` sommaire

Urologie

 

par P. MANGIN

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les activités hospitalo-universitaires à Nancy (1975-2005)

 

RAPPEL HISTORIQUE

 

L’histoire de l’Urologie nancéienne n’est compréhensible que si elle est intégrée au contexte géographique et surtout historique très particulier de Nancy et de la Lorraine.

La naissance de l’Urologie n’aurait probablement pas eu lieu aussi précocement si la France n’avait pas perdu la guerre de 1870. Sa croissance rapide après 1918 n’aurait probablement pas eu lieu si Nancy ne s’était pas trouvé au cœur des combats pendant la Première Guerre Mondiale. Construit sur ces fondations historiques particulières le Service connut ensuite une longue période de paix où l’Urologie nancéienne a continué à se développer et à suivre de très près les progrès techniques de la spécialité, à peine perturbée par la période confuse de la Deuxième Guerre Mondiale.

 

1. La guerre de 1870 et ses conséquences ( 1870-1914 )

 

Avant 1870, il n’existait que 3 Facultés de Médecine en France, Montpellier, Paris et Strasbourg, qui jouissaient d’une autonomie et d’une autorité académique enviées par les  Ecoles de Médecine  qui existaient dans une vingtaine d’autres villes dont Nancy, crée en 1822. Théoriquement les Facultés se devaient d’être le creuset des futurs enseignants et de l’innovation, alors que les Ecoles avaient pour vocation la formation pratique des futurs médecins et chirurgiens de terrain. La réalité était quelque peu différente !

La défaite française de 1870 devait bouleverser l’histoire de Nancy pour deux raisons.
L’intégralité de l’Alsace et le nord de la Lorraine ayant été annexés à l’Allemagne, la frontière franco-allemande était à moins de 20  kilomètres de Nancy. L’autre élément a été la perte de la Faculté de Médecine de Strasbourg. Le corps professoral ayant refusé l’annexion allemande a demandé à être réintégré dans une autre Faculté française, tout en restant groupé pour garder à la fois son identité et sa cohésion.

Par ailleurs, la radiation par les armes d’une des 3 Facultés de Médecine  française n’était pas acceptable par les dirigeants français humiliés. Il fallait donc recréer immédiatement cette Faculté dans l’Est de la France en attendant  la Revanche. Deux villes furent proposées pour accueillir les Strasbourgeois et leur Faculté : la grande Ecole de Médecine de Lyon et la petite Ecole de Médecine de Nancy. La première forte de son histoire et de sa dimension accueillait à bras ouvert la Faculté,  mais était plus réservée quant à la réussite de l’intégration des professeurs strasbourgeois. Pour l’Ecole de Nancy, accueillir les Strasbourgeois c’était accepter une domination universitaire évidente mais c’était, en contre partie, acquérir l’envergure d’une grande Faculté de Médecine. En 1872, Nancy devenait ainsi la troisième Faculté de Médecine de France en remplacement de Strasbourg.

Les bâtiments hospitaliers et universitaires de Nancy n’étaient plus compatibles avec cette nouvelle dimension. C’est ainsi que les grands travaux hospitaliers ont commencé, aboutissant à l’ouverture de l’Hôpital Civil en 1883.

C’est précisément à cette époque que naissait l’Urologie française moderne sous l’impulsion de deux grandes personnalités : GUYON puis ALBARRAN. En 1899 était individualisée la 1ère Consultation spécifique d’Urologie à Nancy et en 1907 était créé un Service d’Urologie autonome, dirigé par  Paul ANDRE, constitué d’une unité d’hospitalisation de 12 lits et d’une importante consultation accueillant 6 000 patients par an.

 

2. La guerre de 14-18 et ses conséquences ( 1914 -1937 )

 

Les Hôpitaux de Nancy situés à seulement quelques kilomètres du Front sont rapidement  transformés en Hôpitaux Militaires, la plupart des services de spécialité, dont l’Urologie, disparaissant pour faire place à la chirurgie de guerre : «  lors des violentes batailles du Grand Couronné, l’Hôpital Civil accueillait jusqu’à 400 à 500 blessés par jour ».

Quant à son Chef de Service, Paul ANDRE, il était nommé à l’Etat Major de FOCH en 1914 et y resta jusqu’en 1919 : « Il fut amené à donner des soins réguliers à celui qui avait été nommé Commandant du 20ème Corps à Nancy en 1913 et qui devint Chef des armées Alliées : le Maréchal FOCH. Il dût le sonder quotidiennement sans jamais provoquer d’infection. Cette belle performance lui facilita, sans doute, la création d’une Chaire d’Urologie dans l’immédiat après-guerre et assura une solide réputation, dans cette spécialité au Centre Hospitalier ».

