CORNIL Lucien

1888-1952

` sommaire

ELOGE FUNEBRE

Le Professeur Cornil vient de mourir à 64 ans après une longue et angoissante maladie le 21  février 1952. Il était Professeur d'Anatomie Pathologique à la Faculté de Médecine de Marseille, depuis sa création en 1930, Doyen depuis 1937. Ses collègues et ses disciples marseillais ont rappelé le rôle éminent qu'il a joué, connue Professeur et comme Administrateur, dans la création et le développement de la nouvelle et brillante Ecole de Marseille.

Il appartient à ses Amis, à ses Elèves de Nancy, où il a enseigné comme Agrégé, l'anatomie pathologique et la neurologie, de 1923 à 1930, de retracer la carrière nancéienne du Professeur Cornil, d'évoquer sa personnalité si séduisante et si forte, de louer et de pleurer le Savant et le Maître trop tôt disparu.

Au retour de la guerre 19l4-l9l8, pendant laquelle sa brillante conduite lui valut la Croix de guerre avec deux citations, Lucien Cornil avait été l'élève de prédilection des Professeurs Roussy et Lhermitte. L'influence de ces deux Maîtres fut déterminante sur la formation de son esprit et l'évolution de sa vie scientifique. Sa thèse sur l'Anatomie pathologique de la commotion médullaire marque la double orientation de sa carrière, vouée à ces deux disciplines: la clinique neurologique et l'anatomie pathologique.

En 1923, Lucien Cornil est nommé agrégé d'Anatomie pathologique à la Faculté de Médecine de Nancy. En 1925, il est, de plus, chargé de cours de Clinique neurologique. J'ai eu le bonheur d'être l'élève et l'interne du Professeur Agrégé Cornil. Je me souviens de l'enthousiasme suscité par son Cours d'anatomie pathologique ; parlant de la description morphologique de la lésion, le Professeur Cornil envisageait le complexe lésionnel comme un fait biologique, non pas statique, mais dynamique et, servie par une rare érudition, son éloquence entraînait ses auditeurs jusqu'à la recherche des lois générales de la pathologie.

Mais, pour son disciple, les images les plus vives évoquent le souvenir plus précieux des cliniques neurologiques de l'Hospice St Julien. Le Professeur Cornil fut un neurologiste éminent. Sa science était sûre, précise, étendue. Sa très grande expérience, fondée, comme celle de ses Maîtres, Roussy et Lhermitte, sur la méthode anatomo-clinique, avait été vécue avec eux, d'abord pendant la guerre, puis à l'Hospice Paul Brousse.

Enfin, sa culture était immense. Ajouterai-je que ses connaissances de savant étaient servies par des qualités d'exposition remarquables. Son enseignement était clair, vivant, enthousiaste. Ses dons d'orateur entraînant, sa voix chaude, son éloquence harmonieuse, conquéraient son auditoire. L'amour de la neurologie naissait, pour ses élèves, de la sympathie, de l'affection, de l'admiration qu'ils vouaient au Maître qui la leur enseignait.

A Marseille, le Professeur Cornil se consacra à sa Chaire d'Anatomie pathologique et au Centre anticancéreux qu'il dirigeait depuis 1937. Cependant, il demeurait médecin : il donne un grand développement à la Clinique du Cancer et devient titulaire de la chaire de carcinologie clinique en 1950. Parallèlement, il oriente son activité neurologique dans un sens social et s'occupe de l'enfance déficiente. Il est, en France, un des promoteurs des recherches médico-sociales de Biométrie humaine.

Ceci n'est qu'une faible esquisse des réalisations de son activité débordante et de son labeur incessant. Son oeuvre médicale, en effet, n'épuisait pas sa personnalité si riche et si originale. S'il était un savant, il était aussi un lettré, un poète, un artiste. Je possède de lui un livre dédicacé : « En souvenir des échappées extra-neurologiques de notre vieux St Julien ». Au cours de ces discussions improvisées, la fantaisie, le charme de sa conversation enchantaient ses intimes. La chaleur de son coeur, sa véritable humanité se révélaient à eux, en même temps que la haute culture littéraire et philosophique de son esprit.

