` sommaire

I - LA CONSTRUCTION DE L’HOPITAL CENTRAL

 

2 - DE L'ELABORATION DU PROJET A SA REALISATION

 

L'AVANT-PROJET TOURDES (1877)

 

Avant que les modalités de financement soient définies, une commission comprenant des représentants des Hospices, de la municipalité et de la Faculté de Médecine avait été instituée pour élaborer un projet de reconstruction. Celui-ci fut défini dans un rapport rédigé par le Doyen de la Faculté de Médecine TOURDES, en date du 9 mai 1877.

Ce rapport présente un grand intérêt parce que le futur hôpital fut conçu par l'architecte en fonction des recommandations qui y sont exprimées.

 

LES SERVICES D'HOSPITALISATION prévus, étaient les suivants :

 

2 cliniques chirurgicales de 60 lits, chacune ......................      120 lits

(au lieu des 71 à Saint-Léon)

1 service de chirurgie supplémentaire servant de déversoir aux deux

précédentes + salles de rechange ..............................              60 lits

2 cliniques médicales de 60 lits chacune .........................         120 lits

(au lieu de 90 lits à Saint-Charles)

1 service de médecine supplémentaire servant de déversoir aux deux

 précédentes + salles de rechange ..............................            60 lits

1 service de maladies contagieuses .............................            40 lits

1 clinique des maladies des enfants ............................             40 lits

1 clinique des maladies des yeux ...............................             30 lits

chambres individuelles pour malades payants ....................      20 lits

Total .........      490 lits

 

L'avant-projet TOURDES prévoyait ainsi la construction d'un établissement ayant une capacité d'environ 500 lits théoriques, si on tient compte des lits d'isolement. Mais il fut décidé que dans un premier temps cette capacité serait limitée à 310 lits, nombre que la sous-commission estimait suffisant pour faire face aux besoins d'hospitalisation immédiats. De ce fait, elle recommanda de surseoir à la construction des bâtiments destinés aux services supplémentaires de chirurgie et de médecine et salles de rechange, et aux maladies contagieuses.

Il est à souligner que le nouvel Hôpital ne posséderait, pas plus que l'Hôpital Saint-Charles, ni service de maternité, ni service de maladies cutanées et vénériennes. Pour des raisons d'hygiène et par manque de place, ces deux types de services n'avaient jamais trouvé place à l'Hôpital Saint-Charles. Pour des raisons financières, les membres de la sous-commission, chargée de l'étude du futur Hôpital, renoncèrent à leur rapatriement qui avait été envisagé tout d'abord au sein du nouvel Hôpital. Ces deux services conservèrent leur indépendance vis-à-vis des Hospices Civils de Nancy et continuèrent à dépendre du Département de Meurthe-et-Moselle.

 

LE PARTI ARCHITECTURAL

 

Trois possibilités architecturales s'offraient : construire un immense bâtiment, qui abriterait tous les services d'hospitalisation, ou ériger des pavillons distincts pour isoler chacun d'eux, enfin opter pour un système mixte.

C'est cette dernière solution qui fut retenue par la sous-commission TOURDES, parce que tout en présentant les avantages hygiéniques du système pavillonnaire, elle en limitait les inconvénients. La dissémination des services aurait en effet entraîné une perte de place et des difficultés de communication gênantes tant pour le personnel que pour l'enseignement médical.

Les bâtiments d'hospitalisation devaient être orientés obligatoirement au Sud puisque cela permettait de bénéficier d'un bon ensoleillement et d'une bonne aération, et ils devaient être espacés de 40 à 82 mètres entre eux. Ils devaient en outre ne comporter qu'un rez-de-chaussée et un premier étage, avec un sous-sol et combles.

En effet, selon les médecins " les étages supérieurs étaient moins salubres, l'air vicié remontant et pénétrant par les fenêtres ouvertes pour l'aération ". Seuls les bâtiments abritant les services généraux et autres comporteraient un second étage.