« Au lendemain de la paix et de la libération de l’Alsace, une question majeure venait à l’ordre du jour : la Faculté de Médecine, héritière en 1872 de la Faculté française de Strasbourg devait-elle faire retour à sa ville d’origine et ainsi quitter Nancy ? ».

Grâce au comportement courageux des nancéiens pendant la guerre et au soutien d’hommes politiques lorrains comme Raymond POINCARE ou Albert LEBRUN, Nancy put garder sa Faculté. Une nouvelle Faculté de Médecine fut crée à Strasbourg. Cette sage décision donnait satisfaction aux 2 villes qui, depuis, ont toujours  entretenu d’excellentes relations.

Quant au  Service d’Urologie, il est agrandi et logé provisoirement à l’Hôpital Marin en attendant la construction d’un bâtiment à l’Hôpital Civil chargé d’abriter, entre autre, un grand Service d’Urologie de 55 lits qui s’est ouvert en 1930 (40 lits d’hommes, 12 lits de femmes et 3 d’enfants). Parallèlement était créé en 1921 une Chaire de Clinique des Voies Urinaires confiée au Pr. Paul ANDRE, jusqu’à sa retraite, en 1937. Président du Congrès de l’Association Française d’Urologie en 1923, Rapporteur du Congrès en 1932 sur « Les traitements des tumeurs malignes de vessie », puis Président du Syndicat National des Médecins Urologistes Français, il a été le fondateur de l’Ecole Urologique de Nancy.

 

3. La consolidation du Service d’urologie à l’Hôpital Central ( 1937-1975 )

 

Cette longue période d’essor et s’est déroulée à l’Hôpital Civil qui avait été rebaptisé  Hôpital Central. Pendant cette période, le service a été successivement dirigé par le Pr. André GUILLEMIN (1937-1962) puis par son fils, le Pr. Paul GUILLEMIN (1967-1992), après un intérim de 5 ans assuré par un chirurgien non-urologue (1962-1967).

 

 LES ANNEES « BRABOIS » DEPUIS 1975

 

Depuis sa migration à l'Hôpital Brabois, le service d'Urologie a été dirigé successivement par le Pr. Paul GUILLEMIN jusqu'en 1992, puis par le Pr. Philippe MANGIN.

 

1. Les structures

En 1975, le service était composé de 56 lits d'hospitalisation au 4ème étage, en chambre de 1, 2 et 3 lits. A ce même étage, était installé une salle d'uro-radiologie, une salle dite d'exploration manométrique appelée plus tard exploration urodynamique, ainsi que deux salles d'endoscopie  annexées au secteur de consultation.

Du fait du manque chronique de lits, obligeant à demander en permanence des hébergements dans les autres services avec visite quotidienne d'un interne d'urologie pour ces malades expatriés, il a été décidé de créer une unité supplémentaire  de 16 lits au 11ème étage de Brabois, le service comptant alors 72 lits. Cette unité est ensuite descendue au 5ème étage pour la rapprocher de la partie principale du service et réduire le nombre de lits d'urologie : la durée moyenne de séjour avait en effet notablement diminué au cours des années 80 en raison de l'évolution et de la simplification  de certaines techniques comme le traitement de la lithiase. Le service comptait alors 62 lits (56 au 4éme étage et 6 au 5ème étage). L'effort d'humanisation légitime des hôpitaux a amené ces dernières années une nouvelle restructuration de l'hospitalisation avec suppression d'une grande partie des chambre à trois lits et création d'une « hospitalisation de semaine » fermée durant le week-end et les vacances. La structuration actuelle est donc la suivante : 48 lits au 4ème étage et 12 lits de « semaine » au 5ème étage. D'autres modifications sont d'ores et déjà prévues dans les années à venir !

Le bloc opératoire, constitué de 3 salles d’opération,  était d’abord situé au 2ème étage avant d’être transféré en 1993 à l'entresol avec seulement deux salles d'opération. Une troisième salle accueillant la lithotritie extra-corporelle, la petite chirurgie puis les ultrasons focalisés a été ré-ouverte en 2000.

La salle d'uro-radiologie du 4ème étage a été supprimée en 2000 dans le cadre du regroupement des activités d'imagerie et une troisième salle de consultation avec salle d'examen annexée a été créée. En 2005 l'une des deux salles d'enseignement-réunion a dû être transformée en bureaux médicaux pour abriter les nouveaux urologues titulaires.

