1928
Article de l'Est-Républicain
Nous avons appris le décès du Professeur Jean PREVOT, survenu le 1er mai, à l'âge de 89 ans, à l'établissement de Bainville-sur-Madon. C'est la disparition d'un grand patron de la chirurgie infantile reconnu par l'ensemble de la profession. Né à Nancy le 31 mai 1928, d'un père médecin généraliste, il a fait ses études de médecine à la Faculté de Nancy. Une vocation pour cet homme qui disait : « Je n'ai jamais considéré l'activité médicale comme un métier ». Il fait une carrière rapide : Externe en 1948, Interne en 1951 et la même année aide d'anatomie, puis Chef des travaux d'anatomie, Chef de clinique en 1955, puis Professeur agrégé en 1961. En 1959, il est le premier chirurgien nancéien à opérer et à guérir définitivement les atrésies de l'œsophage chez les nouveaux nés. Il crée un service d'urologie pédiatrique, ce qui lui ouvrira le poste de chef de service de chirurgie infantile viscérale et orthopédique au CHU en 1979. Il développe l'embrochage élastique stable reconnu dans le monde entier comme la technique de Nancy et les allongements des membres, technique d'Ilizarov, pour laquelle il s'est rendu en Russie. Lorsque le service est scindé en deux, il abandonne la partie viscérale pour se consacrer à la partie orthopédique. Il fera de nombreuses communications : plus de 200, un livre et un film sur l'atrésie de l'œsophage, sur les détresses pulmonaires néonatales au congrès français de chirurgie pédiatrique. Il était membre de l'Académie de chirurgie. Il a été en mission humanitaire au Laos et au Guatemala. Il était chevalier des palmes académiques. Jean PREVOT a eu sept enfants, Hervé, Laurence (décédée), Sophie, Valérie, Armelle, Marc et Anne, 24 petits-enfants et 27 arrière-petits-enfants. Il laissera le souvenir d'un homme passionné par la médecine et très proche de ses jeunes patients et de leurs parents, mais aussi celui d'un homme autoritaire dans son service et sa famille, mais qui savait écouter.
ELOGE par le Professeur M. SCHMITT
Texte lu pendant les obsèques.
Il m'appartient cet après-midi où nous sommes réunis pour dire à Jean PREVOT un dernier adieu, de tracer en quelques phrases son éminente carrière et d'exprimer en quelques mots les raisons pour lesquelles il était un grand patron de chirurgie. Dès le début de ses études de médecine en 1946, il avait su qu'il était taillé pour ce métier ; après une jeunesse un peu mouvementé où il avait failli être orienté vers le métier d'horloger, son choix de faire des études de médecine fut très personnel. Cette volonté, où il lui fallait convaincre, se manifesta par une réussite exemplaire aux nombreux concours qui émaillaient déjà une carrière chirurgicale universitaire :
- 1948 : Externe des hôpitaux et aide d'anatomie
- 1951 : Interne des hôpitaux, prosecteur d'anatomie puis chef de travaux délégué
- 1961 : Professeur Agrégé de Chirurgie
- 1972 : Professeur titulaire à titre personnel
C'est ainsi qu'il termina sa carrière au sommet de la hiérarchie universitaire et qu'il obtint le titre de Professeur Emérite après son départ en retraite en septembre 1997. De tous ces titres il était fier mais peu sensible aux honneurs il préférait certainement la fierté qu'il avait lui-même acquise par la maitrise de son métier de chirurgien pédiatre et par son rôle de chef de l'équipe de chirurgie pédiatrique nancéenne. La maitrise de son métier venait du développement qu'il avait initié et accompagné de toutes les sur-spécialités de sa discipline : la réanimation, la néonatologie, l'urologie, la plastique, l'orthopédie. Aidé par le Doyen BEAU, il a alors donné à la chirurgie pédiatrique nancéenne sa notoriété :
Localement :
- en guérissant complétement, des 1959, deux atrésies de l'œsophage, ce qui n'avait jamais été réalisé à Nancy auparavant.