Intelligence lumineuse, tonte imprégnée de civilisation méditerranéenne, le Professeur Cornil est mort aux bords de cette mer ensoleillée, chaude, brillante de vie, telle qu'il fût. Si l'on ne peut mesurer la perte qu'est, pour la Faculté dont il était le Chef, et pour la médecine française, la mort du Doyen Cornil, ses Amis et ses Elèves perdent plus encore, car ils avaient reçu de lui le don de son affection et de la généreuse bonté de son coeur. Partageant la douleur de sa Famille, ses Collègues, ses Elèves, ses Amis de Nancy conserveront fidèlement son souvenir.

Professeur P. KISSEL

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ELOGE par le Professeur J. DELARUE (Marseille)

Depuis de longues années, Lucien CORNIL luttait sans grandes illusions, mais aussi avec la ténacité d'un homme attaché à son œuvre, contre les atteintes d'un mal qui l'avait frappé dès son adolescence. Une nouvelle crise, après tant d'autres, survint au début de cet hiver ; il fallut bientôt se résoudre à penser que c'était la dernière. Il succomba le 20 février 1952. Sa mort a endeuillé l'Université et la Médecine françaises, décapité la Faculté de Marseille, plongé dans l'affliction des amis et des élèves. Chez ceux qui sont unis par le grand et émouvant souvenir de leur maître commun Gustave Roussy, elle a été douloureusement ressentie. Plus encore que celui des Arts, le monde médical comporte des écoles formées autour de quelques maîtres éminents. Le profane les qualifie de « clans » ou de « chapelles ». Comme les maisons de l'ancienne noblesse, ce sont en réalité de véritables familles, où les liens de l'esprit remplacent les liens du sang. Lucien CORNIL était le fils aîné de la famille spirituelle de Roussy. Il avait su capter la confiance affectueuse de ses cadets qu'il entourait de sa sollicitude, comme pour remplacer le Père disparu. Il appartient à l'un d'eux de retracer ici brièvement sa vie et son œuvre et d'évoquer, non sans émotion, les traits essentiels de son attachante personnalité.

Né à Vichy, le 1er août 1888, d'une famille de vignerons des rives de l'Allier, Lucien CORNIL restera toute sa vie profondément attaché à son pays natal. Conduit par le destin à travailler, enseigner et organiser en plusieurs centres universitaires du territoire, il trouvera chaque année ses meilleurs moments de méditation et de calme dans sa vieille maison Renaissance de la Chatellenie, à Abrest, berceau de ses ancêtres. C'est dans cette terre bourbonnaise qu'il repose aujourd'hui, comme il l'avait souhaité.

L'enfant et l'adolescent préfigurent chez lui l'homme fait. Au collège de Cusset, puis au lycée Blaise Pascal, à Clermont-Ferrand, il se révèle curieux de tout, fort bien doué pour l'étude, mais ennemi des contraintes, poète, fantaisiste et un peu indiscipliné. Rompant avec les traditions familiales terriennes et répondant à l'appel d'une vocation providentielle, le voici à Paris pour y étudier la médecine. Il est tout de suite émerveillé, non seulement par ce que l'Art et la Science médicales procurent à son goût pour les connaissances humaines, mais par ce que la capitale offre à sa curiosité et à son amour des lettres. Les bouquinistes des quais, les cercles littéraires attirent beaucoup le jeune étudiant.

