De la maison de campagne des Jésuites de Nancy
aux hôpitaux Maringer, Villemin,
Fournier
par A. BEAU
EXTRAITS
Cliquez sur le lien pour
obtenir le texte complet
Le groupe des hôpitaux Maringer, Fournier et Villemin forme, aux confins Sud du
territoire de Nancy, un ensemble important qui s'étend sur une superficie de
près de cinq hectares.
Le plus ancien de ces
bâtiments est l'hôpital Maringer : quand on
considère, en effet, son portail d'entrée principale, on est surpris de voir
inscrite à son fronton la date de 1743 et de constater la présence de
sculptures en forme de cœur. Ces deux marques rappellent essentiellement deux
étapes de son histoire, sa fondation par les pères Jésuites au XVIIIème siècle, puis sa destination comme maison
d'éducation des Dames du Sacré-Cœur au XIXème siècle.
LE GROUPE
HOSPITALIER : MARINGER – VILLEMIN – FOURNIER
Le 15 janvier 1904, la
commission des hospices de Nancy recevait une circulaire ministérielle, prise
dans le cadre de la lutte contre la tuberculose, maladie qui constituait alors
un véritable fléau social, lui enjoignant de créer un hôpital spécial et isolé,
pour traiter les malades atteints de cette affection. La Commission des
hospices, réunie le 22 mars 1904, constata alors qu'elle ne disposait pas de
locaux capables d'être transformés suivant les prescriptions ministérielles et
que de plus, pour créer un hôpital spécial, elle ne possédait ni le terrain
pour l'édifier, ni les fonds nécessaires pour le construire. La municipalité de
Nancy avait alors à sa tête un homme actif et entreprenant, Hippolyte Maringer qui prit à cœur de résoudre ce problème dont il
avait compris l'urgence en sa qualité de président-né
de la Commission des hospices.
Maringer estima à très juste titre que la mise en vente du couvent
du Sacré-Cœur était une occasion inespérée pour les
hospices d'agrandir leur domaine foncier et de profiter de bâtiments existants
pour réaliser un hôpital de tuberculeux.
Dès le 13 avril 1904, Maringer réunit le conseil municipal et lui expose que la
Commission des hospices a en vue l'acquisition de l'ancien couvent du Sacré-Cœur pour y installer l'hôpital spécial qu'elle est
tenue de créer pour le traitement des tuberculeux. Le prix de vente de ce
domaine est fixé à 200000 F payables immédiatement, condition impérative mise
par le vendeur, et que ni la ville, ni les hospices ne pouvaient remplir, vu la
longueur des formalités administratives à effectuer.
Étant donné l'urgence et le
très bref délai accordé par les religieuses pour vendre leur domaine, il fallait
trouver une solution immédiate. Maringer la trouva
grâce au dévouement d'un de ses concitoyens, Charles-Achille
Giron, qui avait été son collaborateur à la
mairie de Nancy comme conseiller municipal (1888) puis comme adjoint (1892).
Entrepreneur de travaux publics, disposant d'une très belle fortune, Giron
acceptait de servir d'intermédiaire en achetant immédiatement le couvent du Sacré-Cœur et en s'engageant à le revendre à la ville de
Nancy dans le délai d'un an.
Dès le 22 mars 1904 une promesse
de vente était signée valable pour un délai de 15 jours, et le 7 avril 1904 Mme
de Angellis, résidant alors à Ostende, vendait à Charles-Achille Giron, propriétaire, ancien adjoint au
maire de Nancy, l'immeuble dit le Grand Sacré-Cœur et
le domaine sur lequel il était implanté, d'une surface d'environ 47000 m2,
moyennant la somme de 200000 F que l'acquéreur réglait sur le champ (Acte reçu
par Maître Vergne et Baudot, notaires à Nancy).
Peu de temps après, un changement
de municipalité intervint. Le 15 mai 1904, un nouveau conseil élisait comme
maire Ludovic Beauchet, qui remplaçait Hippolyte Maringer. La nouvelle municipalité continua avec persévérance
l'œuvre de la précédente.
Dès le 29 juin 1904, le
conseiller Xardel présentait un rapport sur l'achat éventuel
du Sacré-Cœur, dans lequel il conclut qu'il s'agit «
d'un magnifique domaine, clos de murs élevés, donnant sur trois rues, d'une superficie de 5 hectares, contenant de vastes
bâtiments solidement construits, admirablement aérés, avec des arbres séculaires.
