VERAIN Marcel

1889-1961

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Extrait de « Les cliniques médicales » par P. LOUYOT - Numéro Spécial du Centenaire de la Revue (1874-1974) Annales Médicales de Nancy

Marcel Verain a sa place parmi les bâtisseurs de la Médecine interne, car il est de ceux qui, dans l'ombre, leur apportent les matériaux indispensables.

Au retour de la première guerre mondiale (durant laquelle il a imaginé un appareil de protection auriculaire contre les explosions, en collaboration avec son frère, professeur à la Faculté des Sciences d'Alger, ce dernier étant le génial inventeur de la lampe scialytique des salles d'opération), il est reçu au concours de l'Internat en 1919, devient élève de l'Institut Pasteur, puis chef du laboratoire que Georges Etienne lui demande de créer dans son service : c'est la naissance de cette collaboration étroite de la clinique et du laboratoire élevée à la hauteur d'un dogme, et c'est le départ de l'activité fécon­de d'une spécialité nouvelle. Officiellement, M. Verain est nommé Chef du Laboratoire Central des cliniques, qui est son œuvre, en 1932, poste qu'il conserve jusqu'à l'heure de la retraite en 1954. Entre temps, il reçoit à bon droit le grade de Biologiste des Hôpitaux (1944).

L'œuvre scientifique de Marcel Verain est considérable, car l'équité la plus élémentaire doit ajouter son nom, trop souvent oublié, parmi les signataires de travaux qui, sans son travail à l'ombre du laboratoire, seraient sans objet. Mais en vérité, débordant le cadre étroit de la science, son œuvre est autre chose, orientée au premier chef vers le bien-être du malade, guidée par un esprit en éveil permanent, inspirée par une conscience sans faille, une grande ingéniosité, du sens social et une sensibilité délicate.

La conscience du médecin est rigoureuse : soucieux de n'apporter au praticien que des données biologiques sûres, ennemi de la routine et de l'indifférence, M. Verain n'hésite pas, même de nuit, à retourner auprès d'un malade et refaire un prélèvement lorsque le résultat d'un dosage lui parait sujet à caution.

L'esprit d'invention du savant crée ou perfectionne l'appareillage, tels l'électrode à hydrogène pour mesure du pH (en collaboration avec G. Etienne et Bourgeaud), le viscosimètre réalisé avec son ami Lecomte de Nouy, ou encore l'introduction en France d'instruments étrangers nouveaux : ainsi en est-il de la polarographie selon la technique de Heyrovsky de Prague, de l'interféromètre de Hirsch, de la chromatographie. Avec G. Parisot et C. Burg, M. Verain s'intéresse aux radiations ionisantes. Dès 1932, il aborde un lourd travail sur les moyens d'améliorer les eaux de consommation, conduisant à la création de l'Institut de recherches hydrologiques (1952).

Son sens social apparaît dans les multiples fonctions dont il accepte la charge : Président du Syndicat des Biologistes, Président de la Commission médicale Consultative, membre du Conseil d'Administration du Syndicat des Médecins de Meurthe-et-Moselle, etc.

L'homme de cœur enfin et surtout, ami du beau et du bon, amateur d'art, admirateur passionné de la nature (avec joie, il fait à ses amis, l'honneur de ses serres et jardins), cache une sensibilité délicate derrière un masque volontaire tempéré de douce ironie à bon escient ; son dynamisme proverbial, dès avant l'action, s'allume dans le regard direct de ses yeux clairs. Toujours disponible et à l'écoute de la misère des autres, voilée de modestie, sa bonté foncière s'exprime par une générosité aussi efficace que secrète.

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Le laboratoire central des cliniques, quoique institué en 1872, a connu pratiquement un demi siècle de quiescence. Les analyses biologiques restaient l'apanage des laboratoires universitaires, considérés comme des éma­nations de la science pure, comme le font comprendre par exemple les rapports de guerre sur la typhoïde rappelés ci-dessus. En 1920, Georges Etienne comprenant l'immense portée d'une relation étroite et constante entre le laboratoire et la clinique, confie à Marcel Verain le soin de réaliser ses vues : l'homme était tout désigné, par son esprit, son dynamisme, son sens pratique et organisateur, ces qualités naturelles étant au service d'une grande droiture, d'une probité rigoureuse, doublées par surcroît de l'amitié de cœur et d'esprit qui l'unissait à son maître. En dépit de débuts difficiles (le médecin, cet individualiste, a une méfiance naturelle contre toute nouveauté), Marcel Verain, après avoir parfait ses connaissances à l'Institut Pasteur, monte un premier laboratoire à la Clinique médicale B, et peu à peu, l'habitude se répand de compléter les renseignements cliniques par les analyses complémentaires, chimiques, cytologiques, bactériologiques. Plus tard, devenu Chef de service, il est appelé à concevoir et construire un laboratoire d'analyses de routine et de recherches. Le tandem clinique-laboratoire était sur ses rails.