` sommaire

 

L’hôpital Jeanne d'Arc

 

par P. LABRUDE et P. THIEBAUT

 

L'hôpital militaire américain

 

Introduction

 

L’ancien hôpital de l’Armée américaine situé à Dommartin-les-Toul fait partie du patrimoine du Centre hospitalier régional de Nancy depuis 1969. Ouvert aux malades en 1970, en principe seulement pour quelques années et en vue de permettre la restructuration de l’ensemble hospitalier nancéien, il en fait toujours partie presque quarante années plus tard et il a continuellement accueilli les malades depuis son ouverture. Conçu et construit rapidement, en vue d’un usage militaire de courte ou moyenne durée, il a surtout été et il est, depuis plusieurs décennies, un hôpital civil…

 

Son histoire, celle de son acquisition puis de son adaptation aux besoins civils du CHR, et de ses transformations, n’a jamais fait l’objet d’une étude historique, aussi courte soit-elle, depuis sa construction entre 1953 et 1960. Contrairement aussi à ce qu’on pourrait croire, son nom, Hôpital Jeanne d’Arc, n’est pas le fait de la France mais des Etats-Unis, et il figure sur tous les plans depuis l’origine. Il est dû au fait que Jeanne d’arc est situé sur des terrains contigus à l’ancien quartier de cavalerie éponyme de l’Armée française que l’US Army et l’US Medical Corps avaient déjà utilisé pendant la Première Guerre mondiale. Jeanne d’Arc, l’une des plus grandes figures de l’Histoire de la France, est aussi un personnage presque mythique en Amérique…

 

Dans ce premier travail historique et pour une bonne compréhension du sujet, nous envisagerons successivement le contexte militaire européen de la création de l’hôpital, les installations militaires américaines en Lorraine, le choix de Toul et de Dommartin-les-Toul, la construction des camps et bases américaines en France, le plan type d’un hôpital américain en France, le site et ses installations, l’aspect architectural, le contexte de la fin de la présence américaine en France, la longue et difficile cession de l’hôpital au CHR de Nancy et l’installation des services hospitaliers, l’hôpital en 2006 et les services qui l’occupent, enfin le site, ses bouleversements récents et son avenir Si nous savons « tout » sur l’acquisition de Jeanne d’arc et sa transformation en 1969-1970, nos connaissances sont sommaires sur sa « période américaine ». En effet, les archives de l’US Army et du Medical Supply Service ont été transférées aux Etats-Unis et celles de la Mission centrale de liaison et d’aide aux armées alliées (MCLAAA), conservées au Service historique de la Défense (SHD), ne sont encore consultables que par dérogation, le seuil des soixante années après leur dépôt n’étant pas encore atteint. Aussi, ce premier travail historique, dont nous sommes bien conscients du caractère inachevé, pourra t-il être un jour fructueusement complété.

 

Le contexte militaire européen de la création de l’hôpital (1, 2, 3, 4, 5)

 

Au cours de l’année 1949 ont lieu deux événements politiques internationaux importants : d’une part le 4 avril la signature du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN en français et NATO en anglais), d’autre part la reconnaissance de l’Allemagne de l’Ouest en tant qu’état souverain bien que désarmé, mais faisant partie du dispositif allié et américain en Europe sous la forme d’une « zone avant » où doit se produire le premier choc d’un conflit éventuel avec les troupes de ce qui deviendra le « Pacte de Varsovie ». La France étant contiguë à l’Allemagne de l’Ouest – qui adhérera à l’OTAN en 1955 -, dès 1945 les Américains avaient envisagé la création d’une ligne de communication passant à travers notre pays (1). Des négociations avaient été entamées à Paris le 9 avril 1947 et avaient abouti à un accord secret signé le 16 avril 1948 relatif aux facilités accordées aux troupes américaines en France et entérinant l’existence d’une ligne de communication traversant le territoire français (accord Bidault-Caffery).

 

Dans ce cadre nouveau qu’est l’OTAN, des négociations ont très rapidement lieu entre les Etats-Unis et la France, qui aboutissent le 27 janvier 1950 à un accord relatif à l’aide pour la défense mutuelle, et, le 6 novembre, à l’accord Parodi-Bruce sur la ligne de communication de lUS Army en France, entre Bordeaux, La Pallice et Kehl, appelée COM-Z. En décembre de cette année, il y a déjà 2.105 soldats américains en France, et le général Eisenhower est nommé à la tête du Supreme Headquaters of the Allied Powers in Europe (SHAPE) le 19 décembre 1950.

 

Un accord relatif à l’installation d’un dépôt aérien à Châteauroux est signé le 27 février 1950 par Parodi et Bruce et, à l’issue de cette année où d’autres accords et conventions sont signés et où des échanges de lettres ont lieu, le Comité interallié, chargé de régler les problèmes posés par la présence militaire alliée en France se réunit pour la première fois le 28 novembre, et les premiers appareils de l’US Army Air Force in Europe (USAFE) arrivent à Bordeaux-Mérignac en décembre.

 

Notre pays est intégré aux forces alliées du « Centre Europe » et il joue, dans ce cadre, un rôle logistique de première importance avec la « Zone de communication » dite « COM-Z ». Commandée depuis Orléans, elle est chargée d’assurer le soutien logistique de la 7e armée américaine stationnée en Allemagne et en Autriche face au Rideau de fer. Ce commandement dispose d’une section avancée ou ADSEC commandée depuis Verdun et qui couvre la région Est, la plus vaste et la plus centrale des régions militaires d’Europe. En 1957, elle s’étendra en Allemagne jusqu’à Giessen, en Hesse. Cette zone de communication, opérationnelle en 1951, représente une part importante de la contribution américaine à l’OTAN. Quarante dépôts sont créés pour l’armée de terre US et quatorze bases aériennes. La base de Toul-Rosières est inaugurée au début de l’année 1954.

 

En fait, cette zone n’est que la reconstitution de l’organisation logistique créée le 16 février 1918 par le général Pershing et qui s’appelait « Service d’approvisionnement » (6).

 

L’accroissement constant du nombre des militaires américains en France, avec leurs familles : un peu plus de 20.000 militaires à la fin de 1952, plus de 40.000 en décembre 1952, 61.000 en février 1959, justifie la présence d’installations hospitalières. Par ailleurs, dans l’éventualité d’un conflit, notre pays constituerait une « Zone arrière » où seraient accueillis et traités les blessés venus d’Allemagne. Au total, dans sa thèse (1), Olivier Pottier recense treize  installations sanitaires : un hôpital militaire de l’USAFE à Evreux et les hôpitaux de l’US Army (avec ou sans dépôt sanitaire) à Croix-Chapeau (près de La Rochelle) et à Bussac-Forêt en Charente maritime, Chinon (Indre-et-Loire), Orléans-Chanteau, Maison-Fort (au sud d’Olivet) et La Chapelle Saint-Mesmin (Loiret), Vitry-le-François (Marne), Dommartin-les-Toul (Meurthe-et-Moselle), Vassincourt et Verdun (Meuse), La Roche-sur-Yon (Vendée) et Poitiers au Camp de Châlons (Vienne). Les dépôts médicaux sont à Croix-Chapeau, Orléans-Chanteau, Vitry-le-François et La Roche-sur-Yon.  Quelques projets ne se sont pas réalisés : Viry-Châtillon dans l’Essonne et Bersol-Pessac en Gironde. Les bases aériennes disposent généralement d’un petit hôpital et d’une clinique dentaire.       

 

Les installations militaires américaines en Lorraine (1, 2, 3)

 

Les installations militaires américaines et canadiennes sont particulièrement nombreuses dans trois des quatre départements lorrains, et en particulier en Meuse en raison de son peuplement plus restreint. A l’apogée de la présence militaire alliée, en 1958, il s’y trouve les bases aériennes de Chambley, Chenevières, Lunéville-Croismare et Toul-Rosières (54), Etain-Rouvres (55) et Phalsbourg-Boursheid (57) ainsi qu’un dépôt de munitions à Saint-Mihiel. Un dépôt pétrolier du pipe-line est à Saint-Baussant (Essey-et-Maizerais) à son terminus. La Meurthe-et-Moselle compte des installations à Toul, Nancy, Jarny, Pont-à-Mousson et Essey-et-Maizerais ; la Meuse à Buzy-Darmont, Etain, Rambucourt-Bouconville, Saint-Mihiel, Sampigny et Verdun ; la Moselle à Angevillers, Ebersviller-Hombourg-Budange, Metz et Woippy. Il n’y a qu’un petit dépôt dans les Vosges, près de Tranqueville Graux et Martigny-les-Gerbonvaux. Il ne faut pas oublier les installations OTAN contrôlées par la France, en particulier les bases aériennes : Nancy-Ochey, Metz-Frescaty, Mirecourt-Juvaincourt et Damblain dans les Vosges pour les deux dernières. Enfin, de nombreux lotissements abritent les familles : cinq en Meurthe-et-Moselle, cinq en Meuse et deux en Moselle.

Pour leur part, les Canadiens disposent des bases aériennes de Marville (55) et de Grostenquin (57), d’installations à Mercy-les-Metz et de trois lotissements. 

   

 

Le choix de Toul et de Dommartin-les-Toul (7, 8)

 

Comme indiqué précédemment, le système mis en place en France par l’Armée américaine dans le cadre de l’OTAN rappelle celui de la Première Guerre mondiale. Il en est de même pour Toul et les villages qui l’environnent, et en particulier Dommartin où se trouvent à l’époque deux quartiers (ou casernes) de l’Armée française : le quartier Jeanne d’Arc au bord de la route de Toul à Nancy (nationale 4) et de celle qui mène à Villey-le-Sec, et la caserne (du) Luxembourg sur une petite colline dominant le village (côteau de Parvaux), au lieu-dit Le Prunier ou Au Prunier le long du chemin conduisant à la redoute de Dommartin (9). Ils ont été construits peu avant la guerre 1914-1918, le premier comme quartier de cavalerie pour accueillir un régiment de dragons, et le second avec de très nombreux bâtiments en rez-de-chaussée pour des fantassins.

 

Avant 1914, Toul et ses environs constituaient une place forte du système Séré de Rivières (10) avec une très importante garnison, et les installations militaires y étaient très nombreuses. Au cours de la Première Guerre mondiale, plusieurs casernes ont été transformées en hôpitaux complémentaires et, lorsque les troupes américaines se sont organisées en 1918, elles ont installé à Toul un très important complexe hospitalier comprenant douze hôpitaux spécialisés portant chacun le nom de Base Hospital suivi d’un numéro (8, 11)).

 

Parmi eux, le Base Hospital 82 arrive à Toul le 27 septembre 1918 et s’installe à la caserne (du) Luxembourg qu’il occupe jusqu’au 29 janvier 1919 avec 1500 lits d’abord, puis 1800 et même 2000 selon certains auteurs (8), l’ensemble étant servi par environ 200 personnels. Cette caserne abrite aussi le Army Red cross Hospital n° 114 (7).  Pour sa part, le quartier Jeanne d’Arc est utilisé comme hôpital vétérinaire par les 1er et 4e corps d’armée américains lors de la bataille de Saint-Mihiel (7).

 

A la mobilisation de 1939, le quartier Jeanne d’Arc, où stationnait alors le 126e escadron du Train (12), est transformé en hôpital complémentaire pour le Service de santé dès le 23 août (13). Après son repli le 13 juin 1940 suite à l’ordre général du 12, il est endommagé au cours des combats connus sous le nom de Cinq jours de Toul, puis occupé par l’Armée allemande qui l’utilise comme Frontstalag avec le numéro 161. Les Allemands l’emploient ensuite comme établissement militaire en dépit des croix rouges que l’Armée française avait fait peindre sur certains toits, et il est endommagé par un bombardement en mai 1944. Après la fin du conflit, l’Armée française en reprend possession après que les Américains s’en sont très vraisemblablement servi.

 

Le plan numéroté 19/7 établi le 16 avril 1952 par l’ADSEC (14) montre l’ensemble du quartier avec son entrée sur la route nationale 4 et les différents bâtiments avec la ou les lettre(s) qui le(s) désigne(nt). Si certains ont disparu suite aux échanges d’artillerie de juin 1940 ou au bombardement de 1944, ils sont peu nombreux. Plusieurs montrent des dispositifs non précisés dont l’US Army les équipe ou les a équipés. Sur ce qui figure la place d’armes est écrit 302nd Field Hospital et, près de l’ancien manège, au fond de l’emprise, Ambulance comp(agn)y. Nous ne savons pas s’il s’agit du même ensemble ou de deux unités différentes. Quoi qu’il en soit, le site est occupé par des structures du Service de santé US. En 1953, il s’agit du 571th Field Hospital (15).

 

Pour sa part, la caserne (du) Luxembourg  est d’abord employée comme camp de prisonniers français par les Allemands (sans doute une portion du Frontstalag 161), puis transformée en ferme allemande. A partir de septembre 1944 et jusqu’à mai 1945, l’US Army en fait un lieu de transit pour ses soldats. Après la victoire et le départ des Américains, l’armée française y fait stationner jusqu’en 1950 un détachement du 8e régiment d’artillerie, et, lorsque l’OTAN se crée, l’Armée américaine « retrouve » l’emprise et transforme la caserne en hôpital militaire en attendant la construction de l’Hôpital Jeanne d’Arc destiné à ses besoins (12). Nous verrons ultérieurement quels sont les usages de l’hôpital et de ses homologues.

