LALLEMENT Edmond

1838-1889

` sommaire

ELOGE FUNEBRE

C'est un deuil public qui nous réunit aujourd'hui autour de cette tombe, deuil rendu plus cruel encore par sa soudaineté. C'est qu'en effet il tenait une grande place dans notre ville, celui qui vient de nous être si prématurément enlevé; il se prodiguait de tant de côtés que chacun se posait le problème de savoir comment il pouvait suffire à un pareil labeur. Mais je n'ai pas à passer en revue ici toutes les faces de celle vie si remplie; c'est la carrière universitaire de Lallement que seule je vais tracer.

Lallement est né à Nancy, le 2 décembre 1838. Après de brillantes études au lycée, il se fit inscrire à l'Ecole de médecine de notre ville et y devint successivement aide d'anatomie, prosecteur et interne. Bientôt il se rendit à Paris, et dans ce grand centre, où les compétitions sont ardentes, où les moindres succès sont chèrement achetés, il ne tarda pas à se signaler au tout premier rang.

Nommé interne des hôpitaux de Paris, le premier de sa promotion, en 1860, il voyait venir à lui toutes les distinctions : première mention honorable au concours pour le prix de l'internat, en 1861 ; médaille d'argent en 1862 ; premier grand prix (médaille d'or) de l'Ecole pratique, en 1863. Dès cette époque, il montrait les qualités du professeur, qui, plus tard, devaient le mettre en relief. En 1864, il était reçu docteur, et dans sa thèse (De l'Élément, nerveux dans le croup) il faisait ressortir le rôle si important que jouent dans cette maladie la contraction spasmodique et la paralysie des muscles laryngés.

De retour à Nancy, Lallement fut nommé aussitôt professeur suppléant des chaires de chirurgie et accouchements et chef des travaux anatomiques à l'École de médecine. Professeur adjoint d'anatomie en 1872, lors du transfert à Nancy de la Faculté de médecine de Strasbourg, il devenait, en 1870, titulaire de la chaire d'anatomie descriptive. Cependant, en dehors de l'enseignement, Lallement cherchait des aliments nouveaux à son activité. Pendant de longues années il a été secrétaire général de la Société de médecine et de l'Association des médecins de Meurthe-et-Moselle, avant de devenir président de ces deux Sociétés. Conseiller municipal, membre du Conseil d'hygiène, membre de l'Académie de Stanislas, dont il a été président, il se dépensait sans compter dans toutes ses fonctions; et je ne parlerai ni de ces postes multiples, qui l'obligeaient à une pratique médicale incessante, ni de cette clientèle absorbante, qui ne lui permettait pas le repos.

Sa vie n'a été qu'un labeur de tous les instants. Il s'appliquait à mener de front un ensemble d'occupations qui paraissaient dépasser les forces humaines, et le sentiment du devoir, chez lui très profond, lui interdisait des défaillances qui, parfois, n'auraient été que trop justifiées. A la Faculté, son enseignement net et précis était vivement apprécié des élèves. La chaleur de sa parole, à laquelle il savait donner un tour familier, les aperçus philosophiques et les applications pratiques, qui abondaient dans ses cours, arrivaient à rendre intéressante, agréable même, l'anatomie, cette science si aride. Ces qualités si précieuses du professeur étaient rehaussées encore par l'intérêt qu'il témoignait aux élèves. Lallement aimait les travailleurs, parce qu'il était lui-même un travailleur infatigable; il les encourageait, il s'efforçait de leur faciliter la réussite dans leur carrière. Sa sollicitude s'étendait à tout ce qui touchait à la Faculté; en toute circonstance on était sûr de le trouver au premier rang parmi ses défenseurs.

Homme de progrès, enthousiaste des innovations qu'il jugeait utiles, ne reculant ni devant les initiatives, ni devant les responsabilités, Lallement devait laisser sur sa route une trace profonde. Passionné pour les questions d'hygiène et de médecine publique, prompt à passer de la théorie à l'application, il a été le promoteur de bien des mesures fécondes en résultats, telles que la création du bureau municipal d'hygiène et du gymnase municipal; et il a su les faire aboutir, grâce à la ténacité peu commune qu'il apportait dans ses légitimes revendications.

S'il a droit à la reconnaissance de la Faculté de médecine et de la ville de Nancy, que dirai-je de ces malades sans nombre, qui n'ont jamais trouvé son dévouement en défaut, à qui il sacrifiait sans hésiter et sa santé et le repos de ses nuits? Ceux qui l'ont approché savent quelle profonde bonté, quelle droiture, quelle honnêteté se cachaient sous ces dehors parfois un peu rudes. Ils le savent aussi, la chaleur qu'il apportait à la défense de ses opinions, la vivacité avec laquelle il s'élevait contre la contradiction, n'étaient autre chose que le gage de la sincérité parfaite de sa nature toute de premier mouvement et la preuve de la solidité de ses convictions.

Professeur H. HEYDENREICH