 

LES NORMES RECOMMANDEES

 

D'autres recommandations très précises furent formulées par le rapporteur, toujours dans le même souci d'hygiène :

" Les dimensions des salles seront calculées de manière à assurer à chaque malade 50 mètres cubes d'air dans les services ordinaires et 60 mètres cubes pour les maladies contagieuses... Le cube produit par l'élévation de la salle ne suffit pas, il faut aux malades la superficie et l'espace latéral, mais non exagéré, afin d'éviter la tentation de multiplier le nombre de lits ; 10 à 11 mètres par malade suffisent.

" La hauteur des salles est une des conditions essentielles... Nous demanderions 5 mètres pour le rez-de-chaussée et 4 m 50 pour l'étage supérieur.

" La largeur des salles est déterminée par la disposition des lits, elle serait de 9 m à 9 m 50, ce serait la largeur même du bâtiment. Toute salle aurait des fenêtres opposées à ses deux faces, disposition excellente pour l'aération. On n'admettrait par salle que deux rangées de lits. La tête des lits serait adossée aux trumeaux qui séparent les fenêtres, à 0,50 m du mur... L'espacement latéral serait de 1 m 50 à 2 m ; le passage du milieu entre les pieds des deux rangées de lits aurait 4 mètres..., largeur nécessaire aux transports et commodité du service ".

Le problème de la ventilation et du chauffage fut également étudié :

" La disposition des fenêtres mérite une attention particulière ; elles doivent être larges, s'élever haut, descendre à une faible distance du plancher, pour assurer la ventilation et donner par lit 3 ou 4 mètres de surface éclairante. Des fenêtres de 4 mètres de hauteur avec une largeur de 2 mètres environ, descendant à 0 m 50 du plancher, non cintrées, à embrasures peu profondes pourvues en haut de panneaux mobiles, satisferaient à ces conditions ".

Pour le chauffage, de larges cheminées chauffées à la houille et complétées de poêles assureraient aux salles une température suffisante pendant l'hiver et auraient en outre l'avantage de donner aux salles un aspect plus agréable.

Le nombre de lits par salle ne devrait pas dépasser 16 parce que :

" Les grandes salles sont contraires à la salubrité par l'accumulation d'affections diverses, par le bruit et le mouvement qui résultent d'une population nombreuse ", en revanche, " de trop petites salles rendent le service et la surveillance difficiles ".

 

LES LOCAUX D'ENSEIGNEMENT

 

Le rapport TOURDES décrivait également avec précision quelle devait être l'organisation de chacun des services et en particulier, il fixait les besoins en locaux d'enseignement pour chacune des cliniques. Il préconisait de prévoir une salle d'opération pouvant servir en même temps de salle de conférences et contenir 100 places pour les cliniques chirurgicales, deux salles de conférences disposées en amphithéâtre et pouvant accueillir chacune 60 élèves pour les cliniques médicales, une salle d'opération servant en même temps d'amphithéâtre pour 30 élèves pour la clinique des maladies des yeux et enfin une salle d'opération et de conférences de 30 élèves pour les besoins de la clinique des maladies des enfants.

 

LES SERVICES GENERAUX ET AUTRES

 

Les besoins des différents services généraux, administratifs, économiques et autres furent aussi analysés par la Commission. Un quartier spécial était prévu pour le logement de 25 à 30 religieuses à proximité de la chapelle. L'emplacement de cette dernière, envisagé à l'angle des rues de Strasbourg et de la Prairie, fit l'objet de recommandations particulières : elle devait avoir une sortie directe sur l'extérieur afin de dissimuler aux malades la vue des enterrements. Quant à la morgue, rejetée à l'écart des autres pavillons à une autre extrémité de l'établissement, elle devait être camouflée par des plantations et dotée également d'un accès particulier vers l'extérieur, donnant sur la rue de la Prairie pour la sortie des convois funèbres qui s'acheminaient vers la chapelle.

Le rapport TOURDES enfin, indiquait même quel devait être l'emplacement des divers bâtiments et précisait leurs dimensions respectives ; en effet, la Commission avait étudié de très près la question en collaboration avec l'architecte des Hospices Ferdinand GENAY. En conclusion, il proposait d'organiser un concours assorti de primes qui seraient attribuées aux trois meilleurs projets.

 

LES CARACTERISTIQUES DU TERRAIN CHOISI

 

Dans le rapport TOURDES, les caractéristiques du terrain choisi furent également étudiées soigneusement pour savoir si elles se prêtaient à la construction d'un établissement hospitalier, qui par sa nature même exigeait des conditions de salubrité satisfaisantes.