 

Il apparaît donc que le site de Dommartin-les-Toul n’a pas été choisi par hasard par l’US Army pour la construction d’un hôpital militaire dans le cadre de l’OTAN puisque le Service de santé américain l’avait déjà employé en 1918, que l’US Army s’en était servi à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et que les deux casernements avaient « repris du service » à son profit avec les accords de déploiement de la COM-Z à partir de 1950-1951.

 

En dehors de ces anciennes casernes françaises occupées temporairement, l’Armée américaine installe à Toul un dépôt du Génie et le quartier général de la Post au quartier Jeanne d’Arc, un grand dépôt avec raccordement ferroviaire à la Croix-de-Metz (aujourd’hui zone industrielle) et utilise le cinéma Régina pour la distraction de ses personnels (1).

 

De nos jours, il ne reste plus rien des deux casernements qui nous intéressent ici. Les derniers vestiges des plateformes de lavage et de stockage de véhicules et de matériels construites par l’US Army pour le dépôt du Génie sur l’emplacement du quartier Jeanne d’Arc ont disparu au cours des années 2003-2005 avec la construction du très important centre commercial Jeanne d’Arc et de son aire de stationnement. Quant à la caserne (du) Luxembourg, dont les dix-neuf hectares avaient été acquis par la commune de Dommartin en 1971, et dont les bâtiments étaient squattés et pillés, elle a été entièrement démolie, ses matériaux ont servi à la construction de l’autoroute A 33 et le site a été transformé en une zone pavillonnaire (12). 

 

La construction des camps et bases américains en France (1, 2, 3, 4, 5)

 

En vertu des accords passés en 1950, le coût de construction de la « ligne de communication » est partagé, et la France y participe pour 20% (2 milliards de francs sur 10). Normalement, pour l’établissement de toute installation, les Américains doivent présenter par la voie diplomatique une demande que le ministère des Affaires étrangères transmet au Secrétariat général permanent de la Défense nationale (SGPDN), mais ils s’en dispensent souvent, considérant qu’elle s’inscrit dans le cadre des accords déjà passés… Ils s’arrogent ainsi des libertés importantes et se placent au-dessus des lois nationales… Les demandes des Etats-Unis et du Canada et leurs spécifications figurent dans le programme d’infrastructure de l’OTAN. C’est la France qui détermine l’emplacement exact des installations alliées, le plus souvent à l’écart d’une agglomération pour des raisons de place et de superficie (450 ha pour un aérodrome, 233 ha pour le dépôt de Toul-Croix-de-Metz, 50 ha pour un hôpital, etc.), de bruit (aérodrome), de facilité de surveillance et de l’emploi éventuel de biens domaniaux. Mais les Américains souhaitent se trouver près des agglomérations.

 

Les terrains et biens immobiliers, préexistants ou construits spécialement, mis gracieusement à la disposition de l’Armée américaine restent la propriété de notre pays qui y conserve sa souveraineté, et ils ne sauraient donc – c’est la position française - faire l’objet d’une indemnisation, même pour une valeur résiduelle, à son départ, ce qui sera source de difficultés en 1966-1967 car les Etats-Unis souhaitent une indemnisation. Les installations sont donc l’objet de baux plus ou moins longs et renouvelables, le tout valable jusqu’à l’échéance du Traité de l’Atlantique nord, en 1969. La France est responsable de la sécurité extérieure des installations et les Américains de la sécurité intérieure et de la garde. Ils en ont le commandement et le libre usage, un détachement de liaison français commandé par un officier y représentant notre pays. Nous ne savons pas s’il en a été ainsi pour les installations sanitaires, mais les rapports mensuels des officiers de liaison à la MCLAAA évoquent les hôpitaux.

 

Pour la construction des installations américaines, c’est la France qui a l’entière responsabilité. Elle finance l’achat des terrains lorsque cela est nécessaire et assure l’expropriation et l’indemnisation des propriétaires, sans frais pour l’OTAN ni les Etats-Unis, elle assure la viabilisation (routes et voies diverses, eau, évacuations, électricité), les Américains et l’OTAN finançant le reste. Mais c’est la France qui avance les sommes nécessaires aux dépenses et donc à tous les travaux et salaires, et elle est ultérieurement remboursée. En vue de réaliser des économies, l’Etat cherche à utiliser son patrimoine, d’où l’emploi des casernes disponibles, des terrains militaires et des forêts domaniales. 

 

Une fois les terrains acquis, comme à Dommartin, environ cinquante hectares, les ingénieurs français établissent le plan de masse en tenant compte des spécifications de l’OTAN et des Américains dont ces derniers règleront le coût. Ils sont pour cela en relation avec le Joint Construction Agency (JAC), service interarmées créé en 1953 pour simplifier les contacts avec la France et centraliser toutes les questions relatives aux travaux, implanté 94 rue Escudier à Boulogne-sur-Seine, et remplacé en 1957 par l’US Army Construction Agency France (USACAF). Pour les hôpitaux, il semble que le plan de masse soit d’origine américaine, vu les mentions qui figurent sur les plans. Selon le projet établi le 12 septembre 1952 (16), ils doivent être éloignés d’au moins trois miles de toute cible militaire, mais doivent être le plus près possible des centres urbains et, en principe, pas à plus de 5 miles.

 

Le plan de masse est soumis à l’approbation du SHAPE, puis un devis détaillé est soumis au Comité des paiements et de l’avancement des travaux du Conseil de l’Atlantique nord.  Ceci étant accepté, les plans extrêmement détaillés (détails des boutons de porte ou de la menuiserie des prie-Dieu de la chapelle par exemple…) des installations sont réalisés par des bureaux d’études indépendants de divers pays y compris américains. Les services locaux du Génie français sont concernés par la construction, au moins pour le gros-œuvre. C’est le cas à Dommartin où la Direction des travaux du génie de Nancy a passé le marché. Ensuite la France procède aux appels d’offres en invitant les entreprises à soumissionner. Un « Service polonais du travail » est créé pour organiser l’activité des Polonais qui participent à la construction puis au service de garde des installations. 

 

Le plan type d’un hôpital militaire américain en France. Le site et les installations. Aspect architectural

 

Les hôpitaux militaires américains construits en France semblent avoir obéi au même plan type. Ceci est vrai pour au moins trois des hôpitaux situés dans l’Est : Vitry-le-François-Marolles, Verdun et Dommartin-les-Toul (17). Ce plan type doit avoir aussi été utilisé en Allemagne de l’Ouest car certains plans détaillés des pavillons de Dommartin sont écrits en anglais, en allemand et en français.

 

Ces établissements sont de type pavillonnaire à un étage et comportent un nombre plus ou moins important de ces pavillons de soins et d’hospitalisation disposés, pour les premiers, perpendiculairement à intervalles réguliers de part et d’autre d’un couloir. Ce couloir est susceptible de se diviser en deux branches, sous la forme d’un V dont chaque branche « porte » alors un seul pavillon, éventuellement plus long que lorsqu’il y en a un de part et d’autre mais « embranché » de façon à ce que tous les pavillons restent parallèles (voir photographie aérienne). Ce système existe à Toul des deux côtés, mais pour l’un seulement à l’état « embryonnaire » (côté Ouest). Ce couloir de desserte des pavillons est lui-même perpendiculaire à un axe de circulation qui joint l’entrée de l’hôpital en avant au bâtiment des cuisines et des magasins en arrière. Ces deux services ont la forme d’un T. D’autres bâtiments séparés, à caractère technique, sont disposés sur l’emprise, avec, éventuellement un autre ensemble de bâtiments correspondant au dépôt médical, ce qui n’est pas le cas à Dommartin. Par contre, il y a dans l’emprise de Jeanne d’Arc d’autres éléments militaires, du Génie (Engineers) et du Train (Transportation) en particulier.

 

Examinons d’avant en arrière l’axe qui sert de « colonne vertébrale » à l’hôpital et qui est le même partout. Au delà de la porte d’entrée, cette entrée-accueil se présente sous la forme d’un « couloir » sur quelques mètres. Ensuite se greffe sur lui un long bâtiment perpendiculaire, de part et d’autre si l’hôpital est important, ce qui est le cas à Toul (1000 lits en théorie), d’un seul côté sinon (cas de Vitry-Marolles). Le couloir se prolonge alors avec un élargissement à droite, puis un rétrécissement important à gauche. Selon le terrain, il peut y avoir une légère rampe (cas de Toul). Le couloir se prolonge ainsi jusqu’au « point central » qui est un carré de dimensions un plus peu plus importantes que les deux couloirs qui se croisent. Le couloir se prolonge alors sur environ 200 mètres jusqu’aux cuisines et magasins, construction imposante en T renversé axé sur lui. Un autre pavillon d’ampleur comparable peut lui être adjoint à gauche. Il figure sur le plan de Toul mais, remis à une campagne de construction ultérieure (deleted indiquent les plans), il n’a pas été réalisé.

 

Tout de suite après le « point central », du côté droit quand on arrive de l’entrée, et contiguë au couloir axial, se trouve une large rampe, qu’un véhicule comme une jeep ou un chariot élévateur et bien sûr un chariot porte-brancard peut aisément gravir. Elle est rejointe à mi-pente par une rampe similaire venant du pavillon des cuisines. Les personnes ou les véhicules qui montent depuis le point central doivent donc tourner en « épingle à cheveu », ce qui nécessiterait des manœuvres aux jeeps. Le premier étage de l’hôpital présente la même disposition que le rez-de-chaussée.

 

Dans le couloir qui dessert les pavillons, au niveau de chacun d’entre eux, il se trouve au rez-de-chaussée une sortie vers l’extérieur par l’intermédiaire d’un sas ainsi qu’une cage d’escalier reliant les deux niveaux. Diverses portes permettent de sortir des pavillons, dont une à chaque extrémité, qui n’est pas au milieu de la façade. A l’intérieur, le couloir est médian mais sa largeur n’est pas constante, ce qui peut expliquer le déport des portes d’extrémité.

 

Un hôpital de 1000 lits est ainsi constitué d’une vingtaine de pavillons de soins et d’hospitalisation à un étage, ce qui permet d’évaluer la capacité de chacun à une cinquantaine de lits. Un tel hôpital dispose de cinq salles d’opération (à Dommartin, il semble n’y en avoir que quatre), d’un service de radiologie avec le protections nécessaires, d’un laboratoire complet, d’une petite morgue (6 tiroirs) et certainement d’une pharmacie, mais celle-ci n’est pas individualisée avec précision sur les plans que nous avons consultés pour Dommartin. Les différentes spécialités sont représentées, y compris la neuropsychiatrie. Des cuisines diététiques sont prévues dans les services. Il existe plusieurs types de chambres : à 1, 2, 4, 8 et 16 lits, en fait pour cette dernière, deux chambres de 8 lits accolées avec une cloison dépourvue de porte. Chacune communique avec une salle de bain équipée d’un lavabo, d’une baignoire et d’un WC, mais cet ensemble est affecté à deux chambres contiguës. Des salles sont prévues pour la conservation des habits et des bagages des personnes hospitalisées.

 

Un tel potentiel hospitalier apparaît très important en période de paix, même en tenant compte des effectifs présents en France. En réalité, les Américains ont besoin de casernes et de bureaux pour lesquels ils ne disposent pas de suffisamment de crédits de construction. Dans la perspective d’un conflit avec le Pacte de Varsovie, qui conduirait à des besoins sanitaires importants, il est nécessaire de disposer d’un grand nombre d’hôpitaux, d’où la réalisation des établissements que nous connaissons pour la construction desquels les crédits existent, mais qui ne sont volontairement pas terminés et dans lesquels certains bâtiments sont affectés à un usage autre qu’hospitalier, en particulier comme casernement, avec la capacité de les transformer complètement en hôpitaux, en principe en deux semaines (18). Des bureaux sont aussi aménagés.

 

Ces hôpitaux dits Emergency type (est-ce la construction ou l’emploi envisagé ?) sont donc employés simultanément comme dispensaires et cliniques pour l’usage journalier des militaires et de leurs familles, et en particulier de maternités, comme casernements et comme école et/ou lycée, couplés à des installations techniques de très bonne qualité, mais essentiellement « en sommeil » ou non réalisées. De ce fait, les hôpitaux sont toujours proches d’installations importantes, dépôts, quartiers généraux, comme à Dommartin avec les dépôts de la forêt de Haye et de la Croix-de-Metz, la base aérienne de Rosières-en-Haye, etc.

 

Pour Jeanne d’Arc, un important ensemble de plans (14) décrit l’école élémentaire  qui comporte 14 classes avec des grandes fenêtres, un auditorium et diverses installations spécifiques : secrétariat, bibliothèque, salle de travaux pratiques, de physique et de chimie, d’arts ménagers, vestiaires et toilettes, et occupe complètement les bâtiments I et Ia du côté Est (aujourd’hui 180 et 181 N et S). Elle apparaît sur les plans le 30 décembre 1955 et est terminée le 1er juin 1960. Son plan est inspiré, comme l’hôpital, de celui de la Forêt d’Orléans (14, 19). Nous savons que l’hôpital similaire construit à Verdun a servi d’école primaire et de lycée avec 200 places d’internat et un effectif de plusieurs centaines d’écoliers et de lycéens. Un membre de la famille de l’un d’entre nous (PL) a travaillé à l’école de l’hôpital de Croix-Chapeau en Charente maritime où sont nés deux de ses enfants et dont l’effectif scolaire était similaire.

