1931-2008
ELOGE à l'Académie Nationale de Chirurgie
Notre Compagnie est en deuil de son Président, le Professeur Philippe Vichard.
Ce 12 juillet cette nouvelle nous a bouleversés car nous ne pouvions imaginer qu'un tel roc pouvait être atteint par un mal implacable.
Madame, permettez moi au nom de l'Académie Nationale de Chirurgie de vous faire part de notre profond chagrin et de vous adresser à vous et à vos enfants nos plus sincères condoléances. Il est parti avec cet immense amour que vous même et vos enfants vous lui portiez et qui force notre admiration. Quelle dignité de cet homme face à cette terrible maladie qu'il se refusait à évoquer.
Il savait et il continua jusqu'au bout à assumer sa fonction de Président car il s'y était engagé avec passion. Il suffit de relire l'allocution qu'il prononça au moment de sa prise de fonctions. Il y avait du Napoléon dans cet homme : la réflexion, la stratégie au service d'une légitime ambition pour le seul bénéfice de notre compagnie.
Le Professeur Vichard a souhaité que je prononce devant vous cet hommage. Redoutable honneur. Suis-je le mieux placé ? moi qui fut à la fois son élève et son ami. Nous sommes issus géographiquement de la même école nancéienne. Il était proche de mon patron le Professeur Jacques Michon, nous partagions beaucoup d'idées sur l'organisation ou plutôt la désorganisation Hospitalo-Universitaire. Il connaissait la fragilité des hommes et les limites de leur ambition collective. Mais il poursuivait sans relâche sa vie chirurgicale pour créer, éduquer, former, promouvoir, organiser avec l'énergie d'un homme conforté par la justesse de ses visions. Il parlait clair, il parlait vrai, il détestait la langue de bois et ceci lui valu quelques inimitiés qui ne le décourageaient guère.
D'origine Franc-Comtoise Philippe Vichard se déterminera sans contrainte ni hésitation à une carrière chirurgicale. Son père chirurgien à Vesoul lui fera découvrir les splendeurs et les servitudes du métier. C'était un élève brillant qui suivra toutes ses études de Médecine à Nancy. Il devient interne des hôpitaux à 22 ans, Chef de clinique à 27 ans, Assistant des hôpitaux à 29. Son patron, le Professeur Chalnot, qui a toujours su remarquablement s'entourer, l'accompagna au concours d'agrégation où il sera nommé en 1961 à l'âge de 30 ans. Deux ans plus tard il est reçu au chirurgicat des hôpitaux.
En 1968 il rejoint la jeune faculté de Médecine de Besançon où tout est à créer. Il a un véritable projet : créer un service de traumatologie et d'orthopédie. Ce sera chose faîte dès 1969 et la Chaire d'Orthopédie et Traumatologie lui sera attribuée en 1971.
Sa tâche fut particulièrement ardue au moment où les décisions démagogiques de Mai 68 provoquèrent la désorganisation des hôpitaux. Il va avec une énergie extraordinaire créer et organiser cette spécialité à Besançon puis nommer deux agrégés les Professeurs Tropet et Garbuio. Compléments indispensables à cette discipline il crée une école de kinésithérapeutes et des centres de rééducation. C'est un homme de terrain qui s'implique fortement dans son service, il a cette dimension humaine qui lui permet de développer une relation de grande qualité avec ses patients. Son humanité n'est jamais occultée par la technicité imaginative du chirurgien. Son service qui est le plus actif du CHU de Besançon deviendra rapidement une référence sur le plan national et international. Lui-même et ses élèves sont particulièrement productifs sur le plan scientifique.
C'est naturellement que ses Collègues lui demanderont de présider le 63ème congrès de la SOFCOT. Il sera Président de la Sté Française de la chirurgie de la Main en 2000, activité chirurgicale qu'il développera avec intensité dans son service avec ses élèves Yves Tropet et Laurent Obert. Sur le plan universitaire il sera élu Président de la sous-section de Chirurgie Orthopédique et Traumatologie au CNU. Siégeant dans la même section du CNU j'étais impressionné par l'énergie qu'il mettait à emporter les décisions pour le plus grand bénéfice de nos collègues de la spécialité. C'était un véritable coureur de fond dans ces négociations interminables.
Philippe Vichard était un homme de culture très ouvert, attentif aux autres disciplines et c'est très naturellement que ses Maîtres et Collègues l'accueilleront à l'Académie Nationale de Chirurgie puis à l'Académie Nationale de Médecine. Porté à la Présidence de notre compagnie il nous avait annoncé avec clarté et conviction son programme pour assurer la continuité de notre institution, favoriser l'entrée de nouveaux jeunes talents et développer une véritable réflexion sur le devenir des spécialités chirurgicales. Il présidera le 2ème colloque de cancérologie et en association avec la fédération hospitalière de France, il aura encore la force d'organiser, avec un panel international, un colloque sur les centres de traumatologie.