On ne peut rêver un site plus hospitalier pour abriter les souffrances
humaines. Quant au prix, c'est d'après l'avis de la commission des hospices, un
prix inespéré : il ne paie pas les constructions. »
Mais le temps pressait,
puisque M. Giron n'avait accordé qu'un délai d'un an à la ville pour racheter
ce domaine. Aussi, le 1er février 1905 le conseil municipal de
Nancy prenait-il une délibération d'urgence, accordant une subvention de 242000
F aux hospices civils pour acquérir l'ancien couvent du Sacré-Cœur,
afin d'y créer un hôpital spécial pour le traitement des tuberculeux. Cette
délibération spécifie, par un grand esprit de libéralité, que l'acte d'achat
sera fait au nom des hospices civils, ceux-ci s'engageant seulement à céder gratuitement à la ville le terrain
nécessaire à l'élargissement à 12 mètres de la rue de Nabécor,
dès que le conseil municipal décidera cet élargissement. Quelques jours après,
le 28 février 1905, le conseil complétait sa délibération en donnant son
accord pour l'aménagement d'un hôpital de tuberculeux à l'ancien Sacré-Cœur.
Les formalités
administratives furent remplies avec rapidité. Aussi, dès le 1er
mars 1905 un décret ministériel autorisait la ville à acquérir de M. Giron la
propriété du Sacré-Cœur. Dès le 26 avril 1905, les hospices civils de Nancy ont
été amenés à acquérir sur les consorts Giron l'immeuble du Grand Sacré-Cœur, comportant au centre d'un vaste domaine de
47000 m2 environ, un bâtiment avec deux ailes, logement de concierge
attenant sur le quai de la Bataille, maison de l'aumônerie et orphelinat, plus
divers bâtiments à usage agricole, le tout clos de murs, pour le prix de
222706 F (acte reçu par Mes Droit et Baudot, notaires à Nancy).
Grâce à la compréhension et
au dynamisme de leur président-né, le maire de Nancy,
les hospices civils devenaient ainsi propriétaires d'un magnifique ensemble,
sur le territoire même de la ville. C'est donc à juste titre que la commission
décida de donner à l'ancien Sacré-Cœur le nom du
maire Hippolyte Maringer.
Il fallait désormais
envisager la transformation de cet ancien pensionnat de jeunes filles en un
hôpital pour tuberculeux.
Le 23 janvier 1906, le
conseil municipal fait un nouvel effort financier en votant une subvention de
265000 F pour cet aménagement, décision qui fut reconnue d'utilité publique le
5 décembre 1905.
Différents avant-projets
furent établis pour réaliser cette transformation, mais ils soulevèrent de
nombreuses discussions entre la commission administrative, les services
d'hygiène et l'autorité supérieure, qui durèrent pendant plus de trois années.
Finalement, elles
aboutirent à constater que les anciens bâtiments pouvaient être simplement
transformés en locaux d'hospitalisation courante et qu'il était par ailleurs
nécessaire de construire sur les terrains disponibles un hôpital-sanatorium
neuf pour les tuberculeux (décision de la commission administrative du 9
novembre 1911).
Entre temps, les locaux
inoccupés étaient prêtés à l'armée par la commission des hospices, d'abord
pour y loger des soldats de la garnison en surnombre
(29 octobre 1906), puis pour un hôpital temporaire du service de santé (janvier-avril 1909) enfin pour y héberger les élèves de
Saint-Cyr venus à Nancy à l'occasion de l'exposition (juin 1909). Nous nous bornerons à rappeler brièvement la destinée de ce
qu'allait désormais devenir le groupement Maringer-Villemin-Fournier,
car elle a déjà fait l'objet de publications détaillées que nous ne pouvons que
résumer.
L’HOPITAL
MARINGER
Dès 1908, l'administration
préfectorale de Meurthe-et-Moselle avait invité la municipalité de Nancy à se
mettre d'accord avec les hospices civils pour créer un nouvel établissement
destiné au traitement des malades atteints d'affection cutanées et vénériennes.
Jusqu'alors en effet, ces malades étaient soignés dans une aile de la vieille Maison de secours : les conditions d'hébergement
et de traitement y étaient déplorables.
Les anciens bâtiments du Sacré-Cœur pouvaient être facilement adaptés à cette
mission, alors qu'il était impossible de les transformer en hôpital de
tuberculeux, mais ils paraissaient néanmoins trop vastes pour abriter la seule
clinique de dermato-syphiligraphie.
On décida donc, pour
obtenir une occupation totale, d'installer dans le nouvel établissement une
clinique médicale et une clinique chirurgicale complémentaires pour dégager les
grands services de l'hôpital central, surchargés de malades.
Les deux services complémentaires
devaient être installés dans le corps de bâtiment principal, tandis que la
clinique de dermato-syphiligraphie devait trouver sa
place dans une aile latérale et un pavillon indépendant. Dès l'automne 1912,
les travaux d'organisation de ces cliniques pouvaient débuter grâce à un
financement assuré par des subventions de la ville, des ressources propres de
l'hôpital et une subvention de l'État prélevée sur les fonds du Pari mutuel.
