1870-1962
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Leçon d'ouverture d'histologie
ELOGE FUNEBRE
Le Professeur Pol BOUIN est décédé le 5 février dernier à Vendresse, dans les Ardennes, à l'âge de 91 ans. On ne s'étonnera pas qu'un hommage soit rendu à sa mémoire dans le cadre de la Société de Biologie ; celle-ci lui doit beaucoup. Le Professeur Pol BOUIN, en effet, compte parmi ceux qui se groupant autour du Professeur PRENANT, fondèrent au mois de novembre 1895 « La Conférence Biologique de Nancy ». C'est dans le cadre de cette Conférence devenue la Réunion Biologique en 1897, puis en 1903 l'actuelle Société de Biologie de Nancy que notre collègue a présenté le résultat des travaux qui, très vite, lui ont acquis une très large notoriété. Peu d'hommes de science ont eu, comme le Professeur BOUIN, la bonne fortune à la fin de leur carrière de constater le lien fondé et l'importance des idées émises et des faits observés pendant leur vie de jeune chercheur ou d'homme mûr. Peu ont eu, sur l'orientation de la biologie, une influence aussi déterminante ; très peu ont eu, en même temps, une telle influence morale et ont pu s'entourer d'élèves aussi nombreux et d'une telle valeur.
Lui-même rappelait, le 18 novembre 1946, lorsque ses collègues, ses élèves, ses amis et ses nombreux admirateurs se réunirent dans l'amphithéâtre de l'Institut d'Histologie, à la Faculté de Médecine de Strasbourg, pour lui remettre une médaille gravée à son intention, que ce sont les conditions trouvées à la Faculté de Médecine de Nancy où ses parents l'avaient envoyé commencer ses études médicales, qui l'ont orienté dans la voie scientifique. Deux maîtres de cette époque ont eu, sur lui, une influence déterminante :
« Le Professeur NICOLAS s'imposait, disait-il, par la précision de ses cours d'anatomie. Le Professeur PRENANT séduisait par la manière dont il nous dévoilait les étonnants mystères du monde microscopique. Ses descriptions des dispositifs structuraux étaient si vivantes qu'elles sont restées pour moi les modèles dont j'ai essayé de m'inspirer quand à mon tour, j'enseignai la même science... Un tel enseignement fit sur moi une grande impression. Je souhaitai mieux connaître la science histologique et apprendre les méthodes qui permettent de la pratiquer. J'exprimai un jour ce désir à mon maître. Il m'invita à fréquenter son laboratoire. A la fin de la première année de mes études anatomiques, je devenais préparateur d'histologie à la Faculté de Médecine (1891). Je travaillai aux côtés de PRENANT pendant une douzaine d'années ; elles comptent parmi les plus essentielles de ma carrière... Je devins agrégé d'histologie (1898), peu de temps après avoir présenté ma thèse de doctorat en médecine (1897). J'étais donc heureusement et rapidement débarrassé des exercices de vieille scholastique exigés par la préparation aux épreuves aléatoires du concours d'agrégation. Je pus me mettre tout de suite au bon travail. PRENANT m'avait déjà fait faire une recherche de morphologie expérimentale en me donnant comme sujet de thèse l'étude des altérations de la gonade mâle consécutives à l'oblitération de ses conduits excréteurs. Je résolus de continuer dans cette voie, qui me semblait riche de promesse. Après avoir exécuté des recherches cytologiques, en particulier sur les doubles spermatogénèses et les mitoses maturatives chez les Myriopodes. sur les connexions des dendrites, sur la constitution du cytoplasme chez certaines cellules reproductrices végétales et animales, celles-ci poursuivies avec mon frère Maurice, de la Faculté des Sciences, j'entrepris des investigations sur les glandes génitales envisagées au point de vue de leur action générale sur l'organisme. Ce problème intéressait aussi mon ami Paul ANCEL, élève du Professeur NICOLAS. Nous décidâmes d'associer nos efforts et d'explorer ensemble ce domaine encore vierge de l'endocrinologie. Cette investigation s'avéra pleine de difficultés mais fructueuse. Non seulement elle devait nous occuper, ainsi que nos élèves, pendant toute la durée de notre carrière scientifique, mais peu à peu elle sollicita l'intérêt d'un nombre toujours croissant de biologistes qui donnèrent à ce chapitre nouveau de l'histophysiologie un magnifique développement. Il nous a fallu de longues recherches pour établir que les cellules interstitielles testiculaires sont la source de l'hormone masculinisante, c'est-à-dire de la substance spécifique qui développe et maintient chez le mâle les caractères distinctifs de son sexe, et que le corps jaune de l'ovaire est la source de l'hormone progestative, c'est-à-dire de la substance qui prépare périodiquement l'organisme féminin à la condition maternelle et plus particulièrement la muqueuse de la matrice à la nidation de l'œuf fécondé.
