REMY COLLIN (1880-1957)
Georges GRIGNON
Le 8 juillet 1955, dans le grand
amphithéâtre de la nouvelle Faculté de Médecine de Paris, des médecins, des
biologistes certes, mais aussi des philosophes, venus du monde entier, debouts,
rendaient, par leurs applaudissements, un émouvant hommage au Professeur Rémy
Collin, qui présidait le VIe Congrès Fédératif International des Associations d’Anatomistes.
Tous associés dans le même sentiment de respect, d’admiration et de gratitude,
tant était grand le rayonnement de ce pur Lorrain dont l’œuvre avait eu un
extraordinaire retentissement.
Rémy Collin, né à Frouard en
1880, nommé professeur d’Histologie à Nancy en 1907, après avoir été le
collaborateur d’Adolphe Nicolas en Anatomie, est affecté au laboratoire
d’Histologie, dirigé, depuis peu, par Pol Bouin. C’est dans ce laboratoire
qu’il a accompli pendant près d’un demi-siècle, une œuvre scientifique de renom
international orientée dans deux directions essentielles : l’étude du rôle de
l’hypophyse dans la régulation des corrélations hormonales et celle de la
physiologie de ce que, depuis lui et grâce à lui, on a pu appeler le complexe
hypothalamo-hypophysaire. R. Collin fut à l’origine du concept de neurocrinie,
de la notion de synergie entre noyaux diencéphaliques et adénohypophyse dont il
a dégagé les grandes lignes du fonctionnement, ouvrant et dessinant clairement
de nouvelles voies d’investigations parfaitement identifiées et exploitées
après lui avec le succès que l’on sait.
Sur un plan plus général, R.
Collin que l’on considère, à juste titre, comme le fondateur de la
neuroendocrinologie, avait écrit “de nombreux faits montrent que les
régulations nerveuses sont liées aux régulations hormonales et inversement”,
phrase dont la signification paraît simple au lecteur de 2003, mais qui, il y a
plus de six décennies, était sinon prophétique, du moins chargée de nouveauté.
“… Sur le plan pratique, les
progrès de la biologie sont une condition indispensable à ceux de la Médecine”
écrit-il aussi, ce qui explique son souci de collaborer étroitement dans le domaine
de l’endocrinologie avec des cliniciens et notamment P.L. Drouet.
Ces recherches, R. Collin les a
menées jour après jour, avec une rigueur d’observation et de raisonnement qui
faisait l’admiration de ceux qui le côtoyaient. Il n’est pas étonnant que de nombreux
stagiaires, français et étrangers, aient fréquenté son laboratoire et que,
dispersés dans le monde, de nombreux chercheurs aient pu se réclamer (et
quelques-uns s’en réclament encore) d’être ses élèves. Tous ont gardé non
seulement le souvenir d’un séjour fructueux sur le plan scientifique, mais
aussi celui d’un homme attentif, d’une exceptionnelle élévation de pensée, d’une
grande disponibilité et d’une constante compréhension vis-à-vis de ses
interlocuteurs.
Enseignant de grande classe, R.
Collin a publié plusieurs ouvrages didactiques ou de synthèse dont : “Les
hormones” (1938), “L’organisation nerveuse” (1944), qui eurent un succès considérable.
Penseur et profondément croyant,
R. Collin est l’auteur de nombreux écrits philosophiques : “Physique et
métaphysique de la vie” (1925), “Message social du savant” (1941), “Panorama de
la biologie” (1945), “Les deux savoirs” (1946), “Mesure de l’homme” (1948),
“Plaidoyers pour la vie humaine” (1951), … Dans tous ses ouvrages ou
conférences, R. Collin dont l’érudition était fascinante, disserte sur la
philosophie des sciences et surtout de la biologie et plaide, par ailleurs,
avec talent, pour une conception spiritualiste de la vie, de la liberté de
l’Homme et de sa dignité. C’est pour l’approfondir et la mieux faire connaître
qu’il fonde en 1926 avec Robert Dalbiez, la Société de Philosophie de la Nature
groupant des biologistes et des philosophes.
Homme de coeur, R. Collin a
contribué à la création d’une Société d’Habitation qui avait pour objet de
permettre à la population ouvrière d’accéder à la propriété, la qualité de
l’habitat lui semblant être une des conditions essentielles de l’épanouissement
de l’Homme. Pendant de longues années, il assura lui-même une permanence au
siège de cette société où il prodiguait ses conseils aux demandeurs qu’il
aidait dans leurs démarches.
De nombreuses distinctions
vinrent le récompenser et surtout la proposition de le nommer dans une chaire
du Collège de France, ce qui était la plus prestigieuse des reconnaissances de
son mérite. Il préféra rester dans cette Lorraine où il était né et qu’il
aimait, et dans “sa” Faculté à laquelle il était profondément attaché et où il
estimait pouvoir et devoir continuer son oeuvre.
R. Collin s’est éteint un matin
de novembre 1957 après une très courte maladie. L’âge n’avait en rien altéré
son dynamisme intellectuel et son extraordinaire bienveillance. Son œuvre ne
s’arrêtait pas là, il avait donné une impulsion à la neuroendocrinologie, il
avait défendu avec obstination et courtoisie la spiritualité chez l’Homme, il a
laissé, pour ceux qui l’ont connu, le souvenir d’un homme enthousiaste et bon.
L’auteur de ces lignes, qui fut son dernier élève, parcourant, il y a quelques
jours, certains de ces écrits, a retenu cette citation qui lui semble être la
meilleure conclusion à cette trop brève notice :
“Il y a le coeur et surtout
la jeunesse du coeur, qui permet de conserver l’enthousiasme au milieu des
fatigues, des échecs, des déceptions … Heureux ceux qui ont la faculté de s’enthousiasmer”.