1830-1921
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Leçon d'ouverture de physiologie
Beaunis et le laboratoire de psychologie de la Sorbonne par S. NICOLAS
ELOGE FUNEBRE
Beaunis se destine à la médecine militaire ; il est reçu stagiaire
au Val de Grâce. Nommé major de 2ème classe en 1856, de 1ère classe en
1859, il est successivement attaché aux hôpitaux de la division d'Alger, puis
au 2ème régiment du génie. Nommé médecin-major de 2ème classe en 1860, il est
venu, en 1861, à Strasbourg, comme répétiteur à l'Ecole du Service de Santé
militaire, fonction qu'il exerça jusqu'en 1870.
Après les trois années de stage, jadis réglementaires, il prend,
en 1866, une part active à l'enseignement de la Faculté de Médecine de Strasbourg,
par un cours complémentaire de physiologie, dont il a ultérieurement publié le
programme. Il est en même temps attaché à l'hôpital militaire de Strasbourg, où
il est chargé du service des vénériens.
En 1870, Beaunis est resté à l'hôpital militaire pendant le siège
et le bombardement de Strasbourg, et a été appelé ainsi à donner ses soins aux
nombreux blessés qui y ont été journellement apportés. Il a ensuite quitté pour
être affecté en qualité de médecin-chef à l'ambulance de la 1ère division du
18ème corps d'armée qu'il a suivi dans
les dures épreuves des campagnes de la Loire et de l'Est. Beaunis a rendu
compte de ses services pendant la guerre, dans ses Impressions de campagne
1870-1871.
Le décret du 1er octobre 1872 de transfèrement de la Faculté de
Médecine de Strasbourg à Nancy confie à Beaunis, agrégé de la Faculté de
Médecine de Strasbourg, la chaire de physiologie devenue vacante par suite de
la mort du titulaire Küss, dernier maire français de Strasbourg, décédé le 1er
mars 1871, à l'assemblée nationale de Bordeaux, où il s'était rendu à la tête des
députés d'Alsace.
Le professeur Beaunis a été le créateur de l'enseignement de la
physiologie à la Faculté de Médecine de Nancy. Un laboratoire absolument
rudimentaire lui est d'abord attribué au rez-de-chaussée du bâtiment de l'ancienne
Ecole supérieure de garçons, place de l'Académie, aujourd'hui place Carnot,
bâtiment mis à la disposition de la Faculté de Médecine, pour une première
installation purement provisoire. Instruments, appareils ont été envoyés par
le ministre de l'Instruction publique et ont permis au professeur Beaunis de
compléter l'enseignement théorique par les expériences nécessaires et
d'organiser des conférences et travaux pratiques, qui, bien que nullement
obligatoires encore, ont été suivis par un certain nombre d'élèves.
C'est en 1875-1876 qu'un laboratoire de physiologie, en tout point
satisfaisant à l'époque, a été installé au 1er étage de l'aile droite du bâtiment
élevé le long de la rue de la Ravinelle, sur le terrain du jardin de
l'Académie, et mis à la disposition de la Faculté, bâtiment actuellement occupé
par l'Institut de Zoologie de la Faculté des Sciences,
Dans son nouveau laboratoire, Beaunis a pu développer
l'organisation de ses travaux pratiques. Les élèves y sont venus de plus en
plus nombreux ; bientôt ils n'ont plus pu être admis que par séries. Le succès
ainsi obtenu démontrait toute la valeur de la direction du maître.
Anatomiste et physiologiste éminent, professeur érudit,
travailleur de laboratoire, expérimentateur passionné, Beaunis s'était acquis
une réputation justement méritée par ses travaux d'anatomie et de physiologie.
Nommé professeur de physiologie, Beaunis publia bientôt un ouvrage
de haute importance, les Nouveaux éléments de physiologie humaine comprenant
les principes de la physiologie comparée et de la physiologie générale, avec
une première édition en 1876 (volume de 1140 pages avec 282 ligures), bientôt
suivie d'une 2ème édition en 1880, puis d'une 3ème édition en 1888, en 2
volumes de 730 et 936 pages avec 241 et 626 figures, dont la majeure partie
originales.
Nous croyons devoir rapprocher de ces leçons d'ouverture, en
raison de son intérêt tout particulier, un discours fait par Beaunis à la
séance de rentrée de la Faculté de Médecine, le 31 octobre 1888, sur l'Ecole du
Service, de Santé militaire de Strasbourg et la Faculté de Médecine de
Strasbourg de 1856 à 1870.
