Les débuts de la
pharmacie hospitalière aux hospices
civils de Nancy
et les
premiers pharmaciens-chefs (1907-1935)
P. LABRUDE
Faculté de Pharmacie - Nancy
Texte paru dans la « Revue d’histoire
de la pharmacie, no 286, 1990
La
préparation et la distribution des médicaments ont été assurées de longue date
par les religieux et religieuses qui se sont ensuite adjoint l'assistance de
garçons-apothicaires dont l'importance s'accrut peu à peu. Cette pratique a eu
cours aux hôpitaux de Nancy où, de plus, un décret impérial de 1808
reconnaissait à la Congrégation des Sueurs de l'Ordre de Saint-Charles des droits
de propriété et d'habitation des bâtiments de l'hôpital existant. La nécessaire
création d'un hôpital neuf à Nancy à la fin du XIXème siècle et son extension,
associées à la présence d'une Faculté de Médecine, devaient modifier peu à peu
cette situation et aboutir à la nomination d'un premier pharmacien en titre en
1907.
Dans
cette note, nous nous proposons d'évoquer les débuts de la pharmacie
hospitalière nancéienne et la personnalité des trois premiers
pharmaciens-chefs. Il nous a cependant semblé utile et intéressant d'envisager
brièvement dans une première partie les conditions dans lesquelles s'était
déroulée la construction que l'hôpital « neuf » qui en fut le cadre. Sur ce point, de même que pour ce qui touche à
la réglementation, plusieurs paragraphes proviennent, après modification, du
remarquable ouvrage de C. et C. Vuillemin.
L'ouverture
en octobre 1883 de l'Hôpital Civil de Nancy, actuellement Hôpital Central, fut
l'aboutissement des efforts de la municipalité et de la commission administrative
des Hospices civils, sous l'impulsion de la Faculté de Médecine, après un long
cheminement et plusieurs remises en question.
L'Hôpital
Civil remplaça l'Hôpital Saint-Charles dont les origines remontent au XVIIème
siècle et qui était situé en plein centre de la ville, enserré par les
actuelles rues Saint-Jean, Clodion et Saint-Thiébaut.
Vers 1860, il se révéla inadapté aux besoins. Trop exigu, en raison de
l'accroissement de la population, il était en outre vétuste et insalubre : un
ruisseau souterrain le traversait et les malades souffraient de l'humidité
ainsi que du bruit qui provenait du Quartier de Cavalerie situé à proximité.
La
situation s'aggrava au lendemain de la guerre de 1870. L'Hôpital fut encombré
de malades envoyés par la Compagnie du Chemin de fer de l'Est et par les usines
qui se développèrent dans les environs de Nancy, la population s'étant accrue
sous l'effet de l'industrialisation et de l'émigration consécutive à l'annexion
de l'Alsace et de la Moselle.
Toutefois,
l'événement le plus marquant et qui allait avoir le plus d'influence fut le
transfert à Nancy de la Faculté de Médecine et de l'Ecole supérieure de
Pharmacie de Strasbourg, par décret du 1er octobre 1872, selon le vote émis par
l'Assemblée Nationale le 21 mars précédent. L'arrivée de la Faculté de Médecine
ne pouvait que mettre davantage en évidence les insuffisances de l'Hôpital
Saint-Charles du point de vue du nombre des lits, mais aussi de l'hygiène et de
l'équipement.
Dans
les années 1860, d'importants legs faits aux Hospices avaient conduit les
administrateurs à envisager un transfert de l'hôpital par construction d'un
nouvel établissement faubourg Saint-Pierre, où les Hospices possédaient depuis
peu un jardin dit « de la Prairie » et où de nouvelles acquisitions furent faites.
Mais la survenue de la guerre de 1870 avait ajourné ces projets.
