1822-1884
Extrait de "Les sciences morphologiques à NANCY" par E. LEGAIT - Numéro Spécial du Centenaire de la Revue (1874-1974) Annales Médicales de Nancy
L'école morphologique de Nancy est l'héritière directe de la Faculté de Médecine de Strasbourg. C'est en effet à un élève du Professeur Ehrmann et de Lauth agrégé chef de travaux, Charles Morel que nous sommes redevables de l'impulsion donnée à l'anatomie à Nancy. Celui-ci avait été agrégé et professeur titulaire à Strasbourg avant d'occuper le premier en 1872 la chaire d'anatomie de la Faculté de Médecine de Nancy ; il avait su, déjà à Strasbourg, s'entourer de nombreux élèves, dont plusieurs le suivirent à Nancy, en particulier Mathias Duval qui sera par la suite nommé agrégé à Paris et succédera à Robin dans la chaire d'histologie de cette Faculté, Beaunis qui deviendra professeur de physiologie à Nancy et Bouchard, agrégé de Strasbourg qui continuera ses fonctions à Nancy avant d'être nommé professeur d'anatomie à Bordeaux. C'est avec Bouchard qu'il assurera initialement, l'enseignement de l'anatomie, aidé dans cette charge par Lallement qui dirigeait l'enseignement pratique avant 1872 à l'École préparatoire de Médecine de Nancy et qui reçut, à ce moment, le titre de professeur adjoint.
Si l'enseignement théorique pouvait aisément être donné, le service des dissections nécessita de nombreux aménagements au fur et à mesure de l'installation de la nouvelle Faculté construite rue de Serre, à proximité du Palais de l'Académie. C'est avec l'aide de Bouchard puis, au départ de celui-ci, de Chrétien que Morel dut organiser l'enseignement pratique ; il est absolument remarquable de constater qu'il put se procurer près de 100 cadavres dès la première année et que ce nombre devait quelques années plus tard passer à plus de 400.
Morel était avant tout un observateur habile et consciencieux ; mais l'anatomie topographique du cerveau publiée en 1880 montre également combien il était au courant des progrès de la physiologie moderne ; son Manuel de l'Anatomiste (1883) en collaboration avec Mathias Duval restera longtemps classique et servira à de nombreuses générations d'étudiants en raison de son exactitude et de sa précision.
Cependant, Morel avait su attacher son nom à une science en plein développement, l'histologie dont il a été en France un des promoteurs, à une époque où peu de personnes encore en pressentaient l'importance et les progrès ultérieurs ; dès son installation à Nancy, il avait assuré un enseignement théorique et pratique d'anatomie microscopique. Lorsque cet enseignement en 1878 fut rendu obligatoire dans les Facultés de Médecine au même titre que celui de l'anatomie macroscopique, c'est tout naturellement à Morel que l'on fit appel pour occuper la chaire d'histologie nouvellement créée, tandis que Lallement occupait celle d'anatomie descriptive.
La chaire d'histologie de la Faculté de Médecine de Nancy a été créée en 1879 ; le professeur Morel alors professeur d'anatomie en a été le premier titulaire. Morel dés sa nomination comme agrégé à Strasbourg avait su, en effet, créer la première école histologique de province et s'entourer de nombreux élèves. Il existait à vrai dire depuis plusieurs années (1839) à la Faculté des Sciences de Strasbourg, un enseignement de l'histologie donné par Lereboullet ; cet enseignement avait été repris à la Faculté de Médecine par Kuss, professeur de physiologie (qui fut le dernier maire de Strasbourg et dont on connaît la fin dramatique). Morel avait dès 1864 publié le premier traité d'histologie humaine normale et pathologique de langue française ; ce traité parfaitement illustré eut un grand succès et fut plusieurs fois réédité ; il était rédigé avec la collaboration d'un médecin-major de deuxième classe, répétiteur à l'école impériale du service de Santé de Strasbourg : Jean-Antoine Villemin, dont les études ultérieures sur la tuberculose lui valurent une juste célébrité. On retrouve dans cet ouvrage les qualités essentielles de Morel, la précision et la sûreté des observations, la prudence dans les conclusions qui ne s'éloignent pas des faits.
Après la défaite de 1871 et l'annexion de l'Alsace, Morel sut redonner à Nancy une nouvelle impulsion aux recherches histologiques. Plusieurs de ses élèves présentent à ce moment des thèses remarquées, en particulier celle d'Auguste Priant, préparateur à la Faculté des Sciences qui deviendra professeur de zoologie, sur la « Structure du chiasma des nerfs optiques dans les différentes classes d'animaux vertébrés», celle de Bagneris, qui sera par la suite agrégé à Nancy sur la « Structure microscopique des veines normales ».
Sa mort, survenue en 1884, à 62 ans, ne lui permit pas de suivre la carrière de ceux qu'il avait distingués et qui allaient reprendre ultérieurement les chaires d'anatomie et d'histologie donnant à la recherche microscopique une nouvelle impulsion.