 

L’emprise est complètement entourée d’une clôture avec plusieurs accès (4 à Dommartin) raccordés à plusieurs routes (2 ici) et desservie par une route périphérique avec un ou plusieurs important(s) parking(s), car les voitures sont très nombreuses chez les militaires américains et les déplacements importants vu la disposition des installations à la campagne. Il faut aussi envisager les norias de véhicules sanitaires et le mouvement des autocars scolaires qui amènent chaque jour les écoliers et les lycéens. Des chemins goudronnés desservent aussi les espaces entre certains des pavillons et permettent d’accéder aux portes du bâtiment de chirurgie.

 

Le pavillon d’entrée, réservé à l’accueil et, à droite, à l’administration, comporte pour cette dernière toutes les facilités déjà utilisées par les Américains à l’époque : outre de nombreux bureaux, une salle de conférences, une bibliothèque et une salle de reprographie. Les installations pour la vie personnelle et sociale : bibliothèque, club, boutique, installations sportives, n’ont pas été oubliées. L’hôpital est pourvu d’un système élaboré d’appel des personnels par hauts-parleurs et d’un système de protection contre l’incendie dont les bornes et les lances couvrent l’intégralité des bâtiments.

 

Le site comporte toujours un forage et un château d’eau, une chaufferie avec citerne(s), un poste de livraison d’électricité, une chapelle aménagée à l’intérieur d’un bâtiment ou indépendante, une station d’épuration des eaux, un incinérateur, des ateliers (menuiserie, peinture, électricité, chauffage, plomberie, tôlerie et forge) et ou plusieurs magasins et entrepôts, un garage avec du matériel et des véhicules contre l’incendie, une salle de spectacle et de cinéma, éventuellement un bâtiment à usage d’hôtel pour les officiers célibataires, un gymnase, voire un booling (Vitry-Marolles, Vassincourt, Dommartin-les-Toul), ainsi qu’un ou plusieur(s) terrain(s) de sport (football, volley-ball, basket-ball, base-ball, tennis). Un terrain de golf peut se trouver à proximité (Verdun). Certaines de ces installations sont bien sûr complètement inconnues en France à l’époque… Les petites cuisines des services disposent d’une machine à laver la vaisselle !  

 

L’Hôpital Jeanne d’Arc est construit sous ce nom « derrière » le quartier homonyme. Les 16 hectares (environ) du domaine militaire (quartier Jeanne d’Arc) sont concédés à l’armée américaine au début de l’année 1951 (13 février pour un garage (20). Un plan complet du site (quartier et expropriations) est daté du 4 mars 1953 (14). L’US Army  y « entre » le 13 novembre (21). L’extension, destinée à la construction de l’hôpital, soit 49 ha 73 a, fait l’objet d’un décret d’expropriations d’utilité publique le 19 février 1952 pour le compte spécial de la Mission centrale de liaison (MCLAAA). Ces opérations sont terminées le 1er août 1952 et la prise de possession des terrains par l’Armée américaine a lieu le 14 (21). L’ensemble des terrains militaires (22) et des terrains expropriés représente donc 53 ha 2 a 54 ca. L’hôpital est construit à partir de 1953 sur le modèle de « l’hôpital de la Forêt d’Orléans », c’est-à-dire de Chanteau-La Foulonnerie. Les plans le désignent comme Usareur standart 1000 bed hospital ou US standart emergency type construction 1000 bed hospital. Sa capacité hospitalière est de 1000 lits (en fait 920) avec cinq blocs opératoires regroupés dans un pavillon. Le premier projet, le 12 septembre 1952, ne portait que sur 500 lits (23).

 

On peut affirmer que le site a été admirablement choisi. L’hôpital est au sommet d’un petit plateau, avec une vue très étendue sur Toul et les premières côtes de Meuse, en retrait de la ville et donc au calme, proche de la forêt et près de cultures. La vue s’étend du pénitencier Ney, ancienne caserne du même nom, en « passant » par la cathédrale et le mont Saint-Michel, jusqu’aux côteaux viticoles du nord de Toul. Le chemin vicinal n° 6 Les Corottes longe l’emprise au Nord et à l’Est, à la limite des terrains de sport qui sont au nombre de quatre : un de volley-ball, un de basket-ball et deux de base-ball à côté du château d’eau.

 

Les normes techniques de construction sont certainement les mêmes pour tous les hôpitaux réalisés en France, d’autant qu’ils l’ont été simultanément et sur une période très courte. Nous décrirons celles de Dommartin, qui nous concernent et que nous connaissons (14, 24).

 

Les bâtiments sont construits sur un sous-sol partiel avec un vide sanitaire dont l’accès est extérieur. La construction est réalisée en béton et maçonnerie de blocs d’agglomérés avec un enduit de chaux et un badigeon sur des fondations et un soubassement en béton. Les tablettes, corniches et linteaux sont en béton, les perrons et escaliers en maçonnerie de parpaings et ciment. La couverture, en terrasse mais pas tout à fait plane pour la majorité des pavillons, est constituée d’une dalle et de béton avec un revêtement étanche recouvert de gravillons. Ce système n’a pas une grande longévité et il arrivera à expiration de garantie et d’efficacité au moment du transfert de l’hôpital au CHR, ce qui sera source de beaucoup de soucis et de difficultés… Les menuiseries sont en bois et métal avec des châssis ouvrants et basculants et une vitrerie claire ou opaque et armée. Les fenêtres sont pourvues de dispositifs anti-explosion et empêchant la pénétration des insectes, de rideaux de camouflage, et certaines de barreaux (il y a un local disciplinaire avec quatre lits dans le bâtiment XXI - aujourd’hui services techniques et aumônerie - puisqu’une partie de l’hôpital est une caserne). A l’intérieur, les refends et les cloisons sont en béton coulé et en maçonnerie de blocs d’agglomérés. Les portes en bois isoplanes sont souvent pourvues de vitres. Les étages sont desservis par des escaliers en béton armé et construits comme les rez-de-chaussée.

 

Les sols sont en mosaïque ou en dalles de plastique et les murs plâtrés et peints. Des dispositifs au sol et sur le bas de murs permettent leur protection contre les coups et chocs dus aux pieds, chariots, brancards, etc. Les murs sont plâtrés et peints et les plafonds plâtrés sous badigeon. Dans le pavillon de chirurgie, les murs sont recouverts de carreaux de faïence jusqu’à mi-hauteur pour faciliter le nettoyage. Il en est de même pour certains murs de l’école. Dans la salle de mécanothérapie, les carreaux de plastique sont posés sur du liège. Un grenier partiel existe dans quelques bâtiments et quelques-uns ont un toit à deux pentes, comme par exemple l’école et le pavillon d’habitation des officiers célibataires (très bien aménagé : cuisines, salles de bain, buanderie, etc.) et recouverts de fibrociment ondulé. L’école est adaptée à ses besoins : couloirs latéraux et non médians comme dans les services, quatre escaliers, sanitaires pour adultes, enfants et bébés, chaufferie, aire de jeu clôturée (dont il reste l’espace du côté du home des infirmières).

 

Les très nombreux plans disponibles(14)  montrent le remarquable équipement prévu dans chacune des pièces des différents pavillons et bâtiments annexes, et ceci dans les moindres détails. L’hôpital n’est pas relié au réseau de gaz français et emploie donc si nécessaire des bouteilles ; il ne l’est pas non plus au réseau téléphonique français et dépend du réseau militaire américain environnant.

 

Comme indiqué plus haut, l’hôpital n’est pas terminé et pas complètement équipé. Lors de la première visite des membres de la Commission administrative du CHR le 18 février 1967 (25), il est constaté que les murs de nombre de bâtiments n’ont pas reçu de revêtement intérieur et que seuls sont plâtrés le bâtiment administratif (aujourd’hui numéroté 340-341), le Home des infirmières (actuel 350-351), l’école (180-181), les pavillons d’hospitalisation 250-251 et 260-261, 280-281 et 290-291 et l’actuel restaurant (22). Tous les autres bâtiments, y compris techniques sont « sans revêtement », cependant que le couloir central, la cuisine et une partie du 320-321 sont en « ciment taloché ». Quelques soubassements, dont celui de chirurgie, sont carrelés. Les bâtiments ont donc été construits dans l’ensemble de manière homogène, mais cela n’est pas vrai pour tous, et ils se trouvent dans des états différents de finition et d’aménagement. Certains ont servi, d’autres sans doute jamais…   

 

Les plans en possession du CHR portent tous l’intitulé Jeanne d’Arc et ont été établis au cours de la décennie 1950-1960. Le cabinet d’architecture et d’ingénierie qui a conçu l’ensemble est CB Ferris Hurley Hughes Associates, Architects-engineers. L.E. Bazin s’y « ajoute » sur certains plans (des nivellements par exemple). L’adaptation des plans pour la France est confiée au cabinet Pierre O. Bauer Ingénieur-architecte, 9 avenue du Président Wilson à Paris.

 

Une multitude de dates figure sur cet ensemble de plans. Les plus anciens, sauf oubli de notre part, sont datés du 22 avril 1952. Nombre d’entre eux sont de 1953. Ils ont subi plusieurs révisions, au moins les 2 mai, 3 et 11 juillet et 11 août 1955, indiquées par les mentions Revised for use in France et Corrigé et adapté pour la France avant le nom de l’architecte. D’autres révisions sont plus tardives et « ponctuelles » ; elles concernent les adaptations mineures, comme les changements de destination ou les suppressions de pièces ou d’équipements, et surtout les changements de destination des pavillons qui deviennent des logements de troupes.

 

Le bureau d’études français est la Société d’études et de réalisations techniques 76b rue Dupont des Loges à Paris. Le cabinet d’architectes-ingénieurs Ammann & Whitney à New-York figure dans la case de la Joint Construction Agency Central Office à Paris sur des plans des salles d’opération datant du 15 décembre 1954 et de la clinique dentaire en date du 7 novembre 1960. Ce cabinet est sans doute spécialisé dans l’équipement médical. Quelques plans sont entièrement ou essentiellement en français, c’est le cas de ceux des cuisines et de leur équipement qui datent de mai à octobre 1955. Un plan du 7 janvier 1959 montre l’installation standart et les adaptations pour les troupes. Les plans les plus récents sont marqués du cabinet Holga-Schlumberger Architectes ingénieurs, 16 quai de Passy à Paris. A t-il succédé à Bauer ou est-il chargé de vérifier la conformité de la réalisation par rapport aux plans ?

 

De nombreux tampons rectangulaires sont apposés sur les plans, en particulier l’un avec une date, un nom manuscrit, le nom et le grade de l’ingénieur résidant (c’est le Captain D.R. Johnson, resident engineer qui reste en place tout au long du chantier), le nom Jeanne d’Arc. L’ingénieur américain du « district » est le colonel E.E. Murphy.

 

Les plans des nivellements datent du 1er trimestre 1954. La Direction des travaux du Génie de Nancy a passé le marché de construction avec l’entreprise E. Chambert de Nancy. Les plans du gros-œuvre sont effectivement marqués Direction des travaux du Génie de Nancy et Compagnie parisienne d’entreprises de Neuilly qui dispose d’un bureau sur place (tampon Chantier Hôpital Jeanne d’Arc BP 40 à Toul Meurthe et Moselle Tél. 3.24 à Toul). La réception des bâtiments par le Génie a lieu les 16 mars et 29 juin 1957, jours à partir desquels a débuté la garantie décennale, qui est arrivée à échéance dans les jours où l’US Army a transmis les clés à la France. Les archives de la MCLAAA mentionnent effectivement que la construction de tous les hôpitaux a eu lieu entre 1952 et 1957 (26). L’étanchéité des toits-terrasses est confiée à la Société Calandrite qui est intervenue à plusieurs reprises au cours de la garantie décennale (1957-1967) (22). Les constructions de bâtiments annexes se poursuivent jusqu’en 1962 : atelier de maintenance 1959, garage et atelier d’entretien, conciergerie 1960, magasin de maintenance 1962, par exemple.

 

L’étude du système de chauffage central, des conduits et de la distribution est assurée par le bureau d’études Auguste Jest Ingénieur conseil à Strasbourg à partir de 1955 et la Société anonyme de chauffage Sulzer à Paris en 1957. Les chaudières d’origine sont de marque Babcox et Wilcox. La stérilisation au chlore gazeux est due à l’entreprise Dégremont. On trouve aussi les entreprises Mandleur et Dolbeau de Paris. La Société de froid et lumière électriques intervient dans les cuisines. C’est l’entreprise Bricard de Nancy qui fournit la quincaillerie du garage. La fin des travaux des diverses installations semble marquée par la mention As built portée sur les plans numérotés en chiffres latins ; les dates les plus récentes, très nombreuses, sont les 7 janvier 1959 et 7 novembre 1960.

 

Le dernier « grand » bâtiment construit est l’atelier d’entretien et de réparation des véhicules, situé dans l’enceinte mais « sur » l’ancien quartier militaire au bord de la RN 4, constitué d’un long bâtiment avec 14 places pour les véhicules et des fosses de graissage, des ateliers et des bureaux, et une vaste aire bétonnée pour les lavages, édifié à la fin de l’année 1959 (As built du 26 octobre) par l’entreprise Jean Bernard de Nancy-Laxou. L’hôpital peut être considéré comme « terminé » à la fin de l’année 1960 (As built de la cuisine le 7 novembre).