Quelle frustration pour vous Madame, vos enfants et petits enfants et pour notre Académie de voir cet homme de grande qualité nous quitter avec une telle brutalité. Vous aviez tant de projets à réaliser ensemble, il avait tant d'ambitions pour notre Compagnie et notre discipline chirurgicale. Il laisse assurément un grand vide.
Croyez Chère Madame que nous garderons vivant le souvenir de Philippe Vichard, chirurgien infatigable, homme courageux et droit, exemple pour les générations futures, ami chaleureux et loyal en un mot ce que l'on appelait au 18ème siècle un parfait gentilhomme.
Professeur M. MERLE
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ELOGE à l'Académie de Médecine
Philippe Vichard fut mon camarade d'internat que je précédais d'une année, tant à la Faculté qu'à l'externat, puis à l'internat. Notre cohabitation en particulier lorsque j'étais jeune agrégé d'une clinique médicale et lui chef de clinique chirurgicale dans le même bâtiment, nos échanges fréquents devaient renforcer notre amitié, qui en dépit d'un éloignement géographique relatif ne se relâcha jamais et devait s'épanouir à nouveau, ici même, rue Bonaparte. Philippe très organisé et prévoyant, nous a non seulement désignés Jean Natali et moi pour prononcer son éloge, mais a facilité notre tâche en rédigeant des souvenirs jusqu'ici inédits, fort bien écrits, pleins de détails concernant sa formation et sa carrière où se révèlent son humour, sa grande culture et son sens aigu de l'observation. C'est avec une grande émotion que nous allons tenter de vous en livrer l'essentiel.
C'était un lorrain qui devint franc-comtois, né à Laxou, commune de l'agglomération nancéienne le 26 mars 1931. Les racines de sa famille étaient vosgiennes, Vosges cristallines du côté de Saint-Dié, plaine vosgienne du côté de Bleurville qui possède un charmant prieuré roman. Dans la famille de Philippe, on était médecin de père en fils ; son grand-père était généraliste à Granges sur Vologne, plusieurs oncles et grands-oncles furent aussi médecins et son père Gaston admiré et aimé, ancien interne des Hôpitaux de Nancy (reçu en 1929), médaille d'or, s'installa comme chirurgien généraliste à Vesoul, chef-lieu de la Haute-Saône où il exerçait à l'hôpital et à la Clinique Saint Martin. Sa mère qui avait reçu une formation des Beaux-Arts, fut l'élève du maître accompli qu'était Victor Prouvé,et sut lui inculquer un goût très sûr, empreint d'une certaine originalité.
Les études de Philippe furent perturbées par les événements de 1940. Il fit des séjours forcés à Cahors, Ax les Thermes, Bourg en Bresse avant de rejoindre Vesoul situé alors comme Nancy en zone interdite. Préfecture d'un département surtout rural, Vesoul était une ville administrative de 10 000 habitants au plus, située sur la Durgeon, au pied de la colline de la Motte. Philippe va au lycée de la ville, placé sous le patronyme du peintre Gérôme, habile dessinateur, aujourd'hui un peu décrié, c'était lui qui avait dit « j'aime mieux être pompier que pyromane ». Il prit l'initiative en quatrième de rédiger le journal de sa classe, intitulé ambitieusement le Périclès qui fut d'ailleurs intercepté par un de ses professeurs qui le sanctionna. Philippe joue à la fête annuelle du lycée le rôle de Géronte dans le médecin malgré lui et s'intéresse aux procès qui se déroulent au palais de justice proche du lycée.
Je voudrais évoquer le cadre hospitalo-universitaire de l'époque à Nancy où on ne parlait pas encore de CHU. La Faculté, héritière des traditions de la Faculté lorraine de Pont à Mousson datant de 1572 et des écoles de médecine qui lui avaient succédé, était la troisième Faculté de France après Montpellier et Paris, et résultait du « transfèrement » de la Faculté de Strasbourg après le désastre de 1870 et le calamiteux traité de Francfort. Les locaux de la rue Lionnois en particulier l'Institut Anatomique avec son amphithéâtre où s'illustrèrent Nicolas, Prenant, Morel, Ancel, Bouin, Lucien, Collin avaient belle allure et étaient conçus pour accueillir des années de cent à cent-vingt élèves environ. Le Centre hospitalier construit à la même époque en 1876 avenue de Strasbourg, comprenait essentiellement l'Hôpital Central, et plusieurs formations annexes situées à proximité ne formant pas un ensemble homogène : l'hôpital Saint Julien, l'hôpital Villemin, l'Hôpital Maringer, l'Hôpital Fournier auxquels s'adjoignait depuis 1929 une somptueuse maternité qui préfigurait les structures hospitalo-universitaires modernes. L'essentiel se passait à l'Hôpital Central dans des pavillons à deux étages comportant quatre salles en enfilade de douze puis de vingt-quatre lits.
