COZE Léon

1819-1896

` sommaire

Coze, Feltz et le streptocoque par H. MONTEIL

ELOGE FUNEBRE

Celui que nous accompagnons à sa dernière demeure portait un nom qui, par trois fois, a marqué avec éclat dans l'histoire de l'ancienne Faculté de Strasbourg. Il y a un siècle, le grand-père de Léon Coze, Pierre Coze, était nommé professeur de clinique interne à Strasbourg, à l'époque de la création des Ecoles de santé, et plus tard il était promu doyen de l'Ecole de Strasbourg, devenue Faculté de Médecine. Le fils de Pierre, Rozier Coze, à son tour, fut successivement professeur de matière médicale et de pharmacie, puis doyen de la même Faculté. C'est sous son décanat, qui dura vingt-deux ans, et grâce à ses efforts persévérants, que fut créée à Strasbourg l'Ecole du service de santé militaire, qui devait avoir une influence si grande sur la prospérité de la Faculté.

Elevé dans ce milieu d'élite, profondément impressionné parles exemples qu'il avait sous les yeux, Léon Coze eut de bonne heure l'ambition légitime de suivre les traces de son père et de son grand-père. C'est de cette époque lointaine de sa vie que date cette amitié, dont la mort seule a pu rompre le lien, avec un autre professeur de la Faculté de Strasbourg, le dernier survivant de cette phalange célèbre, M. le doyen Tourdes.

Léon Coze étudia la médecine, parvint au doctorat en 1842, fut nommé agrégé de la Faculté de Strasbourg en 1854. En 1857, il était chargé du cours de matière médicale et de pharmacie, devenu vacant par la retraite de son père, Rozier Coze, et l'année suivante, il était titularisé dans cette chaire, qui prenait le nom de chaire de matière médicale et thérapeutique. Bientôt il était appelé, en outre, à diriger la clinique des maladies des vieillards.

Après l'année terrible, Léon Coze suivit la Faculté de médecine à Nancy. C'est à lui qu'incomba la mission d'organiser le nouvel établissement, et il montra dans l'accomplissement de sa tâche des talents administratifs dignes de ses ancêtres. En 1889, il fut admis à la retraite et nommé professeur honoraire. Il était officier de l'Instruction publique, chevalier de la Légion d'honneur, associé national de l'Académie de médecine.

Durant toute sa carrière, il s'est adonné sans relâche à ses travaux de laboratoire, ne les abandonnant que le jour où il fut admis à la retraite. Cette persévérance devait produire ses fruits. Léon Coze a eu l'honneur d'être un des précurseurs de la bactériologie. Dès 1866, en collaboration avec Feltz, il faisait connaître ses recherches expérimentales sur la présence des infusoires et l'état du sang dans les maladies infectieuses. Ces travaux, laborieusement poursuivis pendant les années suivantes, ont fait époque dans la science. Certes la découverte de méthodes nouvelles a pu ultérieurement modifier les conclusions des auteurs. Coze et Feltz n'en ont pas moins eu le grand mérite d'établir la nature microbienne de la plupart des maladies infectieuses.

D'opinions très arrêtées, mettant au service de convictions profondes une volonté énergique et une parfaite droiture, Léon Coze a fait preuve, dans toute sa carrière, d'une unité de vue et de conduite qui ne s'est pas démentie. Jamais il n'a reculé devant un devoir : son dévouement lors de l'épidémie de choléra de 1854 lui a valu une médaille, et pendant la guerre de 1870 il a servi son pays comme médecin principal de seconde classe au titre auxiliaire. Il a ressenti profondément la disparition de cette Faculté de Strasbourg, que des traditions de famille lui faisaient aimer doublement. Il en a éprouvé une grande tristesse, une sorte de découragement, qui perçait souvent dans ses paroles.

Léon Coze ne semblait pas, malgré son âge, devoir être ravi si tôt à l'affection des siens. Entouré de la tendre sollicitude d'une femme d'élite, il jouissait d'un repos bien mérité après une laborieuse carrière, quand un mal implacable est venu le frapper subitement, lui imposant de cruelles souffrances, qu'il a supportées avec un courage stoïque. Ce mal a triomphé de ses forces : Léon Coze s'est éteint doucement. Il a accompli sa tâche jusqu'au bout ; son existence a été bien remplie ; il laisse aux siens, à son fils, qui lui aussi a suivi avec distinction la carrière médicale, un nom respecté et le souvenir d'une vie de travail et d'honneur.

Professeur M. HEYDENREICH