Après
le rachat des droits de propriété de la congrégation de Saint-Charles sur
l'hôpital par la commission des Hospices en 1874 et plusieurs délibérations du
conseil municipal jusqu'en 1879, fut adoptée la convention que la Ville
bâtirait le nouvel hôpital à ses fiais sur les terrains dits de la Prairie. Les
Hospices lui abandonneraient leurs droits de copropriété sur l'immeuble
Saint-Charles, sous réserve que la municipalité indemnise la congrégation dans
les conditions prévues en 1874. De plus, ils participeraient à la dépense de
construction. La première tranche de travaux fut entreprise à l'automne 1879 et
ce fut le 23 octobre 1883 que les malades de l'Hôpital Saint-Charles furent transférés,
suivis le 31 par ceux des services de chirurgie de l'Hôpital Saint-Léon, la
commission administrative ayant décidé que le nouvel hôpital prendrait le nom
d'Hôpital Civil. L'inauguration officielle eut lieu le 6 novembre 1883,
remplaçant la séance de rentrée de la Faculté de Médecine.
Le
plan de l'ensemble conçu par l'architecte Prosper Morey
en 1878 comportait quatre pavillons pour les services généraux. Parmi ceux-ci
se trouvait, contre la rue de la Prairie (actuellement rue Albert-Lebrun et
donc encore aujourd'hui en face de l'actuelle Faculté de Pharmacie), le
pavillon primitivement réservé à la communauté des religieuses hospitalières,
mais où fut également logée la pharmacie au rez-de-chaussée et au sous-sol,
faute de pouvoir lui construire un pavillon propre.
Quelques
mots s'imposent maintenant sur l'administration des Hospices en raison de leur
intervention dans les questions relatives à la pharmacie. En vertu de la loi du
16 vendémiaire an V (7 octobre 1796), les trois principaux établissements
destinés à l'accueil des indigents qui étaient gérés séparément jusque-là,
furent regroupés et leur gestion fut assurée par une commission administrative
commune. Chacun d'eux avait une mission spécifique : l'Hospice Saint-Julien
était réservé aux vieillards, l'Hospice Saint-Stanislas aux enfants et
l'Hôpital Saint-Charles, auquel devait succéder l'Hôpital Civil, aux malades.
Lorsque
l'Hôpital Civil ouvrit ses portes, le fonctionnement était régi par la loi du 7
août 1851, première charte hospitalière française, qui devait rester en vigueur
jusqu'en 1941-1943. Elle précisait notamment les pouvoirs des commissions
administratives hospitalières et leurs limites.
Par
ailleurs, l'ordonnance du 31 octobre 18211 avait rendu obligatoire au niveau
des établissements hospitaliers un règlement particulier proposé par la
commission administrative et approuvé par les autorités de tutelle. Le
règlement intérieur reprenait les dispositions législatives et réglementaires
régissant le fonctionnement administratif et les complétait par des
dispositions particulières en matière de fonctionnement médical,
pharmaceutique, alimentaire.
Instituée
par la loi du 16 vendémiaire an V, la commission administrative était chargée
selon l'article 7 de la loi du 7 août 1851 de « diriger et surveiller les
services intérieur et extérieur des établissements hospitaliers ». En
particulier, l'article 14 disposait qu'elle nommait le secrétaire, l'économe,
le pharmacien, les médecins et chirurgiens, mais qu'elle ne pouvait les
révoquer qu'avec l'approbation préfectorale.
Depuis
l'arrivée de la Faculté de Médecine et de l'Ecole Supérieure de Pharmacie, les
médecins avaient émis le vœu de voir les établissements hospitaliers nancéiens
dotés d'une pharmacie placée sous l'autorité d'un pharmacien diplômé, comme
c'était le cas à Strasbourg. L'ouverture du nouvel Hôpital était l'occasion de
réaliser le souhait justifié du corps médical. Mais la commission
administrative refusa d'accéder à cette demande, prétextant qu'elle n'en avait
pas les moyens financiers. La pharmacie continua donc à être dirigée par une
sœur pharmacienne.
Le
règlement intérieur de 1856 continua à être appliqué. Il précisait que le
service de la pharmacie était soumis à la surveillance des médecins et
chirurgiens et que la saur-pharmacienne devait se conformer à leurs
prescriptions pour la distribution des médicaments. Elle tenait la comptabilité
et devait distribuer les médicaments (article 85). Elle était secondée par deux
sœurs aides-pharmaciennes. La pharmacie de l'Hôpital Civil était commune aux
trois établissements, mais des dépôts de médicaments issus de la pharmacie
centrale existaient dans chacun des hospices. Seules les préparations les plus
simples pouvaient donc être réalisées. Pour les autres, il fallait recourir aux
pharmaciens de la ville.
