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De la maison de campagne des Jésuites de Nancy

aux hôpitaux Maringer, Villemin, Fournier

 

par A. BEAU

 

EXTRAITS

 

Cliquez sur le lien pour obtenir le texte complet (« Le Pays Lorrain » No 2 – 1980).

 

Le groupe des hôpitaux Maringer, Fournier et Villemin forme, aux confins Sud du territoire de Nancy, un ensemble important qui s'étend sur une superficie de près de cinq hectares.

Le plus ancien de ces bâtiments est l'hôpital Maringer : quand on considère, en effet, son portail d'entrée principale, on est surpris de voir inscrite à son fronton la date de 1743 et de constater la présence de sculptures en forme de cœur. Ces deux marques rappellent essentiellement deux étapes de son histoire, sa fondation par les pères Jésuites au XVIIIème siècle, puis sa destination comme maison d'éducation des Dames du Sacré-Cœur au XIXème siècle.

 

LE GROUPE HOSPITALIER : MARINGER – VILLEMIN – FOURNIER

 

Le 15 janvier 1904, la commission des hospices de Nancy recevait une circulaire ministérielle, prise dans le cadre de la lutte contre la tuberculose, maladie qui constituait alors un véritable fléau social, lui enjoignant de créer un hôpital spécial et isolé, pour traiter les malades atteints de cette affection. La Commission des hospices, réunie le 22 mars 1904, constata alors qu'elle ne disposait pas de locaux capables d'être transformés suivant les prescriptions ministérielles et que de plus, pour créer un hôpital spécial, elle ne possédait ni le terrain pour l'édifier, ni les fonds nécessaires pour le construire. La municipalité de Nancy avait alors à sa tête un homme actif et entreprenant, Hippolyte Maringer qui prit à cœur de résoudre ce problème dont il avait compris l'urgence en sa qualité de président-né de la Commission des hospices.

Maringer estima à très juste titre que la mise en vente du couvent du Sacré-Cœur était une occasion inespérée pour les hospices d'agrandir leur domaine foncier et de profiter de bâtiments existants pour réaliser un hôpital de tuberculeux.

Dès le 13 avril 1904, Maringer réunit le conseil municipal et lui expose que la Commission des hospices a en vue l'acquisition de l'ancien couvent du Sacré-Cœur pour y installer l'hôpital spécial qu'elle est tenue de créer pour le traitement des tuberculeux. Le prix de vente de ce domaine est fixé à 200000 F payables immédiatement, condition impérative mise par le vendeur, et que ni la ville, ni les hospices ne pouvaient remplir, vu la longueur des formalités administratives à effectuer.

Étant donné l'urgence et le très bref délai accordé par les religieuses pour vendre leur domaine, il fallait trouver une solution immédiate. Maringer la trouva grâce au dévouement d'un de ses concitoyens, Charles-Achille Giron, qui avait été son collaborateur à la mairie de Nancy comme conseiller municipal (1888) puis comme adjoint (1892). Entrepreneur de travaux publics, disposant d'une très belle fortune, Giron acceptait de servir d'intermédiaire en achetant immédiatement le couvent du Sacré-Cœur et en s'engageant à le revendre à la ville de Nancy dans le délai d'un an.

Dès le 22 mars 1904 une promesse de vente était signée valable pour un délai de 15 jours, et le 7 avril 1904 Mme de Angellis, résidant alors à Ostende, vendait à Charles-Achille Giron, propriétaire, ancien adjoint au maire de Nancy, l'immeuble dit le Grand Sacré-Cœur et le domaine sur lequel il était implanté, d'une surface d'environ 47000 m2, moyennant la somme de 200000 F que l'acquéreur réglait sur le champ (Acte reçu par Maître Vergne et Baudot, notaires à Nancy).

Peu de temps après, un changement de municipalité intervint. Le 15 mai 1904, un nouveau conseil élisait comme maire Ludovic Beauchet, qui remplaçait Hippolyte Maringer. La nouvelle municipalité continua avec persévérance l'œuvre de la précédente.

