Anesthésie-réanimation
par M-C. LAXENAIRE
les activités hospitalo-universitaires à Nancy (1975-2005)
L’anesthésie réanimation étant une discipline transversale, elle est impliquée de ce fait dans le fonctionnement de tous les services de l’établissement où sont pratiqués des actes sous anesthésie et où des patients nécessitent des soins intensifs ou de la réanimation chirurgicale. Jusqu’en 1974, il n’y avait que les services de chirurgie qui justifiaient la présence de personnel d’anesthésie pour assurer l’anesthésie dans les blocs opératoires et le suivi postopératoire des patients opérés, aussi bien dans les secteurs d’hospitalisation que dans les lits de soins intensifs ou réanimation. A cette époque, chaque service de chirurgie avait ses lits de réanimation et la continuité des soins y était assurée par l’équipe d’anesthésie affectée à ces services. En 30 ans, la demande anesthésique s’est progressivement accrue, en raison de la multiplication des sites, du développement d’activités médicales réalisées sous anesthésie. On a assisté à une profonde transformation de la pratique et de l’organisation de l’anesthésie et de la réanimation chirurgicale, à la médicalisation de la spécialité qui a été de plus en plus encadrée par des textes normatifs réglementaires, visant à améliorer la sécurité, très contraignants pour les praticiens et les établissements. Parallèlement, il a fallu faire face au changement dans la formation des futurs spécialistes de la discipline, aux modifications de statuts des anesthésistes réanimateurs hospitaliers et des infirmières d’anesthésie dont les compétences ont été réglementairement délimitées.
EVOLUTION DES SITES
D’ANESTHESIE-REANIMATION AU CHU
A partir de 1974, il y eut augmentation du nombre de secteurs d’anesthésie et de réanimation aboutissant en 30 ans à un doublement du nombre d’actes d’anesthésie. Cet accroissement est d’ailleurs le reflet de ce qui s’est produit sur le plan national. A Nancy, les sites anesthésiques du CHU sont dispersés dans un rayon de 15 km entre les Hôpitaux Urbains, ceux de Brabois, et l’hôpital Jeanne d’Arc, donc ils sont très consommateurs de personnel et rendent particulièrement difficile l’organisation de l’anesthésie surtout pour les urgences.
Ces sites ont été mis progressivement en place, soit par transfert de services chirurgicaux et d’équipe d’anesthésie correspondante, soit par création de nouveaux secteurs :
· En 1974 : ouverture de l’Hôpital de Brabois adultes, par transfert de certains services de chirurgie des Hôpitaux Urbains (chirurgie cardiovasculaire, urologique, digestive) et dédoublement des services d’ORL, d’ophtalmologie, de radiologie. Puis en 1984, transfert de la chirurgie pédiatrique de Central à l’Hôpital d’Enfants de Brabois. Chacun de ces services accueillant des urgences justifiait une astreinte anesthésique spécifique.
· Création de 2 secteurs de réanimation chirurgicale polyvalente, géographiquement distincts des services de chirurgie et placés sous la responsabilité de l’anesthésie réanimation : en 1974 pour l’Hôpital de Brabois (14 lits) et en 1990 pour l’Hôpital Central (12 lits par regroupement des lits de réanimation des services intitulés à l’époque : chirurgie B et E). Dés leur création, ces secteurs ont fonctionné avec une équipe spécifique d’anesthésistes réanimateurs et la continuité des soins a été assurée par une garde médicale sur place.
· Individualisation de 3 secteurs de réanimation chirurgicale spécialisés (neurochirurgie adultes et enfants, chirurgie cardiaque et chirurgie pédiatrique) et de 2 secteurs de soins intensifs chirurgicaux (chirurgie digestive à Brabois et chirurgie générale et urgence à Central) Bien que dépendant des services de chirurgie concernée, leur fonctionnement médical en est assuré par les anesthésistes affectés dans ces services et la continuité des soins est organisée sous forme d’une garde sur place (neurochirurgie, chirurgie cardiaque et pédiatrique) ou d’une astreinte.
· Elargissement de la demande anesthésique aux services non chirurgicaux pour la réalisation d’actes diagnostiques ou thérapeutiques. Ce fut d’abord en 1976 pour la neuroradiologie interventionnelle (première équipe française à s’être ainsi structurée pour permettre l’essor de ces techniques interventionnelles intracrâniennes avant-gardistes – responsable : Dr. Mireille HUMMER, PHAR), puis pour la radiologie vasculaire, dentisterie, endoscopie digestive, laser bronchique, lithotripsie, orthogénie, sismothérapie, cardioversion, pose de pace maker... autant de demandes et de sites anesthésiques dispersés. En 1990, la part de cette activité anesthésique hors bloc chirurgical, représentait 35% de l’activité anesthésique globale des Hôpitaux Urbains. A la suite de fermeture de sites ou de déplacement vers Brabois ou la Maternité Régionale (orthogénie), cette part d’anesthésie hors bloc n’est plus que de 10% à Central (correspondant à la neuroradiologie et l’IRM), alors qu’à Brabois elle est de 20% (endoscopie digestive et radio).
· En 1984, à la suite de la création du Service d’Accueil des Urgences du CHU à Central, la salle de déchocage a été prise en charge par l’équipe d’anesthésie de Central, médecins et infirmières, créant un site d’activité supplémentaire, avec une permanence de soins.
· En 1991, prise en charge de l’organisation de l’anesthésie à la Maternité Régionale de Nancy par le service d’anesthésie réanimation des Hôpitaux Urbains (responsable : Dr. Françoise BAYOUMEU, PHAR). Une partie du temps hospitalier du PU-PH Chef de Service a été consacré à la Maternité (par un avenant à la Convention de structure entre le CHU et la Maternité. Il s’agit d’un site d’activité supplémentaire pour le Chef de Service, ce qui a permis d’élargir les terrains de stages formateurs pour les étudiants de la spécialité et favoriser les recrutements de médecins et infirmières d’anesthésie pour cet établissement.
En 1974, tous les sites d’activités de l’anesthésie du CHU (Brabois, Hôpitaux Urbains, Jeanne d’Arc) et la réanimation chirurgicale de Brabois constituaient un seul service d’anesthésie réanimation, appelé à l’époque « département d’anesthésie réanimation » dont le chef de service était le Pr. Jean-Marie PICARD, assistée du Pr. Marie-Claire LAXENAIRE.
En 1978, ce département a été scindé en 2 services : Hôpitaux de Brabois et Hôpitaux Urbains auquel a été rattaché l’Hôpital Jeanne d’Arc à Dommartin-les-Toul. Le chef de service des Hôpitaux de Brabois a été le Pr. Jean-Marie PICARD jusqu’en 1984 (retraite anticipée), puis le Dr. Jacqueline HELMER (MCU-PH) comme intérimaire jusqu’en 1987, puis le Pr. Jean-Pierre HABERER de 1987 à 1993 (mutation à Paris), puis le Pr. Claude MEISTELMAN depuis 1994. Quant au service des Hôpitaux Urbains et J d’Arc, la chefferie a été assurée par le Pr. Marie-Claire LAXENAIRE de 1978 à 2002 (départ en retraite), à laquelle a succédé le Pr. Paul Michel MERTES.