Nommé externe des hôpitaux en 1911, il se décourage un jour de voir sa santé déjà altérée rendre impossible l'effort continu de la préparation à l'Internat. Son conférencier, devenu le Professeur Gastinel l'engage à concourir pour ce nouvel Hospice Paul-Brousse qu'on vient d'inaugurer. Bonaparte disait que tout homme avait un jour sa chance ; ce fut, pour lui, ce jour du Destin. Car l'Hospice Paul-Brousse avait pour médecin en chef Gustave Roussy, assisté du Professeur Jean Lhermitte. Dès lors, il ne quittera plus son maître dont il deviendra peu à lieu, et restera pendant trente-cinq ans le collaborateur, le conseiller, l'ami fidèle et cher des bons comme des mauvais jours. Cependant, en août 1914, il ne connaît plus que l'enthousiaste résolution qui animait alors tout un peuple ; il parvient à faire annuler les décisions antérieures des conseils de réforme. Trois années dans une unité combattante lui permirent de montrer, avec tant d'autres, que l'intellectualité n'exclut pas le courage physique. En 1918, il rejoint G. Roussy au Centre neurologique de la VIIème région, à Besançon, et bientôt, la victoire acquise, c'est le retour à Paris. Son maître l'attire au Laboratoire d'Anatomie pathologique de la Faculté. Le grand nom qu'il porte ne le prédestinait-il pas à cette discipline ? Il assure bientôt avec Roger Leroux les démonstrations pratiques. L'étudiant que j'étais alors n'a pu oublier ni l'autorité, ni la clarté d'exposition, ni la voix chaude de Lucien CORNIL, assistant d'Anatomie pathologique.

Cette première étape de sa carrière prend fin en 1923. Nommé agrégé à Nancy, il y dépense bientôt une prodigieuse activité, partageant son temps entre renseignement de l'Anatomie pathologique à la Faculté, ses travaux scientifiques, un service hospitalier de neuropsychiatrie, un cours de clinique neurologique dont il est bientôt chargé, enfin la clientèle dans laquelle il connaît tout de suite un large succès. Fidèle à la chère « Maison-Mère », comme il disait, il fait pourtant de fréquentes apparitions au laboratoire de Paris. Il veut voir les nouveaux venus et leur prodigue fraternellement conseils et encouragements. Comment notre affectueuse confiance, à nous jeunes moniteurs d'alors, n'aurait-elle pas été acquise à cet aîné d'une si rare espèce ? En 1930, une Faculté remplace à Marseille l'Ecole de Médecine. Personne n'est mieux désigné que lui pour y occuper la chaire d'Anatomie pathologique et de Médecine expérimentale. Il n'hésite pas ; il avait conquis la capitale de la Lorraine, mais il est attiré par la cité phocéenne où l'esprit de l'Hellade qui est le sien doit décidément régner. A Marseille, il donne d'emblée sa mesure, organise sa chaire, son enseignement et fonde une école où se forment de futurs maîtres ; il dirige, en outre, tous les laboratoires des hôpitaux de la ville et les met au service de ses collègues. En 1937, ceux-ci l'appellent à la succession du Professeur Imbert comme Doyen de la Faculté. Ces nouvelles hautes fonctions auxquelles il consacre le meilleur de lui-même, ne le détournent pas pour autant de sa tâche de médecin et de professeur. En 1938, il prend la direction du centre anti-cancéreux de Marseille et attache à ce centre un enseignement universitaire de Carcinologie clinique dont il prend personnellement la charge. De son poste de commande du Palais du Pharo, le Doyen veille cependant à la bonne marche et à l'épanouissement de la Faculté. Si la guerre et l'occupation l'obligent à renoncer à quelques projets, la libération lui permet de rapides réalisations : création de chaires nouvelles indispensables, fondation d'Instituts de Médecine du travail, de Biométrie humaine et d'orientation professionnelle, de l'Institut de Médecine expérimentale de Nice, installation du laboratoire de neurobiologie de la Timone, consacré surtout à des recherches d'électro-encéphalographie. Pendant quinze années, Lucien CORNIL a rempli les fonctions de Doyen. La mort seule pouvait interrompre une œuvre par laquelle la jeune Faculté de Marseille est devenue l'un des centres universitaires médicaux français les plus modernes et les mieux outillés.

Aussi longtemps que sa santé put le lui permettre, il venait souvent plaider la cause de sa Faculté à Paris où l'appelaient de multiples conseils et commissions ministériels, et l'Académie nationale de Médecine, dont il était correspondant depuis 1939. S'il obtenait gain de cause, c'est qu'il savait être persuasif et opiniâtre et qu'il possédait l'arme incomparable du désintéressement.