Dès le 29 juin 1904, le conseiller Xardel présentait un rapport sur l'achat éventuel du Sacré-Cœur, dans lequel il conclut qu'il s'agit « d'un magnifique domaine, clos de murs élevés, donnant sur trois rues, d'une superficie de 5 hectares, contenant de vastes bâtiments solidement construits, admirablement aérés, avec des arbres séculaires. On ne peut rêver un site plus hospitalier pour abriter les souffrances humaines. Quant au prix, c'est d'après l'avis de la commission des hospices, un prix inespéré : il ne paie pas les constructions. »

Mais le temps pressait, puisque M. Giron n'avait accordé qu'un délai d'un an à la ville pour racheter ce domaine. Aussi, le 1er février 1905 le conseil municipal de Nancy prenait-il une délibération d'urgence, accordant une subvention de 242000 F aux hospices civils pour acquérir l'ancien couvent du Sacré-Cœur, afin d'y créer un hôpital spécial pour le traitement des tuberculeux. Cette délibération spécifie, par un grand esprit de libéralité, que l'acte d'achat sera fait au nom des hospices civils, ceux-ci s'engageant seulement à céder gratuitement à la ville le terrain nécessaire à l'élargissement à 12 mètres de la rue de Nabécor, dès que le conseil municipal décidera cet élargissement. Quelques jours après, le 28 février 1905, le conseil complétait sa délibération en donnant son accord pour l'aménagement d'un hôpital de tuberculeux à l'ancien Sacré-Cœur.

Les formalités administratives furent remplies avec rapidité. Aussi, dès le 1er mars 1905 un décret ministériel autorisait la ville à acquérir de M. Giron la propriété du Sacré-Cœur. Dès le 26 avril 1905, les hospices civils de Nancy ont été amenés à acquérir sur les consorts Giron l'immeuble du Grand Sacré-Cœur, comportant au centre d'un vaste domaine de 47000 m2 environ, un bâtiment avec deux ailes, logement de concierge attenant sur le quai de la Bataille, maison de l'aumônerie et orphelinat, plus divers bâtiments à usage agricole, le tout clos de murs, pour le prix de 222706 F (acte reçu par Mes Droit et Baudot, notaires à Nancy).

Grâce à la compréhension et au dynamisme de leur président-né, le maire de Nancy, les hospices civils devenaient ainsi propriétaires d'un magnifique ensemble, sur le territoire même de la ville. C'est donc à juste titre que la commission décida de donner à l'ancien Sacré-Cœur le nom du maire Hippolyte Maringer.

Il fallait désormais envisager la transformation de cet ancien pensionnat de jeunes filles en un hôpital pour tuberculeux.

Le 23 janvier 1906, le conseil municipal fait un nouvel effort financier en votant une subvention de 265000 F pour cet aménagement, décision qui fut reconnue d'utilité publique le 5 décembre 1905.

Différents avant-projets furent établis pour réaliser cette transformation, mais ils soulevèrent de nombreuses discussions entre la commission administrative, les services d'hygiène et l'autorité supérieure, qui durèrent pendant plus de trois années.

Finalement, elles aboutirent à constater que les anciens bâtiments pouvaient être simplement transformés en locaux d'hospitalisation courante et qu'il était par ailleurs nécessaire de construire sur les terrains disponibles un hôpital-sanatorium neuf pour les tuberculeux (décision de la commission administrative du 9 novembre 1911).

Entre temps, les locaux inoccupés étaient prêtés à l'armée par la commission des hospices, d'abord pour y loger des soldats de la garnison en surnombre (29 octobre 1906), puis pour un hôpital temporaire du service de santé (janvier-avril 1909) enfin pour y héberger les élèves de Saint-Cyr venus à Nancy à l'occasion de l'exposition (juin 1909). Nous nous bornerons à rappeler brièvement la destinée de ce qu'allait désormais devenir le groupement Maringer-Villemin-Fournier, car elle a déjà fait l'objet de publications détaillées que nous ne pouvons que résumer.

 

L’HOPITAL MARINGER

 

Dès 1908, l'administration préfectorale de Meurthe-et-Moselle avait invité la municipalité de Nancy à se mettre d'accord avec les hospices civils pour créer un nouvel établissement destiné au traitement des malades atteints d'affection cutanées et vénériennes. Jusqu'alors en effet, ces malades étaient soignés dans une aile de la vieille Maison de secours : les conditions d'hébergement et de traitement y étaient déplorables.

Les anciens bâtiments du Sacré-Cœur pouvaient être facilement adaptés à cette mission, alors qu'il était impossible de les transformer en hôpital de tuberculeux, mais ils paraissaient néanmoins trop vastes pour abriter la seule clinique de dermato-syphiligraphie.

On décida donc, pour obtenir une occupation totale, d'installer dans le nouvel établissement une clinique médicale et une clinique chirurgicale complémentaires pour dégager les grands services de l'hôpital central, surchargés de malades.

Les deux services complémentaires devaient être installés dans le corps de bâtiment principal, tandis que la clinique de dermato-syphiligraphie devait trouver sa place dans une aile latérale et un pavillon indépendant. Dès l'automne 1912, les travaux d'organisation de ces cliniques pouvaient débuter grâce à un financement assuré par des subventions de la ville, des ressources propres de l'hôpital et une subvention de l'État prélevée sur les fonds du Pari mutuel.