Par
une lettre du 20 août 1887, la Société des Pharmaciens de Lorraine sollicita la
commission des Hospices pour qu'elle confie le service pharmaceutique à un
pharmacien auquel seraient adjoints des élèves internes. En 1888, un conseiller
général proposa de créer une pharmacie centrale à l'Hôpital Civil pour servir
aux hôpitaux et hospices tant municipaux que départementaux. A sa séance du 20
mars, la commission administrative refusa catégoriquement cette proposition,
mais reconnut l'intérêt de confier la pharmacie à un pharmacien diplômé.
Cependant, comme elle en était légalement dispensée, elle ne donna pas suite
sous prétexte que ses ressources ne lui permettaient pas de rétribuer un
pharmacien. En dehors du fait que la majorité des administrateurs trouvait la
situation satisfaisante, la raison de la résistance opposée par la commission
aux sollicitations et même aux critiques de la presse régionale, tenait aussi à
la crainte de voir se développer les dépenses pharmaceutiques. La commission
avait été frappée par la brusque augmentation de ces dépenses après 1872, à la
suite de l'installation de la Faculté de Médecine et elle craignait qu'un
phénomène similaire se renouvelle, la nomination d'un pharmacien risquant
d'inciter à davantage de prescriptions.
Sous
les pressions, la commission finit par céder. Par une délibération du 11 juin
1895, après avoir été à nouveau sollicitée, notamment par le directeur de l'Ecole
Supérieure de Pharmacie, à l'époque le Pr Frédéric Schlagdenhauffen,
elle consentit à nommer un agent qualifié à la pharmacie. Mais elle n'avait
cédé qu'en partie, car il ne s'agissait que de la création d'un emploi d'agent
réceptionnaire des produits pharmaceutiques et non d'un pharmacien à plein
temps. Elle nomma un agrégé de la Faculté de Médecine chargé déjà du
laboratoire des Cliniques de la Faculté, le Dr Guérin, auquel elle accorda une
indemnité annuelle de 1000 frs. Il fallut attendre 1907 sur de nouvelles
interventions du Pr Julien Godfrin, directeur de l'Ecole
Supérieure de Pharmacie, pour que la commission transforme le poste de
réceptionnaire en poste de pharmacien hospitalier. Le Dr Guérin fut à nouveau
désigné et son traitement porté à 3000 frs par an.
En
réalité, la nomination de Félix-Gabriel Guérin ne relevait pas seulement de ses
fonctions à la Faculté de Médecine, mais aussi du fait qu'il avait auparavant
rempli les fonctions de pharmacien en chef des Hospices civils de Lyon de 1881
à 1886.
La
carrière du professeur Guérin a été multiple et brillante. Né en 1852 à
Saint-Vallier (Drôme), bachelier en 1873, il fit son stage officinal, puis
suivit l'enseignement de la Faculté de Médecine et Pharmacie de Lyon, où il fut
diplômé pharmacien en 1878. Préparateur des cours de Chimie et Pharmacie en
1876, chef des Travaux pratiques de Pharmacie en 1877, il poursuivit ensuite
des études en vue du diplôme supérieur de pharmacien (thèse en 1883), et du
doctorat en médecine (1885, thèse sur le chloral et sur l'analyse des urines
après diverses anesthésies). En 1886, il était chef des Travaux pratiques de
Chimie organique et de Toxicologie. C'est alors qu'il concourait pour
l'agrégation des Facultés de Médecine (avec une thèse sur les matériaux azotés
chez les êtres vivants) et obtenait la place d'agrégé de Chimie à la Faculté de
Nancy. Il fut nommé agrégé de la chaire de Chimie médicale du Pr Léon Garnier
en 1891 et aussitôt chargé de la direction du laboratoire des Cliniques, dont
il développa beaucoup l'activité (dès 1873, avait été créé à Nancy un
laboratoire central des Cliniques, rattaché a la chaire de Chimie de la Faculté
de Médecine, à l'imitation de ce qui existait à Strasbourg et qui avait été le
premier en France. Les titulaires précédant Guérin avaient été les professeurs
Ritter et Garnier. Ce laboratoire était destiné à l'enseignement des étudiants,
aux recherches et à la réalisation des analyses au profit des malades. A
l'origine, il fonctionnait dans les locaux de la Faculté de Médecine, place
Carnot, assez proches de l'Hôpital Saint-Charles et de son annexe l'Hôpital
Saint-Léon. L'ouverture de l'Hôpital Civil au faubourg Saint-Pierre compliqua
son fonctionnement en raison de son éloignement. En 1887, la commission des
Hospices céda gracieusement à la Faculté des locaux pour installer à l'Hôpital
Civil le laboratoire de ses cliniques. Les travaux d'aménagement furent
financés par la Faculté grâce à une subvention du ministère de l'Instruction
publique. Ce n'est qu'après 1918 que l'intérêt médical des analyses s'accrut).
