leur valeur fonctionnelle et de définir l'organisation sensorielle propre à un individu déterminé. Il permet d'appréhender des syndromes de négligence ou pour Freyss et Vitte d'omission labyrinthique comparables aux négligences visuelles bien connues des neurologues. Il permet également de jauger les capacités compensatoires en situation de déséquilibre induit. Outil de détection et de mesure, l'Equitest est également un instrument d'orientation et de contrôle de la rééducation. C'est une référence précieuse dans l'évaluation des potentialités réelles du sujet âgé, souvent victime, à son insu, de déficits successifs dont la compensation plus ou moins précaire peut être mise à mal par un fait incident nouveau ou sous l'effet de drogues diminuant la vigilance.

C'est un fait marquant et préoccupant de nos sociétés vieillissantes que ce risque accru de chute lié à un syndrome d'instabilité posturale. Des mesures préventives de tous ordres s'imposent pour en atténuer la portée, notamment financière.

L'approche scientifique, notamment de l'école d'A. Berthoz, consacre ce type d'évolution de la clinique. Nous savons désormais que les noyaux dits vestibulaires sont en réalité des centres d'intégration et de coordination de la plupart des afférences sensorielles affectées à la fonction d'équilibration. Les circuits réflexes, notamment du réflexe vestibule-oculaire, commencent à livrer leurs secrets, impliquant des spécialisations et des modalités fonctionnelles particulières à certains groupes de neurones. La constitution de réseaux neuronaux fugaces entrant littéralement en résonance pour permettre une prise en compte et une réponse immédiate à une sollicitation du monde environnant paraît bien démontrée. L'étude fine des structures grâce aux divers procédés offerts par la microscopie électronique et ses dérivés parvient à découvrir le support biologique aux hypothèses avancées par les physiologistes.

Vieux rêve, la vidéonystagmoscopie a vu le jour et constitue un atout considérable pour le clinicien comme pour le chercheur pouvant observer en toute liberté et dans des conditions idéales non seulement les nystagmus les plus courants mais aussi les variétés qui, par nature pouvaient échapper à l'observation classique. Eric Ulmer s'est beaucoup impliqué dans le développement de cette technique.

Le nystagmus a lui-même changé de nature ; de simple mouvement considéré comme « réflexe » permettant un recadrage de la vision et le suivi de la cible grâce à la déviation lente, la saccade est devenue une excursion à part entière, pouvant revendiquer un rôle de premier plan dans la capacité de maintenir une vision stable lors des mouvements de rotation de la tête.

Les physiologistes redécouvrent avec intérêt et émotion les superbes images obtenues il y a plus de cent ans par le chronophotographe de LE. Marey et le zoopraxiscope de Muybridge lors de l'observation de l'animal ou de l'homme au cours de la plupart des modes de déplacement. La simple étude de ces clichés est lourde d'enseignement: la stabilité de la tête et du regard y sont parfaitement visualisés !

L'avenir est sans doute dans la recherche du déterminisme de nos actions, la philosophie de l'action : l'école de A. Berthoz s'emploie à cet effet à réexaminer la boucle perception/action.

 

Bibliographie succincte

Le lecteur comprendra aisément qu'il est illusoire d'envisager une bibliographie compléte sur une période aussi étendue dont nous n’avons dressé que le panorama.

Nous conseillons de se reporter aux ouvrages et rapports suivants à la fois pour compléter ce que nous n'avons fait qu’ébaucher et pour trouver les références y afférent :

PERRIN C (sous la direction de...).

L'équilibre en pesanteur et en impesanteur. Rapport à la société française d‘ORL 1987.

Arnette Edit.

PERRlN C. L'homme et ses espaces. 1991

PUN Edit.

PERRIN C. Le vertige. Histoire et actualité.1998  

L.Pariente Edit.

WlLLEMOT J (sous la direction de...).  

Naissance et développement de l‘otorhino-laryngologie dans l'histoire de la médecine, Acta otorhino-laryngologica belgica. 1981

Nous y adjoignons l’article suivant, de grande valeur historique :

MlCHEL J. Recherches historiques sur la découverte du nystagmus et de sa signification physio-pathologique.

Rev Prat (Paris) 199O ; 40:23.