En dépit de ses lourdes charges d'enseignement et de ses hautes fonctions administratives, Lucien CORNIL ne renonça pas un instant à satisfaire dans la recherche scientifique cette curiosité qu'il manifestait dès son plus jeune âge. A Paris, à Nancy, puis à Marseille, il sut trouver la matière des nombreuses et importantes publications qui jalonnent sa carrière si bien remplie. Elève de Roussy et de Jean Lhermitte, il est neurologiste et demeure dans la grande tradition française de Vulpian, de Charcot, de Dejerine, de Pierre Marie en étudiant conjointement les manifestations cliniques et les lésions. Sa thèse inaugurale sur les commotions de la moelle épinière, résultat de son passage au Centre de Besançon, ses études sur les syndromes séniles du corps strié, sur les tumeurs cérébrales, plus tard sur les névrites hypertrophiques (qu'il dénomme « schwannose hyperplasique »), puis sur les lésions du sympathique caténaire et sur les douleurs névritiques des cancéreux procèdent de cette méthode anatomo-clinique. Mais il ne demeure pas cantonné dans les éludes de neuropathologie. Devenu directeur du Centre anticancéreux de Marseille, il s'oriente vers l'étude des tumeurs, de leur structure, et des facteurs qui peuvent favoriser leur développement. Les naevi et les « maladies naeviques », les tumeurs cérébrales métastatiques, les cancers des brûlures, le « terrain » des états précancéreux, le rôle des facteurs alimentaires dans la genèse des tumeurs malignes, le rôle de l'acide ribonucléique dans le développement des cellules cancéreuses (avec M-A.Stahl) l'intéressent particulièrement. Il ne peut d'ailleurs demeurer fixé dans une spécialité médicale. Une acquisition biologique nouvelle lui suggère une idée qu'il éprouve aussitôt le besoin de vérifier. Son intelligence est si vive, son sens de la mesure si aigu, qu'il peut attacher son esprit à toute question pour en dégager l'intérêt et l'actualité.

Aussi ne convient-il pas de tenter une longue énumération de ses travaux, de dresser pour lui, comme l'a dit à son sujet le Professeur Lhermitte « cette sorte de palmarès que l'on dépose sans émotion sur la tombe de ceux qui n'ont pas été compris ni aimés ». Il importe davantage de chercher, à travers tant de publications scientifiques diverses qui représentent une œuvre considérable, à discerner la formation et les tendances dont elles procèdent, et la marque de l'esprit de leur auteur. Lucien CORNIL est clinicien. Mais il est surtout anatomo-pathologiste. Si cette discipline est le guide de sa pensée, s'il la juge « la science médicale souveraine », c'est qu'il se refuse à la considérer comme une fin et qu'elle est pour lui un moyen. A l'exemple de son maître Roussy - avec lui plutôt - il ne peut se contenter d'études morphologiques statiques. Une lésion d'un viscère, d'un tissu, n'est qu'un moment fixé par des artifices pour l'observateur. I1 y crée par la pensée l'action dynamique, car il veut à la fois en connaître les causes et les prodromes et en prévoir le destin et l'influence sur l'organisme. En Anatomie pathologique, comme dans d'autres domaines, Lucien CORNIL n'est pas un analyste ni un métreur. Il est historien et poète. Il aime la vie et le mouvement, et ne s'intéresse aux choses inertes que par leur passé ou leur devenir. Comme il a reconstitué toute l'histoire de sa maison d'Abrest, comme il étudie l'origine des mots et du langage, il veut refaire l'histoire du foie cardiaque, des endométrioses ou des maigreurs. Pour donner vie aux altérations des tissus morts, il possède avec bonheur le sens clinique de l'observation des malades, le goût des contrôles expérimentaux, enfin, de larges connaissances biologiques. On peut comprendre sans peine que Lucien CORNIL ait été de notre temps, par la parole, par l'exemple et par la pensée, l'un des rénovateurs de cette anatomie pathologique naguère éclipsée après le juste déclin de l'Ecole Organicienne.