Les sites d’activité actuels des anesthésistes réanimateurs, sur l’ensemble du CHU, se repartissent de la manière suivante : 28 secteurs d’anesthésie dans 3 hôpitaux distants de 20km, comportant 63 salles où sont pratiquées quotidiennement des anesthésies, 13 salles de surveillance post interventionnelle (SSPI) correspondant à 72 postes de réveil, 4 consultations d’anesthésie fonctionnant toute la journée et tous les jours ouvrés, 5 réanimations chirurgicales et 2 secteurs de soins intensifs chirurgicaux, une salle de déchocage. La continuité des soins y est assurée par 9 gardes sur place de médecins anesthésistes réanimateurs (ou d’internes jugés compétents en réanimation), et 14 listes d’astreinte de médecins anesthésistes auxquels doivent être ajoutées les listes d’astreinte des infirmières d’anesthésie pour les urgences et la surveillance en salle de réveil.
En 2004, les actes générés dans les secteurs d’anesthésie ont été : 25000 consultations par an, 20000 anesthésies dans les Hôpitaux Urbains et 17000 dans les Hôpitaux de Brabois. Il y a 30% des anesthésies qui s’effectuent en urgence dans les Hôpitaux Urbains, 25% pour l’Hôpital d’enfants et 10% pour Brabois adultes. En fin d’intervention, tous les patients séjournent quelques heures en salle de surveillance post interventionnelle (SSPI), sauf ceux qui sont directement transférés en réanimation ; l’autorisation de sortie de SSPI est obligatoirement donnée par le médecin anesthésiste.
Dans les années 1980, la consultation pré anesthésique à distance de l’intervention, faite par un médecin anesthésiste, n’était pas instaurée. Chaque patient subissait la veille de l’anesthésie un bilan systématique prescrit par l’infirmière à l’arrivée dans le service de chirurgie, sans avoir été examiné par un médecin anesthésiste, et quelque soit l’intervention et l’âge du patient (ECG, radio pulmonaire, groupe sanguin, NF, coagulation, électrolytes, examen d’urine..) et dont les résultats arrivaient souvent trop tard !!! Les patients n’étaient jamais informés sur la technique d’anesthésie proposée ni sur ses risques, et leur consentement n’était jamais sollicité...Quant au nombre annuel d’anesthésies, bien que non régulièrement relevé par manque d’informatisation hospitalière, il avoisinait probablement les 25 000 par an. Dans les secteurs non encore équipés de salle de réveil, les patients se réveillaient dans leur lit d’hospitalisation sans surveillance rapprochée ou dans les lits étiquetés « réanimation » dont disposaient certains services chirurgicaux.
EVOLUTION DU PERSONNEL MEDICAL
HOSPITALIER ET DES INTERNES DE SPECIALITE
En 1974, au CHU de Nancy, il y avait à peine une quinzaine de médecins titulaires spécialisés en anesthésie réanimation et une dizaine d’infirmières aide anesthésistes. Pour répondre à la demande anesthésique, on faisait appel aux étudiants de la spécialité (CES). A cette époque, le CES d’anesthésie se passait après 3 ans de formation. On acceptait 20 à 25 étudiants par an, ce qui correspondait à 60 à 70 étudiants, toutes années confondues, présents en permanence dans le CHU (aucun n’était affecté dans les hôpitaux périphériques) pour assurer les activités réglées, les urgences et les gardes. Malgré cet important apport, chaque salle d’anesthésie n’était pas pourvue d’un médecin, ou d’un CES, ou d’une infirmière. Il était courant qu’un médecin assure l’anesthésie de 2, 3, voire 4 patients simultanément, dans un même bloc...il n’y avait pas de surveillance permanente de tous les patients anesthésiés et la sécurité était loin d’être assurée. Cela était d’autant plus inconscient qu’à l’époque, chaque salle n’était pas équipée d’un respirateur d’anesthésie, ni de matériel de monitorage respiratoire et hémodynamique.
Cette pratique était cependant courante dans tous les établissements de santé français, publiques et privés. Cela était lié à la demande anesthésique croissante, au fait que l’anesthésie n’avait été reconnue spécialité médicale que vers 1952, que le département d’anesthésie de Nancy n’avait été individualisé que depuis 1966 et qu’auparavant très peu de médecins choisissaient de se spécialiser dans cette discipline, souvent assimilée à des soins infirmiers sous la dépendance des chirurgiens. Il y avait donc un très important déficit en médecins anesthésistes. Ce déficit a été progressivement comblé au niveau de notre établissement, en rendant plus attractif la discipline, en la hissant au rang de spécialité médicale indépendante au même titre que toutes les autres spécialités médicales ou chirurgicales, en encadrant étroitement les étudiants du CES, en leur offrant des stages rémunérés lorsqu’ils étaient thésés (faisant fonction d’adjoint du cadre hospitalier temporaire), et en faisant régulièrement créer des postes pour assurer un recrutement annuel constant de jeunes spécialistes diplômés.
Evolution du statut des médecins anesthésistes réanimateurs mono appartenants
Depuis 1960, les médecins anesthésistes avaient, dans les CHU, un statut qui leur était propre, intitulé : « Cadre Hospitalier Temporaire » (CHT). Ils étaient adjoints temporaires pendant 8 ans maximum, puis permanents après un concours local. Le CHT a duré jusqu’en 1980, puis a été remplacé par le CHAR (cadre hospitalier d’anesthésie réanimation) : assistant temporaire pendant 2 ans maximum, puis permanent après concours local permettant de devenir 2ème grade puis 1er grade suivant les titres et travaux. En 1984, le statut particulier des anesthésistes de CHU disparaît pour être confondu avec celui de toutes les autres disciplines, que ce soit pour les CHU ou les hôpitaux généraux, et devenir « Praticien Hospitalier » (PHAR : praticien hospitalier d’anesthésie réanimation) Tous les CHAR de 1er et 2ème grades ont été intégrés comme PHAR, en tenant compte de leur degré d’ancienneté, et sont restés au CHU. Les assistants du CHAR qui étaient temporaires ont du passer un concours national d’intégration. Ils n’ont pas tous été intégrés au CHU, certains choisissant de s’installer dans les hôpitaux généraux.
C’est ainsi que dans notre établissement, entre 1974 et 1984, grâce au statut propre de l’anesthésie réanimation, nous avions pu obtenir la création annuelle d’environ 5 postes de CHT puis CHAR (soit 50 postes de médecins anesthésistes en 10 ans) Ces créations se sont inévitablement ralenties lorsque le statut de PH a été institué et que la majorité des services hospitaliers ont demandé aussi des postes de médecins permanents temps pleins. Malgré les justifications d’activités nouvelles (consultations, réanimations, gardes, prise en charge de la douleur...) et les nouveaux aménagements du temps de travail, il n’y a eu en 20 ans (1984-2004) que 20 postes créés pour les 2 services d’anesthésie.