" La nature du terrain rend-elle cet emplacement suffisamment salubre ? s'interroge le rapporteur. Il ne diffère pas de celui sur lequel reposent la Ville de Nancy et une partie de ses environs. Ce sont les marnes du lias qui supportent une couche d'alluvion formée par les sables et les graviers qui viennent des Vosges et aussi par des débris du terrain jurassique. Ces marnes sont imperméables et la pente du terrain détermine à leur surface l'écoulement ou la stagnation des eaux. La couche alluvienne est plus ou moins facilement pénétrée par l'eau, suivant sa composition ; il y a avantage à ce qu'elle soit épaisse ; absorbant l'eau plus complètement elle rend la surface du sol moins humide. Sur le terrain dit "de la Prairie ", l'alluvion ne paraît pas avoir beaucoup d'épaisseur ; on nous a affirmé qu'elle ne dépassait pas un ou deux mètres, ce qui donnerait au sol une humidité persistance après les pluies, mais à cet inconvénient il y a un remède qui résulte de l'inclinaison même du sol. La différence de hauteur est de 8 mètres entre le haut et le bas du terrain de la Prairie. L'eau pénétrant dans la couche alluvienne, glisse sur le plan incliné des marnes et s'écoule avec rapidité. La pente du terrain est donc favorable à l'écoulement des eaux et empêche l'humidité persistante du sol. Avec un système d'égouts et de rigoles, on arrive facilement à dessécher l'alluvion ou plutôt à y empêcher la stagnation des eaux. Un petit ruisseau, à forte pente, longe le côté sud du terrain, il permettra l'établissement d'égouts à courant continu et rapide, qui conduiront les eaux dans le grand égout collecteur du Boulevard Lobau, situé à 230 mètres de l'angle le plus bas du terrain des Hospices ".

Le rapport écarte le risque d'inondation :

..." l'élévation du sol montre que l'on est à l'abri de tout péril de ce genre ; la cote sur la rue de Strasbourg, au commencement de la rue de la Prairie, est de 208 mètres 228... elle est de 199 mètres 08 au bas du jardin, vers les rues des Jardiniers et de la Prairie... La Meurthe est à 1070 mètres de l'angle le plus bas du terrain, à 700 mètres du canal qui forme un obstacle aux inondations ; ce canal est à 370 mètres de la limite inférieure du terrain des Hospices ".

La dénivellation de terrain, si elle représente un avantage pour l'écoulement des eaux, constitua une difficulté pour la construction. En effet, il a fallu échelonner les pavillons sur trois terrasses successives pour résoudre le problème que posait une différence de niveau de 8 mètres entre les deux extrémités du terrain.

Si cela n'a pas véritablement constitué de gêne sur le plan purement esthétique, en revanche, cet échelonnement a entraîné un certain inconvénient pour les communications à l'intérieur de l'établissement et en particulier un surcroît d'effort pour le personnel chargé de véhiculer matériels, aliments et malades.

D'autre part, s'il ne semble pas que la construction des bâtiments ait soulevé des difficultés techniques dues à la mauvaise qualité du terrain choisi, nous savons par ailleurs que, pour certaines constructions réalisées ultérieurement, et en particulier durant l’entre-deux-guerres, architectes et entrepreneurs rencontrèrent de sérieuses difficultés en raison de l'humidité et de l'instabilité du sol et que le coût des travaux s'en trouva alourdi.

 

LA REALISATION

 

Théoriquement, la réalisation des plans du nouvel hôpital et le suivi de sa construction auraient dû revenir à l'architecte attaché aux Hospices Civils, GENAY. Celui-ci avait d'ailleurs accepté de se mettre au service des Hospices en 1874 et pour une indemnité presque dérisoire, la Commission Administrative lui ayant promis de le charger de la reconstruction de l'Hôpital Saint-Charles.