Placés sous la direction de
M. Georges Biet, architecte des hospices, les travaux
étaient terminés au printemps 1914 et le 1er avril de cette année
les malades de la Maison de secours étaient transférés à ce nouvel hôpital Maringer. Il est piquant de constater que ce furent les
prostituées de Nancy qui vinrent prendre la place occupée auparavant par les
jeunes filles de la maison d'éducation du Sacré-Cœur.
Les services de
dermato-vénérologie devaient rapidement se trouver à l'étroit dans ces locaux
et comme nous le verrons, une clinique particulière fut
bientôt bâtie dans ce but.
En ce qui concerne les
cliniques complémentaires, celle de médecine fut confiée au professeur agrégé Zilgien, mort préamturément le 12
novembre 1914, et celle de chirurgie au professeur agrégé Gaston Michel, qui
deviendra plus tard titulaire de la clinique chirurgicale A, à l'hôpital
central.
Durant la guerre de
1914-18, ces services complémentaires reçurent 5539 blessés militaires. Puis
ils furent réouverts à la population civile : l'un
comme service de chirurgie générale, l'autre comme service d'urologie à titre
temporaire.
Après l'armistice, les deux
cliniques furent affectées à des services de chirurgie confiés à des
chirurgiens des hôpitaux. Lors de la seconde guerre mondiale, l'hôpital Maringer fut temporairement occupé par l'armée allemande.
Rendu aux hospices, il servit à abriter les malades tuberculeux, l'hôpital
Villemin étant occupé en totalité.
Depuis lors, cet hôpital
est revenu à sa destination civile, occupé par différents services et en
particulier par celui des explorations fonctionnelles respiratoires. Il a été
libéré depuis la construction du C.H.U. de Brabois et
des travaux importants y sont en cours pour permettre un meilleur
fonctionnement de la clinique de dermatologie.
Au cours de la première
guerre, un important bâtiment fut adjoint à l'hôpital Maringer
; accolé en partie au côté ouest de la façade principale, il en rompt malheureusement
l'harmonie architecturale. Construit en 1915 sur une initiative privée pour
venir en aide aux mutilés de guerre, cet immeuble abrita une école de
rééducation par le travail des invalides. Elle rendit de grands services
jusqu'en juillet 1925, époque à laquelle sa mission terminée, elle fut fermée
et ses locaux donnés aux hospices. Ils permirent, après d'importantes
transformations, d'installer un service des maladies contagieuses, placé
d'abord sous la direction du professeur de Vezeaux de
Lavergne, puis sous celle du docteur Gerbaut ; il a émigré actuellement dans des locaux beaucoup
mieux adaptés au C.H.U. de Brabois. Il a néanmoins
rempli un rôle très important lors des épidémies de poliomyélite de 1957 et
1961, où de nombreux malades y ont été soignés.
Dans son ensemble,
l'hôpital Maringer a gardé l'aspect architectural
primitif du Grand Sacré-Cœur, en particulier sa
chapelle néo-gothique. Des transformations intérieures nombreuses l'ont heureusement
rendu plus apte à sa mission hospitalière.
L’HOPITAL
VILLEMIN
Comme nous l'avons rappelé,
une circulaire ministérielle de 1904 avait prescrit de façon impérative aux
hospices civils de Nancy de posséder un hôpital spécial pour tuberculeux. C'est
dans ce but que l'ancien couvent du Sacré-Cœur avait
été acquis.
Dès le 23 janvier 1906, le
conseil municipal de Nancy accordait une subvention de 265000 F pour
l'aménagement des anciens locaux. De longues études préalables ayant prouvé
qu'il n'était pas possible de réaliser ces transformations dans des conditions
satisfaisantes.
Le 9 novembre 1909, la
commission décidait la construction d'un vaste « hôpital-sanatorium
» en y affectant le produit d'un legs (Mme Lejeune) et de la vente
à la ville de Nancy d'un grand jardin (jardin Sauvaget).
D'autres legs vinrent compléter cette dotation. Le 4 octobre 1910, la
commission administrative confirmait sa décision et sollicitait une aide de
l'État sur les fonds du Pari mutuel, qui lui fut ultérieurement accordée.
Il fut décidé que ce futur hôpital-sanatorium porterait le nom de Villemin en souvenir
du célèbre médecin militaire lorrain, qui avait démontré, dès 1865, avant même
la découverte par Koch du bacille responsable, la notion de contagion de la
tuberculose.
La disposition
architecturale de ce nouvel hôpital s'inspirait des directives qui avaient
cours à cette époque en ce qui concernait le traitement de la tuberculose :
isolement des hospitalisés d'une part, et
possibilité de cure d'air en aménageant de vastes terrasses, comme dans les
sanatoriums d'altitude.