Après un PCB ou un SPCN sélectif réalisé à la Faculté des Sciences, l'étudiant était pris en charge toute la journée pendant deux ans par les cours souvent remarquables du type enseignement supérieur, c'est-à-dire exposant de façon très détaillée une partie seulement du programme, complété par des séances très bien montées de travaux pratiques. Des examens écrits et oraux étaient très sérieux. En dehors de quelques stages pour les plus zélés pendant les vacances dans les services et de cliniques quotidiennes d'initiation séméiologique, médicale et chirurgicale, nous n'avions pas de contact vrai avec les malades. La préparation de l'externat s'effectuait parallèlement surtout pendant les vacances et le concours avec écrit et oral se passait à la fin de la deuxième année. Philippe réussit le concours de l'externat en 1951 et prépara d'emblée l'internat au fil de stages médicaux réalisés en particulier chez le professeur Drouet et chirurgicaux chez les professeurs Hamant, Chalnot et Rousseaux. L'internat de Nancy était très sélectif, recevant selon les années de cinq à huit internes titulaires seulement. Il n'y avait qu'un nombre réduit de candidats car le niveau requis était élevé et les épreuves, particularité que nous avons longtemps maintenue et qui était très formatrice, comportaient deux examens de malades : un médical et un chirurgical en plus des épreuves écrites d'anatomie, de médecine et de chirurgie et des épreuves orales dont une question d'urgence. Nous étions entraînés à une sorte de mini-médicat ou mini-chirurgicat, un examen de vingt minutes, une réflexion de trente minutes, un exposé de dix minutes, ce cadre formateur devait nous marquer à vie et nous éloigner du bachotage et du psittacisme en nous donnant une attitude dans l'approche du malade que la théorie n'apprend pas.
Philippe fut reçu à 22 ans à son premier concours troisième sur sept. Nous avons vécu la même vie d'horaires monacaux, ponctuée de peu de distractions, l'interne passant son temps dans son service avec les visites, les contre-visites, le temps en salle d'opération, les urgences, les gardes, les astreintes. Il habitait, en tant qu'interne de garde partageant la tâche, avec mon ami Claude Colette, l'Hôpital Maringer où j'eus l'occasion de le soigner pour un syndrome méningé. Philippe Vichard s'orientait vers la chirurgie en suivant les conseils de sa famille et de ceux qui avaient été les maîtres ou les camarades de son père. Il avait même accompagné et aidé son père avant même d'être étudiant en médecine et longtemps il n'envisageait qu'être le chirurgien vésulien associé et successeur de son père, tant à l'Hôpital public qu'à la clinique. Parallèlement, comme tous les chirurgiens à cette époque, il fréquentait le laboratoire d'anatomie du professeur et futur Doyen Beau où il fut successivement aide-prosecteur, prosecteur et chef de travaux, ce qui lui permit de mettre au point tous ses dossiers et toutes les questions qui étaient tirées au concours d'assistanat et de chirurgicat et de dominer ses concurrents. Ce n'est pas sans tristesse que je note qu'il obtint un succès notoire sur une question qui émergeait, celle du duodéno-pancréas.
Il effectua son cursus d'interne en pensant s'associer puis succéder à son père et tenait à maîtriser l'ensemble de la pathologie chirurgicale et les opérations de pratique courante dans les différents domaines à l'exception de la neurochirurgie tumorale et de la chirurgie cardiaque. Il effectua des stages civils et militaires dans les deux cliniques chirurgicales d'alors, à la clinique urologique, au service de chirurgie thoracique et dans les services de chirurgie militaire de l'Hôpital Lyautey à Strasbourg et de l'Hôpital Sédillot à Nancy.
