1910
La carrière du Professeur Louis
PIERQUIN possède le rare privilège de se confondre avec l'histoire de la
Rééducation Fonctionnelle et de la Réadaptation française pour en avoir été un
des créateurs essentiels.
Interne des Hôpitaux en 1931, il
s'oriente vers la Médecine Générale. Sa curiosité lui en fait appréhender tous
les aspects : les maladies infectieuses, et surtout l'hématologie, discipline
naissante, retiennent particulièrement sa faveur. La guerre, où il sert comme
lieutenant avant d'être fait prisonnier, freine son ascension
hospitalo-universitaire ; Assistant des Hôpitaux en 1944, Médecin des Hôpitaux
et Agrégé de Médecine Générale en 1946, il s'intéresse à la Médecine Légale
dont il est Assistant en 1941, et surtout à la Médecine du Travail dont il est
chargé de cours à partir de 1945. Il s'intéresse particulièrement au benzolisme
professionnel auquel il consacre une thèse, devenue classique, et aux
différents aspects du reclassement des diminués physiques au travers d'une
commission originale créée en 1942, dont le bien-fondé fut consacré par la loi
de 1957.
Tout ce cheminement fut la
source d'une longue et méthodique réflexion qui devait le conduire, non
seulement à définir le concept de Réadaptation et à en formuler les principes,
mais surtout à les mettre en oeuvre.
De sa pratique de la Médecine
Générale, il n'accepte pas la fatalité des séquelles. De sa pratique de la
Médecine du Travail, il n'accepte ni le déclassement professionnel, ni la
désintégration sociale qui en résulte. En médecin humaniste, l'invalidité lui
parait loin d'être inéluctable, et donc inacceptable. Cet inacceptable, il ne
se contente pas de le dénoncer : il en amène le remède en proposant une
approche médicale du malade différente et complémentaire : c'est-à-dire l'abord
du handicap par une thérapeutique « fonctionnelle », et la prise en considération
systématique du handicapé dans toutes ses dimensions humaines. Plus de 70
communications, dont beaucoup sont demeurées classiques et sont toujours citées,
précisent progressivement tous les aspects de ce qui deviendra la Médecine
Physique et de Réadaptation.
Cette démarche novatrice
n'échappe pas aux organismes internationaux. Nommé expert de la C.E.C.A., puis de la Commission des Communautés Européennes
dès 1954, de l'O.M.S. en 1965. puis
du Conseil de l'Europe. Plusieurs rapports lui sont confiés. De multiples
missions le conduisent en Allemagne, en Autriche, en Espagne, en Italie, en
Pologne, en Algérie, où ses conseils sont écoutés.
Ses travaux s'imposent parce
qu'ils se fondent sur une expérience pratique rapidement exemplaire aux yeux de
tous. En 1952, la Faculté de Médecine, le Centre Hospitalier Régional et la
Caisse Régionale de Sécurité Sociale, notamment sous l'impulsion du Doyen PARISOT et du Docteur Poulizac,
s'entendent pour créer un « Institut de Réhabilitation Sociale et
Professionnelle des diminués physiques ». Le Professeur Louis PIERQUIN est
désigné pour en être le Médecin Directeur. En 1953, après avoir bénéficié de
l'appui du Professeur ROUSSEAUX, la chaire de neurochirurgie est transformée en
chaire de Médecine du travail et de Réadaptation. Dès lors, il va s'employer à
donner à l'Institut et à la Région du Nord-Est, les
structures et les moyens qui lui semblent indispensables pour conduire une
réadaptation.
Il crée les Centres de
Réadaptation de Gondreville, puis de Nancy, installe
à l'intérieur des Hôpitaux de Nancy, puis plus tard des Vosges, des équipes
complètes et polyvalentes de réadaptation prônant l'idée d'un service central
de rééducation fonctionnelle qui s'est imposée progressivement dans tous les
CHU. En 1957, à la suite d'une grave épidémie de poliomyélite, avec le concours
de l'O.H.S., dans le cadre de l'Institut, il fonde le
Centre de Réadaptation de l'Enfance de Flavigny. En
1971, confronté au délicat problème de la prolongation de la scolarité des
enfants grands handicapés, il joue un rôle déterminant dans la création d'une
Ecole Nationale de Perfectionnement.
Ainsi, se trouve forgé un
instrument conforme aux objectifs et aux principes énoncés sans relâche,
répété, et que l'O.M.S. partage : continuité du
processus conduisant le malade ou le blessé de l'hôpital, au travail ou à
l'indépendance, précocité de la thérapeutique fonctionnelle contemporaine des
soins médicaux et chirurgicaux, priorité de l'action personnelle du handicapé,
mise en oeuvre précoce des opérations préparant et assurant la reprise du
travail et la réintégration sociale, extension de la réadaptation à toutes les
catégories de handicaps, remise en état de la personne, et pas seulement la
correction de son déficit physique.
L'animation de ces Centres
confronte aux problèmes de la formation des personnels médicaux et para-médicaux. En 1954, il crée une Ecole de Kinésithérapie
où il prône les exercices volontaires actifs au détriment des méthodes passives
alors en vogue et la même année, l'Ecole d'Ergothérapie, la première de France.
Il consacre à cette discipline qui lui est particulièrement chère, de nombreux
travaux couronnés en 1980 par une monographie. Tous les ergothérapeutes de
France savent combien ils lui sont redevables. La même année, un enseignement
de la réadaptation est introduit dans le cursus des études médicales. En 1966. il crée le C.E.S. de rééducation
et réadaptation fonctionnelles. Son action dans le domaine de la formation des
personnels médicaux et para-médicaux de rééducation
au Ministère de la Santé, au Conseil Supérieur des professions para-médicales, à l'O.M.S.. a été déterminante.
C'est pourtant dans le domaine
de l'appareillage que la contribution du Professeur Louis PIERQUIN a
été la plus éclatante. Le rôle de l'appareillage lui apparaissant à la fois
primordial et terriblement retardataire, il crée un service, puis un centre
d'appareillage. Là, ont été conçues et mises au point de multiples
innovations, maintenant utilisées partout: prothèse P.T.S.,
orthèse monotubulaire, orthèse hélicoïdale. La
renommée, rapidement acquise notamment dans le domaine de l'appareillage et de
la rééducation des amputés du membre supérieur, a fait affluer médecins et
techniciens, au point qu'il est peu d'appareilleurs qui ne soient passés un
jour à Gondreville. Fort de cette expérience,
illustrée par un Atlas connu, il fonde l'Association Française pour
l'Appareillage dont il assure la présidence jusqu'à ce qu'il soit assuré de sa
vitalité. Cette inlassable activité au profit de l'appareillage lui vaut en
1968 le Prix Lherminier.
En fait, il n'est pas de domaine
médical, professionnel ou social de la réadaptation où le Professeur Louis
PIERQUIN n'ait apporté une contribution originale. Son action, dans
l'intégration des personnes handicapées, a été primordiale, aussi bien au sein
de l'Association des Paralysés de France, du Comité de Liaison pour la
Réadaptation des Handicapés qu'à l'International Society for Rehabilitation of Disabled, que
dans la création de l'Association Lorraine pour l'Aide aux Grands Handicapés et
de sa Maison d'Accueil Spécialisée.
Homme simple et courtois, juste
et bon, le Professeur Louis PIERQUIN s'est vu attribuer de nombreuses distinctions,
en particulier la Légion d'Honneur dont il est Officier et les Palmes
Académiques dont il est Commandeur.