1909-1996
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Dom Robert Desgabets, bénédictin lorrain « inventeur » de la transfusion sanguine en 1650
.
ELOGE FUNEBRE
Le Doyen BEAU a été atteint par la limite d'âge le 1er octobre
1979 et certains d'entre vous ne l'ont pas connu dans sa vie active de sorte
qu'on ne peut pas lui rendre hommage sans évoquer quelques points de l'histoire
contemporaine de la Faculté et des Hôpitaux de Nancy.
Né en février 1909, le Professeur BEAU avait été nommé Agrégé
d'Anatomie en 1939. Il avait alors 30 ans et déjà de brillants états de service
: sorti premier de l'Ecole de Santé Militaire de Lyon, premier de l'Ecole
d'Application du Val de Grâce, il avait quitté l'armée dont il craignait les
contraintes. Cinq fois lauréat de la Faculté de Médecine, Major de l'Internat,
il était Secrétaire de l'Association des Anatomistes.
A vrai dire, tous les étudiants de l'époque ont pu éprouver
l'enseignement du jeune Professeur BEAU dans cet amphithéâtre A de l'Institut
d'Anatomie, vertigineux et surchargé, où s'entassaient ensemble les étudiants
des deux premières années, ceux de première année étant régulièrement repoussés
vers le haut, à coups d'insultes méprisantes et de horions, jusqu'à se trouver
assis sur les marches d'escalier. L'enseignement du Professeur BEAU, devenu
titulaire de la chaire d'Anatomie en 1948, remarquablement clair et didactique,
était très apprécié et tous les étudiants fréquentaient et conservaient ses
cours. Qui ne se rappelle sa description du périnée humain où il nous
expliquait, avec une coquetterie glaciale majestueuse et solennelle, que nous
nous trouvions dans l'amphi. assis sur le releveur de l'anus avec les fosses
ischio-rectales en-dessous et l'anus à l'emplacement de la chaise. Cet
enseignement était complété par un contact direct en salle de travaux
pratiques, la « salle de bidoche » où dans une blouse impeccablement
blanche, le Professeur BEAU faisait les cent pas, assisté de son équipe, les
Docteurs SOMMELET, MARCHAL et HAHN, qui se penchaient avec intérêt sur nos
dissections malhabiles. En fait, les étudiants adoraient le professeur BEAU,
qui, en plus, n'était pas trop dur aux examens. Je me souviens avoir participé
à une collecte entre étudiants pour offrir un cadeau à l'occasion de la
naissance de son 2ème enfant.
Sur le plan hospitalier, le Professeur BEAU, Chirurgien des
Hôpitaux depuis 1946, était jusqu'en 1955 titulaire du Service des
consultations chirurgicales, mais comme il n'avait ni lit, ni malade, il
fréquentait assidûment le Service de son ami le Professeur René ROUSSEAUX qui
initiait à Nancy les premiers pas d'une neurochirurgie hésitante.
Il est surprenant de constater combien mon Maître, que rien ne
prédestinait à la chirurgie pédiatrique à ce moment, sut s'adapter à cette
discipline nouvelle.
Entre temps, il avait été élu en 1960 Doyen de la Faculté de Médecine
par un vote unanime ; il combinait avec bonheur cette lourde charge avec la
conduite d'un Service Hospitalier dont l'activité, favorisée par le baby-boom
de l'après-guerre, prenait de plus en plus d'ampleur. Chaque jour, après les
obligations de son Service où il arrivait ponctuellement à 9 h, il partait à
pied à la Faculté rue Lionnois vers ll h pour retrouver ses
"paroissiens" comme il se plaisait à le dire, qui venaient lui
exposer leurs problèmes et où s'échafaudait la politique de la Faculté.
Les services qu'il a rendus à la communauté universitaire pendant
cette période sont exceptionnels. Jouant de son influence et de son autorité,
il a réussi à nommer, ou à faire nommer plus exactement, près de 70 professeurs
agrégés ; certes les circonstances n'étaient pas les mêmes qu'à l'heure
actuelle car les Facultés étaient en pleine expansion ; en tous cas, on peut
dire que la plupart d'entre les plus anciens d'entre nous peuvent se prévaloir
d'avoir eu un soutien actif et efficace de sa part ; ce soutien a été, il faut
le reconnaître, parfois rapidement oublié ce qui l'attristait beaucoup.
D'une haute stature, il savait le cas échéant adopter en public
une attitude d'autorité, froide et distante. En mai 1968, il avait su, avec des
accents gaulliens contre la « chienlit », mater la révolte des
étudiants contestataires et se maintenir dans son poste alors que dans ce grand
bouleversement d'autres Doyens et des plus nombreux se couchaient et mordaient
la poussière.
Le Professeur BEAU devait diriger la Clinique Chirurgicale
Infantile dès octobre 1955 et jusqu'en 1979 avec autorité, compréhension et
humanité. Dans cette longue période, il était devenu Membre des plus hautes
instances de cette discipline et il a oeuvré de façon déterminante, avec le
Professeur NEIMANN, pour la réalisation d'un Hôpital d'Enfants digne de Nancy
qui a fini par émerger, mais si tard que cet Hôpital a ouvert en 1982 et que le
Doyen Beau, en retraite depuis 1979, n'a pas pu y exercer.
Comme tout homme actif, il craignait la retraite mais il a su
trouver initialement deux dérivatifs à cette « mort lente » : d'une
part le Musée de la Faculté rassemblé dans les anciens locaux de la physique,
rue Lionnois, qu'il se plaisait à faire visiter, et si bien remis en valeur par
le Doyen actuel à Brabois, d'autre part l'Académie de Stanislas qui convenait
bien à son érudition d'humaniste, qu'il charmait par ses conférences et qui le
porta à la Présidence pendant plusieurs années.
Officier de la Légion d'Honneur, Commandeur des Palmes
Académiques, Titulaire de multiples autres décorations étrangères dont de
prestigieuses, Membre correspondant de l'Académie de Médecine et je passe sur
tellement de titres, le Professeur BEAU a marqué son époque en homme de bien,
d'une honnêteté intraitable, ennemi du favoritisme et des compromissions, à tel
point qu'il n'a jamais utilisé ses fonctions pour obtenir des avantages et que
son Service était constamment le dernier à bénéficier de travaux, de personnel
ou de matériel. Digne successeur du Doyen PARISOT, le Doyen BEAU a donné un
lustre incomparable à la Faculté de Médecine. Précurseur dans beaucoup de
domaines, dont l'E.P.U., il a su favoriser les jeunes générations dont il
s'occupait déjà lorsqu'il était Chef de Travaux d'Anatomie. Son rayonnement, sa
compétence, son érudition, étaient reconnus de tous. En bref, il a fait tout
son devoir et il l'a bien fait. Toute sa vie témoigne d'un labeur incessant au
service des autres et de la Faculté.
Le temps efface malheureusement des souvenirs qui disparaîtront
avec notre génération. Ainsi l'oeuvre du Doyen BEAU risque-t-elle de se délayer
et de sombrer progressivement dans l'oubli. Aussi je voudrais en terminant
émettre un voeu qui est que son buste vienne prendre une place privilégiée dans
ce nouveau musée de la Faculté de sorte que le Doyen BEAU ne soit pas ignoré
des générations montantes, que son oeuvre reste honorée à sa juste valeur et
que son souvenir perdure au fil des années.
Professeur J. PREVOT