1925-1978
Texte écrit par le professeur Simone GILGENKRANTZ
Au cours
de l’année universitaire 1956-1957, une jeune scientifique venant des
Etats-Unis, Evelyn Rivera, arrive à Nancy pour se former à la cytologie dans le
laboratoire d’anatomie pathologique du Professeur Florentin. Pendant son
séjour, elle tient son journal, qu’elle confie avant sa mort à ses amis en
souvenir de cette année qui fut pour elle mémorable. Elle y décrit par le menu sa vie en Lorraine,
à Nancy, au Centre Alexis Vautrin.
Un
personnage s’en dégage, son parrain en quelque sorte, qui l’a prise en charge
dès son arrivée. Il la présente à sa famille qui l’accueille chaleureusement
pendant plusieurs mois. Il s’agit de Bernard Pierson qui, dès l’obtention de sa
bourse, l’a accompagnée dans toutes ses démarches et envers lequel elle gardera
toute sa vie une profonde reconnaissance.
Jusqu’à
présent (octobre 2016), Bernard Pierson n’a pas été évoqué sur le site des professeurs. Il
semble donc que le temps est venu, à présent, de retracer sa carrière au Centre
anticancéreux de Lorraine et au laboratoire d’anatomie pathologique de la
Faculté de Médecine, car il fut un éminent biologiste, un pionnier dans le
diagnostic cytologique des cancers du poumon. Pour ceux qui l’ont connu, il
était aussi un homme discret, malicieux, attentif et généreux.
Après des
études secondaires à l’Ecole Saint-Sigisbert, et l’obtention du baccalauréat en
juin 1943, Bernard Pierson, s’oriente vers la médecine et très tôt s’intéresse
à la biologie.
En 1947,
au moment de la création d’un centre universitaire à Homburg en Sarre, il
participe à l’enseignement avec Maurice Lamarche, Paul Gille, Raymond Yochum,
entre autres, sous la direction de professeurs de la faculté de médecine de
Nancy parmi lesquels Antoine Beau, Etienne Legait, Jean Girard et Jacques
Simonin.
La
vitalité de cette collaboration perdurera à travers les décennies ultérieures
avec le groupe de travail Sarre- Lorraine – Luxembourg qui continue à se réunir
chaque année.
Membre de
l’union corporative des Etudiants et Anciens Etudiants en Médecine de Nancy, il
en devient secrétaire général en 1947. Il relance à cette occasion le « Spéculum ».
Il publie dans ce bulletin des écrits satiriques comme « le Gai
Savoir » qui avait donné lieu à une représentation au GEC (Groupement des
étudiants catholiques) en 1949, devant les étudiants et le corps
professoral d’abord inquiet puis amusé par l’humour et la malice dépourvue
d’agressivité du spectacle.
Au GEC,
il se lira d’une amitié profonde avec le Père Pierre Brandicourt, aumônier de
la prison Charles III, et célèbre pour son théâtre de « marionnettes sacrées ».
Mais
Bernard Pierson est aussi un grand travailleur.
En 1953, il
passe sa thèse intitulée « Cyto-diagnostic précoce sur cancer broncho
pulmonaire par aspiration dirigée. »
La
cytologie et le cytodiagnostic étaient
alors en plein développement, à la suite des travaux de Georges Nicholas Papanicolaou, le père de la
cytologie, qui avait mis au point le cytodiagnostic des cancers du col utérin à
partir de frottis vaginaux, (le test Pap).
Dès 1947, au centre anticancéreux de Lorraine, sous
la direction du professeur Florentin, Bernard Pierson étudie :
- d’une part les tumeurs de façon extemporanée au
cours d’interventions chirurgicales, en particulier du cerveau et de la moelle
épinière,
- d’autre part les cellules provenant d’aspirations
bronchiques.
Il obtient grâce à une mise au point technique
rigoureuse des résultats diagnostiques très fiables et devient un des
pionniers du cytodiagnostic des cancers
bronchiques.
En 1954, grâce à une bourse d’études du gouvernement
américain il séjourne au Cancer Research
Institute à San Francisco. A partir de cette époque, il va établir des
liens étroits avec des chercheurs des Etats-Unis (San Francisco, New York,
Chicago).
En 1955, il publie un livre sur « Les Tumeurs
broncho pulmonaires – Diagnostic cytologique » qui sera suivi par de
nombreuses publications de renommée internationale.
Chef de travaux titulaire d’anatomie pathologique,
admissible au concours d’agrégation, section Anatomie Pathologique, il
participe à de nombreux congrès à travers le monde et devient un des premiers
membre de la société de Cytologie Clinique.
C’est à l’occasion d’un congrès qu’il découvre le
Japon. Aussitôt, il est séduit par sa culture.
Il apprend à la connaître de plus en plus au cours des voyages qui le
ramènent souvent au pays du soleil-levant. Il le fait découvrir à ses amis. A Nancy,
il fonde la société franco-japonaise et en devient le premier président. On lui
doit aussi le jumelage de villes de Nancy et de Kanazawa en 1974, puis de leurs
universités.
Sa famille ayant une villa, « la Vedette »,
à Saint-Cast sur la Côte d’Emeraude, il y adjoint une maison d’inspiration
japonaise, Keir Dozo, entourée d’azalées, et dont il a conçu les plans.
Mais la destinée est particulièrement cruelle à son
égard. En 1977, les signes cliniques qu’il observe chez lui (fatigue, toux…)
l’amènent à consulter. Ils confirment ce qu’il redoutait : l’examen
cytologique qu’il pratique lui-même révèle la forme la plus sévère de cancer
pulmonaire qu’il connaît si bien. Il luttera néanmoins jusqu’à la fin et meurt
le 11 mars 1978.
Pour l’évoquer, en épilogue, nous ajoutons ces
quelques mots du professeur André Sicard :
« La renommée de Bernard Pierson déborda nos frontières.
Ses travaux étaient peut-être mieux connus à l’étranger qu’en France et,
lorsqu’au cours de mes voyages j’ai l’occasion de parler de la cytologie, c’est
souvent son nom qui est prononcé en premier. »