Mais comme c'était la Ville qui finançait les travaux, elle s'arrogea le droit de désigner son propre architecte, Prosper MOREY, architecte de talent et ancien élève de VIOLLET-LE-DUC. Celui-ci élabora un projet architectural conforme aux desiderata du rapport TOURDES, à l'exception de la chapelle et de la morgue. Au lieu de placer la chapelle au coin de la rue de la Prairie et de la rue de Strasbourg, MOREY l'installa à la limite du secteur d'hospitalisation et du secteur administratif-services généraux. Fermant la cour d'honneur et située face à l'entrée principale de l'hôpital, elle devait occuper une position centrale et s'intégrer harmonieusement au milieu des autres bâtiments auxquels elle était reliée par des galeries, alors qu'elle aurait dû être rejetée dans un coin de l'établissement selon la Commission TOURDES. Mais ce qui est critiquable, ce fut l'installation de la morgue dans le sous-sol de la chapelle. En effet, pour des raisons financières, il ne fut pas possible de construire de pavillon réservé à cet usage. Profitant de la dénivellation de terrain qui permettait l'aménagement à l'arrière et sous la chapelle de locaux, les administrateurs décidèrent d'y loger la morgue, dont les activités ne pouvaient échapper aux malades hospitalisés.

Les plans établis par MOREY en 1878 comprenaient déjà tous les pavillons énumérés par l'avant-projet TOURDES, alors que l'emplacement d'une partie d'entre eux était prévu sur des terrains qui n'appartenaient pas encore aux Hospices Civils de Nancy.

En Novembre 1878, le Maire de Nancy communiqua à la Commission des Hospices, les plans et devis définitifs du Nouvel hôpital qu'avait approuvés le Conseil Municipal par une délibération du 13 Novembre 1978.

Après approbation du Conseil Supérieur des bâtiments civils et du Ministère de l'Intérieur, ministère chargé de la tutelle des hôpitaux, la première tranche des travaux put être entreprise dès l'automne 1879. Les travaux furent rapidement réalisés. Dès l'automne 1882, le gros œuvre était terminé, ainsi que la menuiserie, la serrurerie et la vitrerie. L'ouverture, primitivement fixée au mois de mai 1883, dut cependant être repoussée à l'automne 1883, mais dès le 5 Juin de la même année, les séances de la Commission Administrative purent se tenir dans la salle prévue à cet usage dans le nouvel établissement.

Ce fut le 23 Octobre 1883 que les malades de l'Hôpital Saint-Charles furent transférés, suivis le 31 Octobre par ceux des services de chirurgie de l'Hôpital Saint-Léon.

Lors de la séance du 16 Octobre 1883, la Commission Administrative, après avoir sollicité l'avis de son Président le Maire VOLLAND, décida que le nouvel hôpital prendrait le nom d'Hôpital Civil et que les pavillons Sud et Nord d'hospitalisation seraient respectivement appelés pavillon " ROGER-DE-VIDELANGE " et pavillon " COLLINET-DE-LA-SALLE " en marque de reconnaissance à ces deux généreux bienfaiteurs des Hospices de Nancy.

L'inauguration officielle eut lieu le 6 Novembre, remplaçant la séance de rentrée de la Faculté de Médecine. Outre un nombre considérable d'élèves se pressant sur les bancs de l'un des amphithéâtres, on notait la présence du Recteur d'Académie, de Conseillers Municipaux, des membres de la Commission Administrative et bien d'autres personnalités.

 

DESCRIPTION DU NOUVEL ETABLISSEMENT

 

Comment se présentait le nouvel établissement ? Nous le savons grâce au compte rendu détaillé fait par le Docteur A. FOVILLE à la suite de son inspection des Hospices Civils en Septembre 1882 et dont le texte a été intégralement reproduit dans le registre des délibérations de la Commission Administrative à la date du 13 Février 1883.

L'Inspecteur y relève que par rapport au projet primitif :

 

LES SERVICES GÉNÉRAUX ont été considérablement réduits puisque au lieu de 7 pavillons prévus à l'origine, 4 seulement devaient être réalisés, mais sans grand préjudice pour l'organisation de l'établissement puisque finalement, il apparaissait que les besoins seraient largement couverts.

Ces quatre pavillons étaient les suivants :

— Le bâtiment de l'Administration, situé à gauche de l'entrée principale en entrant à l'Hôpital par la rue de Strasbourg.