 

Les entreprises ont bien sûr eu à respecter certaines normes de caractéristiques des matériaux et de résistance des murs et cloisons qui sont portées sur les plans, par exemples la résistance des murs extérieurs : « en parpaings creux, minimum 4 kg/cm 2 », ou longitudinaux : « épaisseur 20 cm, en briques de résistance minimum 8 kg/cm2 », ou transversaux : « épaisseur 10 et 6 cm en briques creuses », ou les mentions comme : « briques ordinaires premier choix, mortier de chaux ou briques creuses hourdies au CPA (ciment portland artificiel, d’usage courant), béton armé, gros béton ». L’état de finition de certaines parties est précisé, par exemple : « plancher en granito de marbre fourni et posé par le gouvernement sur la dalle à livrer nue par l’entrepreneur ». Au contraire, les entreprises peuvent avoir la capacité de ne pas fournir le matériel prévu par les plans, mais des matériels équivalents : par exemple des radiateurs ou de la quincaillerie.      

 

Les pavillons de soins sont orientés nord-sud, peut-être pour favoriser l’ensoleillement, et désignés par des numéros qui s’échelonnent de 1605 (station d’épuration) à 1639 (atelier d’entretien des véhicules), soit en tout, selon « l’état des lieux de sortie » établi le 19 mai 1967, 31 bâtiments correspondant à une surface totale de 49 ha 94 a 42 ca, bâtie pour  28.347 m2 et développée de 46.922 m2, pour l’essentiel de construction US avec quelques anciens bâtiments de l’ancienne caserne et quelques extensions de ces derniers. Quelques numéros sont manquants car tout n’a pas été construit. L’ensemble comporte 8 logements de troupe. Le pavillon destiné aux officiers célibataires (aujourd’hui Home des infirmières) n’a pas initialement la place que nous lui connaissons : il est perpendiculaire aux pavillons de soins, et semble plus petit sur les plans. 

 

Un plan établi en début d’année 1954 (février-mars) et numéroté project n° 103 (22) permet de connaître la destination des pavillons numérotés ici de I à XXVII. L’ensemble n’est pas terminé : le pavillon qui deviendra le Home des infirmières (350-351 actuel) ne figure pas, par contre plusieurs pavillons qui ne verront pas le jour sont tracés. Nous y reviendrons. Deux bâtiments ont été supprimés. Dans l’ordre des numéros, il s’agit successivement de trois dortoirs pour troupe, d’un dortoir de troupe avec une chapelle et une unité de neuropsychiatrie, d’une unité de soins, d’un service central de chirurgie orthopédique (?) et ORL, d’un pavillon regroupant la radiologie, le laboratoire et la thérapeutique (c’est le terme du plan), d’une unité de soins, de quatre dortoirs pour troupe (n° IX à XII), du pavillon du snack-bar, du club, de la Croix-rouge et de la bibliothèque, de la polyclinique (outpatients), de l’accueil et de la clinique dentaire, de l’administration, de la cuisine, du mess et du tranformateur (XVb), d’un dortoir, du centre de communications et de son transformateur (21.000 V fourni par EDF et transformé en 220 et 127 V), de l’abri pour les bouteilles d’oxygène, de la chaufferie, du poste des pompiers, du garage, du château d’eau avec son puits, de l’entrepôt, et enfin de la station de traitement des eaux usées. La rampe, les ascenceurs et les couloirs constituent le numéro XVII.

 

Le laboratoire (bâtiment 1626 ou VII, aujourd’hui 260 N) est vaste et bien équipé. Il comporte deux pièces pour les prises de sang et le recueil des urines, une salle d’histopathologie, un laboratoire de chimie spacieux, des pièces pour l’hématologie, la bactériologie, la sérologie, la parasitologie, une chambre noire et des bureaux. L’équipement général est très élaboré : prises de gaz et d’air comprimé, éviers et caniveaux résistants aux acides, vidoirs d’hôpital, bornes fontaines, etc. La morgue à 6 tiroirs s’y trouve. L’étage comprend une salle de soins, une « d’exercice », une d’hydrothérapie, une de physiothérapie et une chambre avec huit lits. Il est réceptionné (As built) le 12 août 1960.

 

L’Armée française (Petit atlas des bâtiments militaires) a aussi employé cette désignation latine. Le CHR a changé cette désignation dès l’ouverture de l’hôpital : les services sont désignés de 24 à 30 de l’Est à l’Ouest, l’administration et le logement par les numéros 31 à 39, cependant que les pavillons techniques sont numérotés de 9 à 14. Aujourd’hui chacun des pavillons et bâtiments a reçu un numéro peint sur la façade et suivi de N pour Nord ou de S pour Sud : les pavillons d’hospitalisation sont ainsi numérotés de 190 à 321.

 

Parmi les plans conservés (22), celui numéroté 22/3 non daté montre deux extensions qui n’ont pas été réalisées, l’une de six pavillons dont cinq très grands (le double du volume habituel) à l’emplacement de l’actuel grand parking côté Toul, et le second d’au moins cinq pavillons de dimensions habituelles de l’autre côté, le long du chemin vicinal. Ces extensions auraient à notre avis accru la capacité de l’hôpital d’environ 50%, soit à peu près de 500 lits. Les plans américains les plus récents (1966) montrent l’hôpital dans la disposition que nous lui connaissons avec le bâtiment qui a été destiné aux infirmières par le CHR. Il est le seul à posséder un toit à deux pans et à ne pas être relié à l’ensemble, si l’on excepte les pavillons techniques. Ces plans montrent aussi ce qui reste du quartier Jeanne d’Arc, dont tous les anciens bâtiments militaires français ont été démolis et remplacés par dix-huit bâtiments neufs pour le dépôt de l’US Army. 

 

Un parking assez vaste occupe le côté Ouest du site, là où plusieurs pavillons auraient dû être construits. Entre ce parking et le grand entrepôt (archives actuelles) se trouve une aire d’atterrissage pour hélicoptère qui figure sur les plans américains de 1966. Certains plans comportent une rose de vents à l’endroit du parking avec l’indication du pourcentage de temps pendant lequel souffle le vent venant de chacune des directions indiquées... Quatre autres parkings « entourent » l’hôpital : un devant l’administration, un à l’Est à côté des installations sportives prévu pour le stationnement de 37 autobus, et deux au Nord, du côté de la zone technique et de part et d’autre de la cuisine et du self-service. Enfin, plusieurs installations sportives complètent l’établissement : un booling, un terrain de foot-ball, un de volley-ball et deux de base-ball. L’ensemble est enfin équipé d’un éclairage périphérique et central avec lampes, lampadaires et projecteurs. Deux mâts permettent de faire flotter les drapeaux des Etats-Unis et de la France. L’Armée américaine participe à la construction ; c’est ainsi par exemple que le 801th Engineer Battalion et le 928th Engineer GP Construction assurent le damage et le bitumage des routes du site.

 

En 1966 (plan du 2 août) (22), l’hôpital et ce qui subsiste du quartier de cavalerie ex-français appartiennent à l’US Army General Depot Complex East France créé en juin 1965 à Nancy et dont le rayon s’étend un peu au delà de Metz et de Lunéville, mais ne recouvre pas Verdun, siège du 4th Logistical Command East France qui a « succédé » à l’ADSEC. Ils forment un ensemble clos. Ils sont en effet reliés par la Domremy Street. Une entrée pour les camions a été ouverte dans le quartier sur la route de Toul à Villey-le-Sec (que les Américains appellent Villers) ; elle dessert Cargo Street. Le long de la place d’armes du côté de Toul se trouve Orleans Street. Une autre route est embranchée sur celle de Villey et aboutit à Domremy Street : c’est Bridge Street sur laquelle une boucle - peut-être deux - desser(ven)t un ensemble de six tout petits bâtiments qui étaient peut-être des maisons d’habitation et qui ont disparu aujourd’hui. Domremy Street existe encore partiellement suite aux travaux du nouveau centre commercial et dessert toujours l’hôpital. La route d’accès actuelle, embranchée sur la route nationale 4, existe déjà en 1966. L’Eastern Complex France comporte quatre hôpitaux dont le plus coûteux a été celui de Verdun (7.076.100 dollars d’investissement). Pour sa part, Jeanne d’arc a coûté 5.827.900 dollars (27).

 

En septembre 1965, Jeanne d’Arc Facility Toul abrite ce qui doit être un état-major (HQRS), une American Elementary, Middle and High School, le 60th General Dispensary et trois unités de transport stationnées dans les emprises de l’ex-quartier de cavalerie, qui fait partie intégrante du site (28). La création de la High School est consécutive à la Crise de Berlin et à l’arrivée de renforts américains en Europe et dans l’Est de la France pendant l’été 1962. Il apparaît alors que la seule High School de la « région », qui est établie dans les locaux de l’Hôpital Désandrouins de Verdun, ne pourra pas accueillir tous les élèves à la rentrée. Aussi est-il décidé de créer une école similaire à Toul en aménageant rapidement de nouvelles classes à Jeanne d’Arc. L’ouverture a lieu le 5 septembre 1962 et l’école fonctionne pendant quatre années, de la rentrée 1962 à la fin de l’année scolaire 1965-1966. Elle est la dernière installation américaine locale à « fermer ses portes » de manière à permettre aux élèves de terminer leur année scolaire. Ceux dont les parents sont encore en France seront alors inscrits à Verdun dont l’ensemble scolaire fonctionnera jusqu’en 1968.

 

Le contexte de la fin de la présence américaine en France (1, 2)

 

Les Etats-Unis ne pouvaient pas ignorer les difficultés que le stationnement de leurs troupes posait depuis son origine et que les gouvernements de la IVe République ne leur avaient pas cachées, en particulier celui présidé par M. Félix Gaillard (novembre 1957-mai 1958). La présence américaine peut être assimilée de fait, à défaut de pouvoir l’être de droit, à une occupation étrangère… En arrivant au pouvoir, le général de Gaulle a trouvé ces difficultés, mais la façon dont il devait les traiter a été différente. Comme l’indique le professeur Vaisse : Le général de Gaulle n’a pas inventé les revendications face à l’OTAN. Il a repris les griefs que ses prédécesseurs sous la IVe République avaient exprimés avant lui (…)  Même sur le plan de l’intégration, de Gaulle a dit tout haut ce que ses prédécesseurs pensaient tout bas (2). Dès le 17 septembre 1958, il établit un mémorandum sur l’avenir de l’Alliance atlantique… et le 25 mai 1959, il s’oppose au stockage d’engins nucléaires américains sur le territoire français.

 

Les auteurs qui ont étudié la présence militaire américaine en France constatent que son apogée se situe entre 1953 et 1958, qu’un retrait s’amorce en 1959 quand le Général s’oppose à la présence des armes précitées et que, de 1961 à 1965, les bases entrent en « léthargie », sauf pendant la « Crise de Berlin », avec un allègement progressif, donnant l’impression que les Etats-Unis ne se font pas d’illusions sur les intentions finales du général de Gaulle, président de la République. En octobre 1961, il refuse l’augmentation des effectifs de l’US Army que sollicite le gouvernement américain, puis en novembre 1963, refuse le déploiement de forces aériennes de l’OTAN en cas d’alerte. Aussi des resserrements alliés ont-ils lieu en 1964 et 1965 où, en juin, un rapport américain pose l’hypothèse de son retrait de la France.

 

Le 9 septembre 1965, le général de Gaulle annonce que la France ne participera plus à l’intégration atlantique après 1969, puis le gouvernement fait savoir aux Etats-Unis que des décisions concernant l’OTAN seront prises au printemps 1966. Le 21 février 1966, le président de la République annonce que la France sortira de l’intégration atlantique, ce qu’il écrit au président Johnson le 7 mars. Le 27 mars, les Américains commencent à organiser leur départ, et, le surlendemain, un aide-mémoire français précise que les forces américaines et canadiennes, ainsi que les états-majors alliés doivent évacuer la France avant le 1er avril 1967. Il y a alors 25.000 militaires américains en France (2). L’évacuation est annoncée par le secrétaire à la Défense des Etats-Unis le 15 juin 1966 et, à la fin du mois d’août, plusieurs dizaines d’installations ont déjà été rétrocédées à la France qui en a elle-même revendu certaines. Les opérations d’évacuation des installations et de repositionnement des forces américaines en Europe sont désignées par l’acronyme FRELOC : Fast relocation (from France).

 

Les accords franco-américains signés entre 1950 et 1953 ont une durée égale à celle du Traité de l’Atlantique nord, c’est-à-dire vingt années. Ils arrivent donc à échéance en 1969, au mois d’avril, mais peuvent être dénoncés par consentement mutuel auparavant. En 1966, lorsque le gouvernement français prend les décisions que l’on connaît, ces conditions ne sont pas réunies et la démarche française, quels que soient les arguments employés, est juridiquement discutable. Mais, en réalité, l’attitude du général de Gaulle n’est qu’un des éléments du problème. Depuis 1950, la situation militaire a changé et la couverture militaire de l’Europe peut se faire directement depuis l’Amérique en utilisant un échelon avancé en Allemagne de l’Ouest. De plus, des économies sont nécessaires aux Etats-Unis pour faire face aux dépenses nucléaires et spatiales. C’est ainsi qu’en décembre 1965, les USA décident de fermer 149 de leurs bases dans le monde. De toute façon, la présence alliée devait s’arrêter ou être renégociée en 1969, ce que la population française n’a jamais su ou voulu savoir…

 

La question se pose de la valeur résiduelle des installations construites par les Américains, qu’ils ne peuvent emporter avec eux et que la France doit payer pour les récupérer. L’accord du 4 octobre 1952 est utilisé comme règle générale, bien qu’il soit assez vague dans ses termes. La somme demandée par les Etats-Unis est considérable ; les négociations sont longues et difficiles et n’aboutissent qu’en février 1968 : la valeur résiduelle acceptée par la France est très inférieure au chiffre avancé par les Américains. Par ailleurs, aucun accord n’est conclu sur les facilités qui leur seraient accordées en cas de guerre.

