1866-1935
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ELOGE FUNEBRE
C'est avec une profonde émotion que je viens rendre les derniers devoirs, au nom de la Faculté de Médecine, à l'excellent collègue et ami que fut le Professeur Georges ETIENNE.
Né le 10 juin 1866 à Saint-Dié, entré à la Faculté de Nancy en novembre 1886 il y avait successivement conquis tous ses grades universitaires. Externe des hôpitaux en octobre 1889, puis interne, chef de clinique, agrégé des Facultés de Médecine en 1895, il fut nommé professeur de Pathologie interne en 1913 et professeur de Clinique médicale en mai 1914. A la déclaration de la guerre, il est nommé médecin de l'Hôpital auxiliaire du Bon-Pasteur et exerce ses fonctions civiles du 1er octobre 1915 au 11 novembre 1918, période pendant laquelle notre ville fut tenue sous le feu de l'ennemi. Depuis la fin de la guerre, il a consacré toutes ses forces à la direction de son service de clinique, avec l'ardent désir, maintes fois manifesté, de contribuer au développement de la Faculté et à la gloire de la Lorraine. Son oeuvre scientifique est considérable, groupant près de 500 mémoires et rapports traitant principalement des grandes infections et de leurs complications, de la pathologie vasculaire et nerveuse, de l'endocrinologie, des maladies de la nutrition.
L'heure n'est pas venue de rappeler par le détail ses titres et ses travaux. Je voudrais seulement préciser, à grands traits, son individualité et faire revivre, un instant, en hommage respectueux et reconnaissant, cette belle figure médicale.
Il fut, avant tout, médecin, en son âme et conscience, examinant ses malades avec un soin minutieux et avec une infinie bonté, en clinicien consommé qui connaît la valeur du plus insignifiant des symptômes, qui sait, dans une synthèse saisissante, poser le diagnostic juste et qui impose le traitement devant amener sinon la guérison, au moins le soulagement. Sans cesse penché sur la souffrance humaine, il cherchait inlassablement à perfectionner ses moyens d'étude et d'investigation, ayant une confiance inébranlable dans la médecine, celle d'hier qu'il avait la sagesse de ne pas dédaigner et celle de demain dont il était par avance un brillant protagoniste. Il fut également un grand savant. Les problèmes scientifiques les plus ardus et les plus nouveaux n'avaient pas de secrets pour lui. Doué d'un extraordinaire esprit encyclopédique, il avait tout lu et sa mémoire, un jour, le trahissant, il recherchait le texte original dans l'incroyable masse de documents qu'il avait accumulés au cours de sa carrière et qu'il avait seul le merveilleux secret de pouvoir utiliser.
Il sut un des premiers prévoir la puissance, jusque là insoupçonnée, des armes que l'alliance de la Clinique et du Laboratoire devait mettre entre les mains du médecin. Je me souviens des années déjà si lointaines où il se livrait à ses passionnantes recherches bactériologiques. L'oeil rivé à son microscope, au milieu d'un magnifique désordre créé par l'entassement des pièces anatomiques et des animaux d'expérience, avec ce bon sourire qui ne l'a jamais quitté, il travaillait inlassablement. C'était l'époque où le chercheur avait l'impression extraordinaire que chaque nouvelle constatation pouvait prendre l'ampleur d'une découverte. Il fallait, pour ne pas commettre d'erreur, une très grande prudence. Il fallait surtout de la précision, de la ténacité, de la méthode et de la mesure, ses qualités maîtresses. Le Professeur ETIENNE fut un Maître dans toute l'acception du terme, sachant grouper autour de lui des élèves dévoués qui lui rendaient en respectueux attachement les trésors scientifiques qu'il leur avait prodigués. Son service d'hôpital était sa seconde famille, véritable petite chapelle où le chef et les disciples communiaient dans le même esprit de sacrifice avec le même désir de savoir pour mieux guérir.