Mais je dois une pensée reconnaissante à la mémoire de mon père. C'est lui qui, en me faisant part de ses connaissances en pathologie animale, m'apprit le comportement particulier des grands Mammifères cryptorchides, la perte chez ces derniers du pouvoir fécondant, et la conservation intégrale des autres caractères sexuels mâles. Ces animaux sont inféconds, mais ils ne sont pas impuissants. Le rapprochement entre cette donnée clinique et la structure des testicules en ectopie intra-abdominale, presque exclusivement réduits à leur glande interstitielle, a été l'étincelle qui a illuminé notre route et nous a montré le chemin à suivre. »
L'essentiel des résultats énoncés était déjà acquis entre les années 1900 et 1907. On ne s'étonnera pas si ces recherches originales, qui ont servi de base à l'endocrinologie sexuelle expérimentale, aient attiré sur lui l'attention du monde universitaire. Nommé Professeur à l'Ecole de Médecine d'Alger en 1906 à la fin de son temps d'agrégation, il succède l'année suivante, à Nancy, à son maître PRENANT, nommé lui-même à la chaire d'histologie de Paris. Sa renommée scientifique était telle à la fin de la première guerre mondiale qu'il est désigné en 1919 pour occuper la chaire d'histologie de la Faculté de Médecine de Strasbourg redevenue française.
C'est dans cette Université qu'il donne sa pleine mesure dans un Institut créé spécialement pour lui par la Fondation Rockefeller, entouré d'élèves nombreux et dont beaucoup ont acquis eux-mêmes un grand renom, comme les Professeurs Courrier et Benoit du Collège de France, les Professeurs Aron, Klein, Mayer et Clavert.
La bivalence de la glande génitale femelle est démontrée comme l'avait été celle de la glande génitale mâle, de même que l'influence de l'hypophyse sur les activités génitale, thyroïdienne et mammaire ; de nombreuses autres corrélations endocriniennes sont également m ises en évidence.
Elu membre de l'Académie de Médecine et de l'Académie des Sciences, le Professeur BOUIN voit alors son laboratoire fréquenté par un grand nombre de savants étrangers. Replié à Clermont-Ferrand avec toute la Faculté de Médecine de Strasbourg, lorsque la guerre éclate, il s'efforcera encore de maintenir dans cette ville un foyer de recherches.
Mis à la retraite, Commandeur de la Légion d'Honneur, titulaire de nombreuses décorations étrangères, le Professeur BOUIN laisse alors le souvenir d'un grand biologiste dont les idées ont acquis définitivement droit de cité, d'un savant affable et bienveillant que regrettent unanimement ses élèves. Modeste, il se retire dans son village natal, à Vendresse, où jusqu'à sa mort il entretiendra une correspondance considérable, conseillant et encourageant. Paradoxe, si sa grande réputation scientifique est le résultat de ses importantes découvertes, sa notoriété mondiale est en partie due au fait que jeune préparateur d'histologie, il utilisa pour ses recherches un liquide fixateur universellement utilisé : le liquide de Bouin. Fait insigne, les jeunes biologistes américains ou asiatiques, qui utilisent ce mélange de fixation prononcent ce nom à la française.
C'est à Vendresse, que sont venus se recueillir sur sa tombe, un grand nombre de ses élèves français et étrangers, de ses amis, de ses admirateurs, en souvenir de l'homme modeste et bienveillant, du maître unanimement respecté, aimé et admiré, de l'animateur qui a donné à l'histophysiologie et à l'endocrinologie expérimentale un aussi brillant essor.
Tous ceux qui l'ont connu lui garderont, comme moi-même, une très vive admiration et un très grand respect.