L’effectif actuel de mono appartenants PHAR est de 80 postes budgétés, ce qui, associé aux postes bi appartenants (PU-PH, MCU-PH, ACC) serait suffisant pour répondre à la demande s’ils étaient tous remplis. Or, 4 postes correspondent à des détachements hors CHU, et 12 sont inoccupés par faute de concurrents. Il s’agit de la conséquence directe du changement dans la formation des spécialistes, en 1984, avec la mise en place de l’internat qualifiant aboutissant en 4 ans au DES ( diplôme d’études supérieures) et depuis 2003 en 5ans pour le DESAR ( diplôme d’études supérieures d’anesthésie réanimation). Le nombre de postes d’internes en anesthésie réanimation a été réduit par 3, comparé au nombre d’étudiants du CES. Le nombre moyen annuel d’anesthésistes réanimateurs formés à Nancy depuis 1989 (date de sortie de la 1ère promotion de DESAR) est de 6,5 alors qu’entre 1973 et 1989, sous le régime des CES, il était de 15,7. La crise démographique annoncée depuis 10 ans par la discipline est donc inévitablement en train de s’installer. La parade, si on veut continuer à répondre aux demandes d’anesthésie, est de regrouper les sites afin d’optimiser le travail d’équipe et réduire le nombre de gardes et astreinte. C’est l’enjeu majeur des années à venir.
Evolution des personnels hospitalo-universitaires
La discipline a été longtemps représentée sur le plan universitaire par 2 professeurs (PU-PH) : Pr. Jean-Marie PICARD et Pr. Marie-Claire LAXENAIRE, 2 maîtres de conférence des universités (MCU-PH) : Dr. Jacqueline HELMER et Dr. Gérard AUDIBERT, et un assistant chef de clinique (ACC). Au cours des années, les charges d’enseignement se sont multipliées, tant au niveau du 2ème qu’au 3ème cycle des études médicales, qu’à la Faculté dentaire, aux écoles paramédicales (IDE, école d’infirmières d’anesthésie), école de sages-femmes...De plus, dès 1974, nous avons mis en place des cycles réguliers de formation continue des anesthésistes réanimateurs de la région lorraine dans le cadre de l’Institut Lorrain d’Anesthésie Réanimation (ILAR, créé en 1974), sous forme de séminaires et stages techniques de formation aux anesthésies locorégionales, à l’intubation difficile, aux gestes d’urgence...Toute cette activité d’enseignement a justifié des demandes supplémentaires de postes bi appartenants . Ont ainsi été créés 2 postes de PU-PH : Pr. Dan LONGROIS en 1997 et Pr. Hervé BOUAZIZ en 2001 et un poste d’ACC pour la Maternité Régionale en 1994. De plus, nous avons fait transformer 5 postes de PHAR non pourvus par des titulaires en 5 postes d’ACC. L’effectif hospitalo-universitaire actuel est donc de 4 PU PH, 2 MCU PH, 7 ACC.
EVOLUTION DU STATUT ET DES
COMPETENCES DES INFIRMIERES D’ANESTHESIE
On ne peut évoquer l’évolution de la discipline sans parler de l’évolution des infirmières d’anesthésie car elles sont partie intégrante de l’équipe d’anesthésie. Elles ont participé activement à la profonde mutation survenue au cours des dernières années dans la pratique et l’organisation de l’anesthésie et dans l’amélioration de la sécurité anesthésique.
Depuis 1962, les infirmières portaient le titre d’infirmière aide anesthésiste, après avoir suivi une formation de 12 mois, étendue à 2 ans par la suite. Mais la formation par une école professionnelle n’était pas obligatoire. Or, jusque dans les années 80, il était courant que l’infirmière aide anesthésiste donne des anesthésies générales et locorégionales seule, sous la responsabilité du chirurgien. Elle effectuait les prémédications, décidait des techniques anesthésiques et les appliquait seule, et prescrivait les soins post anesthésiques. Le décret du 30 août 1988 a rendu obligatoire la formation des infirmières à la pratique de l’anesthésie dans une école spécialisée. Dans notre établissement, cette école avait déjà été créée par le Pr. JM PICARD et il en assumait la direction scientifique. Les infirmières diplômées se sont alors appelées infirmières spécialisées en anesthésie réanimation (ISAR). A la suite du décret du 17 décembre 1991, la formation sera sanctionnée par un diplôme d’état et les ISAR vont devenir des infirmières anesthésistes diplômées d’état (IADE). Parallèlement, un diplôme de surveillant s’est structuré, enseigné dans l’école de cadre qui existe depuis 1972 dans notre établissement. Le titre de cadre remplacera celui de surveillant en 1975 puis deviendra cadre de santé à partir de 1995. Tous les cadres des 2 services d’anesthésie de notre établissement sont diplômés
Le rôle de l’IADE dans l’équipe d’anesthésie : il a été progressivement clarifié, à la suite des décrets de compétence professionnelle des infirmiers (mars 1993, actualisé en juillet 2004) et la réglementation sur la pratique de l’anesthésie et son organisation (décret du 5 décembre 1994 et arrêté du 3 octobre 1995 sur le contrôle des matériels et dispositifs médicaux). La SFAR, avait déjà fait des recommandations sur le rôle des IADE en 1995, et les avait reprécisées en 2001 (www.sfar.org), tout comme le Conseil National de l’Ordre des Médecins en 2002 (« actualisation des recommandations concernant les relations entre anesthésistes réanimateurs et autres spécialistes ou professionnels de santé »). Ces différents décrets et recommandations confirment que l’anesthésie réanimation est un acte médical qui ne peut être pratiqué que par un médecin anesthésiste réanimateur.
Ces textes ont été appliqués dans notre établissement en parfaite harmonie avec les IADE.
L’IADE n’entreprend désormais plus une anesthésie, de quelque type que ce soit, sans la présence d’un médecin anesthésiste réanimateur. Le rôle de l’IADE est d’assister le médecin anesthésiste dans la pratique de l’anesthésie et dans l’organisation plus générale de cette activité. Elle vérifie, prépare, entretien le matériel d’anesthésie, exécute certains gestes sous la direction du médecin anesthésiste, l’assiste pour l’exécution de gestes techniques qu’il effectue (induction, pose d’anesthésies locorégionales...), elle assure la surveillance du patient en cours d’anesthésie et de réveil, et participe à certaines tâches transversales telles que la matériovigilance, l’hémovigilance, l’hygiène hospitalière, la prise en charge de la douleur postopératoire... Par ailleurs, depuis 1984, les IADE de notre établissement participent à la prise en charge des urgences dans la salle de déchocage du SAU. Elles y gèrent le matériel et assistent le médecin anesthésiste de garde.
Les IADE de notre établissement s’investissent beaucoup dans la formation des élèves de l’école d’IADE. Les cadres, avec certains PHAR et ACC d’anesthésie, ont assuré en 1992-1993 la formation aux gestes d’urgence de tous les soignants du CHU. Des plateaux d’urgence ont ensuite été distribués dans tous les secteurs d’hospitalisation du CHU.