Il a formé de nombreuses générations de médecins qui continuent à suivre ses directives et qui contribuent largement au bon renom de la Clinique française. Il fut un grand défenseur de l'idée universitaire, respectueux du passé et de ses traditions, fier de sa petite patrie qu'il voulait toujours mieux connue et plus respectée, pionnier, tout à la lois, de la culture française qu'il représentait avec tant d'ardeur dans les réunions internationales et de la culture latine dont il plaida magnifiquement la cause dans un Congrès qu'il avait eu l'honneur de présider il y a un an. Ce fut sa dernière grande joie.
Nationaliste fervent, il savait que notre pays a le devoir d'attirer à lui les jeunes gens étrangers pour leur apprendre la littérature et la science françaises, pour leur inculquer nos idées généreuses, pour favoriser le rapprochement entre peuples ayant un même idéal. En apprenant, il y a quelques mois, sur son lit de souffrance, que des dissentiments s'étaient élevés entre étudiants français et étrangers, il en avait ressenti une peine profonde et il m'avait confié ses craintes pour l'avenir de notre Université qu'il voulait toujours plus libérale et plus accueillante.
Son infatigable activité, son dévouement à la grande cause de l'enseignement médical lui avaient valu de flatteuses distinctions. Le Gouvernement avait tenu, par deux fois, à reconnaître ses mérites et de savantes compagnies s'étaient fait un honneur de l'accueillir dans leur sein. Son nom était connu dans toute la France et dans les pays les plus éloignés. Il avait compris qu'un des principaux devoirs du professeur est de ne pas se replier sur lui-même: il savait s'extérioriser. Sa perte sera, j'en suis sûr. vivement ressentie dans tous les milieux médicaux et scientifiques.
Si j’ai rendu hommage au médecin, au savant et au professeur, il me reste un dernier devoir à remplir et ce n'est pas celui qui me tient le moins au coeur.
Avec le Professeur ETIENNE disparaît le dernier des trois Maîtres qui surent m'enseigner le peu que j'ai pu apprendre, qui me donnèrent le meilleur d eux mêmes et qui me guidèrent dans la carrière médicale. Trois images passent en ce moment devant mes yeux et ce sont trois noms qui montent à mes lèvres, les noms de trois hommes qui, issus de générations différentes, se sont successivement passé le flambeau pour le transmettre à ceux qui devaient leur succéder. Ces trois noms ont été souvent réunis dans nos Annales scientifiques. Le fils, le disciple et l'ami les associe aujourd'hui dans le même sentiment de vénération et de piété reconnaissante.
Madame, je m'incline respectueusement devant votre douleur qui est immense. Votre foi est grande; elle vous aidera à supporter une séparation particulièrement cruelle pour deux êtres qui se sont voués une affection sans borne. Vous avez donné le plus bel exemple de ménage chrétien qu'on puisse rêver. On ne vous a jamais vu l'un sans l'autre. Au cours des derniers mois qui vous ont causé tant d'angoisse, vous avez soigné votre cher mari avec un dévouement sans borne. Vous garderez des heures passées à son chevet le plus doux et le plus émouvant des souvenirs.
Croyant sincère, ayant eu parmi les membres du Clergé d'éminents conseillers et des amis très sûrs, le Professeur ETIENNE est parti en confiance pour le redoutable au-delà où il trouvera la paix promise à ceux qui sur cette terre ont fait leur devoir vis à vis de leurs semblables en toute conscience et souvent en complet désintéressement.
Vous avez heureusement une famille soucieuse de ne pas vous abandonner à votre douloureux isolement. Elle comprend deux de nos collègues particulièrement estimés. Elle saura vous entourer d'attention délicates, appuyée par les amis, les collègues et les élèves du cher disparu.
Soyez assurée que nous conserverons pieusement et fidèlement le souvenir du Professeur Georges ETIENNE qui a grandement honoré la Faculté de Médecine et l'Université de Nancy.