Il fut un des derniers externes et un des derniers internes du professeur Aimé Hamant, chef de file de la chirurgie telle qu'on la pratiquait à l'époque : maîtrise et rapidité du geste, hémostase parfaite, chirurgie digestive et gynécologique surtout. Les parisiens qui l'ont vu opérer estimaient que seul le grand Bergeret l'égalait dans la virtuosité opératoire. Il fréquente aussi le service du professeur Rousseaux, fondateur de la neurochirurgie mais déjà atteint du cancer qui devait l'emporter, le service d'urologie d'André Guillemin où il bénéficia de l'encadrement de l'excellent praticien que fut son fils Paul Guillemin. Il fut aussi l'interne de Jean Lochard, élève de Chalnot, excellent chirurgien et chef du service de chirurgie thoracique. Mais c'est surtout à la clinique chirurgicale du professeur Pierre Chalnot qu'il doit l'essentiel de sa formation accédant à la maîtrise. Pierre Chalnot, élève du professeur Hamant, moins brillant opérateur que son maître, privilégiait le diagnostic et savait aussi décider de ne pas opérer. Il était très compétent dans le domaine des réinterventions en particulier la chirurgie digestive. Très présent dans son service y compris le dimanche, il avait su développer les nouvelles disciplines : chirurgie thoracique, œsophagienne et pulmonaire et surtout chirurgie cardiaque au même titre que Santy à Lyon, de Vernejoul à Marseille, Dubourg à Bordeaux, Gaudart d'Allaines et Dubost à Paris. Sa clinique de cent vingt lits environ, répartie en quatre salles recevait toutes les urgences un jour sur deux, en plus de son recrutement propre et il y avait environ 40 % de traumatologie.
Les équipes étaient orientées : la chirurgie digestive avec Jean Grosdidier, la chirurgie cardiovasculaire avec Roger Bénichoux, Robert Frisch et Pierre Mathieu, la chirurgie traumatologique et orthopédique avec Jacques Michon. Le patron avait hérité de son maître Hamant : les pratiques à la Böhler, immobilisations plâtrées, plâtres de marche, plâtres fenêtrés, tractions-suspensions, étriers, etc. et comme l'écrit Philippe dans ses mémoires ; « les tractions continues donnaient à la salle un aspect de port de pêche dans la brume du soir ». Jacques Michon, fils de mon maître Paul Michon, chef d'une des cliniques médicales, était un esprit curieux et attachant ; ayant souffert dans sa jeunesse d'une tuberculose, il se ménageait un peu et privilégiait la chirurgie plastique et réparatrice, en particulier la chirurgie de la main dont il fut un des pionniers reconnus ; appartenant à ce que l'on a appelé les cinq doigts de la main, à la suite d'Iselin, Raymond Vilain et Raoul Tubiana à Paris, Verdan à Lausanne. Il voyageait beaucoup, fréquentait les cliniques parisiennes de Merle d'Aubigné en particulier, s'intéressait à tous les procédés de l'ostéosynthèse, aux premières prothèses et à tous les procédés de remplacement.
Philippe Vichard fut notablement marqué par Jacques Michon qu'il complétait d'ailleurs un peu par sa rigueur mais aussi par sa vigueur physique pour les interventions ostéo-articulaires lourdes. L'orientation traumatologique et orthopédique était de plus en plus marquée et Philippe Vichard ne participait que de loin à l'activité cardiovasculaire de la clinique. Malheureusement l'isolement de la traumatologie à la clinique de la sécurité sociale située hors CHU et confiée au professeur Jean Sommelet, la création tardive et compensatoire pour Jacques Michon d'un service de chirurgie de la main à l'hôpital éloigné de Dommartin les Toul, dépendant du CHU devait conduire Philippe Vichard, assistant des hôpitaux de Nancy, qui avait passé brillamment les épreuves du chirurgicat à Besançon et de l'agrégation à temps partiel pour Nancy en 1961, après quelques hésitations à s'orienter vers la Faculté de Besançon.
Philippe qui était de plus en plus orienté vers la traumatologie et l'orthopédie avait effectué des stages à l'étranger en particulier à l'hôpital traumatologique de Zagreb, dirigé par l'excellent chirurgien Grujic qui avait fait un long stage à Nancy. Il fréquenta les écoles parisiennes d'Iselin, de Judet, de Jean Gosset, de Merle d'Aubigné. La rencontre avec André Sicard qui fit partie de son jury d'agrégation lui permit de nouer avec ce maître de la chirurgie des liens de fidélité et de reconnaissance qui ne se démentiront jamais.