Ses services y justifièrent la prolongation à trois reprises de ses fonctions
d'agrégé. En même temps, il assurait le service des Travaux pratiques de
Chimie.
La
chaire de Toxicologie et Physique de l'Ecole Supérieure de Pharmacie étant
vacante depuis 1900 ; Guérin dut, pour pouvoir se porter candidat, soutenir en
1902 une thèse de doctorat ès sciences physiques, ce qui lui permit de devenir
le premier titulaire, à compter du 1er janvier 1903, d'une chaire nouvelle
intitulée « Analyse chimique et toxicologique », qu'il conserva jusqu'à sa
mort, survenue le 10 mai 1917 après qu'il ait assuré le matin même son service
à l'Hôpital. Les travaux du professeur Guérin ont tous été consacrés à
l'analyse chimique et biologique, à la toxicologie et aux expertises
judiciaires et médico-légales. La Faculté de Pharmacie a conservé son souvenir
par une photographie placée à la salle des Actes, qui est celle que l'on
retrouve dans le Bulletin des Sciences
pharmacologiques de 1917 et les Annales
médicales de Nancy de 1975.
Depuis
l'ouverture de l'hôpital et la « première nomination » du Pr Guérin en 1895
jusqu'à sa mort, plusieurs évolutions importantes d'activité s'étaient
produites à la pharmacie de l'établissement. Tout d'abord, les dépenses de la
pharmacie centrale avaient nettement progressé : 6,78% des dépenses ordinaires
des hospices en 1884 ; 8,92% en 1899 et 9,88% en 1913 (120000 frs). Parmi les
dépenses spécifiques à l'Hôpital Civil, les dépenses de pharmacie s'élèvent à
89000 frs, soit 16,55% du total en 1909. Dans ces sommes, les drogues et
médicaments ne représentent pas le poste majeur, ainsi qu'il apparaît dans le
détail des principaux articles achetés en 1913, tiré du compte moral et
administratif de l'exercice 1913 publié par Villemin
-
drogues et médicaments : 26365 frs (soit 22 % du total des frais pharmaceutiques)
;
-
instruments de chirurgie : 14238 frs (soit 12 %) ;
-
sucre en grains : 1 871 frs ; vins fins : 11 255 frs ;
-
rhum, cognac : 1476 frs ;
-
bière : 3935 frs ;
-
alcool : 4597 frs ;
-
thé : 102 frs ;
-
siphons et limonade gazeuse : 4223 frs ;
-
eaux minérales : 8675 frs ;
-
linon blanc et écru : 23902 frs (20 %) ;
-
ouate en feuilles : 4630 frs ;
-
coton hydrophyle : 3990 frs.
Le
second événement notoire est l'approbation, en 1913 par la commission, du
projet de règlement de concours pour l'Internat de Pharmacie des Hôpitaux de
Nancy, présenté par le directeur de l'Ecole Supérieure de Pharmacie et la
création de deux places d'internes à l'Hôpital Civil. A l'issue du premier
concours de recrutement, qui eut lieu en décembre 1913, deux internes
titulaires et un interne provisoire furent nommés pour deux ans, au traitement
annuel de 500 frs. Les premiers internes répertoriés par l'annuaire de
l'Internat de Nancy pour la première promotion (1913) sont, dans l'ordre : H. Cordebard, H. Duclerget et H. Presson.
Enfin,
la survenue du conflit en 1914 avait amené un surcroît de charges et de soucis
du côté tant hospitalier qu'universitaire. Dès le 31 juillet 1914, la
commission administrative s'était préoccupée de sa participation éventuelle à l'effort
de guerre et le pharmacien-chef avait été invité à se tenir prêt à répondre aux
besoins en médicaments et pansements. Le 10 août, l'organisation de guerre des
hospices de Nancy était terminée et les premiers blessés arrivaient le 16. Le
Pr Guérin servait alors, à titre civil, dans le Service de Santé comme « pharmacien
en chef de l'Hôpital civil militarisé ».