Professeur L. SPILLMANN
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L'OEUVRE SCIENTIFIQUE
La valeur scientifique d'un professeur se mesure à l'ampleur du vide creusé par sa disparition. La Faculté de Médecine a perdu en la personne du Professeur Georges ETIENNE, un homme qui pendant plus de 40 ans mit à son service toutes ses qualités de coeur et d'intelligence et contribua à son renom par un labeur acharné et soutenu jusqu'à la limite de ses forces.
Sa carrière universitaire fut brillante; externe des Hôpitaux en 1889, interne en 1890, Docteur en médecine en 1893, chef de Clinique médicale en 1894, Agrégé des Facultés de Médecine (section de Pathologie interne et de Médecine légale) en 1895, chargé de cours complémentaire de Clinique des maladies des vieillards en 1904, Professeur de Pathologie générale et de Pathologie interne en 1913, Professeur de Clinique médicale en 1914. Dans cette dernière chaire, il succédait au Professeur Paul SPILLMANN dont il avait été l'élève et dont il fut le continuateur.
La valeur de sa production scientifique lui ouvrit les portes de nombreuses Sociétés savantes qui tinrent à l'honneur de compter dans leur sein un membre aussi actif.
Il fut de la Société de Médecine, de la Réunion biologique de Nancy, de la Société d'hydrologie de l'Est, de la Société française de Dermatologie et de Syphiligraphie, de la Société d'Ophtalmologie de l'Est, de l'Association des Médecins de Langue française, de la Ligue contre le rhumatisme, de l'Union thérapeutique, de la Société de Neurologie ; membre correspondant de la Société médicale des Hôpitaux de Paris, de l'Académie de Médecine ; membre de la Presse Médicale latine, dont il présida brillamment le Congrès en octobre 1934. Il appartint aussi à des Sociétés médicales étrangères : Société de Médecine Tchèque, Société de Médecine de Luxembourg, Société de Cardiologie Tchécoslovaque.
Considérant d'autre part que la mission de professeur ne consiste pas seulement à enseigner, mais aussi à participer activement à la vie scientifique du pays, il n'hésita jamais à apporter sa part personnelle aux Congrès scientifiques français ou étrangers. Il contribua ainsi activement à maintenir le bon renom de la Médecine française et celui de sa Faculté lorraine. Le nombre et la solidité des amitiés qu il se créa en France et à l'Etranger, témoignent de l'estime et de l'admiration dont il sut entourer sa vie de labeur.
Sa curiosité et son activité s'exercèrent dans de nombreux domaines étrangers à la Médecine : il fut membre du Comité des Sciences appliquées de la Société Industrielle de l'Est et de la Société d'Archéologie lorraine, membre titulaire de l'Académie de Stanislas.
L'art l'avait attiré et il sut avec goût et délicatesse rassembler autour de lui des pièces de faïence d'une harmonie incomparable. Chacune d'elles était pour lui un souvenir, chacune avait son histoire. C était son délassement mais aussi un enseignement car avec une finesse et une compétence jamais en défaut, il montrait comment l'art de la faïence lorraine avait essaimé dans différents points de la France.
La production scientifique du Professeur Georges ETIENNE est considérable : elle comprend plus de 600 publications dont la chronologie s'échelonne de 1891 à 1935. Son oeuvre touche à peu près à tous les sujets et cette variété dans le travail ne lui coûta aucun effort, tant était grande sa mémoire et tant étaient encyclopédiques ses connaissances bibliographiques. Comme il est impossible d'analyser cette oeuvre dans tous ses détails, nous nous contenterons de la brosser à grands traits.