Il fut marqué par les concours qui jalonnaient notre carrière hospitalo-universitaire d'alors, Philippe avait le goût de la rédaction de la question bien faite et toujours actualisée, écrite en bon français, nourrie de références françaises. Il était moins passionné de la presse internationale, anglo-saxonne, tout en connaissant l'essentiel dans sa discipline. Très travailleur, privilégiant le savoir et le savoir-faire, très consciencieux, toujours soucieux de sa technique, il pratiquait le procédé que les militaires connaissent et qu'a popularisé le Maréchal Foch, celui dit du perroquet qui gravit les barreaux d'une échelle en fixant fermement le barreau supérieur avant de s'élever par gradation. Comme interne et surtout comme chef de clinique à l'âge de 27 ans, qui dans une clinique chirurgicale active était le « deus ex machina » de toute l'organisation et d'abord le maître du tableau opératoire, il savait reconnaître les qualités et aussi les défauts des maîtres qui l'accueillirent et ne voulut en retenir que le meilleur. Nous noterons que cinq de ses maîtres Aimé Hamant, Antoine Beau, Pierre Chalnot, André Guillemin et Jacques Michon furent correspondants de l'Académie mais c'était une époque où les provinciaux voyageaient peu et aucun d'eux ne chercha à devenir membre titulaire ; le nombre de postes non résidants était alors infime.
Très scrupuleux, soucieux de bien faire plus que de plaire, volontiers silencieux, gardant par-devers lui l'opinion sur ses maîtres, ses camarades et ses rivaux, discret, confiant en apparence, probablement secrètement atteint d'anxiété métaphysique, en dépit des travers de la vie et de nombreux obstacles, il alla son chemin, éloigné des sentiers obliques, estimant ses interlocuteurs, respectant ses patients, sachant tirer le meilleur de la fréquentation de ses maîtres. Il était très cultivé, curieux d'histoire et savait transcrire ses notations dans ses très intéressants souvenirs qu'il mit en forme à la fin de sa vie. De tout cela, on ne pouvait encore tout percevoir ; sa personnalité solide et attachante devait après cette période de formation, prendre son véritable essor dans la « vieille ville espagnole », dont parle Victor Hugo.
Professeur A. LARCAN
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I - TITRES HOSPITALIERS
Interne des Hôpitaux de Nancy (1953)
Chirurgien des Hôpitaux (1962)
II - TITRES UNIVERSITAIRES
Aide d'Anatomie, puis Prosecteur d'Anatomie (Nancy) (Laboratoire Pr BEAU)
Chef de Clinique Chirurgicale en 1958 (Nancy) (Chir. A - Professeur CHALNOT)
Agrégé de Chirurgie Générale affecté à la Faculté de Médecine de Nancy (1961-68), puis de Besançon (1968-71).
Professeur d'Orthopédie-Traumatologie à la Faculté de Médecine de Besançon depuis 1971
III - FONCTIONS ACTUELLES
Chef du Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique du CHU de Besançon (1969-99)
Maintenu dans les fonctions de Professeur de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique, à la Faculté de Médecine de Besançon (CE2) Responsable de l'Enseignement correspondant
Coordonnateur Interrégional du Diplôme d'Etudes Spécialisées (DESC) de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique pour les cinq CHU de l'Est : Besançon, Dijon, Nancy, Reims et Strasbourg, depuis 1996
IV - PRINCIPALES SOCIETES SAVANTES
Correspondant National de l'Académie de Médecine, 1991. Membre Titulaire de l'Académie de Chirurgie
Membre Titulaire de la Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique (SOFCOT)
Président du 63ème Congrès National de la SOFCOT (1988)
Président de la Société Française de Chirurgie de la Main (GEM) ( 2000-02).
Président d'Honneur de la Société de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique de l'Est de la France
Membre Correspondant de la Société Française de Chirurgie Plastique
Membre Correspondant de la Société Suisse de Traumatologie
Trustée de la Fondation AO (un des 3 représentants français depuis 1991)
V - RESPONSABILITES
Ancien Membre élu du Conseil National des Universités (1985-88 et 1991-97)
Ancien Président de la Sous-Section de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique du CNU (50-02)
Fondateur et Directeur de l'Ecole de Massokinésithérapie du CHU de Besançon (1972-98)
Membre actuel du Directoire du Collège Français des Chirurgiens Orthopédistes et Traumatologues
Membre du Conseil Scientifique de la Revue de Chirurgie Orthopédique et Réparatrice de l'Appareil Moteur
VI - ANALYSE DE QUELQUES TRAVAUX
Ceux-ci concernent de nombreux domaines avec deux pôles principaux : le traitement des fractures de jambe avec dégâts cutanés majeurs d'une part, d'autre part la pathologie de la main et l'organisation à Besançon d'un Centre de Replantation et de Microchirurgie incorporé dans la Confédération Européenne des Services d'Urgence Main (FESUM).