L’exercice des IADE s’est donc considérablement modifié depuis 1974, s’inscrivant en complémentarité de l’exercice des médecins anesthésistes réanimateurs, et non en substitution comme par le passé..., offrant ainsi une meilleure garantie de qualité de soins et de sécurité pour les patients.
L’effectif actuel d’IADE sur l’ensemble du CHU est de 87 IADE, encadrées par 8 cadres infirmiers et 2 cadres supérieurs de santé. Parallèlement, l’effectif d’IDE et AS, affecté aux SSPI et aux 2 réanimations chirurgicales polyvalentes est d’environ 70 et 35 respectivement. Le nombre de postes de secrétaires a également du être augmenté en raison de la création des consultations et des secteurs de réanimation : il est actuellement de 10, contre 3 en 1974.
APPLICATION DES TEXTES
NORMATIFS REGLEMENTAIRES
A partir de 1974, et plus particulièrement dans la dernière décennie, un certain nombre de circulaires, recommandations, et textes réglementaires ont été érigés, modifiant considérablement l’organisation et la pratique de l’anesthésie dans les établissements de santé. Il est vrai que l’on subissait la multiplication des demandes anesthésiques, chez des patients de plus en plus âgés et porteurs de tares, sans avoir la possibilité ni le temps de les préparer avant l’anesthésie, dans des sites dispersés, souvent mal équipés (cas des secteurs hors milieu chirurgical), sans salle de surveillance du réveil, souvent sans personnel infirmier spécifiquement formé. Une anormale morbidité et mortalité anesthésique chez les patients pourtant à faible risque avait été publiée par l’INSERM lors de l’enquête sur l’anesthésie pratiquée entre 1978 et 1980. Les complications avaient été constatées surtout à l’induction par mauvaise préparation des patients, et au réveil par ré endormissement, conséquence directe de l’absence de structure individualisée permettant une surveillance rapprochée du patient en phase de réveil.
Plusieurs circulaires sur la nécessité de disposer de salles de réveil, émanant de la Commission Nationale d’Anesthésie au Ministère de la Santé avaient pourtant déjà été diffusées dès 1974. A partir de 1988, ces circulaires ministérielles ont été reprises et complétées par la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) puis diffusées sous forme de Recommandations de bonne pratique concernant les conditions de surveillance des patients en période pré, per et post anesthésique. Dans bon nombre d’établissements qui ne voulaient pas investir en anesthésie, circulaires et recommandations, qui ne sont pas des textes réglementaires, sont longtemps restées lettre morte ... Finalement, à la suite du rapport de la SFAR sur la sécurité anesthésique demandé par le Haut Comité de la Santé Publique, l’accent a été mis sur l’insuffisance organisationnelle de l’anesthésie et son incidence directe sur la morbidité et la mortalité anesthésique. Tous ces éléments ont été à l’origine de la publication d’un texte réglementaire : le décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994 relatif « aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l’anesthésie et modifiant le code de la santé publique ». Cet important décret, attendu par toute la profession, a repris intégralement le contenu des circulaires et des recommandations de la SFAR. Il a imposé : une consultation préanesthésique chez tout patient devant subir un acte programmé sous anesthésie, faite par un médecin anesthésiste et à distance de l’anesthésie ; une programmation des tableaux opératoires par un conseil de bloc ; une salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI, nouvelle dénomination de la salle de réveil) et a précisé le matériel de surveillance obligatoire pour assurer la sécurité du patient en cours d’anesthésie et en SSPI, ainsi que la qualification du personnel en salle d’anesthésie et en SSPI. Par ailleurs, le décret a imposé une traçabilité des actions entreprises : constitution d’un dossier d’anesthésie avec compte-rendu de la consultation préanesthésique, résultats des examens complémentaires, feuille de surveillance de l’anesthésie et du réveil. L’arrêté d’application du 3 octobre 1995 concernant le matériel de surveillance préconisé, a imposé une maintenance de celui-ci et un contrôle de son bon fonctionnement avant son utilisation pour chaque malade, ainsi qu’un contrôle des installations en fluides et alimentation électrique ainsi que les moyens de suppléance.
Décret et arrêté étant des textes réglementaires, il y a obligation de les appliquer au risque de ne plus avoir l’autorisation d’exercer l’anesthésie pour les établissements récalcitrants et d’être condamnés par la justice en cas de préjudice. Le non-respect de ce règlement constitue en effet une infraction voire un délit.
La consultation préanesthésique devait être mise en place dès la parution du décret (déc. 1994) alors qu’un délai de 3 ans (déc. 1997) avait été fixé pour la création des SSPI, l’achat du matériel de surveillance et l’organisation du personnel infirmier de surveillance.
Notre établissement n’a pas attendu la publication du décret pour doter l’anesthésie de moyens permettant d’améliorer la sécurité, en particulier des SSPI et le matériel de surveillance en salles d’anesthésie. En effet, dès la sortie de la première circulaire sur les salles de réveil (1974), dans toute nouvelle construction où de l’anesthésie était prévue (chirurgie, radio, endoscopie...) un emplacement était réservé pour surveiller le réveil : à l’hôpital d’adultes à Brabois en 1974, dans les services de neurochirurgie et de neuroradiologie en 1976, dans le centre d’orthogénie à Maringer en 1978, à l’hôpital d’enfants en 1984, alors que tous les autres secteurs d’anesthésie déjà existants étaient progressivement dotés d’un secteur de réveil. Avant la parution du décret on peut dire qu’il y avait partout des secteurs de réveil, mais l’équipement et le personnel étaient en dessous des normes fixées par le décret. Cette sous-dotation a été corrigée depuis.
Quant à l’équipement des salles d’intervention, à la suite des recommandations de la SFAR, elles ont toutes été dotées progressivement de monitoring hémodynamique et d’oxymètres de pouls, et le parc des respirateurs d’anesthésie a été modernisé à partir de 1983 grâce à des budgets spéciaux reconductibles jusqu’en 1986 (action de la Commission du Matériel : responsable Dr. Joseph BORGO, PHAR). De sorte qu’à la publication du décret, mis à part des capnométres et des curamètres, tous les secteurs d’anesthésie étaient équipés ou en voie de l’être.
Les consultations d’anesthésie ont également été mises en place très tôt, à la suite des recommandations de la SFAR, au niveau des Hôpitaux Urbains : en 1978 pour le service d’orthogénie à Maringer, en 1989 pour le service de neurochirurgie à l’Hôpital St Julien, en 1990 pour le service de chirurgie de la main à l’Hôpital Jeanne d’Arc, en 1991 à l’Hôpital Central, dans un seul bâtiment, pour tous les services de Central (chirurgie, endoscopie de Médecine H et radiologie) Donc les consultations étaient structurées et fonctionnelles dans les Hôpitaux Urbains plusieurs années avant la sortie du décret. La fermeture du site anesthésique de St Julien en 1999, à la suite du transfert du bâtiment neurologique sur le site de Central, a permis de regrouper les consultations de neuroanesthésie avec celles des autres patients de l’Hôpital Central. Il y a donc actuellement pour l’ensemble du CHU quatre consultations d’anesthésie : 2 pour les Hôpitaux Urbains (à Central et à Jeanne d’Arc), 2 pour les Hôpitaux de Brabois (Hôpital d’adultes et Hôpital d’enfants).