La lecture de ses travaux permet d'abord de dégager certaines orientations de sa curiosité scientifique et l'on y retrouve aisément une prédilection pour quelques sujets qui, l'ayant intéressé au début de sa carrière, continuèrent jusqu'au bout à l'attirer plus particulièrement. Quand son expérience lui montrait la justesse d'une idée, il la défendait avec opiniâtreté; nous n'en voulons pour preuve que la persévérance avec laquelle il lutta pour défendre la sérothérapie de la fièvre typhoïde, de la maladie de Heine Médin, et les hautes doses de sérum antitétanique.
Il débuta dans l'étude des Maladies infectieuses par une thèse de grande valeur pour l'époque, sur les pyosepticémies médicales. Il s'intéressa ensuite aux autres infections. Il consacra de nombreux travaux à là pneumonie du vieillard au cours de la quelle il étudia les courbes thermiques, les variations leucocytaires, la fonction rénale. Dès 1896, il porta son attention sur la fièvre typhoïde et fut un des premiers en province à utiliser la séro-réaction de Widal. Depuis lors il ne cessa d'accorder un intérêt particulier à cette infection et aux paratyphoïdes. Il les étudia cliniquement dans leur symptomatologie, dans leur évolution, leurs complications, leur épidémiologie locale et leur traitement. Dès l'introduction dans la thérapeutique de la fièvre typhoïde, du sérum de Rodet, il en devint un partisan convaincu, contribua pour une très grande part à en préciser les indications, la posologie et consacra de nombreux mémoires où il exposa avec le plus grand esprit critique les résultats qu'il obtint.
A propos de nombreux cas de tétanos de guerre qu'il eut à soigner, il apporta le résultat de ses réflexions sur la pathogénie des manifestations clinique et ses vues sur le traitement sérothérapique. Il fut un des premiers à conseiller une thérapeutique rapide et intense avec les grosses doses de sérum et ses statistiques justifièrent ses idées. Dès 1917, il insistait sur les trois termes qui caractérisaient le tétanos et devaient servir de base au traitement : « Le tétanos est en somme, disait-il, d'abord une maladie infectieuse, puis une intoxication, enfin une maladie nerveuse. Chacun de ces trois termes comporte son traitement : au premier appartient la suppression du foyer infecté, au deuxième la sérothérapie, au troisième la thérapeutique antispasmodique: chloral, morphine, chloroforme » La méthode de DUFOUR était donc largement utilisée et préconisée bien avant qu'elle ne soit décrite.
Enfin plus récemment il insistait à nouveau sur ces directives thérapeutiques en montrant l'intérêt de l'association du Gardénal intraveineux et de la sérothérapie intensive. Il consacra de longs travaux à la Maladie rhumatismale dont il étudia les formes abarticulaires et les complications.
Les affections aiguës et subaiguës du système nerveux retinrent particulièrement son attention. L'encéphalite épidémique et ses séquelles fut l'objet d'un certain nombre de publications, mais il eut une prédilection toute spéciale pour la maladie de Heine-Medin. Il l'étudia dans ses manifestations cliniques et surtout dans sa thérapeutique par le sérum antipoliomyélytique de PETTIT. Il fut un partisan convaincu et fidèle de cette sérothérapie et contribua par les nombreuses observations démonstratives qu'il fournit, à en affirmer la valeur, ainsi que le disait récemment encore M. le Professeur PETTIT. Son expérience de la maladie de Heine-Médin lui permit d'avancer l'hypothèse que beaucoup de cas de myélite aiguë ou subaiguë de nature indéterminée pouvaient être rangés dans le cadre de cette affection. Une utilisation aussi étendue et variée de la sérothérapie devait inévitablement le placer devant les incidents multiples auxquels ce traitement peut donner lieu, et il fut un des premiers à décrire les paralysies post-sériques.