JAMBE
Nous nous sommes particulièrement préoccupés de la stabilisation diaphysaire du squelette jambier même lorsqu'il s'agit de fractures fermées qui sont au Service opérées systématiquement en urgence. En effet, la fragilité de l'enveloppe des parties molles prédispose à l'ouverture qui est potentielle. Dans le domaine des fractures ouvertes proprement dites, nous avons eu recours de tout temps après parage, à l'ostéosynthèse, des types I et IL. En cas de dégâts cutanés majeurs (type III de CAUCHOIX-DUPARC, types IIIa et IIIb de gustelo), nous avons montré, avec d'autres, l'intérêt de la stabilisation par fixateur externe associée en urgence au parage-couverture. Les modes de couverture actuellement très divers et sophistiqués ont été l'objet de nos préoccupations (voir Main et Microchirurgie).
Puis nous nous sommes enhardis et avons associé, en urgence vraie, avec succès, le parage couverture à la fixation interne tandis que les lambeaux libres prenaient une place de plus en plus grande dans notre pratique.
Un travail récent (POLLAK AN -JBone Joint Surg 2000, 82-A : 1681-91} semble justifier cette évolution en faveur des lambeaux libres. Les 2 principes de base de notre attitude (couverture de plus en plus fréquente par lambeaux libres plus ostéosynthèse en urgence vraie) au départ âprement contestés ont été progressivement adoptés par un certain nombre d'équipes.
HANCHE
La prévalence des fractures traumatiques ou pathologiques (ostéoporose, tumeurs) de la hanche nous a conduit à étudier la Biomécanique de la hanche et les techniques propres à permettre un appui immédiat systématique et complet de blessés souvent âgés.
Compte-tenu de l'expérience acquise, nous avons eu récemment l'honneur de nous voir confier la Direction d'une Monographie d'Enseignement de la SOFCOT consacrée aux fractures trochantériennes et sous-trochantériennes.
Matériel de routine dans le Service (plus de 1 000 observations) la lame plaque à étai (matériel céphalo-exodiaphysaire) devait être remplacée de plus en plus souvent par un implant céphalo-endomédullaire.
INSTRUMENTATION DU FEMUR
Adepte précoce de l'enclouage centro-médullaire des diaphyses traumatisées ou métastatiques nous nous sommes orientés plus récemment vers le clou plein non alésé du fémur, plus solide pour un même volume de métal et moins agressif pour la vascularisation).
Par ailleurs, nous avons été un des premiers en France à retenir et utiliser l'enclouage rétrograde proposé aux Etats-Unis par SELIGSON. Nous avons fait adopter deux brevets (cédés à sulzer medica ltd pour la commercialisation) destinés à faciliter les enclouages antéro et rétrograde et à permettre le verrouillage mécanique des deux extrémités du clou. Un moment tenté par l'ostéosynthèse différée du fémur destinée à faciliter la consolidation par la préservation de l'hématome périfracturaire, nous l'avons abandonnée compte-tenu de l'extension des indications de l'enclouage centro-médullaire à foyer fermé vers les épiphyses.
Une voie d'abord originale permet l'enclouage simultané de la diaphyse fémorale et de la diaphyse tibiale mais aussi l'enclouage de fractures très proches de l'épiphyse.
CHEVILLE
Nous avons vécu le recul du traitement conservateur des fractures malléolaires ou du pilon tibial.
Des cals vicieux peuvent nécessiter des ostéotomies. Des lésions heureusement rares sont au-dessous de toute restauration de la mobilité de l'arrière pied et peuvent justifier un enclouage rétrograde.
Le traitement des entorses graves récentes du ligament latéral externe est resté le plus souvent conservateur compte-tenu des résultats d'une série comparative).
PIED
Les traumatismes balistiques créent des dégâts importants dont la mise à plat et l'immobilisation sont indispensables pour éviter les arthrites extensives. Le fixateur externe et le pansement à plat nous ont rendu de grands services.
Les troubles statiques de l'avant-pied ont justifié notre présence à une Table Ronde de la SOFCOT où ont été comparées les interventions type Keller et conservatrices.
Les indications en matière de métatarsalgies y ont été discutées.
EPAULE
Les traumatismes de l'épaule furent l'objet de nombreux articles avec une mention spéciale pour les luxations fractures postérieures pour une méthode personnelle d'ostéosynthèse, l'enclouage bipolaire ascendant aux clous élastiques des fractures non engrenées. Une Conférence d'Enseignement devant la SOFCOT nous fut confiée.
En 1981 nous présentions les deux premières observations d'interposition de la coiffe des rotateurs empêchant la réduction de luxations à ciel fermé.
Nous avons par ailleurs observé un grand nombre de paralysie du grand dentelé laquelle est loin de rétrocéder spontanément et peut justifier un traitement palliatif, voir une exploration du nerf.