 

Pour Jeanne d’Arc, le Freloc Final Report de 1967 mentionne une offre française initiale de rachat des installations non démontables s’élevant à 210.000 dollars et une acceptation finale d’un montant de 464.285 dollars, soit un peu plus du double (29). C’est la Mission centrale de liaison (MCLAAA) qui est l’intermédiaire entre les Américains et les repreneurs. Installée 51 boulevard de Latour-Maubourg à Paris, elle est dirigée à ce moment par M. de Beauchamp assisté de M. Dambeza.

 

 

La longue et difficile cession de l’hôpital au CHR de Nancy et l’installation des services hospitaliers (22, 25)

 

La première mention d’une éventuelle dévolution de l’hôpital au Centre hospitalier régional de Nancy est faite par son directeur général le 20 juin 1966 au cours d’une réunion de la Commission administrative : « le directeur général fait part que, dans le cadre de l’évacuation (…) il serait intéressant de demander l’affectation au CHR de l’hôpital américain Jeanne d’Arc (…), avec pour idée d’y installer des malades chroniques et convalescents ainsi qu’un hospice ». La Commision donne un avis très favorable à cette proposition et charge M.le Directeur général d’adresser un courrier en ce sens à M. le Préfet. Il faut rappeler qu’à ce moment le CHR rencontre de grandes difficultés avec ses locaux, qu’un plan directeur y prévoit d’importantes évolutions avec reconstruction de l’Hôpital central et construction d’un hôpital à Brabois, et que l’hôpital de Dommartin, avec sa capacité théorique de 1000 lits, est presque neuf et même non terminé comme le montreront les visites qui en seront faites ultérieurement comme déjà indiqué.

 

L’armée américaine doit libérer ses installations au plus tard le 1er avril 1967 – cela ne sera pas vrai pour Jeanne d’Arc – et la MCLAAA se préoccupe de leur devenir. Une réunion tenue le 18 janvier sur place puis à la préfecture de Nancy à ce sujet en présence de ses représentants et de hauts fonctionnaires des ministères concernés, permet de préciser que les Etats-Unis peuvent emporter tout le mobilier et ce qui est immeuble par destination, c’est-à-dire les installations sanitaires et de chauffage, - ce qui empêcherait le maintien en état de fonctionnement de tout l’hôpital -, mais qu’ils sont disposés à céder ces « installations démontables » à l’acquéreur ; c’est le parti que prendra le CHR. Tout le matériel chirurgical et radiologique a été fourni par la RFA au titre des réparations et est rendu à ce pays. Aussi, à la prise de possession par le CHR, l’hôpital ne contiendra t-il plus, en dehors des matériels acquis (chauffage, climatisation, électricité, monte-charge, ascenseurs, etc.) que quelques matériels de bureau, les installations de l’atelier, quelques installations de cuisine, mais aucun matériel et outillage hospitalier, médical, chirurgical, pharmaceutique et de transport. Par contre, la partie gauche du bâtiment administratif abritait une « école de ponts » dont il faudra évacuer les kilomètres de rails et les tonnes de poutrelles, cornières, plaques et ferrailles diverses…

 

Le sujet revient en discussion de façon approfondie au cours de la première réunion de la Commission administrative pour l’année 1967, le 1er février, en présence du préfet de Meurthe-et-Moselle. Il s’agit du point 2 de l’ordre du jour. Un courrier du ministre des Affaires sociales, M. Jeanneney, dont le département ministériel est affectataire de l’hôpital par décision du Premier ministre, M. Pompidou, en date du 6 janvier précédent (1967), daté du 27 décembre 1966 et rédigé à la suite du vœu exprimé en juin 1966, transmis par le préfet, « donne son accord à la prise en charge de l’hôpital » par le CHR où il « constituera un élément permanent et non négligeable ». Le ministre précise que « lorsque la réalisation prendra corps », le CHR devra « soumettre à mon approbation un dossier (…) qui explicitera le nouveau report des services et des lits au sein du CHR ». Le procès verbal de la séance mentionne que la question a été débattue en Commission médicale consultative le 26 janvier, et que cette dernière a donné un avis favorable à l’unanimité.

 

Il est prévu d’employer l’hôpital en totalité et l’on escompte alors un coût de 19.000 F par lit, soit 19 MF du moment. Il semble utilisable pendant une quarantaine d’années (on ne devait pas alors penser qu’on avait aussi justement évalué la durée de cette utilisation…). Deux questions sont posées : si le CHR accepte, et, si oui, ce qu’il en fait. La réponse favorable à la première question étant presque implicite, les conditions sont exposées : vente ?, location ?, location-vente ?, don ?, achat à un prix symbolique ? Il est immédiatement décidé que l’hôpital ne peut pas être utilisé comme centre de convalescence et comme hospice en raison de son origine et de sa localisation, mais qu’il sera employé comme « hôpital actif » en y transférant, au moins temporairement, les services « actuellement mal logés » dont la liste est donnée. La question de l’éloignement est évoquée avec l’idée de loger du personnel sur place, d’employer le Régina village dont les 117 villas sont à 6 kilomètres sur la route de Verdun, de construire un lotissement sur le site et de constituer un service d’autobus. Un plan de financement est pré-établi par déplacement de crédits de reconstruction de l’Hôpital central, de construction de celui de Brabois et par emploi de fonds issus de la cession de l’Hôpital Villemin. Des crédits nouveaux seront aussi demandés au ministère. La Commission convient cependant d’attendre de savoir dans quelles conditions l’Etat envisage, juridiquement et financièrement, cette opération. Elle établit aussi un calendrier des procédures et travaux qui débuteraient le 1er février 1967 pour s’achever le 1er janvier 1968… Enfin, le président Weber, maire de Nancy, demande à M. le Préfet d’organiser avec les autorités américaines une visite du site pour le mercredi 8 février, après quoi la Commission « arrêtera sa position sur l’éventuelle occupation et la modification du plan directeur ».

 

La visite demandée ayant eu lieu le 8 février à 10 heures, la Commission délibère favorablement le même jour à 17 heures, en posant comme conditions que l’opération ne dépasse pas les capacités financières du CHR, ni ne compromette sa réorganisation. Elle établit un plan d’occupation total des 1000 lits avec 11 services, décide de la modification du plan directeur, confirme le plan de financement, décide de transmettre son choix au ministère en lui demandant une « redevance symbolique » d’un montant connu « rapidement » et sollicite de M. le Préfet l’envoi au ministère d’un courrier « sollicitant les meilleures conditions possible ». Dans le courrier qu’elle rédige le 13 février, elle se déclare « très intéressée par l’offre de mise à disposition de l’établissement (…) ».

 

Parmi les différents projets qui n’ont pas abouti, les archives de l’hôpital mentionnent celui de transformer le logement des officiers célibataires (aujourd’hui Home des infirmières, 350-351) ou l’école en service pour les contagieux compte tenu de sa place en bout de construction, celui d’accueillir un nombre plus ou moins grand de lits de l’Hôpital de Toul, et celui d’installer temporairement une école d’infirmières annexe de celle de Nancy, voire mixte pour Toul et Nancy, dans les locaux (22).

 

Au cours du printemps ont lieu les négociations menées par le préfet - sur directive du Premier ministre en date du 1er mars - avec la Section militaire américaine de liquidation et la MCLAAA, en vue du rachat des équipements démontables par le CHR. L’offre française, de 1.124.000 F, soit 10,7% de leur valeur actualisée, est examinée à l’ambassade des Etats-Unis le 26 mars, mais aucun accord n’intervient. Après une visite sur place le 14 avril, qui permet de constater l’état des installations, et en particulier de chauffage, qui ne sont comparables à aucune autre installation similaire d’une base ou d’un hôpital américain en France, une nouvelle réunion est organisée à Paris au siège de la MCLAAA le 25 avril. La proposition américaine est de 4.500.000 F mais la délégation française ne l’accepte pas et son chef, le sous-préfet Raffour, formule de nouvelles propositions tendant à ne pas dépasser 20% de la valeur actualisée. Après de laborieuses négociations, l’accord se fait sur la somme de 2.227.500 F représentant 25,85% de la valeur estimée par la France (8.800.000 F) se décomposant en 900.000 F d’équipement et 1.375.000 F d’installations de chauffage.

  

L’état « des lieux de sortie » est établi en mai et signé le 19 mai 1967 entre le représentant de l’officier contractant du Service immobilier américain et le représentant de la Direction des travaux du Génie de Nancy. L’ensemble est considéré comme « en assez bon état » mais il s’avère que les toitures génèrent des infiltrations d’eau d’où la détérioration de plafonds, de plâtres et de peintures. Le toit du magasin (bâtiment 1610, archives actuellement) est arraché et les peintures extérieures ne sont pas en bon état.

 

Le dossier évolue notablement au cours de la réunion de la Commission du 5 juin 1967. Le ministère n’a pas encore répondu à propos de la demande des conditions de dévolution, mais les contacts pris avec les autorités françaises et américaines montrent que son principe est acquis. Le projet d’équipement du CHR est donc modifié pour en tenir compte. Le ministère a été avisé le 9 mai de l’évolution des discussions. De ce fait la Commission délibère et autorise l’achat direct à l’US Army des installations démontables pour lesquelles un accord est intervenu le 25 avril, pour la somme de 464.285 dollars, soit 2.278.014 F, dont 40% abondés par l’Etat le 17 novembre. L’opération a lieu le jour de la remise des bâtiments à la France, le 16 juin 1967, entre le préfet Longeaux, le docteur Weber, maire de Nancy et président du Conseil d’administration, et le colonel Hoover, contracting officer (30).

 

La Commission décide de demander des subventions, de passer contrat avec EDF et avec la Compagnie générale de chauffe ainsi qu’avec les sociétés d’assurance Union et Commercial Union, envisage les conditions de gardiennage qui sera réalisé d’abord par l’Armée américaine puis par l’Armée française aux frais du CHR. Elle vote les premiers crédits d’achat et d’établissement avec un amortissement étalé sur seulement cinq années car, en effet, elle ne sait pas combien de temps Jeanne d’Arc sera utilisé par le CHR ; cette durée de cinq années étant considérée à ce moment comme suffisante pour permettre l’occupation des locaux de Brabois et un emploi plus prolongé n’est pas encore envisagé. Enfin la Commission constitue une commission d’affectation.

 

L’hôpital est seulement remis au Service du Génie par l’Armée américaine le 16 juin 1967, ce qui a permis à cette dernière des rapatriements successifs de personnels sur cet établissement. Il ferme en dernier de manière à permettre à l’école de terminer l’année scolaire, et, comme il n’a pas encore d’affectation officielle, le Génie va en assurer temporairement le gardiennage à compter du 17 et aux frais du futur acquéreur... Normalement, le Génie devait remettre l’hôpital aux Domaines dans les jours suivants le 16 juin et ces derniers le transférer au CHR presque aussitôt. La lenteur de décision du ministère des Affaires sociales ne devait pas permettre une telle solution et ceci devait induire de nombreuses difficultés aux autorités locales et hospitalières… Sept personnels du CHR, sous la direction de M. Jean Dallier, ancien chef du service d’entretien des dépôts américains de Nancy et Toul, - service qui entretenait aussi Jeanne d’Arc (31) -, assurent l’entretien intérieur – d’un site qui ne lui appartient pas mais où il est propriétaire d’installations…- à compter du 1er août 1967. Pour la surveillance extérieure, le Génie embauche des civils dès le transfert à l’Armée française, mais, la situation s’éternisant, le ministre des Armées, M. Messmer, décide le 8 novembre que le Service local du Génie cessera sa surveillance continue le 31 décembre 1967. Aussi le CHR assure t-il aussi la surveillance extérieure avec son personnel et les rondes militaires périodiques, à partir du 1er janvier 1968… Il faudra encore un an avant qu’il ne devienne « propriétaire ». 

 

Ce qui apparaît à l’opinion publique et aux journaux comme des atermoiements inacceptables, voire comme du désintérêt alors que le CHR est dans une situation immobilière difficile, entraîne la parution de plusieurs articles dans la presse locale entre juillet 1968 et mars 1969. Il s’y mêle des articles faisant état de projets comme les souhaits de l’Hôpital de Toul d’y disposer de lits, ou l’idée de transformer Jeanne d’Arc en un établissement pour enfants handicapés, et des articles à sensation comme ceux relatifs aux « conduites éclatées » en décembre 1967 alors qu’il ne s’agissait que d’une rupture de vanne rapidement réparée… Au moins un article à caractère provocateur a par ailleurs été publié… (22). 

 

Revenons à la Commission administrative. Sa séance suivante, le 23 juin 1967, conduit à la création de 11 emplois en vue du gardiennage et du maintien en état des installations, et à la décision de procéder à l’installation du téléphone (le 302 à Toul). Lors de la séance du 30 octobre, elle prévoit de se réunir à propos de l’installation du CHR dans les locaux… que le Génie, qui monte la garde, est réticent à lui ouvrir ! Le procès verbal indique, sans mentionner de longue discussion, que l’hôpital ne comportera pas de services de haute technicité car cela serait trop coûteux. L’idée primitive des chroniques et convalescents est à nouveau émise par le président, mais le vice-président, le Professeur Gosserez, dit qu’il « faut être cohérent, c’est-à-dire installer des services de médecine, chirurgie, radiologie, un laboratoire, etc.) et s’occuper de ceux qui sont actuellement les plus mal lotis ».        