Lorsqu'on 1883, son collègue à la Faculté de Médecine, le
professeur de clinique médicale Bernheim entreprit ses travaux sur la
suggestion et l'hypnotisme, Beaunis s'intéressa aussitôt à la question et ses
dernières publications à Nancy portent sur l'étude physiologique de cette
partie de la science médicale. Beaunis a été un des initiateurs de l'étude de
la psychologie scientifique en France.
L'activité et le dévouement que Beaunis n'a cessé d'apporter à
l'accomplissement de ses fonctions de professeur de physiologie et de directeur
des travaux pratiques se rapportant à sa chaire, le labeur continu qu'il
consacrait à côté de ses charges universitaires à des travaux personnels ont
eu un retentissement fâcheux sur son état de santé et l'ont déterminé à faire
valoir prématurément ses droits à la retraite.
Beaunis a été nommé professeur honoraire de la Faculté de Médecine
de Nancy par décret du 15 janvier 1894.
Beaunis a quitté Nancy, laissant parmi ses collègues de la
Faculté, les regrets les plus sincères et un sentiment de profonde
reconnaissance pour la collaboration si précieuse qu'il avait apportée à
l'installation de la Faculté de Médecine de Strasbourg à Nancy et dont il avait
hautement contribué à assurer tout le succès..
En sus de tout l'intérêt qu'il a continué à porter aux progrès de
la science et en particulier de la physiologie et de la psychologie, Beaunis
s'adonnait avec passion à la musique, à la peinture, au modelage, enfin à des
oeuvres littéraires.
Deux événements ont profondément touché le professeur Beaunis pendant
ses dernières années.
Le professeur Beaunis vient de mourir à l'âge de 91 ans, le 11
juillet dernier, dans sa propriété du Cannet.
Professeur F. GROSS
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La Presse Médicale 13/08/1921; n°65; 1175
Henri Beaunis fonda le laboratoire de psychologie physiologique à l'Ecole de Nancy avec Liébault et Liégeois. Il étudia l'hypnotisme et publia l'Anatomie générale du système lymphatique en 1863, le Somnambulisme provoqué en 1886 et l'Evolution du système nerveux en 1890.
Le physiologiste Henri Beaunis, qui fut aussi un des initiateurs de la psychologie scientifique, vient de mourir au Cannet (A.-M.) à 91 ans. Il était l'un des derniers, sinon le dernier professeur de la Faculté de Strasbourg avant 1870 ; en souvenir et pour affirmer la tradition, une fois l'Alsace récupérée, H. Beaunis avait été nommé professeur honoraire à son ancienne Faculté.
Nous avons tous pratiqué l'Anatomie classique qu'il a publiée avec A. Bouchard, et ses Eléments de Physiologie en deux gros in-8, ouvrage méthodique et sûr, que son auteur tenait au courant des progrès du laboratoire et de la clinique et que sa retraite lui a malheureusement fait abandonner à la 3° édition.
Transporté, après 1870, de Strasbourg à Nancy, H. Beaunis prit aussitôt une part active aux recherches de l'Ecole de Nancy et à ses discussions contre l'Ecole de la Salpétrière - son livre sur le Somnambulisme provoqué (1886) résume sa contribution expérimentale, et expose son point de vue. En même temps, il publiait ses Recherches sur les conditions de l'activité cérébrale, et s'orientant du côté de l'étude des fonctions mentales, commençait un travail expérimental et documentaire sur la physiologie du cerveau et la psychologie physiologique.
Il venait d'être appelé à organiser à la Sorbonne le premier laboratoire français de psychologie, lorsque la maladie lui fit prendre une retraite prématurée. Durant sa courte direction de ce laboratoire, Beaunis avait donné les Sensations internes (1889) et fondé, avec A. Binet, l'Année Psychologique.
La retraite n'immobilisa pas cet esprit actif, méthodique et curieux : de 1892 à 1921, H. Beaunis a publié près de cinquante articles ou monographies sur les questions de psycho-physiologie qu'il pouvait encore aborder en dehors du laboratoire. Il meurt en pleine activité cérébrale puisqu'il avait encore donné en janvier 1921 à l'ancienne Revue de Th. Ribot, une étude fouillée sur l'interprétation des sensations des aveugles de naissance.
Ce médecin psychologue sut garder à sa toque de professeur un joli brin de plume : en marge de son œuvre scientifique, il a publié de menues comédies, une traduction poétique d'Eschyle et, pendant la Guerre, un recueil de vers de circonstance bien frappée. Médecin divisionnaire à l'Armée de la Loire, il en avait rapporté - «Impressions de Campagne» souvenirs écrits tout vifs, où l'on sent le Français et l'Homme.