PARALYSIE RADIALE DES FRACTURES DE L'HUMERUS
Longtemps adepte des préceptes de SEDDON nous nous sommes ralliés à l'exploration précoce du nerf radial lésé et, depuis notre première prise de position, nous n'avons pas modifié notre attitude.
EXTREMITE INFERIEURE DU RADIUS
Longtemps considérée comme un parent pauvre de la traumatologie, la fracture localisée ace niveau revêt des aspects très divers et la stabilisation est à l'ordre du jour. Nous avons utilisé dans quelques situations le fixateur externe mais persuadés que la logique et la biomécanique sont en faveur d'un abord postérieur des localisations les plus fréquentes et les plus graves nous avons mis au point une plaque dite universelle, une voie d'abord dite externe élargie puis étudié leurs possibilités. L'avenir tranchera le débat mais la littérature révèle une tendance générale identique : disposer d'un matériel rigide mis en place après une réduction aisée, compte-tenu de l'exposition simultanée des deux faces du radius par notre voie d'abord. Aucune immobilisation ni kinésithérapie n'est nécessaire.
COUDE
Le coude traumatique place parfois le Chirurgien devant des situations redoutables. Nous avons toujours été persuadés de la place prépondérante du traitement sanglant, l'abstention exposant à des résultats médiocres voire à des procédures médico-légales et l'immobilisation à des raideurs. Des techniques de chirurgie pédiatriques peuvent rendre service.
MAIN (Centre de Replantation et de Microchirurgie)
Nous avons tenu à ce que le Service, dès son ouverture, comprenne une Section de Chirurgie de la Main.
Formé à Nancy par Jacques MlCHON, à la microchirurgie des nerfs périphériques, nous avons orienté notre plus proche collaborateur (Yves tropet) dans cette direction. Faisant partie intégrante du Centre de Traumatologie-Orthopédie, le Secteur de Chirurgie de la Main a justifié notre affiliation à la Confédération des Services d'Urgence Main. Dès sa fondation notre souci d'intégrer un Secteur de Chirurgie de la Main très actif au sein d'un véritable Département de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique a justifié notre élection en qualité de Président de la Société Française de Chirurgie de la Main pour 2000-2001. A cette occasion, avec Michel merle nous nous sommes efforcés de sceller les relations sanitaires et pédagogiques de cette activité particulière avec la Chirurgie Orthopédique d'une part, la Chirurgie Plastique en demandant à l'Ordre des Médecins de faire reconnaître à des praticiens authentiquement compétents un Droit au Titre de Chirurgien de la Main. Ainsi fut évitée une balkanisation d'activités qui ont vocation à collaborer étroitement.
Passés de la Microchirurgie nerveuse à celle des vaisseaux nous avons abordé, dès 1978, le domaine des replantations. Le Service est dans ce domaine un Centre Régional officiellement reconnu. Le développement inattendu d'un sarcome induit sur un membre replanté a été observé.
MICROCHIRURGIE
La Microchirurgie enseignée par ailleurs dans un DIU InterRégional auquel nous participons est couplée avec une activité de Chirurgie Plastique qui est utile pour l'application au même blessé du "tout en un temps thérapeutique". Nous ne pouvons par ailleurs détailler tous les travaux consacrés aux traumatismes ouverts (os, tendons, vaisseaux, nerfs) ou fermés (fractures et luxations dislocations du carpe).
Une activité de chirurgie "froide" est quantitativement comparable : les syndromes canalaires correspondent à une activité quotidienne.
Les lambeaux les plus divers (de voisinage ou libres) ne sont pas réservés aux indications
traumatologiques, péroné vascularisé, épiploon, pédieux. Ils ont pu être rassemblés selon les indications (genou ; pied ; face dorsale main).
Des transferts libres vascularisés ont pu être réalisés pour couvrir des pertes de substance des membres en dehors des replantations.
Des tumeurs sont observées à la main comme ailleurs. Une mention spéciale doit être faite pour les tumeurs glomiques d'expression inhabituelle ou touchant un nerf périphérique.
La maladie de Kienbôck a presque toujours fait l'objet d'un accourcissement du radius. L'abord des cartilages thoraciques pour stabilisation des volets traumatiques nous a donné l'idée d'utiliser ce cartilage histologiquement proche du cartilage articulaire pour réparer la surface articulaire du trapèze dans la rhizarthrose du pouce.
Notre successeur Yves TROPET a immédiatement exploré cette idée avec un recul qui excède maintenant 5 ans.
Un Secteur Septique (Bloc Opératoire et Hospitalisation de 14 lits, complètement isolés) nous la permis de traiter adéquatement les infections de la main ou celles de tout l'organisme.