Professeur E. LEGAIT
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Texte extrait de "Les sciences morphologiques médicales à Strasbourg du XVème au XXème siècle" par J-M LE MINOR
Presses Universitaires de Strasbourg, 2002, p 237-242
Originaire de Vendresse (Ardennes), P. Bouin est élève puis maître de l'école morphologique de Nancy. Etudiant à la Faculté de Médecine de Nancy, P. Bouin était devenu dès 1892 préparateur en histologie. Sous la direction de son maître Auguste Prenant (1861-1927), P. Bouin avait soutenu en 1897 sa thèse de doctorat en médecine consacrée aux phénomènes cytologiques anormaux dans l'histogenèse et l'atrophie expérimentale du tube séminifère. En 1898, il avait été nommé Maître de conférences agrégé d'histologie à Nancy. En 1908, il devenait professeur titulaire de la chaire d'histologie de Nancy, succédant à son maître A. Prenant, lui même appelé à la chaire d'histologie de Paris, en remplacement de Mathias Duval (1844-1907). En 1897, P. Bouin avait décrit l'intérêt du picro-formol pour la fixation des tissus biologiques, produit immortalisé sous le nom de liquide de Bouin. De 1902 à 1914, P. Bouin et son indissociable ami Paul Ancel (1873-1961) avaient figuré parmi les pionniers de l'histophysiologie des glandes endocrines et avaient jeté les bases de l'endocrinologie sexuelle et de la biologie de la reproduction : glande interstitielle du testicule (1903-1907), glande interstitielle de l'ovaire et corps jaune (1908-1913), puis post-hypophyse (1914). P. Bouin avait aussi publié avec A. Prenant et L. Maillard un fameux Traité d'histologie (1904-1911), préfacé par M. Duval. Le Professeur P. Bouin arrive donc, en 1919, à Strasbourg avec déjà une prestigieuse réputation scientifique.
A Strasbourg, le Professeur P. Bouin, crée, dès 1919, une école mondialement connue dans le domaine de l'histophysiologie, participant de manière significative à l'essor de l'endocrinologie expérimentale. L'histologie descriptive n'est plus considérée que comme une technique mise au service de la science expérimentale, en vue de la localisation et de l'explication des phénomènes biologiques. Les résultats les plus remarquables sont acquis dans l'étude des glandes endocrines. De grandes découvertes se succèdent à l'Institut d'Histologie de Strasbourg. Trois activités hormonales fondamentales sont découvertes dans l'institut de P. Bouin. La folliculine est découverte par R. Courrier en 1923, et le laboratoire de P. Bouin démontre progressivement la dualité des hormones ovariennes, s'opposant vivement aux auteurs unicistes parmi lesquels Jacques Schickelé (1875-1927), professeur de gynécologie et d'accouchement à Strasbourg de 1919 à 1926. Le rôle du lobe antérieur de l'hypophyse est alors un domaine nouveau de recherches, conduisant à la découverte de la prolactine par Stricker et Grueter en 1928, et de la thyréostimuline par M. Aron en 1929, puis à l'étude des autres stimulines, notamment des gonadostimulines.
Durant cette période, P. Bouin publie son ouvrage de référence Eléments d'histologie (1929-1932) ; il souligne, dans sa préface, l'aide que lui ont apportée ses collaborateurs strasbourgeois M. Aron, J. Benoit, R. Courrier, et M. Klein. Albert Collinet (1894-1961), technicien et dessinateur à l'Institut d'Histologie, réalise la majorité des illustrations de ce traité. En 1922, P. Bouin participe, aux côtés du Professeur André Forster, à la création de la revue Archives d'Anatomie, d'Histologie et d'Embryologie, dans laquelle seront publiés de nombreux travaux originaux de l'école histologique strasbourgeoise.
A la suite des propositions de P. Bouin, le Professeur Albert Brachet (1869-1930), professeur d'anatomie et d'embryologie à la Faculté de Médecine de Bruxelles, est fait docteur « honoris causa » de l'Université de Strasbourg en 1920, ainsi que, en 1923, le Professeur Santiago Ramon y Cajal (1859-1924), professeur d'histologie à Madrid en Espagne, et Prix Nobel de Physiologie et Médecine en 1906.
En 1924, le Professeur P. Bouin est Président du 19e Congrès de l'Association des Anatomistes qui se tient à Strasbourg. P. Bouin est élu membre correspondant de l'Académie de Médecine en 1928, puis membre associé national en 1939, et membre non résident en 1947. Il est également élu membre correspondant de l'Académie des Sciences en 1932, puis membre non résident en 1945. P. Bouin sera également distingué par la Médaille d'Or du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) en 1961, et par sa promotion comme Commandeur de la Légion d'Honneur.