- en créant un secteur d'urologie pédiatrique moderne reconnu sur le plan national et qui lui ouvrira l'accès à une chefferie de service.
- en permettant le développement de l'embrochage élastique stable reconnu dans le monde entier comme la technique de Nancy
- en ramenant, après plusieurs séjours en Sibérie : la technique D'Ilizarov.
- en encourageant toutes les techniques compliquées développées par ses élèves dans le domaine de la scoliose ou des grandes reconstructions après chirurgie d'exérèse carcinologique.
- en créant une unité spécifique pour la chirurgie de la main avec la promotion de Gilles DAUTEL.
Nationalement :
en participant très activement aux différentes sociétés savantes et instances de chirurgie pédiatrique ainsi qu'aux différents groupes francophones d'urologie et d'orthopédie. Il avait été accepté comme membre de l'Académie de chirurgie.
Internationalement :
- en étant reconnu dans le monde entier pour son activité de corédacteur du Progress in Pédiatric Surgery
- en diffusant et défendant son travail et celui de son équipe par ses très nombreuses publications et communications en allemand, en anglais, en russe, en italien …
- en participant à des missions humanitaires essentiellement au Laos
Grand patron en chirurgie il l'était :
- Par l'approche de l'enfant malade, ce patient si particulier qu'il ne supportait pas qu'il puisse être considéré comme un adulte en réduction.
- Par l'empathie qu'il savait manifester auprès des parents en difficulté
- Par son influence sur l'équipe qu'il dirigeait grâce à son autorité issue de ses succès chirurgicaux, de sa rigueur organisationnelle, de sa présence qu'il ne comptait pas, par sa notoriété nationale et internationale.
- Par sa facilité à accompagner les initiatives médicales des membres de son équipe même si elles étaient des plus audacieuses
- Par son souci de convaincre les décideurs afin d'obtenir du matériel, ou des promotions pour quelqu'un de son équipe qu'il soit médecin ou non.
Grand patron il l'a été car il aura contribué à la reconnaissance de sa discipline à Nancy.
Avant Mr PREVOT la chirurgie pédiatrique était connue localement mais avec lui elle a été reconnue et elle s'est constamment développée pour devenir un maillon essentiel de la chirurgie et de la pédiatrie universitaires nancéennes.
En 1997 lorsqu'il a été contraint par l'administration d'arrêter son activité hospitalière il disait : « Je n'ai jamais eu l'impression de travailler mais j'ai eu l'impression d'agir efficacement. J'avais le sentiment d'être utile »et au journaliste qui l'interrogeait sur ce qu'il allait faire il répondait : « il y a toujours quelque chose à faire : des arbres à abattre, des champs à faucher….Le bridge et le Golf, c'est pas mon style »
Il y a quelques temps son regard bleu acier, qu'il savait rendre très expressif disait encore la joie d'être parmi nous malgré ses difficultés d'élocution et de déplacement ; depuis quelques semaines ce regard n'exprimait plus que lassitude, interrogations, colère….probablement qu'il n'avait plus ce sentiment d'être utile et cela pour Mr PREVOT, était inimaginable.
A Mme Prévot, à ses 7 enfants (avec une pensée particulière pour Laurence), à ses 24 petits-enfants, à ses 27 arrières petits-enfants et à tous ceux et celles qui l'ont accompagné et assisté jusqu'aux derniers moments j'adresse avec Pierre LASCOMBES, avec tous les membres des équipes qu'il a dirigées, avec les bureaux de la SFCP et de la SOFOP nos condoléances attristées et notre témoignage de reconnaissance pour le parcours hospitalier et universitaire de Jean PREVOT.
Notre collègue de l'Hôpital Robert Debré, Christine Grapin nous a écrit : « Monsieur PREVOT était un authentique patron "à l'ancienne", il restera dans les mémoires de tous ceux qui l'ont connu, et dans l'histoire de la chirurgie pédiatrique française. »
Ainsi va l'hommage de la collectivité Locale et Nationale de Chirurgie pédiatrique à notre cher Patron.