I1 semble que l'homme se révèle déjà chez Lucien CORNIL dans sa curiosité médicale universelle et dans les instances de sa pensée. A la vue de sa personne un peu trapue, de son large visage auréolé d'une chevelure précocement blanche comme neige, on éprouvait tout d'abord une impression de rondeur et de bonhomie. En réalité, la rondeur était chez lui toute finesse et la bonhomie bonté profonde. On le sentait dès que son visage s'animait d'un sourire enjoué et s'éclairait de ce regard qu'il réservait à ceux qu'il estimait. Dès qu'il parlait, on découvrait que son aversion à l'égard de certains hommes ambitieux et pressés, tragiques à force d'être comédiens, se nuançait de scepticisme et d'une indulgence calculée, mais qu'il s'enthousiasmait pour ceux qui savent n'être qu'eux-mêmes. Ce scepticisme axait ses sources dans une vaste culture littéraire. Il était un peu demeuré le poète qui chantait naguère la douceur bucolique du terroir bourbonnais ; il animait l'Académie des Sciences, Lettres et Beaux-Arts de Marseille, et l'Académie du Vernet où il fêtait récemment V. Larbaud ; il goûtait l'éloquence et les subtilités du langage dont l'instruisait son maître et ami Paul Valéry. De ces dons exceptionnels et de cette culture, quelques amis privilégiés n'étaient pas seuls à profiter. Lucien CORNIL les mettait au service de tous, et d'abord des plus jeunes étudiants. Au début de l'année scolaire, le doyen de la Faculté les réunissait et, dans l'élan de son cœur, leur révélait le périlleux honneur qui les attendait, les instruisait de leurs devoirs devant la souffrance humaine, leur répétait qu'un médecin doit avoir « du bon sens, de bons sens, du savoir et du cœur, l'absence de l'une de ces qualités pouvant carencer toutes les autres ».

C'est qu'il était avant tout médecin. Pour qui voit désormais et seulement la Médecine comme une science servie par des techniques de plus en plus perfectionnées, il peut paraître anachronique. Car il ne s'en cachait pas ; il était fervent disciple d'Hippocrate, soulignant l'influence du terrain morbide en face de celle de l'agent pathogène et de l'individuel biologique en regard de l'entité maladie. Après un siècle d'analyse forcenée et orgueilleuse, pensait-il, le moment est venu de se retirer pour y méditer sous les platanes de Cos, afin d'y tenter une synthèse humaine, et de reconsidérer des dogmes dont seule la paresse intellectuelle assure la survivance.

Disciple d'Hippocrate, comment ne l'eût-il pas été ? Dispensant de Paris à Nancy, et de Nancy à Marseille les incomparables ressources de sa science et de son art, il rappelait les Asclépiades périodeutes de l'Antiquité. I1 avait l'esprit libre et universel ; il connaissait et respectait la personne humaine, il aimait les beautés de la nature, la lumière, les belles lettres et le beau langage ; il fut fidèle à ses amis et à sa terre ; il entoura d'une fervente et filiale affection son maître en Médecine Gustave Roussy. Il accepta la mort sans crainte, mais sans hâte, comme un Sage. Lucien CORNIL était bien par tout cela un fils de la Grèce. Serait-il descendant des compagnons d'Euxène, fondateur de la Massilia dans laquelle il était revenu ? Il n'est pas en vérité nécessaire de lui chercher de telles origines : la finesse de l'intelligence et la noblesse du cœur si heureusement réunies chez lui ont aussi leurs sources dans la vieille civilisation de notre pays. A l'heure où la valeur individuelle de l'homme n'a plus grande cote, où la personnalité humaine est submergée par la masse, les slogans et les ritournelles, à l'heure de la grande épreuve de l'esprit en face de la matière, on éprouve comme un émouvant réconfort à revivre la vie toute droite, lumineuse, et si bien remplie de ce Français.

Lucien CORNIL laisse aux siens qu'il chérissait tant, à ses fils, un nom qui peut être fièrement porté ; à nous, qui partageons leur peine, un grand, un exaltant exemple.