Disciple du Professeur Paul SPILLMANN qui fut lui-même l'élève de FOURNIER, le Professeur Georges ETIENNE ne pouvait manquer d'avoir aussi une certaine prédilection pour î'étude de la Syphilis et son oeuvre scientifique se trouve émaillée d'un grand nombre de travaux ayant trait à cette infection qu'il étudia surtout dans ses manifestations viscérales, soit héréditaires, soit acquises. Nous signalerons en particulier ses travaux sur l'anévrysme de l'aorte et son rapport au Congrès Français de Bruxelles (1920) sur la syphilis vasculaire. Poursuivant la même idée directrice il a été un des premiers à employer à hautes doses le sérum anticolibacillaire et le sérum antistreptococcique de Vincent. A cette occasion il ne manqua pas d'insister sur la nécessité de combiner l'action de la sérothérapie et de la vaccinothérapie pensant qu'il fallait profiter d'un relèvement de l'état général du malade dû à l'apport d'anticorps par le sérum pour lui demander une réaction très minime fut-elle mais bien spécifique due à des doses de vaccin appropriées.
Dans le domaine de l'Endocrinologie il contribua pour une large part à classer la Faculté de Nancy parmi les Ecoles spécialisées. A une époque où la physiopathologie des glandes à sécrétion interne constituait pour beaucoup une simple curiosité scientifique il entreprenait des études expérimentales et cliniques dont beaucoup aboutirent à des conclusions qui n'ont encore rien perdu de leur valeur et dont certaines ressuscitent grâce à des techniques d'examen plus perfectionnées.
C'est ainsi qu'avec son Maître Paul SPILLMANN, ils furent les premiers à échafauder l'hypothèse endocrinienne de la chlorose, par insuffisance ovarienne. Par l'administration d'ovarine, ils notèrent l'amélioration de l'état général, la disparition de l'anémie et la réapparition de la menstruation. En 1908, il montra que les injections répétées d'extrait hypophysaire provoquaient expérimentalement une élévation permanente de la pression artérielle et l'hypertrophie du coeur. Il pensait déjà, dès cette époque, que les troubles sécrétoires de la glande pituitaire pouvaient être à l'origine de certains états hypertensifs et il est curieux que ces vues émises il y a 27 ans soient reprises actuellement et que la réalité d'une hypertension artérielle d'origine hypophysaire repose sur des arguments certains.
Il s'intéressa beaucoup à la glande thyroïde et publia de nombreux mémoires sur la maladie de Basedow dont il étudia le mécanisme en fonction des émotions de guerre, le retentissement sur le métabolisme azoté, sur la fonction rénale et sur la pigmentogénèse. L'une de ces dernières publications fut une contribution aux nouvelles conceptions pathogéniques de l'hyperthyroïdie. On peut encore citer de lui des travaux sur la physiologie pathologique de l'hypophyse, des capsules surrénales et du pancréas.
Son oeuvre neurologique est aussi importante. En 1901 avec P. Haushalter, L. Spillmann et Ch. Thiry, il publia une iconographie de clinique médicale très documentée, où l'on retrouve, fixés par la photographie, les traits essentiels d'un grand nombre de cas cliniques où domine nettement la pathologie nerveuse. On y voit des groupements de figures représentant les modifications de formes, d'habitus, d'attitude dans les amyotrophies progressives, les paralysies et hémiplégies infantiles, la paralysie de la face, les névrites périphériques, l'hydrocéphalie, la rigidité spasmodique infantile, les tropho-névroses, etc... Dès 1898, il commençait l'étude des arthropathies nerveuses dans le tabès, la syringomyelie, les atrophies osseuses, la paralysie générale, sur lesquelles il revenait en 1913 en apportant à leur pathogénie la contribution de nombreuses coupes histologiques. De cette époque aussi, on lui doit des travaux sur les amyotrophies.
Après la guerre, il étudia l'encéphalite épidémique et ses séquelles, la maladie de Heine-Médin et son traitement par la sérothérapie, les paralysies post-sérothérapiques. Comme nous l'avons déjà signalé, il s intéressa d une façon suivie à ces cas de myélite d'évolution aiguë ou subaiguë d'origine indéterminée et qu'il pensa pouvoir rattacher par leur évolution et les résultats thérapeutiques à la maladie de Heine-Médin. On lui doit en outre les premiers essais de traitement des crises d'épilepsie par l'acétylcholine.