En 1998, à la suite d’une directive ministérielle nationale, l’ARH et la DRASS de Lorraine, avec l’assistance technique de l’Institut Lorrain d’Anesthésie Réanimation, ont fait une inspection de vérification de conformité des sites anesthésiques de la région lorraine, par rapport aux dispositions du décret et de son arrêté. Notre établissement a été considéré conforme à la législation, sauf pour la dispersion des sites et le fonctionnement de certaines SSPI. Des correctifs ont été apportés depuis, sauf en ce qui concerne la dispersion des sites...
A partir de 1990, au niveau des Hôpitaux Urbains, l’organisation de l’anesthésie a fait l’objet de règlements intérieurs de fonctionnement, tant pour les consultations que pour les activités des anesthésistes dans tous les blocs opératoires et les secteurs d’hospitalisation. Ainsi, dans ces secteurs, ont été précisément fixés les rôles respectifs et les responsabilités des différents acteurs de soins, en fonction de leur compétence. Ces règlements, validés par les chirurgiens, ont été portés à la connaissance de tous, et regroupés avec les divers protocoles d’anesthésie réanimation.
Traçabilité de l’anesthésie : le dossier d’anesthésie : un embryon de dossier avait été mis en place dès 1978 par le Pr. Jean-Marie PICARD et le Dr. Pierre CHOFFAT (1er grade du CHAR), grâce à la collaboration technique du service d’informatique médicale de la Faculté de Médecine (Pr. Jean MARTIN). Il s’agissait d’une simple feuille de recueil des paramètres de l’anesthésie qui devait être remplie par chaque anesthésiste et dont les données étaient saisies par informatique à la Faculté pour fournir des rapports d’activité. Cette initiative était très novatrice en anesthésie et aucun établissement français de santé, aussi bien publique que privé, ne disposait à l’époque de dossier d’anesthésie et ne répertoriait les activités de la discipline !! Aucun établissement n’était donc capable de donner le nombre d’anesthésies réalisées annuellement, ni d’évaluer les pratiques et les résultats... Il a fallu attendre l’enquête nationale de l’INSERM de 1988 pour avoir une idée précise sur la pratique de l’anesthésie en France. Dans notre établissement cependant, grâce à l’introduction de la feuille d’anesthésie et de sa saisie informatique, nous commencions à avoir une approche globale de notre activité mais elle était encore imprécise. En effet, il a fallu plusieurs années pour que les habitudes s’installent et que tous les anesthésistes remplissent une feuille (pourtant très rudimentaire) pour toute anesthésie et en toute circonstance. Cette feuille, après avoir été théoriquement saisie par l’informatique à la Faculté (saisie interrompue vers 1985), était rangée dans le dossier chirurgical et bien souvent perdue. C’est pourquoi, à partir de 1990, dans les Hôpitaux Urbains, un dossier médical anesthésique, indépendant du dossier chirurgical, a été mis en place regroupant les données de la consultation d’anesthésie, les résultats des examens complémentaires demandés pour la préparation de l’anesthésie, la feuille d’anesthésie qui avait été complètement repensée, et la feuille de surveillance du réveil. Dés 1990, tous les éléments étaient donc mis en place pour assurer la traçabilité de l’anesthésie, tout au moins au niveau des Hôpitaux Urbains. Mais pour fournir des rapports détaillés et réguliers d’activité et évaluer qualitativement et quantitativement nos pratiques, il fallait disposer d’une assistance informatique pour saisir les données anesthésiques et les exploiter. L’établissement hospitalier ne pouvant fournir ce support informatique, nous avons pris contact en 1991 avec le Laboratoire d’Informatique Médicale de la Faculté de Médecine (Pr. Bernard LEGRAS, Dr. Luc FELDMANN) qui, à partir de janvier 1992, a saisi et exploité statistiquement les 25000 feuilles annuelles d’anesthésie des Hôpitaux Urbains. Des rapports trimestriels simplifiés d’activités étaient édités, ainsi qu’un rapport annuel complet transmis à l’Administration, fournissant des données précises sur les pratiques, les consommations , les techniques. Les événements indésirables étaient également colligés servant de base à l’amélioration de nos pratiques... Cette saisie a été poursuivie jusqu’en 1995, constituant ainsi une base de données considérables, et très utile pour la gestion d’un service. Malheureusement, le Laboratoire d’Informatique Médicale n’ayant pas le personnel suffisant pour continuer cette activité de saisie, dont ce n’était d’ailleurs pas la mission, la collaboration s’est interrompue en 1995. La saisie a alors été reprise pendant 18 mois par le Département d’Informatique Médicale du CHU qui, faute de moyens, l’a à nouveau interrompue en cours d’année 1996.... L’outil « saisie et analyse de l’activité anesthésique » n’existe donc plus depuis 1996. En 1999, l’Administration Hospitalière a enfin décidé de mettre en place un groupe de réflexion commun aux deux services d’anesthésie (cordonnateur : Dr. Joseph TORRENS, PHAR) pour établir le cahier des charges d’une informatisation de l’anesthésie et de sa mise en œuvre. De très nombreuses réunions techniques se sont succédées pour fixer les données à recueillir, les modalités de la saisie (qui sera faite par les anesthésistes), l’équipement informatique nécessaire dans les divers sites d’anesthésie... En 2004 la saisie des feuilles d’anesthésie a enfin pu commencer dans les 2 services d’anesthésie, soit 30 ans après la conception de ce projet et plusieurs réalisations ponctuelles... L’exploitation de ces dossiers va pourra se faire rapidement, ce qui permettra enfin de connaître les activités réelles de l’anesthésie réanimation de notre CHU, d’en évaluer ses résultats donc sa qualité, et d’optimiser au quotidien la gestion des deux services.
D’autres textes réglementaires ont influé sur l’activité des anesthésistes réanimateurs, et l’organisation des soins, en particulier :
· Lutte contre la douleur (article L.710 de la loi n° 95-116 du 4
février 1995) : les anesthésistes n’ont pas attendu 1995 pour prendre
en charge la douleur aiguë postopératoire. En effet, à Nancy, dans le milieu
des années 80, dans les services de chirurgie ORL, maxillo-faciale et
thoracique des Hôpitaux Urbains, à la suite de plaintes d’insatisfaction de
patients et d’enquêtes d’évaluation de pratiques, des protocoles de prise en
charge de la douleur postopératoire ont été proposés et les premières pompes
d’auto analgésie à la morphine ont été utilisées (acquisition de 4 pompes). Il
s’agissait d’une technique très innovante mais le matériel n’était pas aussi
sécurisé que maintenant et le personnel médical et paramédical pas formé à son
utilisation et à sa surveillance. En 1994, après le transfert du service d’orthopédie de Brabois à Central,
une nouvelle évaluation de satisfaction des patients a révélé que 40% d’entre
eux avaient eu des douleurs postopératoires très intenses et étaient mécontents
des soins postopératoires. Les
protocoles d’analgésie ont été refaits sous forme de fiches, incluant les
seringues à PCA (« patient controlled analgesia ») et la péridurale
analgésique; des séances de formation ont été dispensées à tout personnel
soignant et aux anesthésistes entre 1995
et 1996. Malgré cela, début 1997, une nouvelle enquête de satisfaction
réalisée auprès des patients opérés dans les services de chirurgie de
Central, de Jeanne d’Arc et de la Maternité Régionale, a montré la faiblesse
des résultats avec des scores de douleur postopératoire toujours trop élevés.
