1926-2001
ELOGE FUNEBRE
Jean GROSDIDIER, professeur prestigieux nous a quittés et la Faculté est en deuil. En tant que doyen, il me revient l'honneur, grave, de lui dire l'adieu de tout le monde universitaire. Comme dans la parabole, trois talents lui avaient été légués
Tout d'abord, le talent de la réussite universitaire. Son parcours a été exemplaire. Malgré les changements d'établissement dus aux affectations de son père, il fit des études brillantes ; il commença par le PCB à Toulouse, mais c'est à Nancy qu'il devient réellement étudiant en médecine. Externe des Hôpitaux en 1946 à l'âge de 20 ans, l'année suivante il allait réussir l'internat, donc à 21 ans. Après avoir rempli ses obligations militaires, il devient Assistant des Hôpitaux à 29 ans, et s'engage définitivement dans la chirurgie. Chirurgien des hôpitaux à 33 ans, puis Maître de Conférences Agrégé à 35, il est plongé dans la constellation des chirurgiens brillants qui entourent le professeur Chalnot, Lochard, Vichard, Mathieu, Frisch. Il choisit de s'engager dans le domaine de l'appareil digestif ; il en devient le maître, c'est cette école que poursuivra le professeur Boissel.
Consécration des carrières de cette époque, il accède au plus haut grade académique, celui de titulaire de chaire à 42 ans en 1968, ce qui est très exceptionnel. Parallèlement, son autorité et sa réputation se développent dans le milieu chirurgical français et international ; j'en ai eu encore la preuve récemment à Alger où un des professeurs me demandait de ses nouvelles. Ses travaux, sa notoriété l'ont fait admettre dans de nombreuses sociétés savantes et tout particulièrement à l'Académie de Chirurgie. Par ailleurs il est devenu Officier des Palmes Académiques
Grand patron de la Chirurgie universitaire, il était authentiquement un grand chirurgien Son autorité naturelle lui permettait de fédérer son équipe. Il faut se souvenir qu'à la grande époque de son activité, il s'agissait d'aller vite, très vite, non pas pour éblouir l'aréopage des assistants, mais bien pour avoir les suites les plus simples, en cette période où l'anesthésie n'était pas ce qu'elle est devenue. C'était l'école de la dextérité, l'école du talent, du brillant. Sa réputation y fut exceptionnelle ; il a servi de modèle, rarement égalé, à des dizaines de chirurgiens qui l'ont approché. On imagine le long cortège des patients qui ont bénéficié de ses qualités chirurgicales exceptionnelles et leur reconnaissance.
Derrière l'universitaire, derrière le chirurgien, il y avait l'homme. Avec sa personnalité exigeante, peu propice aux basses combinaisons, aux compromissions ; il ne pardonnait guère aux médiocres. Son sourire pouvait être narquois ou charmeur ou les deux à la fois. Son regard pouvait être aigu ou bienveillant. C'était un homme, comme on souhaite en être, solide, fiable, franc, déterminé, avec ses excès, sa générosité, ses passions et son charme. C'était un homme entier qui aimait son métier, ses amis, sa famille. Toute notre Faculté, notre communauté hospitalo-universitaire s'associent avec respect et affection à la peine de son épouse, de ses enfants et petits-enfants. Un grand patron nous a quittés.
Professeur J. ROLAND