Du
côté universitaire, le ministre de l'Instruction publique avait décidé au cours
des vacances de 1914 que les trois ordres d'enseignement seraient assurés aux
dates habituelles comme en temps de paix. Il ne resta plus à l'École que le P'
Guérin et trois autres membres du corps enseignant mobilisés sur place. Un
cours complémentaire de Chimie biologique lui fut confié.
A
la suite du décès du Pr Guérin, en mai 1917, la commission administrative se
préoccupa de lui donner un successeur. Son choix se porta sur le Pr Grélot de
l'Ecole Supérieure de Pharmacie de Nancy, qui fut officiellement nommé par une
délibération du 15 avril 1919.
Le
P' Grélot était né à Saint-Dié (Vosges) en 1868. Bachelier en 1885, il
effectuait le stage officinal à Saint-Dié, puis suivait l'enseignement de l'Ecole
Supérieure de Pharmacie et de la Faculté des Sciences de Nancy et devenait préparateur
du cours de Matière médicale du Pr Godfrin dès 1891. Pharmacien
de lère classe en 1893, licencié ès sciences
naturelles en 1894 ; docteur ès sciences naturelles à Paris en 1898, il
devenait agrégé d'Histoire naturelle et de Pharmacie en 1899 et se trouvait
chargé à ce titre des Conférences libres de Botanique. Chef des Travaux
pratiques d'Histoire naturelle en 1901, il était nommé professeur titulaire de
la chaire de Pharmacie galénique, nouvellement créée, en 1902. Son enseignement
fut orienté, en dehors du contenu classique de cette discipline, vers la Chimie
analytique appliquée aux médicaments, aux matières premières et aux aliments.
Ultérieurement, il enseigna aussi l'Hydrologie. Ses travaux scientifiques se
rapportent à ces thèmes.
Au
cours du premier conflit mondial, il fut successivement mobilisé le 2 août 1914
dans le grade de pharmacien-major de 2ème classe comme chef de service à la
pharmacie de l'Hôpital militaire Sédillot de Nancy,
puis en 1916 comme pharmacien-adjoint au directeur du Service de Santé de la
21ème région militaire, tâches qui ont dû le préparer à ses fonctions ultérieures
de pharmacien-chef des Hospices civils de Nancy. Il fut aussi assesseur du doyen
et membre du Conseil de l'Université et sa photographie figure encore actuellement
dans la salle des Actes de la Faculté (même photo que dans le Bulletin des
Sciences pharmacologiques). Le Pr Grélot fut remplacé en 1930 à la tête de la
pharmacie centrale et prit sa retraite universitaire en 1934 pour se retirer à
Saint-Dié, où il mourut en août 1940.
Dès
sa nomination à l'hôpital, il avait eu à se préoccuper de faire appliquer les
dispositions d'un décret en date du 14 septembre 1916. Il élabora un règlement
des prescriptions pharmaceutiques auquel le corps médical devait se soumettre.
Ce règlement fut approuvé le 3 août 1923 par la commission administrative, mais
son application devait donner lieu à des difficultés.
D'après
lui, les prescriptions devaient être journalières et ne pouvaient être renouvelées. Toutes celles qui comportaient des substances des tableaux
A et B devaient être portées sur une feuille indiquant le numéro de la salle ou le service, le numéro du lit du
malade, l'inscription en toutes lettres des doses et des substances
prescrites avec le mode d'emploi. Cette feuille devait être datée et signée par
un docteur en médecine (article 20 du décret).
Pour commander des médicaments relevant de ces tableaux à la pharmacie, les services
devaient utiliser des bons spéciaux conformément aux dispositions des articles
27 et 40. L'auteur de la demande était tenu d'indiquer lisiblement son
nom et d'énoncer en toutes lettres les doses des substances vénéneuses. Ces bons devaient être expressément datés et
signés par un docteur en médecine.