C’est pourquoi, en 1998, pour parfaire les résultats, nous avons proposé
à la CME, avec l’accord des chefs de service de chirurgie concernés, dans le
cadre des Contrats d’Assurance Qualité (CAQ) la « mise en place
d’un programme d’assurance qualité pour la prise en charge de la douleur
aiguë dans les services de chirurgie adulte de la fédération de l’appareil
locomoteur du CHU de Nancy ». Ce programme a été retenu et financé par
l’établissement et l’Association des chefs de Service Hospitaliers, avec
l’objectif final d’étendre à tout le CHU
la prise en charge de la douleur postopératoire qui sera proposée. Le CAQ douleur
a été lancé en juin 1998 avec le soutien méthodologique du Service
d’Epidémiologie et d’Evaluation Clinique du CHU (Pr. BRIANCON). Le CAQ a été
piloté par le service d’anesthésie des Hôpitaux Urbains. Le chef de projet a
été le Dr. Claudine CORNET, PH d’anesthésie réanimation qui depuis 1985, s’est
toujours considérablement investie dans le traitement de la douleur. Sans son
opiniâtreté, ce CAQ douleur aurait échoué. Il a en effet impliqué pendant 3 ans
plusieurs groupes de travail multidisciplinaires et multiprofessionnels issus
de 8 services de Central et Jeanne d’Arc et s’est achevé en 2001. Les
groupes ont mis en évidence de multiples dysfonctionnements dans la chaîne des
soins postopératoires et ensemble ils ont élaboré les actions à entreprendre pour
améliorer le confort des malades. Il a ainsi été décidé : d’aménager une
ligne sur le diagramme de surveillance des patients hospitalisés pour y noter
régulièrement les scores de douleur, créer un classeur regroupant les fiches de
prescription d’analgésie postopératoire adaptées au patient et à
l’intervention, diffuser ce classeur dans tous les secteurs de soins, former
les soignants, constituer un maillage de « correspondants douleur »
dans chaque service de chirurgie et pratiquer régulièrement des enquêtes de
satisfaction. En octobre 2002, la
mise en place du CLUDS au niveau de l’établissement (Comité de Lutte
contre la Douleur et Soins palliatifs) a aidé à constituer ce maillage et ainsi
étendre les actions du CAQ à tout le CHU. Les effets du CAQ sont encore
modestes mais on a assisté à d’importants changements dans la mentalité des
soignants et des médecins qui prennent mieux en compte la douleur, sa
traçabilité étant désormais régulièrement colligée sur une ligne spéciale de la
feuille de soins. Les efforts futurs devront porter sur l’adaptation des
traitements aux situations cliniques et à la prise en charge des douleurs
provoquées par les soins. En 2003, le parc de seringues auto pulsées
à la morphine (PCA) est de 81 pour
tous les services de chirurgie du CHU
(42 à Central, 39 à Brabois) alors qu’il n’était que de 4 en 1990...
·
Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002
relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé :
elle a introduit un certain nombre de notions fondamentales qui nous avions
déjà mis en application en anesthésie grâce à la création des
consultations pré anesthésiques, ce qui a permis un colloque singulier avec le
patient : information sur les investigations et traitements
(technique d’anesthésie et d’analgésie entre autres) pratiqués chez les
patients et leurs risques, pouvoir apporter
la preuve de cette information en cas de litige, obligation d’obtention du consentement
libre et éclairé des patients pour tout acte médical, réflexion que tout
anesthésiste doit avoir concernant le rapport bénéfice/risque pour les
actes de soins qu’il propose aux patients. Dans notre établissement, tous ces éléments introduits dans la loi sont
notés pour chaque patient dans son dossier d’anesthésie. Une feuille
d’information sur l’anesthésie et ses risques, qui est d’ailleurs celle
recommandée par la SFAR, est donnée à chaque patient lors de la consultation
d’anesthésie. Nous avons réalisé au niveau des Hôpitaux Urbains, d’autres
feuilles d’information plus spécifique concernant l’anesthésie locorégionale et
l’anesthésie ambulatoire, pour compléter
l’information orale fournie aux patients qui vont bénéficier de ces
techniques. La loi oblige également à
déclarer les infections nosocomiales et tout événement indésirable
associé à un produit de santé (matériovigilance, hémovigilance,
pharmacovigilance). De nombreuses années avant cette loi nous avions mis en
place avec le CLIN un système de déclaration des infections nosocomiales en
anesthésie et dans les secteurs de réanimation chirurgicale dépendant
directement de l’anesthésie, ainsi que des documents pour déclarer les
événements indésirables auprès des vigilants concernés.
·
Décrets n°2002-465 et 466 du 5 avril 2002 relatif aux établissements de
santé pratiquant la réanimation, modifiant le code de santé publique : ces
décrets définissent de façon claire le pré requis dont les établissements doivent remplir pour pouvoir disposer d’une unité de
réanimation (nombre de lits, nombre de personnel et sa qualification,
matériel...). Le responsable médical doit être titulaire du DES d’anesthésie
réanimation, s’il s’agit d’une unité de réanimation chirurgicale, ce qui
délimite définitivement les fonctions et responsabilités des anesthésistes
réanimateurs vis-à-vis des chirurgiens. Dans notre établissement, les deux
unités de réanimation chirurgicale polyvalente
disposaient déjà de ce pré requis dès leur création. Concernant les
soins intensifs chirurgicaux, spécialisés ou non, une réflexion a récemment été
menée au niveau des Hôpitaux Urbains
pour regrouper les lits de soins intensifs chirurgicaux et
l’organisation médicale devra être définie afin d’y assurer une continuité des
soins.
EVOLUTION DES TECHNIQUES
ANESTHESIQUES
Début 70, on ne pratiquait que de l’anesthésie générale. L’induction IV au thiopental était relayée par l’Halothane associé aux morphiniques (beaucoup moins puissants qu’actuellement), aux curares et au protoxyde d’azote. L’éther était encore utilisé ainsi que le chlorure d’éthyle pour des gestes brefs, mais plus le chloroforme. L’intubation n’était pas systématique, ni la ventilation artificielle par un respirateur, même pour les interventions de plusieurs heures. Il est vrai que le parc de respirateurs était très restreint, composé de RPR et de quelques SF4. La ventilation était en fait majoritairement assistée au masque. Lorsque le patient était ventilé avec un respirateur d’anesthésie, c’était toujours en circuit ouvert. On ne parlait pas à cette époque de pollution de salles d’opération ni de protection des malades ni du personnel...