On y trouvait :

Au rez-de-chaussée, les locaux de consultations gratuites, le service de garde, les bureaux d'admission, les bureaux de l'économat ;

Au 1er étage, la salle de la Commission Administrative, la salle d'archives, les appartements de fonction ;

Au 2e étage, des chambres d'hospitalisation pour pensionnaires payants.

— Le pavillon primitivement réservé uniquement à la Communauté des religieuses hospitalières, mais où fut également logée la pharmacie au rez-de-chaussée et au sous-sol, faute de pouvoir lui construire un pavillon propre.

— Le pavillon destiné à la cuisine et à ses dépendances, dont les locaux occupaient le rez-de-chaussée et le sous-sol et où il fallut également installer la lingerie au 1er étage.

— La chapelle, située de plain-pied sur la cour d'honneur, mais surélevée de près d'un étage sur l'arrière en raison de la dénivellation du terrain. Pour compenser cette différence de niveau, on avait construit sous la chapelle une crypte voûtée, qui devait servir de morgue après quelques hésitations, en raison de la localisation au cœur de l'établissement et du manque d'aération des locaux.

Lors de la venue de l'Inspecteur FOVILLE, il restait à trouver des locaux pour la buanderie et pour le service des bains et d'hydrothérapie. Sur les plans de l'architecte MOREY, des constructions particulières étaient prévues pour loger ces services et leur emplacement avait été choisi à l'extrémité de l'hôpital où se dresse actuellement le pavillon VIRGINIE-MAUVAIS. Faute de moyens, ces bâtiments ne furent pas construits.

La buanderie devait finalement être installée dans le soubassement hors-terre à l'extrémité du pavillon COLLINET-DE-LA-SALLE, tandis que le service des bains et d'hydrothérapie occupait la partie symétrique du pavillon ROGER-DE-VIDELANGE.

En ce qui concerne les PAVILLONS D'HOSPITALISATION, il ne subsistait que les deux grands pavillons prévus par le rapport TOURDES, le pavillon des affections des yeux, celui des maladies contagieuses et celui des enfants ayant été ajournés provisoirement.

L'Inspecteur FOVILLE déplore uniquement l'ajournement du pavillon des contagieux et insiste sur la nécessité d'en construire un.

Les deux grands bâtiments d'hospitalisation et d'enseignement clinique avaient chacun environ 130 m de long. Parallèles, ils étaient orientés d'Est en Ouest et avaient donc une façade exposée au Sud et une autre au Nord selon la recommandation du rapport TOURDES. Selon l'Inspecteur FOVILLE : " Ils se composent de salles de malades, interrompues au centre par un massif qui contient tous les locaux destinés à l'enseignement. Chacune des moitiés latérales est à son tour partagée en deux par un massif contenant des escaliers, des cabinets de bains, des water-closets, des chambres d'isolement et des décharges. Chaque bâtiment présente donc dans sa longueur 4 salles de malades et 3 massifs intermédiaires. Au niveau des salles, la largeur est de 9 mètres ; elle l'est de 16, au niveau des massifs. Chacun de ces derniers faisant une saillie de 7 mètres sur les façades extérieures par rapport à l'axe général de l'établissement. Les façades intérieures par rapport à cet axe sont continues et uniformément éloignées l'une de l'autre de 40 mètres. L'espace est rempli par un jardin.

Les bâtiments se composent d'un sous-sol, d'un rez-de-chaussée, d'un premier étage et d'un comble ; mais comme le terrain descend d'une manière assez marquée, en s'éloignant de la rue de Strasbourg, tandis que le rez-de-chaussée reste partout horizontal, il en résulte que le sous-sol émerge presque complètement de terre dans la partie des bâtiments la plus éloignée de l'entrée de l'Hôpital. Il n'y a de salles de malades qu'au rez-de-chaussée et au 1er étage ; toutes ces salles sont exactement semblables ; il y en a 4 par étage, soit 8 par bâtiment, soit 16 en tout.

Ces salles présentent un ensemble de conditions hygiéniques que l'on peut considérer comme absolument satisfaisantes. Elles ont 22 mètres de longueur sur 8 m 40 de large et contiennent 16 lits. La hauteur est de 5 mètres au rez-de-chaussée, ce qui donne par lit un cube d'air de 57 m 50. Elle est de 4 m 50 au 1er étage, ce qui donne un cube d'air de 52 m 50.