Ces dispositions posaient un problème dans la mesure où
seules étaient prises
en compte les demandes signées par des docteurs en médecine. En effet, le plus souvent, les
prescriptions étaient faites par l'interne en l'absence du chef de service et du chef de
clinique. Pont- ne pas voir refouler leurs commandes de médicaments des tableaux parce qu'elles
n'émanaient pas de docteurs en médecine, les chefs de service demandèrent au
préfet, pour leurs internes, des
autorisations provisoires d'exercice de la médecine renouvelées tous les trois mois. Dès lors, la
pharmacie ne pouvait refuser de
délivrer les médicaments. Mais ce procédé ne plaisait pas au pharmacien-chef, qui posa le problème au doyen de la Faculté
de Pharmacie. Sollicité par le doyen Bruntz, le ministère de l'Hygiène
répondit qu'il ne voyait pas d'inconvénient
à ce que les internes en médecine prescrivent en urgence des substances vénéneuses dans la mesure où leurs
prescriptions étaient ensuite régularisées
par le chef de service.
Un autre problème, celui de la prescription des
spécialités, suscita des difficultés entre le pharmacien-chef et le corps médical. Par mesure d'économie et si cela était possible, les médicaments
étaient préparés à la pharmacie de
l'hôpital. Ce n'est qu'exceptionnellement que l'on avait recours à des
pharmacies de ville et à l'achat de spécialités. A partir des années 20, les médecins insistèrent pour faire entrer à
l'hôpital l'usage des spécialités. Mais
ils attendirent longtemps avant d'avoir satisfaction. Finalement, en 1924,
il fut conclu qu'une liste des spécialités serait dressée par le pharmacien-chef en accord avec le corps médical.
Une commission établit cette liste,
qui par la suite fut révisée à la demande des médecins en fonction de
l'évolution des besoins et des produits, en accord avec le pharmacien, puis soumise à la commission administrative.
Dans l'entre-deux guerres, selon ce même ouvrage, les
dépenses de la pharmacie centrale ont
représenté 6,12% des frais généraux des hospices en 1921, 7,71% en 1925, 8,33%
en 1930, 8,65% en 1935 pour « retomber à 6,82% en 1938.
Au début de cette même période, la municipalité de Nancy avait fait savoir aux hospices qu'elle était
décidée à les aider à procéder aux
travaux de rénovation et d'extension qui s'imposaient. C'est ainsi qu'en novembre
1920, la commission des Hospices menée par son vice-président, Alfred Krug (le maire
étant président-né de la commission) lui adressa un rapport détaillé des travaux à envisager et de
leur priorité où l'agrandissement de
la pharmacie conçue à l'origine pour un hôpital de 400 lits figurait - avec l'agrandissement de la cuisine - en
cinquième position sur douze points. Ce n'est toutefois que vers 1934 que des
travaux purent être sérieusement envisagés.
Par ailleurs et dès avant la première guerre mondiale,
avait débuté un mouvement d'expansion
hospitalière hors de l'Hôpital Civil, qui devait notamment aboutir, en fin de 1927, au groupe des Hôpitaux Maringer-Villemin-Fournier
doté d'une pharmacie pour une capacité de 513 lits. Cette pharmacie
annexe fut, en 1923, dirigée par un pharmacien-adjoint, Paul Gillot, futur
pharmacien-chef.
Au
départ du professeur Grélot, en 1930, la commission administrative eut comme par le passé à pourvoir à son
remplacement. En effet, les pharmaciens
continuaient à être nommés par la commission sur proposition du doyen de la
Faculté de Pharmacie, après examen des titres des candidats. Leur
traitement était fixé par la commission et ils ne pouvaient être révoqués qu'avec l'approbation du préfet.
Le P' Paul Gillot, pharmacien-adjoint, fut nommé
pharmacien-chef. Il était né en 1887 à Magneux, en
Haute-Marne. Après le baccalauréat, le stage à Joinville et le service militaire, il suivit
l'enseignement de l'Ecole Supérieure de Pharmacie de Nancy, où il fut très brillant. Pharmacien de
lère classe en 1913, il
devenait assistant (préparateur) du Pr Grélot à l'Ecole, tout en
préparant une licence de sciences que la guerre interrompit. Il fut donc mobilisé dans le Service de Santé comme
caporal-infirmier versé aux ambulances,
puis comme officier et ces années lui valurent d'être évacué pour maladie, puis blessé à son retour au front. A
la réouverture de l'Ecole, il devenait chef des Travaux pratiques de
Pharmacie en 1919. Licencié ès science en
1920, docteur ès sciences naturelles à Paris en 1925, puis maître de conférences de Pharmacotechnie
en 1926, chargé du cours de Matière médicale
le 1er février 1929 quand le doyen Bruntz fut devenu
recteur de l'Université, il était
nommé professeur titulaire de la chaire de Matière médicale le 1er octobre 1929. Depuis 1927, il
assurait aussi le cours de Pharmacodynamie.