La neuroleptanalgésie a été en vogue jusqu’au milieu des années 80, associant des morphiniques puissants à une déconnection neurovégétative par un neuroleptique à forte dose. Elle était utilisée pour des interventions de longue durée, produisant une anesthésie plus ou moins vigile, évitant soi-disant les accoups neurovégétatifs, produisant des réveils calmes, mais souvent très longs (trop longs...) et compliqués de dépression respiratoire...à une époque où nous ne disposions pas de salle de réveil !!.La généralisation du monitorage a objectivé ces effets indésirables. Cette technique est désormais abandonnée.
De nouveaux produits anesthésiques plus sûrs et plus efficaces ont vu le jour et notre établissement a toujours accepté l’introduction de ces nouveautés en anesthésie réanimation, dans la mesure où il s’agissait de progrès et d’amélioration de sécurité pour les patients. Toutes les nouvelles techniques et les nouveaux appareils étaient d’ailleurs expérimentés dans les 2 services universitaires d’anesthésie, suivant les règles de la recherche clinique de l’époque, avant leur diffusion ou mise sur le marché. Ont ainsi été introduites en routine, au fur et à mesure de leur validation, les techniques d’anesthésie intraveineuse exclusive, qui ont momentanément pris le pas sur les anesthésies par inhalation (sauf chez l’enfant et en urgence) : Alfatésine en 1974, Diprivan en 1987 d’abord en perfusion à débit continu, puis en 1998 avec des pousses seringues assistés par ordinateur (mode AIVOC : anesthésie intraveineuse à objectif de concentration). De nouveaux morphiniques ont remplacé la Phénopéridine, le Palfium, le Dolosal des années 60-70 : Fentanyl en 1974, puis Rapifen en 1985, Ultiva en 1996, Sufenta en 1998. Ils sont de plus en plus puissants et imposent un contrôle ventilatoire constant, ce qui n’est plus un problème puisque toutes les salles d’anesthésie et les SSPI en sont équipées. Ils s’éliminent beaucoup plus rapidement que ceux du passé, surtout l’Ultiva, qui peut de ce fait être utilisé en mode AIVOC comme le Diprivan.
Quant à l’anesthésie par inhalation, elle a repris une place importante depuis l’apparition de nouveaux halogénés (Forène, Desflurane, et surtout Sévorane vers 1996), dont les effets indésirables sont de plus en plus réduits, et grâce à la généralisation des appareils de ventilation en circuit fermé (introduits à partir de 1987) avec analyseurs de la concentration d’halogénés dans les circuits. Il n’y a donc plus de pertes de vapeurs halogénées dans l’atmosphère des salles d’anesthésie, réduisant la consommation d’anesthésique (baisse des coûts de revient) et la pollution des salles.
Les techniques d’anesthésie locorégionale ont été introduites à partir de 1972 : anesthésie péridurale en chirurgie abdominale et vasculaire (service localisé à l’époque à Central), bloc axillaire transartériel et anesthésie locorégionale intraveineuse pour la chirurgie du membre supérieur à Jeanne d’Arc (1972), puis anesthésie tronculaire du pied pour les amputations des artéritiques (1975), bloc sus-claviculaire (1978), anesthésie rétro-bulbaire en ophtalmologie (effectuée par les anesthésistes à partir de 1985), anesthésie caudale chez l’enfant (1983), rachianesthésie en urologie, analgésie péridurale du travail obstétrical (1985), bloc du nerf sciatique (1992), puis divers blocs nerveux périphériques des membres pour la chirurgie orthopédique et traumatologique.
Actuellement, ces techniques d’anesthésie locorégionales sont bien implantées et parfaitement maîtrisées, représentant 37% de l’activité anesthésique des services de chirurgie orthopédique de Central, 93% de celle de chirurgie D à Jeanne d’Arc, 87% de celle d’ophtalmologie . A la Maternité Régionale, 85% des accouchements se pratiquent désormais sous analgésie péridurale (alors que cette technique de traitement de la douleur était inconnue, voire refusée par les opérateurs en 1974), et 90% des césariennes se font sous rachianesthésie (0% en 1974).
Cette transformation de la pratique anesthésique a considérablement amélioré la sécurité des patients, mais s’est traduite par une augmentation de charge de travail des anesthésistes. Il est en effet plus facile et plus rapide de mettre en place une anesthésie générale qu’une anesthésie locorégionale. Le corollaire a été la nécessité de formation des anesthésistes à toutes ces techniques, ce qui a justifié la mise en place à partir de 1996, par le service d’anesthésie des Hôpitaux Urbains, de stages biannuels de formation continue à la pratique des anesthésies locorégionales des membres (responsables : Pr. H. BOUAZIZ et Dr. Michel HECK, PHAR).
CREATION DE CONSULTATIONS
SPECIALISEES
·
Consultation
multidisciplinaire d’allergo-anesthésie :
A la suite de réactions allergiques sévères survenues dans notre établissement, au début des années 70, lors de l’induction anesthésique de plusieurs patients, une collaboration étroite s’est d’emblée instaurée avec le Pr. MONERET-VAUTRIN pour structurer une consultation médicale où les patients bénéficieront de tests diagnostiques spécifiques et de conseils pour les anesthésies futures. Une telle consultation ne pouvait fonctionner, pour être crédible, qu’avec la présence simultanée d’un spécialiste d’allergologie et d’un spécialiste d’anesthésie, chacun officiant dans son domaine de spécialité. A partir de 1974, nous avons ainsi créé dans notre CHU, 2 consultations d’allergoanesthésie : l’une dans le service d’allergologie du Pr. MONERET-VAUTRIN (avec la participation du Dr. Simone WIDMER, PHAR) et l’autre dans le service d’anesthésie réanimation des Hôpitaux Urbains (consultation réalisée conjointement par Pr. M-C. LAXENAIRE et le Dr. Claudie MOUTON-FAIVRE, allergologue attachée). A cette époque, le monde anesthésique et allergologique ignorait tout de ce type de réaction, certains allant même jusqu’à les nier... Nous avons donc été les pionnières dans ce domaine. Nos consultations étaient uniques en France et nous recevions des patients de la région Nord Est, voire de la région parisienne ou de régions plus éloignées. Rapidement nous avons pu collecter suffisamment de patients (300 environ par an dans les 2 consultations) pour initier des recherches cliniques. Nous avons ainsi travaillé intensivement sur les mécanismes de ces réactions et sur la mise au point de tests allergologiques et immunologiques diagnostiques en collaboration avec le Pr. Jean-Louis GUEANT à partir de 1985. Le mode de fonctionnement bi disciplinaire des consultations d’allergoanesthésie mises au point à Nancy a servi de modèle pour tous les CHU français et certains établissements publiques et privés, à partir de 1990. Ceci a permis de créer un réseau national de consultations spécialisées, où sont testés les patients, suivant le même protocole, intitulé GERAP (Groupe d’Etudes des Réactions Anaphylactoïdes Peranesthésiques) Ce groupe, que nous coordonnons, génère tous les 2 ans, des études épidémiologiques à partir de leurs données regroupées et qui sont publiées. C’est donc grâce à notre expérience nancéenne, que depuis 20 ans, nous avons pu initier au niveau national, au travers du GERAP, la création d’une base de données considérable (plus de 5000 patients ayant fait un choc anaphylactique lors d’une anesthésie). Cette base de données a été d’un apport essentiel dans la connaissance de cette pathologie rare mais potentiellement mortelle. Les nombreuses publications nationales et internationales que nous avons faites et continuons de faire sur le sujet, les 4 colloques internationaux réalisés à Nancy (1982, 1984, 1989, 1992) les conférences d’actualisation données régulièrement sur invitation dans tous les Congrès d’anesthésie nationaux, européens et mondiaux depuis 1985, font considérer la France et Nancy en particulier comme la référence dans le domaine. En 2000, la SFAR soutenue par l’ANAES, nous a missionné pour coordonner un groupe de travail multidisciplinaire et multi professionnel, pour rédiger des « Recommandations pour la Pratique Clinique » (RPC) sur la « prévention du risque allergique en anesthésie », à partir de toutes les connaissances publiées en la matière, en suivant strictement la méthodologie fixée par l’ANAES. Cet important travail a été finalisé en 2002, publié et diffusé sous forme d’un texte court à tous les professionnels concernés (www.sfar.org/allergiefr.html). Il sert désormais de référence nationale pour la prise en charge anesthésique des patients allergiques.