Il y a sur chaque face de la salle, 7 grandes fenêtres et le trumeau qui sépare deux fenêtres l'une de l'autre est occupé par un seul lit. Les fenêtres sont opposées les unes aux autres, ce qui permet d'établir la ventilation naturelle dans les meilleures conditions. En outre, chaque fenêtre est composée de 3 segments superposés qui peuvent s'ouvrir indépendamment les uns des autres, en sorte que l'on peut ventiler très énergiquement la partie supérieure de la salle sans que les malades couchés ou assis près de leur lit soient directement exposés à un courant d'air (...).

En sus de ces excellents moyens de ventilation naturelle, il y a des ventilateurs communiquant à des corps de cheminée ménagés dans l'épaisseur des murailles ; ces ventilateurs sont en nombre égal à celui des lits, 8 à 50 cm du sol et 8 au plafond ".

Sur le plan du chauffage, le Docteur FOVILLE signale qu' " ...on a résolu de faire des calorifères seulement pour les escaliers et les pièces de communication, et de chauffer les salles de malades à l'aide de poêles de grandes proportions au nombre de 2 par salle... "

Mais l'Inspecteur émet des réserves parce qu'il juge les moyens de chauffage envisagés insuffisants pour une région au climat froid comme la Lorraine et estime que les 32 poêles demanderont beaucoup de temps au personnel pour être alimentés et nettoyés.

 

LES LOCAUX D'ENSEIGNEMENT furent installés dans la partie centrale de chacun des deux pavillons. A un moment, il fut question d'économiser les deux amphithéâtres prévus l'un au premier étage du pavillon Nord, l'autre au premier du pavillon Sud et d'inviter les professeurs à partager les amphithéâtres du rez-de-chaussée. La place récupérée aux premiers étages aurait permis de loger les 32 lits des services d'enfants (16 lits de médecine dans un pavillon, 16 lits de chirurgie dans l'autre), mais les professeurs n'entendirent pas se laisser spolier. Chacun d'eux revendiqua un amphithéâtre pour lui-même et ses étudiants. Les enfants durent donc être hospitalisés avec les adultes de leur sexe.

 

PROBLEMES RENCONTRES

 

Mises à part quelques réserves (insuffisance du chauffage dans les salles et de la ventilation dans les cabinets de bains et les toilettes), l'Inspecteur exprime un avis favorable à la nouvelle construction :

" Toutes les dispositions de ces bâtiments sont largement conçues et exécutées avec beaucoup de soins (...) ces bâtiments me paraissent mériter de sérieux éloges et ils feront grand honneur au nouvel Hôpital ".

L'affectation des locaux aux différentes cliniques posa un problème. Dans un premier temps, il fut question d'affecter le pavillon Sud aux femmes et le pavillon Nord aux hommes. Pour qu'il n'y ait aucune promiscuité, le jardin situé entre les deux bâtiments devait être séparé par un mur longitudinal afin qu'une moitié soit réservée aux femmes et l'autre aux hommes. Les fondements de ce mur avaient déjà été entrepris quand les professeurs réalisèrent l'inconvénient que pourrait entraîner pour leur enseignement le fait de n'avoir dans leur service que des hommes ou que des femmes. Cela risquait de réduire l'éventail des pathologies rencontrées. Ils exigèrent que chaque bâtiment soit consacré par moitié aux hommes et aux femmes.

Les premiers occuperaient les 4 salles situées en avant des amphithéâtres et les femmes les 4 suivantes. De sorte que chaque professeur aurait au même étage deux salles d'hommes et deux salles de femmes. La cour ne serait plus partagée par un mur mais en deux jardins séparés par des escaliers puisqu'ils n'étaient pas situés au même niveau du fait de la dénivellation de terrain mentionnée plus haut.