 

L’avenir se précise encore un peu plus à la séance du 26 février 1968 au cours de laquelle le directeur général indique que l’établissement (terrains de 50 hectares et bâtiments de 40.000 m2) sera cédé au CHR pour une somme avoisinant 6 millions de francs au lieu des 10 un moment annoncés, qui seront répartis en 40% apportés par l’Etat, 30 par la Sécurité sociale à titre de prêt sans intérêt sur 20 ans, 10 par le département, et le reste par le CHR au moyen d’un emprunt à 6% sur une durée de 15 années, car il n’est toujours pas envisagé alors que Jeanne d’arc soit employé longtemps... Une subvention de remise en état et d’équipement sera accordée par l’Etat. L’achat ne doit pas être trop différé en raison de ce que l’ensemble coûte déjà au CHR (50.000 F de chauffage par mois) qui a par ailleurs acquis des matériels aux Américains et n’a pas de recettes compensatoires. Des défectuosités constatées dans les toitures, très peu inclinées, ont été réparées. M. Lebret est choisi comme architecte car un gros chantier de réfection et d’équipement est à prévoir. En effet, en dehors des adaptations propres aux besoins du CHR qui prévoit l’installation d’un secteur actif classique et d’un secteur chronique et de convalescence, en tout 350 à 400 lits, L’hôpital n’est pas terminé comme déjà indiqué. Le 20 février, le préfet avait proposé que 250 lits soient affectés à l’hôpital de Toul, ce que la Commission n’approuve pas, bien qu’elle prévoie une visite d’une délégation mixte le 12 mars suivant. La Commission donne son accord d’acquisition sur le coût et sa répartition, ainsi que sur les services prévus : un de chirurgie, deux de médecine, un de convalescents, un de malades chroniques avec une réadaptation fonctionnelle, avec les services médicotechniques nécessaires à leur fonctionnement : radiologie, laboratoire, antenne de transfusion sanguine et pharmacie.

 

La question du prix de cession de l’hôpital par les ministères intéressés (Affaires sociales et Economies et Finances) ne se résout pas aisément. D’abord, l’hôpital ne fait pas l’objet d’une cession symbolique. Ensuite le prix initialement proposé par le ministère de l’Economie et des Finances, 7.770.000 F, apparaît trop élevé au CHR. Des négociations s’engagent. M. Christian Fouchet, ministre et député de Toul, intervient auprès de son collègue des Finances. L’accord se fait sur un prix de 5.826.000 F dont 40% provenant de l’Etat. Une dépêche ministérielle du 5 mars, transmise par le préfet le 18 en avise le CHR. Une délégation est reçue par le directeur de cabinet du ministre des Affaires sociales le 26 mars 1968 à ce sujet. et le montant accepté est annoncé à la séance du 30 mars de la Commission administrative qui donne son accord et décide d’un avenant au contrat de l’architecte du CHR, M. Le Maresquier, 138 avenue Victor-Hugo à Paris et 23 rue de la Commanderie à Nancy, avec le concours de son associé M. Lebret, 7 boulevard Anatole-France à Boulogne puis 24 rue de Valois à Paris, sans intervention d’un cabinet d’études.

 

La répartition des lits et leur nombre total, 370, est le seul point abordé à propos de Jeanne d’Arc à la réunion du 27 mai. La réfection et l’équipement des locaux commencent à être abordés avec précision le 8 juillet 1968 suite à une dépêche ministérielle du 25 juin demandant les plans et devis pour un montant de 2.900.000 F. Les dossiers des travaux d’aménagement des services cliniques et généraux (cuisine, lingerie, accueil, culte, logements), préparés par le cabinet Le Maresquier pour une somme de 2.656.720 F plus les honoraires, sont approuvés, ainsi que le lancement de l’emprunt et celui des appels d’offres auprès des entreprises. Le préfet déclare l’opération d’utilité publique le 29 août. Mais le ministre de l’Economie et Finances, M. Ortoli, ne fait connaître son acceptation du prix de cession que le 30 octobre 1968, cependant que les décisions définitives d’attribution des subventions du ministère des Affaires sociales (MM. Schumann puis Boulin) n’interviendront qu’en 1969. Ceci conduira à des difficultés de paiement des installations démontables, à des soucis pour l’administration du CHR et à un grand retard dans les travaux et l’ouverture de Jeanne d’Arc aux malades. 

 

M. Messmer, ministre des Armées, s’impatiente de la lenteur de son collègue des Affaires sociales, et, le 24 décembre 1968, il décide la remise « pure et simple » de l’hôpital à l’Administration des Domaines et autorise le CHR à en prendre possession immédiatement avec jouissance fixée au 15 janvier 1969. En réalité, elle a lieu quelques jours plus tôt, le 9 janvier.

 

La première séance de la Commission administrative pour l’année 1969, le 14 février, est marquée par l’annonce de plusieurs mesures concernant l’hôpital : la nomination au CHR de M. Tronche, directeur-adjoint, désigné comme futur directeur, la création d’un secteur de psychiatrie de 29 lits au premier étage du bâtiment non encore affecté numéroté 1630 (aujourd’hui 301 N et S) et dont la direction est donnée au Docteur Laxenaire, une révision des effectifs avec l’attribution de deux maîtres de conférences-agrégés, l’un en Médecine G et l’autre en Anesthésiologie, la décision de faire inventorier et estimer l’hôpital par le Cabinet Roux suite au transfert de propriété effectué le 15 janvier précédent (24), la prévision de l’accueil des malades pour la fin de l’année et l’abandon par le CH de Toul de sa demande, compte tenu d’autres préoccupations.

 

Le 20 mai 1969, lors de l’établissement du devis estimatif d’équipement, sont évoqués l’occupation des pavillons non prévus en première tranche et le passage à 630 lits. En juin, il est prévu d’ouvrir l’hôpital avec 400 lits tout en conservant l’idée d’une occupation totale (1000 lits) à terme. Les dépenses d’équipement et d’aménagement ont été agréées le 28 janvier respectivement à hauteur de 4.964.000 F et 2.747.030 F répartis en 26 lots. L’assurance de la dévolution des subventions étatiques d’achat, d’aménagement et d’équipement et leurs montants font l’objet des décisions ministérielles des 4 mars, 12 mai et 18 novembre 1969. Un arrêté du 8 mai a fixé la répartition du coût de l’achat, 5.826.000 F - décidé par le ministère des Finances et connu par une dépêche ministérielle du 26 janvier – qui est supporté pour 40% par l’Etat, 30% par la Sécurité sociale, 15% par le Conseil général et 15% par le CHR qui s’est donc porté acquéreur. Toutefois la participation du département ne se fera pas en argent, ce qui conduit le CHR à emprunter la somme correspondante, soit 1.156.700 F. Les chefs de service sont désignés : Professeurs Debry et Michon, et Docteurs Burdin (pour un emploi de Microbiologie et non de Microbiologie et Chimie à la demande de la CMC), Hoeffel et Pernot. Un emploi de pharmacien-chef de 2e classe est mis à la création.

 

Les appels d’offre pour les travaux de remise en état des bâtiments sont passés au printemps. Soixante-cinq soumissions pour les 12 lots sont examinées le 24 avril et le 5 juin 1969 et les travaux sont engagés le 10 juillet (les plans sont signés le 16), avant l’approbation des marchés, à la demande même des autorités, afin de ne pas accroître l’important retard qui a été pris et qui est la conséquence de la lenteur des décisions du ministère de tutelle. Ils doivent être terminés le 31 janvier 1970. L’expertise patrimoniale, réalisée au cours du 4e trimestre de 1969 par le Cabinet Roux de Nancy attribue à Jeanne d’Arc une valeur à neuf de 27.494.500 F pour les bâtiments et 5.710.200 F pour les matériels (24).

 

Au cours de cette période, il est envisagé d’aménager une école dans les locaux de celle que les Américains avaient utilisée, ainsi qu’à l’autre extrémité des bâtiments, dans le pavillon 1630 (321 S actuel) là où se situait la chapelle, et dans la salle de spectacle (anciennement 1634, 270 actuel, dans le grand couloir central) qui serait transformée en amphithéâtre. M. Le Maresquier en dresse les plans et réalise un devis déposé le 6 octobre 1969. Ce projet n’a pas de suite, peut-être en raison de la dispersion des pièces prévues et de la gêne occasionnée par la présence dans les même locaux de structures qui n’ont rien de commun, si ce n’est que la salle de spectacle a été transformée en amphithéâtre dans le cadre de la création de locaux d’enseignement. Ceux-ci comportent quatre salles implantées dans les services qui les utilisent pour leurs étudiants et l’amphithéâtre selon le projet demandé à M. Le Maresquier et déposé par lui le 2 décembre 1971.

 

Une surprise un peu désagréable attend les administrateurs le 6 septembre. L’avant-veille, l’administration des Domaines a fait savoir que le CHR ne devenait propriétaire que de 20 ha sur les 52 ha 42 a et 16 ca du site, le reste appartenant à la commune de Dommartin suite à la dévolution des sites anciennement américains. Le CHR peut s’il le souhaite acquérir ce terrain pour la somme de 162.000 F, ce que la Commission décide à l’unanimité. L’affectation et la répartition des lits est décidée : ils seront au nombre de 405, bien que seulement 370 +29 soient autorisés, répartis en 205 actifs, 79 convalescents et 121 chroniques, dans quatre services, Médecines I et II, Chirurgie et Psychiatrie comportant respectivement 132, 133, 111 et 29 lits, dans les bâtiments 1624, 1625, 1628, 1629 et 1630 (soit 240-241, 250-251, 280-281, 290-291 et 300-301 actuels).

 

Cette répartition étant faite, l’ordre du jour de la séance du 10 novembre aborde pour Jeanne d’Arc la question des effectifs des personnels. Ils seront 29 pour l’administration plus le directeur, M. Tronche, 192 dans les services médicaux, 12 au Laboratoire, 8 en Radiologie, 5 à la Pharmacie, 25 au Service intérieur et 46 au Service général, soit 317 agents. Ceci correspond à un surencadrement, mais l’idée reste de passer à 1000 lits avec un accroissement de 204 agents pour les seuls services médicaux, ce qui ramènerait l’encadrement aux normes. Il est précisé que « comme les bâtiments sont laids, il faut soigner l’environnement » d’où la présence de 3 jardiniers... L’ensemble est par ailleurs immense : 5 hectares de pelouses, 4 kilomètres de drains, 8000 m2 de circulation, d’où le nombre élevé d’agents d’entretien.

 

De nombreuses entreprises, locales ou non, participent aux travaux de remise en état et d’installation qui touchent l’essentiel des installations, mais pas les bâtiments 1618 à 1623, actuellement 180-181 à 220-221 S, réservés à une tranche ultérieure visant à l’occupation totale des pavillons, ni les ateliers. Il convient d’en citer quelques-unes. Le chantier le plus important (lot 1) est celui du génie civil et des abords, qui comporte le gros-œuvre et tout particulièrement la remise en état des toitures et l’aménagement des locaux qui, rappelons le, n’ont pas été terminés et sont à l’état brut ou seulement talochés. A l’intérieur des pavillons, il faut démolir les murs, les plafonds, les sols et les vieux enduits et réaliser les nouveaux cloisonnements et la finition des nouvelles pièces. Les archives montrent bien que de nombreux murs n’étaient pas terminés à « l’époque américaine ». Les chambres à 4, 6 et 8 lits des plans primitifs, sont remplacées par des chambres à 3, 5 et 6 lits, ce qui réduit leur nombre de 370 à 314. Le travail comporte aussi la remise en état des chaussées et caniveaux, la construction de la loge du gardien (aujourd’hui inutilisée et qui sert d’abri-bus). C’est l’Entreprise Boni de Nancy qui réalise cette tranche.

 

Un autre marché important est celui de la menuiserie « remporté » par l’Entreprise Moret de Laxou. Par ailleurs, depuis que l’éventualité de l’acquisition avait été admise, l’état des peintures extérieures a été jugé mauvais (elles avaient été refaites trois fois depuis 1957 par l’Entreprise François de Verdun) et il est prévu de ravaler presque toutes les façades Est et Sud. Citons ensuite Electro-Vacher pour l’électricité, Paquotte pour le chauffage et les installations sanitaires, Bonnaire-Zimmermann pour les cuisines, la ventilation et une partie du chauffage, Falconi Est-France pour les ascenseurs et monte-charges, Bureau-Lorraine, Massiot-Philips, SIAMS, Teclab, Thomson médical Telco, Tricault, SCOP.  Les travaux imprévus ne s’élèvent qu’à  239.761 F, ce qui permet au CHR, en comptant les honoraires d’architecte, de ne pas dépasser l’enveloppe allouée par le ministère des Affaires sociales.

 

L’appellation des services est décidée à la séance du 22 décembre : Médecines F et G, Chirurgie D, Electroradiologie et Laboratoire de Biologie. Les candidatures aux fonctions de chefs des services sont acceptées le 18 mars 1970, jour où sont aussi organisées les consultations externes de ces services qui auront lieu dans la partie gauche du pavillon d’entrée (340-341 actuel), ainsi qu’en Ophtalmologie, ORL, Stomatologie et Odontologie. La Commission décide aussi de la création d’emplois d’internes et de vacations. L’ouverture est annoncée pour le 6 avril, la CMC ayant donné son accord le 23 février.

 

A cette occasion, les administrateurs ont aussi et encore à se prononcer sur l’achat de terrains : ceux de l’ancienne caserne Jeanne d’Arc, 11 ha 26 a et 97 ca en deux parties de part et d’autre de la route nationale 4, que le préfet propose au CHR d’acquérir de l’Etat pour la somme de 312.000F en 5 annuités avec un intérêt de 9%. La Commission accepte cette offre et décide que ces terrains feront partie intégrante du patrimoine du CHR sans restriction, ce qui évitera la création de servitudes pour le CHR si l’hôpital doit s’étendre.