Placés sous la direction de M. Georges Biet, architecte des hospices, les travaux étaient terminés au printemps 1914 et le 1er avril de cette année les malades de la Maison de secours étaient transférés à ce nouvel hôpital Maringer. Il est piquant de constater que ce furent les prostituées de Nancy qui vinrent prendre la place occupée auparavant par les jeunes filles de la maison d'éducation du Sacré-Cœur.

Les services de dermato-vénérologie devaient rapidement se trouver à l'étroit dans ces locaux

et comme nous le verrons, une clinique particulière fut bientôt bâtie dans ce but.

En ce qui concerne les cliniques complémentaires, celle de médecine fut confiée au professeur agrégé Zilgien, mort préamturément le 12 novembre 1914, et celle de chirurgie au professeur agrégé Gaston Michel, qui deviendra plus tard titulaire de la clinique chirurgicale A, à l'hôpital central.

Durant la guerre de 1914-18, ces services complémentaires reçurent 5539 blessés militaires. Puis ils furent réouverts à la population civile : l'un comme service de chirurgie générale, l'autre comme service d'urologie à titre temporaire.

Après l'armistice, les deux cliniques furent affectées à des services de chirurgie confiés à des chirurgiens des hôpitaux. Lors de la seconde guerre mondiale, l'hôpital Maringer fut temporairement occupé par l'armée allemande. Rendu aux hospices, il servit à abriter les malades tuberculeux, l'hôpital Villemin étant occupé en totalité.

Depuis lors, cet hôpital est revenu à sa destination civile, occupé par différents services et en particulier par celui des explorations fonctionnelles respiratoires. Il a été libéré depuis la construction du C.H.U. de Brabois et des travaux importants y sont en cours pour permettre un meilleur fonctionnement de la clinique de dermatologie.

Au cours de la première guerre, un important bâtiment fut adjoint à l'hôpital Maringer ; accolé en partie au côté ouest de la façade principale, il en rompt malheureusement l'harmonie architecturale. Construit en 1915 sur une initiative privée pour venir en aide aux mutilés de guerre, cet immeuble abrita une école de rééducation par le travail des invalides. Elle rendit de grands services jusqu'en juillet 1925, époque à laquelle sa mission terminée, elle fut fermée et ses locaux donnés aux hospices. Ils permirent, après d'importantes transformations, d'installer un service des maladies contagieuses, placé d'abord sous la direction du professeur de Vezeaux de Lavergne, puis sous celle du docteur Gerbaut ; il a émigré actuellement dans des locaux beaucoup mieux adaptés au C.H.U. de Brabois. Il a néanmoins rempli un rôle très important lors des épidémies de poliomyélite de 1957 et 1961, où de nombreux malades y ont été soignés.

Dans son ensemble, l'hôpital Maringer a gardé l'aspect architectural primitif du Grand Sacré-Cœur, en particulier sa chapelle néo-gothique. Des transformations intérieures nombreuses l'ont heureusement rendu plus apte à sa mission hospitalière.

 

L’HOPITAL VILLEMIN

 

Comme nous l'avons rappelé, une circulaire ministérielle de 1904 avait prescrit de façon impérative aux hospices civils de Nancy de posséder un hôpital spécial pour tuberculeux. C'est dans ce but que l'ancien couvent du Sacré-Cœur avait été acquis.

Dès le 23 janvier 1906, le conseil municipal de Nancy accordait une subvention de 265000 F pour l'aménagement des anciens locaux. De longues études préalables ayant prouvé qu'il n'était pas possible de réaliser ces transformations dans des conditions satisfaisantes.

Le 9 novembre 1909, la commission décidait la construction d'un vaste « hôpital-sanatorium » en y affectant le produit d'un legs (Mme Lejeune) et de la vente à la ville de Nancy d'un grand jardin (jardin Sauvaget). D'autres legs vinrent compléter cette dotation. Le 4 octobre 1910, la commission administrative confirmait sa décision et sollicitait une aide de l'État sur les fonds du Pari mutuel, qui lui fut ultérieurement accordée.

Il fut décidé que ce futur hôpital-sanatorium porterait le nom de Villemin en souvenir du célèbre médecin militaire lorrain, qui avait démontré, dès 1865, avant même la découverte par Koch du bacille responsable, la notion de contagion de la tuberculose.

La disposition architecturale de ce nouvel hôpital s'inspirait des directives qui avaient cours à cette époque en ce qui concernait le traitement de la tuberculose : isolement des hospitalisés d'une part, et possibilité de cure d'air en aménageant de vastes terrasses, comme dans les sanatoriums d'altitude.