Le 23 janvier 1935, l'assemblée de Faculté l'avait élu doyen pour succéder au
professeur Seyot, mais il devait décéder le 2 juin suivant. Ses travaux, débutés auprès du Pr Grélot,
son prédécesseur dans la fonction pharmacopale, sont tous consacrés à la Biochimie végétale
et aux problèmes professionnels
pharmaceutiques. Sa photographie en robe professorale figure à la salle des Actes de la Faculté.
Au
cours des fonctions de P. Gillot, l'administration établit en 1931 un nouveau
règlement intérieur des hospices qui définit le service pharmaceutique dans son article. Ce service est assuré par : un pharmacien-chef, un pharmacien-adjoint, des religieuses, préparatrices
en pharmacie, et des internes en pharmacie, détachés dans les laboratoires
hospitaliers afin d'y effectuer les
analyses médicales (à raison d'un interne par laboratoire). Le pharmacien-chef a la direction générale de la
pharmacie principale à l'Hôpital Central, de la pharmacie annexe des Hôpitaux
Maringer-Villemin-Fournier et des dépôts des
autres établissements. Il est assisté par un pharmacien-adjoint
dans les Hôpitaux Maringer-Villemin-Fournier et par des religieuses
surveillantes ailleurs.
A la pharmacie centrale et dans celle de
Maringer-Villemin-Fournier, sous le contrôle du pharmacien, des sœurs préparatrices exécutaient les préparations, délivraient les
médicaments et les objets de pansements, assuraient le bon ordre des pharmacies et la garde des
produits en dépôt. Les
sœurs devaient seconder les pharmaciens dans la tenue des comptabilités des officines et des magasins, et avaient sous leurs
ordres des filles de service des pharmacies
que le statut de 1937 désigna sous le nom d'aides de pharmacie.
Au niveau de l'administration « centrale » des hospices,
existait un service
appelé « bureau de la pharmacie centrale » (article 6 du règlement de 1931).
Enfin, la durée des fonctions des pharmaciens - tout comme celle des médecins et chirurgiens - n'était pas limitée, sauf par
l'âge de la retraite, fixée à 65 ans impérativement. Le pharmacien-chef et son
adjoint avaient droit, selon ce même
règlement, au bénéfice gratuit de la pension Bonsecours et des pensions des
autres établissements, en deuxième classe, comme les autres cadres des hospices, à l'exception des honoraires médicaux.
Mais les hospices n'avaient pas contracté
pour eux d'assurances contre les accidents du travail.
En 1935, à la mort du Pr Gillot, son successeur à la tête
de la pharmacie centrale fut le Pr André
Meunier, qui avait par ailleurs succédé au Pr Grélot dans le service de la chaire de Pharmacie galénique de la Faculté en
1934. Agrégé en 1937 et titulaire de
la chaire en 1938, le Pr Meunier devait diriger la pharmacie jusqu'en 1969.
En conclusion, le pharmacien-chef des hospices a toujours
exercé parallèlement
à son activité hospitalière des fonctions professorales à la Faculté. Si le premier d'entre
eux, Guérin, a été choisi en 1895 vraisemblablement parce qu'il avait déjà dirigé la pharmacie
à Lyon et parce qu'il était aussi agrégé, il devait devenir ultérieurement
professeur à l'Ecole Supérieure
de Pharmacie. Tous ses successeurs, et jusqu'à nos jours, étaient ou sont devenus professeurs à la
Faculté et sont issus du laboratoire de Pharmacie galénique. Cette note apparaîtra donc sans doute
plus universitaire
qu'hospitalière. Mais elle incitera peut-être un chercheur à consulter les
archives du Centre hospitalier régional de Nancy en vue d'évoquer le fonctionnement de la pharmacie à
cette époque.