Confiés à M. Albert Jasson, architecte de la ville, et à M. Georges Biet, architecte des hospices, les travaux étaient mis en
adjudication le 12 septembre 1911. Ils étaient suffisamment avancés en 1914
pour permettre l'hospitalisation des malades militaires contagieux. Grâce à
quelques aménagements, 4964 malades y furent traités sous la direction du
professeur Paul Haushalter.
Dès le printemps 1919, les
travaux furent repris et un an après l'hôpital Villemin pouvait ouvrir ses
portes. Il comportait essentiellement deux pavillons de 100 lits chacun, l'un
destiné aux hommes et l'autre aux femmes, placés sous la direction d'un
professeur de la faculté de Médecine.
Un petit service de
chirurgie thoracique y fonctionna durant plusieurs années sous la responsabilité
du professeur Guillemin, puis du professeur Lochard.
Depuis la création de
l'hôpital Villemin, de nombreuses découvertes sont venues transformer
radicalement le traitement de la tuberculose. La mise en œuvre systématique de
la vaccination préventive par le B.C.G. a provoqué
une diminution spectaculaire du nombre des personnes atteintes de ce mal.
Par ailleurs, des
thérapeutiques efficaces, antibiotiques et chimiques, ont été découvertes qui
ont permis de soigner avec succès les différentes atteintes de la tuberculose.
De telle sorte que la vocation de l'hôpital Villemin s'est orientée
essentiellement vers le traitement de toutes les diverses maladies atteignant
l'appareil respiratoire.
Un dispensaire de soins
externes et une consultation lui sont annexés depuis 1920, le long de la rue
de Nabécor, et fonctionnent sous la direction de
l'Office d'hygiène sociale de Meurthe-et-Moselle.
Enfin, une chapelle a été
édifiée à l'angle du quai de la Bataille pour servir aux offices religieux de
l'ensemble du groupe hospitalier.
Les chefs du service des
Hommes ont été successivement : les professeurs Jacques Parisot
(1920), Pierre Simonin (1930) et Pierre Lamy (depuis
1962) ; ceux du service des femmes : les professeurs Maurice Perrin (1920), Emile
Abel (1936), Jean Girard (1943) et Gérard de Ren
(depuis 1956).
L’HOPITAL
FOURNIER
Comme nous l'avons vu précédemment,
le service des maladies cutanées et syphilitiques avait été le premier à
s'installer dans les anciens locaux du Sacré-Cœur. Mais ceux-ci s'avérèrent
très rapidement insuffisants et mal adaptés.
Aussi, sous l'impulsion du
doyen Louis Spillmann, la commission des hospices
envisagea dès 1922 la construction d'un hôpital distinct placé au sud du
bâtiment principal.
Grâce à des subventions de
la ville, du Pari mutuel et à différents legs (M. Gérardin)
les travaux de construction purent être commencés en juillet 1923 et
terminés en septembre 1925. Le nouvel hôpital reçut, à la demande du doyen Spillmann, le nom du grand syphiligraphe français, Alfred
Fournier dont il avait été l'élève à Paris.
Cette clinique fut
complétée par un dispensaire, en relation avec l'Office d'hygiène sociale et
par un pavillon d'hospitalisation et de soins (dispensaire Ricord) installé
dans l'ancienne maison de Bellevue.
Doté de 126 lits (dont 12
en clinique ouverte) cet hôpital Fournier s'avéra insuffisant au cours des
années. Il est maintenant en voie de totale réfection et a récupéré des
anciennes salles de l'hôpital Maringer depuis le
transfert de ses services au nouvel hôpital de Brabois. La clinique a été
successivement dirigée par le doyen Louis Spillmann
(mort en 1940), puis par le professeur Jules Watrin
(mort en 1955) ; elle est actuellement placée sous la responsabilité du
professeur Jean Beurey.
Le Centre hospitalier
régional de Nancy possède ainsi un vaste domaine
foncier de cinq hectares, héritier de l'ancienne maison de campagne des
Jésuites, puis de la maison d'éducation du Sacré-Cœur.
Cette réserve foncière
importante située sur le territoire même de Nancy a permis la réalisation d'un
groupement hospitalier qui n'a fait que s'accroître et se perfectionner depuis
soixante dix ans (un don de 170962 F fait à l'hôpital en 1933 a permis
d'acheter des terrains limitrophes à l'hôpital Villemin).
La construction récente
d'une école de massokinésithérapie, et de locaux
administratifs d'habitation est venue compléter ce groupement. Il reste encore
heureusement de vastes espaces verts : l'ancienne ferme et les jardins
potagers qui maintiennent un caractère agreste à cet ensemble.