Confiés à M. Albert Jasson, architecte de la ville, et à M. Georges Biet, architecte des hospices, les travaux étaient mis en adjudication le 12 septembre 1911. Ils étaient suffisamment avancés en 1914 pour permettre l'hospitalisation des malades militaires contagieux. Grâce à quelques aménagements, 4964 malades y furent traités sous la direction du professeur Paul Haushalter.

Dès le printemps 1919, les travaux furent repris et un an après l'hôpital Villemin pouvait ouvrir ses portes. Il comportait essentiellement deux pavillons de 100 lits chacun, l'un destiné aux hommes et l'autre aux femmes, placés sous la direction d'un professeur de la faculté de Médecine.

Un petit service de chirurgie thoracique y fonctionna durant plusieurs années sous la responsabilité du professeur Guillemin, puis du professeur Lochard.

Depuis la création de l'hôpital Villemin, de nombreuses découvertes sont venues transformer radicalement le traitement de la tuberculose. La mise en œuvre systématique de la vaccination préventive par le B.C.G. a provoqué une diminution spectaculaire du nombre des personnes atteintes de ce mal.

Par ailleurs, des thérapeutiques efficaces, antibiotiques et chimiques, ont été découvertes qui ont permis de soigner avec succès les différentes atteintes de la tuberculose. De telle sorte que la vocation de l'hôpital Villemin s'est orientée essentiellement vers le traitement de toutes les diverses maladies atteignant l'appareil respiratoire.

Un dispensaire de soins externes et une consultation lui sont annexés depuis 1920, le long de la rue de Nabécor, et fonctionnent sous la direction de l'Office d'hygiène sociale de Meurthe-et-Moselle.

Enfin, une chapelle a été édifiée à l'angle du quai de la Bataille pour servir aux offices religieux de l'ensemble du groupe hospitalier.

 

Les chefs du service des Hommes ont été successivement : les professeurs Jacques Parisot (1920), Pierre Simonin (1930) et Pierre Lamy (depuis 1962) ; ceux du service des femmes : les professeurs Maurice Perrin (1920), Emile Abel (1936), Jean Girard (1943) et Gérard de Ren (depuis 1956).

 

L’HOPITAL FOURNIER

 

Comme nous l'avons vu précédemment, le service des maladies cutanées et syphilitiques avait été le premier à s'installer dans les anciens locaux du Sacré-Cœur. Mais ceux-ci s'avérèrent très rapidement insuffisants et mal adaptés.

Aussi, sous l'impulsion du doyen Louis Spillmann, la commission des hospices envisagea dès 1922 la construction d'un hôpital distinct placé au sud du bâtiment principal.

Grâce à des subventions de la ville, du Pari mutuel et à différents legs (M. Gérardin) les travaux de construction purent être commencés en juillet 1923 et terminés en septembre 1925. Le nouvel hôpital reçut, à la demande du doyen Spillmann, le nom du grand syphiligraphe français, Alfred Fournier dont il avait été l'élève à Paris.

Cette clinique fut complétée par un dispensaire, en relation avec l'Office d'hygiène sociale et par un pavillon d'hospitalisation et de soins (dispensaire Ricord) installé dans l'ancienne maison de Bellevue.

Doté de 126 lits (dont 12 en clinique ouverte) cet hôpital Fournier s'avéra insuffisant au cours des années. Il est maintenant en voie de totale réfection et a récupéré des anciennes salles de l'hôpital Maringer depuis le transfert de ses services au nouvel hôpital de Brabois. La clinique a été successivement dirigée par le doyen Louis Spillmann (mort en 1940), puis par le professeur Jules Watrin (mort en 1955) ; elle est actuellement placée sous la responsabilité du professeur Jean Beurey.

Le Centre hospitalier régional de Nancy possède ainsi un vaste domaine foncier de cinq hectares, héritier de l'ancienne maison de campagne des Jésuites, puis de la maison d'éducation du Sacré-Cœur.

Cette réserve foncière importante située sur le territoire même de Nancy a permis la réalisation d'un groupement hospitalier qui n'a fait que s'accroître et se perfectionner depuis soixante dix ans (un don de 170962 F fait à l'hôpital en 1933 a permis d'acheter des terrains limitrophes à l'hôpital Villemin).

La construction récente d'une école de massokinésithérapie, et de locaux administratifs d'habitation est venue compléter ce groupement. Il reste encore heureusement de vastes espaces verts : l'ancienne ferme et les jardins potagers qui maintiennent un caractère agreste à cet ensemble.