Cette nouvelle répartition entre les sexes ne manquait pas d'inquiéter l'Inspecteur FOVILLE, qui dans son rapport préconise le retour à la première solution par crainte d'une " promiscuité ", qui sera source de " graves inconvénients ". Pour contourner les objections des chefs de service, il propose même de construire une galerie leur permettant de communiquer entre les deux bâtiments avec les salles hommes et les salles femmes. Finalement, la solution adoptée par la Commission Administrative lors de sa séance du 6 Mars 1883 devait être celle souhaitée par les médecins, c'est-à-dire l'affectation par moitié à chacun des sexes de chaque bâtiment et il ne fut construit ni mur longitudinal de séparation, ni galerie médiane de communication, ce qui, sur le plan esthétique, était préférable. Pour pallier les inconvénients redoutés par le Docteur FOVILLE, la Commission Administrative proposa d'établir une séparation au centre des deux bâtiments et d'assurer les communications entre les deux extrémités de chaque bâtiment soit par le côté extérieur des bâtiments, opposé à la galerie intérieure, soit par le sous-sol ".

Enfin, il convient de signaler que sur le plan du style architectural, l'Hôpital Civil peut être rattaché à l'éclectisme, tendance artistique fondée sur la conciliation des styles du passé et qui connut une grande vogue dans la seconde moitié du XIXe siècle.

D'allure imposante, les bâtiments conçus par MOREY, sont d'une sobriété toute classique qui cadre bien avec leur vocation : leur sévérité est toutefois atténuée par certains détails décoratifs (colonnes, arcs, embrasures de fenêtres, etc...) et l'aménagement des cours intérieures en jardins.

La première tranche de construction réalisée entre l'automne 1879 et l'été 1883 offrait une capacité théorique d'environ 300 lits (1). En effet, aux 16 salles, soit 256 lits, il faut ajouter les chambres d'isolement (au moins 1 par salle), les 12 lits aménagés au 2e étage, c'est-à-dire dans les combles (2) du pavillon COLLINET-DE-LA-SALLE pour le service d'ophtalmologie ainsi que quelques chambres pour malades payants situées au 2e étage du pavillon de l'administration (12 chambres à un ou deux lits).

Comme nous le verrons de façon plus détaillée dans le chapitre relatif au fonctionnement médical, en 1883, on comptait à l'Hôpital Civil, cinq services de clinique (deux services de médecine générale, deux services de chirurgie générale et un petit service d'ophtalmologie).

A l'origine, toutes les salles ne semblent pas avoir fonctionné, du moins de façon régulière, mais assez rapidement le manque de locaux et de lits devait se faire sentir,

L'isolement des contagieux, l'accueil des enfants, le rayonnement du service d'ophtalmologie et d'une façon générale l'accroissement du nombre des malades dans les divers services, les progrès médicaux et les impératifs de l'enseignement conduisirent la Commission à poursuivre l'achèvement de l'Hôpital.

Normalement, la poursuite des travaux aurait dû être financée par la Ville conformément aux engagements pris par celle-ci. En réalité, celle-ci oublia ses engagements et profita opportunément d'importants legs qui permirent la construction de deux nouveaux pavillons d'hospitalisation et la dispensèrent de toute subvention, pour l'Hôpital Civil proprement dit, jusqu'au lendemain de la première guerre mondiale (3). Les autres travaux neufs (pavillon des contagieux, pavillon de la Communauté) et d'entretien et modernisation furent laissés à la charge des Hospices Civils.

 

(1) L'Hôpital Saint-Charles et l'Hôpital Saint-Léon réunis n'offraient en 1882 qu'une capacité  totale de 210 lits, dont 6 seulement étaient théoriquement réservés aux malades payants.

(2) Dans les combles des pavillons d'hospitalisation avaient été également aménagés les dortoirs du personnel logé.

(3) Mais il faut signaler que c'est la Ville qui acheta en 1906, au profit des Hospices la propriété du Sacré-Cœur où devait être construit l'Hôpital Villemin.

 

         

 

L’HOPITAL CIVIL EN 1883

0 - Entrée principale                                                       1  - Administration et chambres de malades payants

2 - Communauté des sœurs et pharmacie                   3  - Cuisine et lingerie

4 - Chapelle et morgue                                                  5 - Salle d'autopsies                                          

6 - Pavillon Collinet-de-La-Salle                                  7 - Pavillon Roger-de-Videlange      

8 - Cour d'honneur                                                         9 - Cour des hospitalisés (hommes)

10 - Cour des hospitalisés (femmes)