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Extrait du discours de Pol BOUIN à son Jubilé (1946)
Permettez-moi maintenant, suivant l'usage, de parler un peu de moi et de ma vie universitaire. Ce sont les conditions trouvées à la Faculté de Nancy, où mes chers parents m'avaient envoyé commencer mes études médicales, qui m'ont orienté dans la voie scientifique. Parmi les excellents maîtres de cette Faculté, il en est deux dont l'enseignement a tout de suite fixé mon attention. Ce sont les Professeurs Nicolas et Prenant. Le Professeur Nicolas s'imposait par la précision de ses cours d'anatomie, et par l'intérêt et les perspectives de ses savantes leçons d'Embryologie. Le Professeur Prenant séduisait par la manière dont il nous dévoilait les étonnants mystères du monde microscopique. Ses descriptions des dispositifs structuraux étaient si vivantes, qu'elles sont restées pour moi des modèles dont j'ai essayé de m'inspirer quand, à mon tour, j'enseignai la même science. Avec quel talent, il décomposait chaque organe en éléments « dominateurs », sortes d'artisans spécialisés accomplissant la fonction particulière, et en éléments « dominés » asservis aux rôles subalternes d'alimentation, d'élimination, de soutien, de motilité. De quelle manière suggestive il nous expliquait le travail discipline de ces corporations cellulaires, et leur exacte participation à la vie de l'organisme, sous l'administration aristocratique des cellules nerveuses. Et souvent, ces exposés descriptifs lui étaient une occasion d'aborder un grand problème biologique, ou de nous conduire comme par la main jusqu'aux frontières de l'inconnu. Un tel enseignement fit sur moi une grande impression. Je souhaitai mieux connaître la science histologique et d'apprendre les méthodes qui permettent de la pratiquer. J'exprimai un jour ce désir à mon maître. Il m'invita à fréquenter son Laboratoire. A la fin de la première année de mes études anatomiques, je devenais préparateur d'Histologie à la Faculté de Médecine.
Je travaillai aux côtés de Prenant pendant une douzaine d'années. Elles comptent parmi les plus heureuses et les plus essentielles de ma carrière. Il m'a toujours prodigué les marques d'un amical intérêt dont j'ai conservé un déférent et affectueux souvenir. Je devins agrégé d'anatomie et d'histologie peu de temps après avoir présenté ma thèse de doctorat en Médecine. J'étais donc heureusement et rapidement débarrassé des exercices de vieille scholastique exigés par la préparation aux épreuves aléatoires du concours d'agrégation. Je pus me mettre tout de suite au bon travail. Prenant m'avait déjà fait faire une recherche de morphologie expérimentale en me donnant comme sujet de thèse l'étude des altérations de la gonade mâle consécutives à l'oblitération de ses conduits excréteurs. Je résolus de continuer dans cette voie qui me semblait riche de promesses.
Après avoir exécuté des recherches cytologiques, en particulier sur les doubles spermatogénèses et les mitoses maturatives chez les Myriapodes, sur les connexions des dendrites, sur la constitution du cytoplasme chez certaines cellules reproductrices végétales et animales, celles-ci poursuivies avec mon frère Maurice, de la Faculté des Sciences, j'entrepris des investigations sur les glandes génitales envisagées au point de vue de leur action générale sur l'organisme. Ce problème intéressait aussi mon ami Paul Ancel, élève du Professeur Nicolas. Nous décidâmes d'associer nos efforts et d'explorer ensemble ce domaine encore vierge de l'endocrinologie. Cette investigation s'avéra pleine de difficultés, mais fructueuse. Non seulement elle devait nous occuper, ainsi que nos élèves, pendant presque toute la durée de notre carrière scientifique, mais peu à peu elle sollicita, l'intérêt d'un nombre toujours croissant de biologistes, qui donnèrent à ce chapitre nouveau de l'histophysiologie un magnifique développement. Il nous a fallu de longues recherches pour établir que les cellules interstitielles testiculaires sont la source de l'hormone masculinisante, c'est-à-dire de la substance spécifique qui développe et maintient chez le mâle les caractères distinctifs de son sexe, et que le corps jaune de l'ovaire est la source de l'hormone progestative, c'est-à-dire de la substance qui prépare périodiquement l'organisme féminin à la condition maternelle, et plus particulièrement la muqueuse de la matrice à la nidation de l'œuf fécondé.
