1919-1952
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ELOGE FUNEBRE
La disparition tragique du Professeur agrégé Jacques Simonin, tué dans un accident d'automobile survenu le dimanche 15 juin près de Lunéville, a plongé dans une douloureuse consternation non seulement ses Maîtres et ses Collègues de la Faculté de Médecine, mais aussi ses élèves, ses nombreux amis et le corps médical lorrain tout entier.
Né le 19 octobre 1919, Jacques Simonin, issu d'une famille nancéienne très estimée, avait poursuivi toutes ses études au Lycée, auquel il était demeuré très attaché, puis à l'Université de Nancy où il conquit rapidement, grâce à sa brillante intelligence et à ses remarquables dons d'assimilation, ses différents grades et diplômes universitaires, et son titre de Docteur de Médecine en 1948. Au cours de ses études, comme jeu de 3ème année, il prit ses inscriptions, fin 1940, à la Faculté de Toulouse où l'un de nous, replié sur cette ville et affecté comme histologiste au Centre Anticancéreux, avait déjà discerné ses aptitudes aux travaux de laboratoire et son goût manifeste pour la recherche scientifique.
De retour à Nancy en 1941, il est reçu premier au concours de l'Externat, puis nommé interne en 1942. Assurant ponctuellement son service hospitalier tout en poursuivant sa scolarité, il affirme de plus en plus son attrait pour les sciences morphologiques. D'abord Préparateur d'Anatomie normale, il reprend contact en 1943 avec le laboratoire d'Anatomie Pathologique qu'il ne devait plus quitter. Préparateur, puis délégué Chef de Travaux, il est chargé des fonctions de Maître de Conférence en 1948, et passe brillamment le concours d'Agrégation en 1949. La même année, il est nommé Assistant des Hôpitaux, affecté à la Clinique Médicale A du Centre Hospitalier régional.
Jacques Simonin se présentait au concours d'Agrégat des titres scientifiques très enviables. Parmi une cinquantaine de publications sur des sujets médicaux ou purement morphologiques, nous retiendrons seulement sa thèse inaugurale sur l'Histopathologie de l'Anaphylaxie, où il abordait sous un angle nouveau un phénomène bien connu des physiologistes et à la pathogénie duquel il convenait d'apporter des documents histologiques. Ce travail original avait été très apprécié non seulement des anatomo-pathologues, mais aussi des cliniciens; il nous paraît aujourd'hui étayer d'une manière satisfaisante le concept du syndrome d'adaptation de Selye, et c'est pour parfaire encore cette intéressante notion, applicable à un grand nombre de maladies, qu'il poursuivait patiemment ses expériences et ses observations histologiques sur les modalités du choc anaphylactique.
Aussitôt nommé agrégé, il remplit avec régularité sa tâche universitaire et hospitalière, parfait ses connaissances en Anatomie Pathologique et en Clinique, assure le service des Autopsies et celui de la section histopathologique du Laboratoire Central des Cliniques, dont il est chargé depuis 1948. Au Laboratoire, il est un manipulateur habile, ingénieux, très attaché à la perfection de la technique histologique, toujours soucieux d'obtenir des préparations correctes et des documents impeccables. Ses conférences, qu'il révise et complète chaque année avec beaucoup de soin, sont suivies avec grand intérêt par les étudiants, qui reconnaissent à ce jeune Maître d'indéniables qualités pédagogiques et le souci constant de présenter sous une forme attrayante cette science aride qu'est l'Anatomie Pathologique, en l'adaptant aux nécessités des futurs praticiens.
Cette liaison qu'il tâchait de réaliser au maximum entre le laboratoire et la clinique lui était du reste facilitée par ses relations étroites avec les services hospitaliers. Ses fonctions d'Assistant le mettaient journellement au contact des malades. A la minutie qu'il apportait à ses examens cliniques, il ajoutait une aménité bienveillante qui lui attirait la confiance et l'affection de ceux-ci. L'émotion dont était empreint leur visage le matin où s'est répandu la nouvelle de sa mort montre bien à quel point il était apprécié et aimé dans les salles qu'il fréquentait quotidiennement.
Dans le privé, c'était un charmant camarade, et si au premier contact, on percevait chez lui quelque réserve bien lorraine, il devenait rapidement confiant et accordait alors son amitié sans réticences, toujours prêt à se dévouer sans compter. Il avait puisé cet esprit d'altruisme dans ses solides convictions chrétiennes et dans le scoutisme qu'il pratiquait de longue date et dont il prolongeait les préceptes d'entre aide en réservant ses loisirs à des oeuvres de jeunesse. Et c'est au retour d'une journée consacrée à la réfection d'un camp de vacances paroissial qu'il a trouvé la mort. Une fois encore, la matière brutale et aveugle a vaincu l'esprit, et cette fin tragique met un terme à une carrière scientifique et universitaire trop brève, qui s'annonçait sous les favorables auspices.
Elle déchire un foyer très uni, paré de jeunes enfants qui étaient l'orgueil et la joie de leur père; elle frappe douloureusement des parents déjà très éprouvés, qui voyaient se perpétuer dans leur fils Jacques les plus belles traditions universitaires et médicales. Cette mort plonge en outre dans le désarroi ceux de ses Maîtres qui le considéraient comme leur fils spirituel et auxquels il avait accordé sa confiante affection; elle crée un vide irréparable au sein d'une équipe de jeunes chercheurs qui appréciaient journellement la fraîcheur de sa souriante complaisance et l'appui de ses conseils toujours empreints du plus grand bon sens. Les témoignages de sympathie de la foule émue et recueillie qui se pressait aux obsèques de notre jeune collègue seront certainement pour sa famille si cruellement éprouvée, un puissant réconfort. Nous tenons à redire à Mme Jacques Simonin, au Professeur et à Mme Pierre Simonin, toute la part que nous prenons à leur immense chagrin.