 

2. L'équipe médicale

En 1975, elle était constituée d'un Professeur d'Urologie Chef de Service, le Pr. Paul GUILLEMIN, de deux Chefs de Clinique et deux internes. En 1976, un poste d'agrégé  était créé et occupé par Jacques L'HERMITE puis en 1982  un premier poste de Praticien Hospitalier, occupé successivement par les Dr. Jean-Jacques LARCHER, Claude AMICABILE, puis Jacques HUBERT et Luc CORMIER. En 1985, un troisième poste d'interne était créé. C’est en 1992 que le Pr. Paul GUILLEMIN passait le relais de la chefferie de service au Pr. Philippe MANGIN. En 1996, Jacques HUBERT devient PU-PH reprenant le poste laissé vacant par Jacques L'HERMITE fin 1993. En 1998, un quatrième poste d'interne était créé, puis en 2002 un poste mi-temps de Praticien Hospitalier, en partage avec l'Hôpital de Toul, occupé par le Dr. Eric MOUREY. En 2003, a été créé un troisième poste de PU-PH occupé par Luc CORMIER, son poste de PH étant repris par le Dr. Benoît FEUILLU.

En 2005, l'équipe médicale urologique est constituée de 3 PU-PH, 2 PH dont 1 à temps plein et 1 à temps partiel, 2 Chefs de Cliniques-Assistants, 4 Internes et 4 Attachés assurant les huit vacations hebdomadaires.

 

3. Les activités

Elles se sont beaucoup modifiées en 30 ans en raison du vieillissement croissant de la population et de la transformation de certaines techniques urologiques.

Les tumeurs

Elles représentent environ 40 % de l'activité avec par ordre d'importance décroissante : l'hypertrophie bénigne de la prostate, le cancer de la prostate, les tumeurs de vessie et les tumeurs du rein, les autres tumeurs étant beaucoup plus rares.

En 1975, seulement 10 % des adénomes de prostate étaient traités par voie endoscopique, les autres l'étant par voie chirurgicale ouverte. Cette proportion s'est inversée progressivement avec la maîtrise de la résection endoscopique  et les progrès considérables du matériel. Le traitement du cancer de prostate qui était limité à l' estrogénothérapie et la castration chirurgicale a bénéficié d'une véritable révolution avec la découverte de l’Antigène Prostatique Spécifique (PSA), la possibilité de faire des biopsies prostatiques transrectales échoguidées et la mise au point de la prostatectomie radicale quand le cancer est localisé. Cette intervention difficile est maintenant réalisée par voie cœlioscopique et depuis peu robot-assistée. Enfin l'utilisation depuis 1999 de la curiethérapie et depuis 2003 des Ultrasons focalisés de Haute Intensité (HIFU) complètent le nouvel instrumentarium moderne du traitement du cancer localisé de la prostate.

Les tumeurs de vessie ont vu également leur prise en charge transformée depuis trente ans grâce au diagnostic de plus en plus précoce, à l’exploration endoscopique indolore de la vessie par fibroscopes et à la maîtrise de la cystectomie élargie avec dérivation urinaire ou néo vessie intestinale. Ce diagnostic précoce a transformé le pronostic et le traitement de ces tumeurs : les gestes d'exérèse élargie et surtout les gestes de dérivation palliative sont devenus beaucoup plus rares au profit des résections endoscopiques précoces associées ou non aux instillations intra-vésicales de BCG et de Mitomycine.

Quant aux traitements des cancers du rein, la chirurgie reste encore aujourd'hui le seul traitement efficace à condition que le cancer soit localisé. Il est beaucoup plus souvent diagnostiqué tôt et de façon fortuite, grâce aux échographies abdominales ou scanners réalisés pour des symptômes non liés à l'appareil urinaire. Ces découvertes précoces permettent d’effectuer de plus en plus de néphrectomies élargies curatives voire même de néphrectomies partielles si les tumeurs sont petites et de localisation favorable. A l’heure actuelle la cœlio-laparoscopie prend une place de plus en plus importante dans ces exérèses rénales totales ou partielles, aux dépens de la chirurgie ouverte traditionnelle.

La transplantation rénale

Réalisée pour la première fois à Nancy en 1971, elle n'a vraiment pris son essor qu'en 1985 : 16 transplantations en 1984, 54 en 1994 et 106 en 2004. La millième transplantation a été réalisée en 1999. En revanche elles concernent des sujets de plus en plus âgés et sont donc techniquement plus difficiles.

Nancy est également un des plus grands centres français de prélèvements de reins provenant de patients en mort encéphalique, ou de donneurs vivants (15 en 2004).

Par ailleurs, le service d'Urologie assure de façon plus globale la chirurgie de l'insuffisance rénale chronique : abords vasculaires pour hémodialyse et mise en place de cathéters de dialyse péritonéale.