Puisqu'il s'agit aujourd'hui de souvenirs rétrospectifs, je dois une pensée reconnaissante à la mémoire de mon père. C'est lui qui, en me faisant part de ses connaissances en pathologie animale, m'apprit le comportement particulier des grands Mammifères cryptorchides, la perte chez ces derniers du pouvoir fécondant, et la conservation intégrale des autres caractères sexuels mâles. Ces animaux sont inféconds, mais ils ne sont pas impuissants. Le rapprochement entre cette donnée clinique et la structure des testicules en ectopie intra-abdominale, presque exclusivement réduits à leur glande interstitielle, a été l'étincelle qui a illuminé notre route et nous a montré le chemin à suivre. Nous sommes partis de ce point de départ solide pour avancer peu à peu dans l'étude des complexes structuraux qui engendrent, constamment ou périodiquement, les substances spécifiques masculinisantes, féminisantes et maternisantes. Nos collaborateurs surtout après notre installation à Strasbourg, ont étendu le champ de ces premières recherches aux Mammifères sauvages et aux autres Vertébrés : Oiseaux, Reptiles, Amphibiens, Poissons, donnant à nos résultats initiaux une signification générale. Ils ont surtout étudié la gonade femelle qui, à cause de la complexité de son fonctionnement en dehors et pendant la grossesse, a pris la première place dans leur préoccupation ; ils ont fait dans ce domaine spécial de l'endocrinologie des observations et découvertes de très grande importance. Ils ont enfin réalisé des études approfondies sur les autres glandes à sécrétion interne et sur leurs corrélations fonctionnelles. Et maintenant mes anciens collaborateurs continuent seuls leurs belles recherches. Ils ne sollicitent plus pour les guider la main amie de leur maître. Ils ont gagné des ailes puissantes. Ils ont pris leur vol vers d'autres horizons. Ils ont découvert et découvriront encore de nouveaux domaines, qu'ils défricheront et qu'ils fertiliseront. Je ne puis plus qu'escompter leur succès et les accompagner de mes vœux.
J'arrête ici l'histoire des explorations scientifiques que j'ai eu l'occasion d'entreprendre et que j'ai pu contrôler. Il me reste un agréable devoir à remplir. C'est tout d'abord de dire la joie que m'a procurée mon intime collaboration avec Paul Ancel. Celle-ci s'est poursuivie au cours de longues années dans la plus confiante association spirituelle. J'ai trouvé auprès de lui en toute circonstance le ferme soutien de son amitié. Je suis heureux que la présente cérémonie me donne l'occasion de lui adresser mon bien cordial merci. J'en dois un autre aux aimables représentants de la Fondation Rockefeller ; ils se sont intéressés à nos travaux, et nous ont apporté, avec un chaleureux et réconfortant appui moral, une aide matérielle généreuse sans laquelle les études de mon équipe n'auraient pas pu s'exécuter avec une telle ampleur. Mes collaborateurs et moi-même en garderons le reconnaissant souvenir.
Je viens de devancer beaucoup, en résumant l'histoire de nos études biologiques, le déroulement de mon « curriculum vitae » personnel. Je fus nommé titulaire à l'Ecole de médecine d'Alger à la fin de mon temps d'agrégation, que j'ai bien cru devoir être la fin de ma vie universitaire. Puis je revins à Nancy, après la nomination de Prenant à la chaire d'histologie de Paris, où il succédait au célèbre Mathias Duval, ancien agrégé de la vieille Faculté Française de Strasbourg. J'étais sollicité vers Nancy par toute sorte de forces sentimentales, par les souvenirs attachés à ma Faculté d'origine, par le désir de me retrouver auprès de ma propre famille, auprès de celle de ma chère et dévouée compagne, par notre commun désir à Paul Ancel et à moi de reprendre le cours interrompu de nos anciennes recherches. Mais j'ai abandonné l'Algérie avec la satisfaction de voir mon ami Amédée Weber occuper brillamment la chaire que je quittais avec tant de regret. Après la guerre, j'ai trouvé à Strasbourg les moyens puissants qui me permirent d'intensifier le travail et de fonder rapidement une nombreuse et forte équipe de chercheurs.
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POL BOUIN (1870-1962) ET L'ESSOR DE L'ENDOCRINOLOGIE EXPÉRIMENTALE