AMPUTATIONS APPAREILLAGE
Dotés d'une Section de Rééducation propre au service, nous avons étudié la réalisation pratique de certains appareillages, notamment ceux des amputés de cuisse. Dès 1980, nous abandonnions ce type d'amputation fonctionnellement très médiocre, pour adopter l'amputation sus-condylienne de GRITTI qu'il s'agisse d'indications traumatologiques
tumorales ou vasculaires.
RACHIS TRAUMATIQUE
En matière d'accidents, les lésions du rachis sont extrêmement fréquentes. Nous nous sommes intéressés aux fractures des pédicules de l'axis, aux fractures de l'odontoïde dont les formes instables ont été opérées d'abord par arthrodèse mixte postérieure puis par vissage antérieur mécaniquement décevant, enfin par ostéosynthèse antérieure avec notre plaque personnelle. Les subluxations du rachis cervical ont fait l'objet d'arthrodèses antérieures systématiques selon ROBINSON.
Les fractures du rachis lombaires ont fait l'objet de travaux didactiques, d'une analyse anatomopathologique grâce au scanner et de discussions thérapeutiques.
THORAX
Confrontés à des traumatismes thoraciques fréquemment associés aux lésions périphériques, nous avons souvent stabilisé la paroi thoracique par une ostéosynthèse abandonnant l'antique suspension des volets et redoutant l'infection des stabilisations pneumatiques internes (SPI) prolongées. Nous avons obtenu des succès indéniables mais les progrès de la SPI, le maintien de certains blessés dans des structures de réanimation d'hôpitaux périphériques tarissent notre recrutement car l'ostéosynthèse tardive qui lue permet pas un sevrage rapide de l'assistance respiratoire est contre-indiquée. Il reste de l'importante série traitée une sélection des voies d'abord et des modalités des plaques vissées qui sont judicieuses pour les fréquents plastrons sterno-costaux encore rencontrés.
Notre expérience des ruptures diaphragmatiques nous a montré l'intérêt actuel del'IRM et les indications respectives des voies thoracique et abdominale.
ABDOMEN
Les associations lésionnelles traumatiques étant fréquentes, donc préoccupantes l'Orthopédiste Traumatologue est amené à dépister au chevet du blessé un certain nombre de lésions abdominales qui se manifestent soit d'emblée, soit secondairement, notamment les hémopéritoines. Le pronostic vital dépend étroitement de la rapidité du diagnostic donc de l'expérience et de la sagacité du Chirurgien dont le regard ne doit pas être focalisé sur la lésion ostéo-articulaire.
Dès 1982, nous avons substitué à la ponction lavage du péritoine, invasive, l'échographie au lit du blessé d'autant que nous disposions de la collaboration de l'équipe d'imagerie très entraînée de F. Weill. Les ruptures spléniques ont été les premières bénéficiaires de cette expérience. Bien plus, la découverte de lésions cliniquement muettes par l'échographie nous a fait proposer l'abstention armée dans un certain nombre de situations cliniques. Les traumatismes du rein ont également bénéficié de l'échographie et de notre collaboration avec les Urologues.
Les ruptures du grêle sont restées jusqu'à l'apparition du scanner les parents pauvres des examens complémentaires. L'examen clinique répété, scrupuleux, reste la règle.
Les fractures du bassin ont fait l'objet des soins chirurgicaux les plus modernes mais ont attiré notre attention par leur complications hémorragiques, vésicales, uréthrales, viscérales.
Des cholécystites post-agressives ont été mises en évidence à l'occasion d'interventions orthopédiques majeures ou d'hospitalisations prolongées. Là encore l'échographie conforte la présomption clinique.
SANTE PUBLIQUE
La réorganisation des urgences est à l'ordre du jour. Les blessés hospitalisés sont réputés correctement traités sans d'ailleurs qu'aucune preuve ait été apportée. Les projecteurs de l'actualité se concentrent donc sur les urgences ambulatoires. Disposant dans ce domaine d'une organisation autarcique prenant en charge de l'accident jusqu'à la consolidation tous les blessés ambulatoires du CHU de Besançon, il nous a été possible dans un premier temps d'analyser a posteriori la qualité de la prise en charge initiale d'un échantillon de blessés, a posteriori parce que nos dossiers précisent l'évolution des intéressés.
Ayant déterminé ainsi le taux de prise en charge défectueuse, nous avons mis en place un dispositif d'assurance qualité qui a fait régresser significativement les malfaçons. Puis dans une troisième étape nous avons modélisé le parcours des blessés (par exemple, mesurer le temps passé au cours de chaque étape de leur parcours) chiffré les améliorations résultant des mesures prises. C'est ce qu'on appelle la gestion de la qualité.