La collaboration étroite et l'harmonie entre les services de Néphrologie et d'Urologie ne sont pas étrangères à ces excellents résultats quantitatifs et qualitatifs.

La lithiase

En 1975, un calcul urinaire s'évacuait spontanément ou devait presque toujours être retiré chirurgicalement. Une véritable révolution thérapeutique s'est produite dans les années 80 avec successivement la mise au point de la lithotritie extra-corporelle, de la néphrolithotomie rénale percutanée et de l'urétéroscopie. Le service d'Urologie du CHU de Nancy a pris très rapidement ce virage technologique et a acquis un premier lithotriteur extra-corporel en 1989, qui devait être remplacé en 2000 par un lithotriteur de deuxième génération. En 1975, tous les calculs rénaux ou urétéraux qui devaient être opérés l'étaient par chirurgie ouverte. Depuis une dizaine d'années, moins d'un patient par an est opéré !

L'incontinence urinaire

En 1975, les explorations manométriques étaient à leur début et l'incontinence urinaire d'effort traitée par une intervention chirurgicale ouverte. Actuellement, les explorations urodynamiques sont devenues indispensables et très précises permettant de proposer une méthode thérapeutique pour chaque type d'incontinence : rééducation vésico-sphinctérienne, traitement pharmacologique, chirurgie « a minima » comportant  différentes variantes adaptées au patient, sphincter urinaire artificiel, neuromodulation sacrée, injection péri-uréthrale, …. Cette partie de la spécialité va encore se développer compte-tenu du vieillissement de la population et de son souhait de sauvegarder le plus longtemps possible une excellente qualité de vie.

L'andrologie

Pour traiter les troubles de l'érection, il n'y avait aucune solution thérapeutique en 1975 hormis des prothèses péniennes semi rigides. Sont apparue depuis les prothèses péniennes hydrauliques, les injections intracaverneuses de Papavérine, puis de Prostaglandines et plus récemment les traitements par voie orale.

Quant au traitement chirurgical de la fertilité masculine, il n’est plus limité à l'anastomose épididymo-déférentielle, mais s'intègre dans une prise en charge diagnostique et thérapeutique multidisciplinaire de la Procréation Médicale Assistée, associant gynécologues, urologues, endocrinologues, biologistes de la reproduction et généticiens.

La chirurgie urologique robot-assistée

Elle mérite une mention à part pour le CHU de Nancy qui a été un des premiers en Europe à prendre ce grand virage technologique. En octobre 2000, le robot Da Vinci® de la société Intuitive, acquis par le CHU, était installé provisoirement pour un an au Laboratoire de Chirurgie expérimentale de la Faculté pour permettre aux futurs utilisateurs d'en acquérir la maîtrise en travaillant sur des animaux. Un an plus tard, il prenait sa place définitive au bloc opératoire du 2ème étage de Brabois, dans une salle spécialement aménagée, à la disposition de trois spécialités chirurgicales : la Chirurgie Cardio-Vasculaire, la Chirurgie Digestive et l'Urologie. Utilisé d'abord sur les sténoses congénitales de la jonction pyélo-urétérale, il l’est actuellement dans de nombreuses autres interventions,  la prostatectomie radicale pour cancer en particulier.

 

CONCLUSION

 

L'évolution de l'Urologie des trente dernières années est marquée par :

La diminution de la durée moyenne de séjour liée au progrès technologiques et à l'exigence de qualité, en particulier en ce qui concerne l'hôtellerie : ceci explique la réduction du nombre de lits et  de chambres à 3 lits.

L'activité de consultation qui est de plus en plus technique : utilisation d'échographes, d'endoscopes souples et rigides, de débitmètres, …

La transformation de l’activité chirurgicale: en 1975, il y avait de la chirurgie ouverte dans les trois salles d'opération. Aujourd'hui, l'une est occupée par la chirurgie ouverte, une autre par la chirurgie endoscopique ou cœlio-laparoscopique et la troisième par la chirurgie « instrumentale » : lithotritie extra-corporelle, ultrasons focalisés de haute intensité, gestes percutanés échoguidés, …

La composition de l’équipe urologique qui a numériquement doublée et s'est hyper spécialisée : un urologue universitaire ne peut plus et ne doit plus couvrir le champ devenu trop vaste de l'urologie. Il doit maîtriser les gestes simples de l'ensemble de la spécialité et les gestes d'urgence, mais doit s'hyper spécialiser dans une ou deux activités spécifiques. L'ensemble de l'équipe doit alors être capable de maîtriser toutes les techniques au meilleur niveau.