· Consultation d’hyperthermie maligne peranesthésique :
Cette consultation a été créée au début des années 80, lorsque fut décrit ce type de complication gravissime, mortelle dans la majorité des cas, survenant lors d’une anesthésie aux halogénés et après fut rapportée à une myopathie héréditaire. Antérieurement, nous avions eu à déplorer dans notre établissement et dans certains établissements de la région plusieurs morts en cours d’anesthésie restées inexpliquées, dont plusieurs dans une même famille, et qui furent attribuées par la suite à cette pathologie. D’autres cas mortels sont encore survenus par la suite et on a pu ainsi recenser une douzaine de familles porteuses de la tare en Lorraine. Le but de cette consultation était donc d’informer les familles à risque, de favoriser les études génétiques dans les fratries, de conseiller les confrères (anesthésistes, médecins, chirurgiens, obstétriciens, dentistes) pour la prise en charge anesthésique des patients survivants et des autres membres de la famille porteurs de la tare. Cette consultation « à la demande » a été mise en place en 1980 par le Dr. Ruth MOELLER, PHAR, puis par le Dr. Claudine CORNET, PHAR. La gravité de cette pathologie a considérablement diminué depuis l’utilisation thérapeutique du Dantrolène IV et l’obligation de disposer de stock dans chaque secteur d’anesthésie de tout établissement de santé (circulaires de la Direction Générale de la Santé de 1989 et 1999). Dans notre établissement, la mise en place des stocks a été fait avec la Pharmacie Centrale, leur gestion est assurée par les cadres infirmiers d’anesthésie. Les procédures de gestion et d’utilisation ont été rédigées et diffusées dans tous les secteurs anesthésiques. Parallèlement, des ateliers pratiques de simulation ont été organisés pour apprendre aux médecins, DESAR, IADE, à réagir sans perte de temps. Grâce à toutes ces mesures, nous n’avons pas déploré de décès par hyperthermie maligne depuis plusieurs années.
AUTES ACTIVITES DEVELOPPEES
DEPUIS 1974
· Participation à l’activité de greffes d’organes et de prélèvements multi organes :
Les 2 services d’anesthésie ont, dès le début du développement de cette activité à Nancy, collaboré activement avec les équipes chirurgicales (greffe de reins, de cornée, de cœur...) Des protocoles de conditionnement des patients en état de mort cérébrale ont été mis en place et appliqués dans les services de réanimation chirurgicale de Brabois (où un lit pour patient en état de mort cérébrale a été créé dès 1989), de Central, et en réanimation neurochirurgicale. La coordination médicale des greffes a été d’emblée assurée par l’équipe de réanimation chirurgicale de Brabois (Dr. Francine JACOB, PHAR).
· Changement dans les pratiques transfusionnelles :
Dans les années 70, la transfusion était largement pratiquée, même pour les interventions non hémorragiques !! Les changements d’habitude sont rapidement intervenus à la suite des transmissions virales et les nombreuses circulaires et réglementations émanant de l’Agence Française du Sang. C’est ainsi qu’à partir de 1985, les techniques d’économies transfusionnelles préconisées ont été appliquées : hémodilution normovolémique intentionnelle (que nous utilisions déjà depuis 1978 en chirurgie vasculaire et maxillo-faciale pour ses propriétés rhéologiques), autotransfusion après récupération peropératoire de sang en chirurgie hémorragique, autotransfusion différée pour la chirurgie orthopédique entre autre, complétée ou remplacée par de l’érythropoïétine (rHu-EPO EPREX). Toutes ces techniques transfusionnelles nouvelles ont nécessité des dotations en matériel spécifique, la rédaction de protocoles thérapeutiques précis et plusieurs cycles de formation des IADE et des IDE de SSPI aux techniques de récupération sanguine péri opératoire avec lavage ou après filtration sans lavage ( en 2000 et 2003).
En synthèse, l’anesthésie réanimation de 2004 n’a plus aucun rapport avec celle de 1974. Elle s’est professionnalisée, a bénéficié des considérables avancées technologiques et informatiques des 20 dernières années, autorisant l’essor de bon nombre de techniques chirurgicales et interventionnelles nouvelles. Les équipes se sont étoffées et structurées, en parfaite entente entre médecins et infirmières dont le rôle de chacun est désormais bien défini. Fait unique en médecine, la pratique et l’organisation ont été encadrées par une législation très précise, incontournable et contraignante pour tous les utilisateurs et l’administration hospitalière. Par ce biais, l’anesthésie est en fait devenue un élément restructurant pour les établissements de santé. La SFAR a pu récemment prouver que les évolutions dans les pratiques et les restructurations imposées par la législation ont amélioré la sécurité anesthésique en réduisant, durant les 25 dernières années, la mortalité anesthésique d’un facteur 10. En revanche, on ne sait encore rien sur l’évolution de la morbidité anesthésique, qui est de plus en plus à l’origine de réclamations et d’affaires judiciaires, mais notre établissement sera bientôt en mesure de l’appréhender, au niveau interne, grâce au recueil informatique des données d’anesthésie, ce qui permettra de cibler des mesures correctrices. Par ailleurs, tout devra être mis en œuvre dans un proche avenir, pour regrouper les sites, au risque d’être freiné dans l’évolution et la sécurité par la crise de la démographie médicale qui se profile.
Remerciements pour
l’aide apportée à la rédaction du
document :
·
Médecins anesthésistes
réanimateurs : F. Bayoumeu, S. Boileau, J. Borgo, C. Cornet, J. Garric, M.
Heck, J. Helmer, M. Hummer, M. Kurtz, R. Moeller, J. Torrens.
·
Cadre supérieur
d’anesthésie : P. Ollinger.
· Secrétaire : J. Perrin.