En pathologie vasculaire, il étudia expérimentalement l'athérome et l'hypertension artérielle. Plus tard il consacra de nombreux travaux à l'anévrysme de l'aorte et d'une façon plus générale à la syphilis vasculaire. Avant la guerre, il étudia le coeur sénile et pendant la guerre le coeur des aviateurs. Il aimait approfondir la physiopathologie cardiaque à l'aide de méthodes graphiques et on lui doit de nombreux travaux sur le cardiogramme humain normal et pathologique. Plus tard il publia sur les lésions cardiaques dans la maladie rhumatismale, sur le fonctionnement rénal dans les cardiopathies, sur l'hypotension artérielle, et sur l'action thérapeutique cardiovasculaire de la vagotonine.
En hématologie, il s'intéressa dès le début, aux variations de la formule leucocytaire dans la pneumonie du vieillard et dans la tuberculose. Plus récemment il apporta une contribution importante au traitement des anémies par l'opothérapie hépatique et l'extrait d'estomac. La physiopathologie des reins lui doit des travaux sur le fonctionnement rénal après la néphrectomie, dans les états fébriles, dans l'uricémie, dans les cardiopathies et dans la maladie de Basedow.
En dehors de ces principaux chapitres de la médecine pour lesquels il avait une sorte de prédilection, sa curiosité sans cesse en éveil le poussait à s'intéresser à tout ce qui touchait à la pathologie et dans la longue liste de ses publications, on peut encore en relever qui ont trait aux maladies de la nutrition (diabète, migraine, uricémie), au rhumatisme chronique, aux affections aiguës du poumon, à l'appareil digestif, au foie.
Chercheur acharné, il multipliait les procédés d'investigation dans le but de serrer de plus près la vérité et toujours dans l'espoir qu'un diagnostic plus précoce imposerait une thérapeutique plus précise et plus efficace. Il s'était rapidement rendu compte que la recherche expérimentale pouvait rendre de grands services à la clinique. Il avait su adapter certaines données de la biologie à la pratique médicale en leur demandant d'éclaircir les points que l'examen clinique le mieux conduit ne permettait pas de préciser.
Acceptant et même provoquant la recherche de techniques précises, il fut un des premiers à la Faculté de Médecine de Nancy à avoir un laboratoire de biologie attaché à son service d'hôpital. Il avait créé un organisme qui permettait d'effectuer toutes les recherches : chimiques, bactériologiques, sérologiques et physico-chimiques, qui lui étaient nécessaires, non seulement pour ses travaux personnels et son enseignement mais encore et surtout pour les soins journaliers de ses malades : car l'intérêt de ceux-ci fut sa préoccupation dominante : l'acte thérapeutique primant toujours et en toute circonstance la recherche scientifique.
L'éclat de son enseignement attira près de lui un grand nombre d'élèves dont beaucoup devinrent ses collaborateurs. Ce maître sut leur faire partager ses idées et son enthousiasme scientifique. De sa clinique, il fit sa seconde famille, en toutes circonstances, et la guerre lui en avait fourni maintes occasions, il sut prouver son affection et son dévouement à ses élèves ; pour eux il fut le Patron qui, avec une grande bonté, partageait leurs joies et leurs tristesses.
S'ils lui doivent tout ce qu'ils savent, ils lui restent reconnaissants de leur avoir appris par l'exemple à être bons et charitables envers les malades. Ce grand coeur, cette belle figure de Maître n'est plus. Ses élèves lui doivent dans la mesure de leurs forces et de leurs possibilités de continuer son oeuvre. Ils sauront lui rester fidèles et suivre la voie où il a guidé leurs premiers pas et où il les a accompagnés de sa sollicitude si affectueuse et si paternelle.