PIERQUIN Louis

 

1910-2006

 

` sommaire

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La carrière du Professeur Louis PIERQUIN possède le rare privilège de se confondre avec l'histoire de la Rééducation Fonctionnelle et de la Réadaptation française pour en avoir été un des créateurs essentiels.

Interne des Hôpitaux en 1931, il s'oriente vers la Médecine Générale. Sa curiosité lui en fait appréhender tous les aspects : les maladies infectieuses, et surtout l'hématologie, discipline naissante, retiennent particulièrement sa faveur. La guerre, où il sert comme lieutenant avant d'être fait prisonnier, freine son ascension hospitalo-universitaire ; Assistant des Hôpitaux en 1944, Médecin des Hôpitaux et Agrégé de Médecine Générale en 1946, il s'intéresse à la Médecine Légale dont il est Assistant en 1941, et surtout à la Médecine du Travail dont il est chargé de cours à partir de 1945. Il s'intéresse particulièrement au benzolisme professionnel auquel il consacre une thèse, devenue classique, et aux différents aspects du reclassement des diminués physiques au travers d'une commission originale créée en 1942, dont le bien-fondé fut consacré par la loi de 1957.

Tout ce cheminement fut la source d'une longue et méthodique réflexion qui devait le conduire, non seulement à définir le concept de Réadaptation et à en formuler les principes, mais surtout à les mettre en oeuvre.

De sa pratique de la Médecine Générale, il n'accepte pas la fatalité des séquelles. De sa pratique de la Médecine du Travail, il n'accepte ni le déclassement professionnel, ni la désintégration sociale qui en résulte. En médecin humaniste, l'invalidité lui parait loin d'être inéluctable, et donc inacceptable. Cet inacceptable, il ne se contente pas de le dénoncer : il en amène le remède en proposant une approche médicale du malade différente et complémentaire : c'est-à-dire l'abord du handicap par une thérapeutique « fonctionnelle », et la prise en considération systématique du handicapé dans toutes ses dimensions humaines. Plus de 70 communications, dont beaucoup sont demeurées classiques et sont toujours citées, précisent progressivement tous les aspects de ce qui deviendra la Médecine Physique et de Réadaptation.

Cette démarche novatrice n'échappe pas aux organismes internationaux. Nommé expert de la C.E.C.A., puis de la Commission des Communautés Européennes dès 1954, de l'O.M.S. en 1965. puis du Conseil de l'Europe. Plusieurs rapports lui sont confiés. De multiples missions le conduisent en Allemagne, en Autriche, en Espagne, en Italie, en Pologne, en Algérie, où ses conseils sont écoutés.

Ses travaux s'imposent parce qu'ils se fondent sur une expérience pratique rapidement exemplaire aux yeux de tous. En 1952, la Faculté de Médecine, le Centre Hospitalier Régional et la Caisse Régionale de Sécurité Sociale, notamment sous l'impulsion du Doyen PARISOT et du Docteur Poulizac, s'entendent pour créer un « Institut de Réhabilitation Sociale et Professionnelle des diminués physiques ». Le Professeur Louis PIERQUIN est désigné pour en être le Médecin Directeur. En 1953, après avoir bénéficié de l'appui du Professeur ROUSSEAUX, la chaire de neurochirurgie est transformée en chaire de Médecine du travail et de Réadaptation. Dès lors, il va s'employer à donner à l'Institut et à la Région du Nord-Est, les structures et les moyens qui lui semblent indispensables pour conduire une réadaptation.

Il crée les Centres de Réadaptation de Gondreville, puis de Nancy, installe à l'intérieur des Hôpitaux de Nancy, puis plus tard des Vosges, des équipes complètes et polyvalentes de réadaptation prônant l'idée d'un service central de rééducation fonctionnelle qui s'est imposée progressivement dans tous les CHU. En 1957, à la suite d'une grave épidémie de poliomyélite, avec le concours de l'O.H.S., dans le cadre de l'Institut, il fonde le Centre de Réadaptation de l'Enfance de Flavigny. En 1971, confronté au délicat problème de la prolongation de la scolarité des enfants grands handicapés, il joue un rôle déterminant dans la création d'une Ecole Nationale de Perfectionnement.

Ainsi, se trouve forgé un instrument conforme aux objectifs et aux principes énoncés sans relâche, répété, et que l'O.M.S. partage : continuité du processus conduisant le malade ou le blessé de l'hôpital, au travail ou à l'indépendance, précocité de la thérapeutique fonctionnelle contemporaine des soins médicaux et chirurgicaux, priorité de l'action personnelle du handicapé, mise en oeuvre précoce des opérations préparant et assurant la reprise du travail et la réintégration sociale, extension de la réadaptation à toutes les catégories de handicaps, remise en état de la personne, et pas seulement la correction de son déficit physique.

L'animation de ces Centres confronte aux problèmes de la formation des personnels médicaux et para-médicaux. En 1954, il crée une Ecole de Kinésithérapie où il prône les exercices volontaires actifs au détriment des méthodes passives alors en vogue et la même année, l'Ecole d'Ergothérapie, la première de France. Il consacre à cette discipline qui lui est particulièrement chère, de nombreux travaux couronnés en 1980 par une monographie. Tous les ergothérapeutes de France savent combien ils lui sont redevables. La même année, un enseignement de la réadaptation est introduit dans le cursus des études médicales. En 1966. il crée le C.E.S. de rééducation et réadaptation fonctionnelles. Son action dans le domaine de la formation des personnels médicaux et para-médicaux de rééducation au Ministère de la Santé, au Conseil Supérieur des professions para-médicales, à l'O.M.S.. a été déterminante.

C'est pourtant dans le domaine de l'appareillage que la contribution du Professeur Louis PIERQUIN a été la plus éclatante. Le rôle de l'appareillage lui apparaissant à la fois primordial et terriblement retardataire, il crée un service, puis un centre d'appareillage. Là, ont été conçues et mises au point de multiples innovations, maintenant utilisées partout: prothèse P.T.S., orthèse monotubulaire, orthèse hélicoïdale. La renommée, rapidement acquise notamment dans le domaine de l'appareillage et de la rééducation des amputés du membre supérieur, a fait affluer médecins et techniciens, au point qu'il est peu d'appareilleurs qui ne soient passés un jour à Gondreville. Fort de cette expérience, illustrée par un Atlas connu, il fonde l'Association Française pour l'Appareillage dont il assure la présidence jusqu'à ce qu'il soit assuré de sa vitalité. Cette inlassable activité au profit de l'appareillage lui vaut en 1968 le Prix Lherminier.

En fait, il n'est pas de domaine médical, professionnel ou social de la réadaptation où le Professeur Louis PIERQUIN n'ait apporté une contribution originale. Son action, dans l'intégration des personnes handicapées, a été primordiale, aussi bien au sein de l'Association des Paralysés de France, du Comité de Liaison pour la Réadaptation des Handicapés qu'à l'International Society for Rehabilitation of Disabled, que dans la création de l'Association Lorraine pour l'Aide aux Grands Handicapés et de sa Maison d'Accueil Spécialisée.

Homme simple et courtois, juste et bon, le Professeur Louis PIERQUIN s'est vu attribuer de nombreuses distinctions, en particulier la Légion d'Honneur dont il est Officier et les Palmes Académiques dont il est Commandeur.

Professeur Jean-Marie ANDRE

PS : L’Institut Régional de médecine physique et de Réadaptation ouvert en 2007 est appelé aussi en hommage le "Centre Louis Pierquin".