 

La réception provisoire de Jeanne d’arc a lieu le 10 février 1970 et la réception définitive le lendemain 11 février. Le premier malade entre le 6 avril, comme prévu, dans le service du Professeur agrégé Pernot. La date de l’inauguration, prévue le 4 décembre 1970 à 17 heures, est annoncée à la séance du 5 novembre où il est aussi question de l’aménagement de l’accès à l’hôpital depuis la RN 4, qui est en mauvais état, de la location de chambres au personnel et de l’éventualité de la mise à disposition d’un bâtiment à l’Hôpital de Toul pendant des travaux de son site urbain. Le coût de l’ensemble de l’opération, annoncé par le Directeur général, M. Gabriel Marquet, dans son discours d’inauguration, toutes dépenses confondues, s’élève à un peu plus de 16 MF et celui du lit à environ 29.500 F.

 

Enfin, le 22 décembre 1970, est évoquée l’extension du service de Psychiatrie à 120 lits. En effet, la Direction des Affaires sanitaires et sociales a fait savoir le 8 que le ministère estime que le service de 29 lits est trop petit, qu’il ne peut être accepté que temporairement dans cette disposition et qu’il convient de lui proposer un projet plus ambitieux, mais ne dépassant pas 160 lits. L’extension proposée par le CHR le 22 janvier 1971, comprend 101 lits.

 

Parmi les autres opérations majeures figure la réfection des toitures. L’état de celle du magasin (anciennement 1610) était très mauvais en 1967, mais toutes sont abîmées et les infiltrations qu’elles génèrent suscitent des litiges dès 1967 avec le Service du Génie et les entreprises. Aussi la couverture de la chaufferie et des bâtiments non remis en état dans la première tranche est-elle reprise à partir de novembre 1970 dans la perspective de l’extension du service de Psychiatrie. Ainsi se termine la longue « gestation » de l’entrée pleine et entière de l’Hôpital Jeanne d’Arc dans le patrimoine du CHR de Nancy.  

 

Le service de Chirurgie D est orienté vers la chirurgie orthopédique, plastique et reconstructrice de l’appareil locomoteur, son chef est le Professeur Jacques Michon avec les Docteurs Gérard Paquin et Jean-Pierre Delagoutte. Les deux services de Médecine générale sont la Médecine F du Professeur agrégé Claude Pernot (32) à orientation cardiologique, et la Médecine G du Professeur Gérard Debry, à orientation métabolique et diabétologique.

 

L’établissement (33) comporte un accueil avec poste de secours, un service de Radiologie (Professeur agrégé Jean-Claude Hoeffel), un laboratoire dit «  de Bactériologie » dirigé par le Professeur agrégé Jean-Claude Burdin, mais dont les activités concernent en réalité la bactériologie, la sérologie, la cytologie, l’hématologie et la chimie comme l’indiquent les plans, et qui deviendra un peu plus tard un laboratoire de Parasitologie placé sous la responsabilité du Professeur agrégé Gilbert Percebois, une Pharmacie placée sous la responsabilité de Mademoiselle Françoise Barret de 1970 à 1972 puis de Madame Fernande Bonet. L’histoire et l’évolution de ces services vient d’être décrite dans l’ouvrage réalisé en 2006 par le Comité d’histoire du CHU (34).

 

La réflexion sur le projet d’extension du service de Psychiatrie du Professeur agrégé Michel Laxenaire vers les bâtiments 1619 et 1620, actuellement 190-191 N et S, et 200-201 N, commence en mai 1971. Elle durera plusieurs années et sera réalisée entre juillet 1973 et août 1974. Le nombre des lits passe à 399 en 1975, pour se situer à 374 en 1980 (35). La brochure d’accueil de 1982 indique 505 lits (36). Ce nombre diminue en 1984 avec le départ pour Brabois de la Cardiologie infantile.

 

Tous les pavillons et bâtiments du site portent un numéro avec S ou N selon sa position géographique. La désignation se terminant par 0 indique le rez-de-chaussée et celle qui se termine par 1 indique le premier étage. La numérotation commence à l’Est par 180 et 181 S ou N et se poursuit jusqu’à l’extrémité Ouest des constructions jusqu’à 320 et 321 ; les pavillons du Sud, du côté de l’entrée, sont numérotés de 210 à 321, ceux du Nord, du côté de la zone technique, l’étant de 180 à 311 puisque l’ensemble n’est pas totalement symétrique. L’entrée et l’administration sont cotés 340 et 341 S, le Home des infirmières 350 et 351 S, la cuisine 140 N et les ateliers 120 N (34).

 

Le « plan masse » établi le 5 février 1980 permet de connaître avec précision l’affectation de chacun des pavillons. Presque tout l’ensemble des pavillons et bâtiments est occupé et sa destination précisée, à l’exception de 210 et 220 S dont la destination ne figure ni sur ce plan, ni sur le livret d’accueil de 1982 (36). Outre les services : Médecines F et G, Médecine infantile F, Chirurgie D, Ophtalmologie, ORL, Psychologie médicale, Réadaptation fonctionnelle, Consultations externes, Soins dentaires, et les services comme la Radiologie, la Pharmacie, le Laboratoire, l’ensemble est occupé par de nombreux « services » comme l’Administration, l’Amicale, le Club médical, la Communauté, des logements de fonction et de service, des chambres de garde, la lingerie, la boutique, etc. Les bâtiments détachés sont la chapelle, la chaufferie, les ateliers, l’entrepôt, les garages et quelques tout petits bâtiments périphériques.   

 

L’hôpital en 2007 et les services qui l’occupent

 

Par rapport à l’ensemble initial, seules deux constructions ont disparu à notre connaissance : le booling réalisé en préfabriqué et démonté par les Américains avant leur départ comme ils l’ont fait pour toutes les installations de cette nature en n’en laissant que le socle en béton, et le bâtiment des garages, abattu récemment. L’entrepôt est utilisé pour la conservation des archives, mais les pavillons 180 S, 210 et 211 S le sont également. Le plan actuellement distribué aux malades (37) montre que l’hôpital est encore presque totalement occupé, à l’exception des « niveaux » 181 S, 281 S et 301 N. 

 

Les services médicaux présents (37) sont au nombre de quatre et représentent un total de 240 lits et places répartis entre :

-         le service de « Chirurgie plastique et reconstructrice de l’appareil locomoteur » doté de 48 lits de court séjour, 34 de moyen séjour et 15 places de chirurgie ambulatoire. Dirigé par le Professeur Gérard Dautel, assisté du Professeur François Dap, il occupe l’essentiel de la partie Ouest de l’hôpital à partir du « point central », avec un secteur d’Anesthésiologie dont le responsable est le Professeur Michel Mertès assisté du Professeur Hervé Bouaziz. La consultation d’Ophtalmologie (Docteur Karine Angio-Duprez) et le bloc opératoire se partagent le pavillon 280-281 N,

L’autre côté (Est) de l’hôpital est essentiellement dévolu aux trois autres services :

-         le service de « Médecine G » orienté vers les maladies métaboliques et le diabète, est dirigé par le Professeur Olivier Ziegler. Il dispose de 54 lits de court séjour et 5 de moyen séjour, plus 12 lits d’hospitalisation de jour et occupe les pavillons 251 S et N, 240 S, 241 S et N, 231 N et 220-221 S ;

-         le service de « Réadaptation cardiaque » du Professeur Etienne Aliot comporte 31 lits de moyen séjour  dans les pavillons 250 N et S ;

-         le service de « Psychiatrie et Psychologie clinique », occupe les pavillons 200 N, 190-191 S et N et 181 N, c’est-à-dire l’étage de l’ancienne école, sous la direction du Professeur Jean-Pierre Kahn, avec 17 lits intersecteurs, 28 lits du secteur de Toul et 1 lit d’hospitalisation de nuit. 

 

Les autres services sont aujourd’hui les services de « Réadaptation physique et psychologique » du Docteur Didier Petry dans les bâtiments 261 N et S et 181 N, « Ergothérapie » (261 S et 181 N), « Radiologie » (Professeur Michel Claudon, 260 S), « Odontologie » (Professeur Alain Fontaine, au 1er étage du pavillon d’entrée, « Pharmacie » (Docteur André Giensenfeld, 260 N) et « Centre d’investigation clinique, Professeur Faiez Zannad, 240 N).

Quelques pavillons et étages sont inoccupés. Les archives occupent l’ensemble du pavillon 210-211 S, l’ancienne école 180 S et le magasin anciennement 1610 ; elles représentent 15 kilomètres linéaires de dossiers.

L’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, administratifs et techniques, représente aujourd’hui près de 500 personnes. Ils sont placés sous la direction de M. Daniel Kieffer, directeur, M. Patrick Remy, coordinateur des soins infirmiers, et M. Alain Viaux, directeur des soins.

 

L’ensemble des bâtiments a relativement peu changé depuis la construction et le départ du Service de santé de l’US Army.  Beaucoup de pavillons ont conservé la couleur blanche de leurs murs. D’autres couleurs sont présentes : jaune et brun, en particulier sur les façades de l’ancienne école dont l’intérieur est resté très proche de son état d’origine. La disposition d’ensemble n’a pas changé et cela n’est pas surprenant. Quelques petites constructions ont été ajoutées et des clôtures ferment certains espaces entre les pavillons, le site étant aujourd’hui complètement ouvert sur l’extérieur. A l’intérieur des bâtiments, beaucoup de sols, de portes, de fenêtres, de radiateurs, de paliers et de sas de sorties, de cages d’escaliers, etc., sont dans leur état originel. Diverses transformations ont bien sûr eu lieu, en particulier la création de logements, et certains pavillons ont récemment reçu des fenêtres neuves.

 

Le site, ses bouleversements récents et son avenir

 

La construction très récente du grand centre commercial qui avoisine l’Hôpital Jeanne d’Arc à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau, a entraîné d’importants bouleversements au site, à ses terrains et à ses voies d’accès. L’emprise, acquise par le CHR en 1969 comme nous l’avons vu précédemment, a été cédée au promoteur de l’opération. Elle a été arasée et aplanie et l’ensemble des restes du dépôt américain et de l’ancien quartier de cavalerie Jeanne d’arc a totalement disparu. Le parking occupe l’ancien terrain de ce dernier. La route qui reliait l’hôpital à la route de Villey-le-Sec et qui assurait autrefois la liaison dépôt-hôpital a aussi subi des modifications.

 

Toutefois, Jeanne d’Arc n’est pas « absente » du site puisque son nom est présent deux fois dans l’emprise du centre commercial : d’une part la dernière allée du parking, la plus proche de l’hôpital et la plus susceptible de se trouver « au dessus » de l’ancien quartier français a reçu le nom d’Allée Jeanne d’Arc, d’autre part, une statue de Jeanne d’Arc portant un étendard fleurdelisé a été placée à l’extrémité de la galerie du centre, du côté de l’hôpital et face à l’allée éponyme. Il serait intéressant de savoir si cette statue et ce nom sont seulement destinés à rappeler la proximité de l’hôpital, ou si en plus ils sont également destinés à rappeler que ce dressait sur ce site un quartier de la garnison de Toul en 1914 qui fut ensuite au fil de deux conflits, un hôpital militaire en 1939, un camp de prisonniers français en 1940 puis un établissement militaire américain dans le cadre de l’OTAN…

 

Pour sa part, l’hôpital est toujours en activité et presque totalement utilisé. Néanmoins, ses jours sont comptés. Les réaménagements des hôpitaux urbains et les constructions neuves en cours ou en projet conduiront, à court terme, à la désaffectation de l’Hôpital Jeanne d’Arc, et, très logiquement, à son aliénation par le CHR, suivie sans doute de sa destruction.

 

La fermeture de Jeanne d’Arc a été annoncée dans la presse locale le jeudi 21 décembre 2006 et a fait l’objet d’un point de l’ordre du jour de la réunion du Conseil d’administration du lendemain, le vendredi 22. On peut toutefois se poser la question suivante : compte tenu de l’emplacement de l’hôpital un peu à l’écart de l’agglomération touloise et non loin de Nancy et de son CHR qui l’utilise journellement depuis bientôt 40 ans : ne serait-il pas judicieux que les pouvoirs publics conservent un hôpital de « taille » suffisante, en bon état mais en sommeil, dans chaque zone sanitaire définie par les plans d’urgence actuels consacrés aux mesures de protection des populations contre certains risques exceptionnels ? Dans une telle réflexion, Jeanne d’Arc apparaît comme un bon candidat.   

  

Conclusion

 

Conçu comme un hôpital d’urgence pour l’US Army dans le cadre de l’OTAN au début de la décennie 1950-1960, « terminé mais non achevé » à ce moment, programmé pour durer seulement quelques décennies, au moins vingt ans officiellement, c’est-à-dire la durée du premier mandat de l’OTAN, mais en réalité construit avec des matériaux lui conférant une longévité d’une cinquantaine d’années, ayant servi à divers usages mais très peu comme hôpital à l’époque américaine, Jeanne d’arc était presque neuf et très moderne au moment où le CHR de Nancy en est devenu propriétaire. L’acquisition, très facile d’un point de vue « politique », s’est révélée longue et difficile en pratique et n’a été effective qu’au bout d’un année et demie (juin 1967-janvier 1969).

 

Acheté pour permettre au CHR de supporter au mieux la difficile transition entre la construction du CHU de Brabois et la remise en état ou la désaffectation de l’Hôpital central, Jeanne d’arc ne devait « initialement » servir que quelques années et être rapidement revendu suite à ces opérations. Quatre décennies plus tard, l’hôpital fait toujours partie du patrimoine actif, et, en dépit de son âge et de l’entretien limité qui lui est fourni, il a toujours belle allure et est très apprécié des malades.

 

Parvenu aujourd’hui au terme de sa vie active, puisque l’annonce de la décision de sa fermeture a été faite fin décembre 2006, il restera, dans l’histoire du CHR de Nancy, comme un établissement hospitalier dont l’utilité aura été majeure et qui n’aura, sur le plan historique, rien à envier à ses homologues, même si son activité n’aura pas dépassé quelque décennies.

 

Bibliographie et notes

 

1. Pottier O., La présence militaire américaine en France (1950-1967), thèse de doctorat d’Université, discipline Histoire, Université de Reims Champagne-Ardenne, Reims, 1999, 2 volumes, 730 p. Egalement : Les bases américaines en France 1950-1967, Paris, L’Harmattan, 2003, 378 p.

 

2. La France et l’OTAN, Actes du colloque des 8-10 février 1996 à Paris, sous la direction de M. Vaïsse, P. Mélandri et F. Bozo, Centre d’études d’histoire de la défense, Château de Vincennes, Editions complexe, Paris, 1996, passim, en particulier les articles de :

-         Facon P., « Les bases américaines en France, 1945-1958 : un enjeu politique », p. 129-145.

-         Pottier O., « La présence américaine en France, 1951-1967 : cohabitation ou acculturation , », p. 147-168. 

 

3. Domange G., « Verdun, l’OTAN et la base américaine 1950-1967 », dans : Verdun Ville militaire, Collection « Connaissance de la Meuse », Imprimerie Frémont, Verdun, 2000, p. 55-70.

 

4. Bergeret-Cassagne A., Les bases militaires américaines en France 1950-1967. Influences matérielles et culturelles, mémoire de maîtrise, sous la direction de de P. Griset, UFR d’histoire, Université Paris IV-Sorbonne, 2004, 219 p. plus annexes.

 

5. De nombreux sites historiques en anglais sur la Com Z, comportant des références de périodiques militaires de l’époque et même d’ouvrages ou de documents officiels américains, sont accessibles sur Internet au moyen des mots-clés USAREUR Units in France ou USAREUR hospitals in France (USAREUR = US Army in EURope) introduits sur Google. 

 

6. Mangin J., Les Américains en France 1917-1919 La Fayette, Nous voici, Saint-Cyr-sur-Loire, Alan Sutton, 2006, 160 p., ici p. 44.

 

7. Ireland M.W. (sous la direction de), The Medical department of the United States Army in the World War, Washington, Government Printing office, 1925, section III The St. Mihiel Operation, chapitres XIV The First Army, et XVIII Army Hospitals, passim.

 

8. Gilbert M., « Carter Harrison et la ville de Toul, La Croix-Rouge américaine et le complexe hospitalier US à Toul, à la fin de la Grande Guerre », Etudes touloises, 2000, n° 94, p. 3-28.

 

9. Gaber S., La Lorraine fortifiée, Nancy-Metz, Presses universitaires de Nancy-Editions Serpenoise, 1994, 175 p., dont la redoute de Dommartin-les-Toul, p. 24.

 

10. Gaber S., Les forts de Toul. Histoire d’un camp retranché 1874-1914, Metz, Editions Serpenoise, 2003, 192 p. 

 

11. Olier F., Répertoire général des formations hospitalières de la zone de l’intérieur (1914-1918), Service de santé des Armées, Brest, 2003, p. 411-412 (Musée du Service de santé, Val-de-Grâce, Paris, section archives).

 

12. Gérardin M., Comte J., Dommartin d’hier à aujourd’hui. Inauguration de la mairie le 4 juin 1988, plaquette, Imprimerie Regnière, Dombasle, 1988, n.p.

 

13. Berthélémy A. et Cristau P., Quatre hôpitaux de l’Est (Toul, Nancy, Vittel, Epinal) dans la tourmente de juin 1940, Médecine et Armées, 2003, vol. 31, n° 6, p. 546-554.

 

14. Plans, très nombreux (plusieurs centaines) et dans l’ensemble en bon état, de l’hôpital Jeanne d’Arc, antérieurs à 1970 et d’origine américaine, et du quartier de cavalerie « Jeanne d’arc »  aujourd’hui disparu, Services techniques du CHR, Bureau d’études, Hôpital Saint-Julien, Nancy.

 

15. Les unités du Service de santé américain dans la zone avant (ADSEC) en 1953, Monthly statistical report, octobre 1953, HQ ADSEC USAREUR Communications Zone US Army, RG 338, Box 53, National Archives II, College Park, Maryland, USA.

 

16. Fonds de la Mission centrale de liaison pour l’assistance aux armées alliées (MCLAAA), Service historique de la défense (SHD), Château de Vincennes, procès verbal de la réunion du 12 septembre 1952 tenue au Secrétariat général permanent de la Défense nationale (SGPDN) et organisée par le MCLAAA : « Etude du programme général de construction et d’aménagement d’hôpitaux pour les armées américaines en France », versement 35, carton 8, cité par O. Pottier, ref. 1, note 203, p. 168.

 

17. Pour Vassincourt, nous ne disposons pas du plan initial et savons que des éléments ont disparu.

 

18. Menudier R., La présence américaine à Orléans dans le cadre de la défense atlantique 1950-1967, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction du professeur Yves Durand, Faculté de lettres, langues et sciences humaines, Université d’Orléans-Tours, 1991, p. 42-44 et 56-58.

 

19. De nos jours, le Service de santé de l’Armée française utilise toujours les parties « dépôt » des installations d’Orléans-Chanteau et de Vitry-le-François-Marolles, les hôpitaux servant partiellement à divers usages non hospitaliers.

Le site de Maison-Fort, au sud d’Olivet dans l’agglomération d’Orléans, est actuellement occupé par le 6e-12e régiment de cuirassiers sous le nom de « quartier Valmy ». 

Pour sa part et à notre connaissance, le « milieu civil » a acquis et emploie toujours les hôpitaux de Chinon (Centre hospitalier spécialisé en grands travaux de 2004 à 2007), Verdun (Hôpital Desandrouins, hôpital psychiatrique du CHG de Verdun), Dommartin-les-Toul, Poitiers (sous le nom de Centre hospitalier de Châlons) et Evreux (Hôpital Saint-Michel du Centre hospitalier intercommunal d’Evreux-Vernon). L’hôpital de Vassincourt est aujourd’hui un centre d’aide par le travail.

Pour les autres ex-hôpitaux américains : Croix-Chapeau et Bussac-Forêt, nous n’avons pas de renseignements.

 

20. Inventaire des installations américaines à Dommartin-les-Toul, document militaire français, 6e Région militaire, sans date (sans doute 1966), SHD, Vincennes, fonds MCLAAA, versement 6, carton 11-4.

 

21. Note circulaire sur les installations US en France en 1966, SHD, Vincennes, 1966.

 

22. Archives de l’hôpital Jeanne d’Arc relatives à son acquisition et aux transformations et aménagements initiaux (1969-1974) : 13 cartons et 31 dossiers rangés par thèmes et pour l’essentiel bien classés et aisément exploitables.

 

23. Procès-verbal de la réunion tenue au Secrétariat général permanent de la Défense nationale le 12 septembre 1952 pour l’étude du programme général de construction ou d’aménagements d’hôpitaux pour les armées américaines en France, SHD, Vincennes, fonds MCLAAA, versement 35, carton 8, p. 2 et 3. Liste des installations mises à la disposition des armées alliées, à jour au 31 décembre 1952, Rapport de synthèse de la MCLAAA, 1952, p. 17, SHD, Vincennes, fond MCLAAA, carton 1.

 

24. Rapport d’expertise patrimoniale « Risque 10, estimation préalable codifiée, 4e trimestre 1969 », dossier Ny 73/300.238, réalisé par la Cabinet Roux (Société générale d’expertise, Paris), 42-44 rue Saint-Dizier à Nancy, aux 3e et 4e trimestres 1969, 147 p. et annexes, Archives de l’Hôpital Jeanne d’Arc.

 

25. Registres des délibérations de la Commission administrative du CHR de Nancy, 1964-1968 et 1968-1972, conservés à la Direction générale.

-         pour le premier, les séances des 20 juin 1966, p. 328-336 (première page de la séance, dernière page où il est question de Jeanne d’Arc), 1er février 1967 (p. 456-462), 8 février (p. 481-482), 5 juin (p. 492-496), 23 juin (p. 528-529), 30 octobre (p. 535-536), 26 février 1968 (p. 606-611), 30 mars (p. 627-635), 27 mai (p. 666-684) et 8 juillet 1968 (p. 687-693).

-         pour le second, les séances des 14 février 1969 (p. 1-21), 6 juin (p. 50-56), 6 septembre (p. 80-91), 10 novembre (p. 100-118), 23 décembre (p. 130-136), 18 mars 1970 (p. 139-150), 29 mai (p. 166-176), 5 novembre (p. 208-220) et 22 décembre (p. 224-229). 

 

26. Document sur les entreprises construisant les hôpitaux américains, 1952-1957, sans date, SHD, Vincennes, fonds MCLAAA, versement 35, carton 10.

 

27. Investissements américains en France dans les hôpitaux d’après un récapitulatif général, dans : HQ US Army Communications Zone Europe, FRELOC after Action Report, 1966-1967, p. 45-51, US Army Center for military History, Washington DC, USA.

 

28. Les unités US occupant les installations sanitaires de Dommartin-les-Toul en 1965, Rapport mensuel de l’officier de liaison français à Nancy, septembre 1965, SHD, fonds MCLAAA, versement 34, carton 4.

Toul American High School, site Internet : toulhigh.org/history, consulté le 17 janvier 2007.

 

29. Prix estimé d’installations américaines vendues au gouvernement français (offre française initiale et prix accepté), HQ US european Command, FRELOC Final Report, 1967, US Army Center for military History, Washington DC, USA.

 

30. Le CHR dispose d’un délai de 90 jours pour régler l’achat en dollars, ce qui posera un problème avec le ministère des Affaires sociales car l’hôpital ne lui appartient pas encore. La somme versée, vu le taux de change du moment, est celle indiquée dans notre texte et non celle du contrat qui était de 2.309.353 F. Cela était prévu par le contrat.

 

31. Au delà d’un montant de 15.000 F ou d’une durée de réparation excédant 30 minutes, les réparations sont prises en compte par les services spécialisés des dépôts voisins, Forêt de Haye ou Croix-de-Metz pour Jeanne d’Arc. Rapport du Professeur Gosserez suite à la première visite effectuée par le CHR au début de l’année 1967. Archives de l’Hôpital Jeanne d’Arc.

 

32. Legras B., Les professeurs de la Faculté de médecine de Nancy 1872-2005 Ceux qui nous ont quittés, Nancy, Imprimerie Bialec, 2006, 472 p., passim.

 

33. Annales médicales de Nancy, numéro spécial CMC 1972, p. 19-22 et 96-102. 

 

34. Larcan A. et Legras B. (sous la direction de), Evolution des activités hospitalo-universitaires 1975-2005, Comité historique du CHU de Nancy, CHU éditeur, 2006, p. 15-16 (cardiologie), 65-67 (nutrition, diabète, obésité, maladies métaboliques), 87 (psychiatrie et psychologie clinique), 136 (chirurgie orthopédique et traumatologique), 199 (bactériologie), 213 (radiologie) et 269 (cardiologie pédiatrique).

 

35. Vuillemin-Pernot C. et Vuillemin C. L’Hôpital central de 1883 à 1983, Centre hospitalier régional de Nancy éditeur, Art graphique Imprimerie, Nancy, 1983, 306 p., ici p. 255, 276 et 259.

 

36. L’hôpital Jeanne d’Arc, Centre hospitalier régional de Nancy, Editions Héral, s.l., 1982, n.p., avec plan d’occupation et d’emploi des locaux.

 

37. Livret d’accueil de l’Hôpital Jeanne d’Arc, CHU de Nancy éditeur, 2006, 24 p. et plan de l’hôpital et disposition des services mis à disposition des malades et visiteurs, CHU de Nancy, 2006.

 

Les auteurs remercient particulièrement :

-          Mme Chantal Vuillemin, responsable du service de documentation du CHR pour leur avoir si gentiment permis la consultation des registres des compte-rendus des séances de la Commission administrative et favorisé l’accès aux Services techniques où sont conservés les plans américains de l’hôpital.

-          M. Daniel Kieffer, directeur de l’Hôpital Jeanne d’Arc, et Mme Marilyn Adam, secrétaire de direction, pour leur avoir permis la consultation des archives relatives à l’acquisition et aux travaux d’aménagement de l’hôpital entre 1967 et 1974.

-          Les membres du bureau d’études des Services techniques du CHR pour leur accueil constamment aimable et dévoué, la mise à disposition de l’ensemble des plans et la réalisation de photocopies, ainsi que M. Jean-François Amoroso, responsable du Service technique de l’Hôpital Jeanne-d’Arc.         

-          M. Olivier Pottier, agrégé de l’Université et docteur en histoire de l’Université de Reims-Champagne-Ardennes pour les renseignements très précieux qu’il leur a très aimablement communiqués et qui sont référencés sous les numéros 15, 16, 18, 20, 21, 23, 26, 27, 28 et 29 de la bibliographie.