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Dermatologie

 

par J-L. SCHMUTZ et J. VADOT

 

les activités hospitalo-universitaires à Nancy (1975-2005)

 

Trois décennies, c’est le temps de passage de plusieurs générations qui se côtoient, se forment, se complètent puis se succèdent. C’est aussi l’arrivée d’investigations ou de techniques nouvelles qui, originales ou expérimentales à leur début, font par la suite partie du quotidien, voire de la routine.

Si les Hommes se sont succédés, apportant chacun leur personnalité et leur savoir, cette évolution a eu la chance de se dérouler dans un cadre unique, qui, s’il s’est modernisé au cours des ans, constitue le « temple » de la dermatologie lorraine depuis trois quarts de siècle.

L’Hôpital Fournier, inauguré en 1925, est resté pendant ces nombreuses années le lieu de formation priviligié de dermatologistes lorrains et le lien principal entre les services hospitaliers du CHU et notre discipline.

Tous ceux qui sont passés par « Fournier » ou qui y sont restés dans le cadre de leur activité se sentent issue de la même famille.

Les activités sont nombreuses tant dans le domaine des consultations que de l’investigation ou la thérapeutique. Les passer en revue pourrait relever d’un « inventaire », mais il est de notre devoir de mémoire, d’en parler, pour saluer ceux et celles qui y ont consacré leur temps et leur énergie.

 

Les maladies vénériennes, devenues MST puis aujourd’hui IST (infections sexuellement transmissibles) sont longtemps restées un motif fréquent de consultation. Mais l’apport des antibiotiques, s’il a considérablement fait diminuer les cas de syphilis ou d’urétrite, ne les a pas fait pour autant disparaître. La recrudescence actuelle s’explique par le fait qu’il s’agit d’une pathologie peut-être un peu « oubliée », tandis que l’épidémie de SIDA qui atteint le monde depuis plus d’un quart de siècle en constitue sans aucun doute un facteur de résurgence.

Cette évolution constatée il y a 20 ans a rendu moins nécessaire l’activité du « dispensaire », fermé en 1985, les consultants étant dirigés vers le secteur des « consultations ».

De même, les laboratoires du BW et du Nelson (Pr. LEKTAR et HAYON) créés grâce à la volonté du Pr. Jean BEUREY ont peu à peu  perdu leur raison d’être.

L’anatomopathologie cutanée, développée par le Pr. Adrien DUPREZ, a progressivement été absorbée, dans le cadre d’un regroupement des laboratoires. Mais son enseignement se poursuit à l’Hôpital Fournier tant reste importante la confrontation anatomo-clinique. Au Pr. Jean BEUREY, passionné d’histologie cutanée, a succédé au Pr. Jean-Luc SCHMUTZ qui a bénéficié des techniques les plus modernes de projection de coupes histologiques facilitant l’abord de cette discipline.

L’allergologie cutanée, autre volet de la dermatologie, a fait d’importants progrès depuis trente ans. Investigation « technique » à ses débuts, elle fait maintenant appel aux avancées immunologiques qui la rende de plus en plus performante et fiable. Le Dr. Jean-Marie MOUGEOLLE, pendant de très nombreuses années en a été l’animateur, participant aussi aux activités du GERDA (Groupe d’Etudes et de Recherches en Dermato-Allergologie) dont il fut longtemps le Secrétaire Général. Puis le Pr. Annick BARBAUD a développé à son tour cette section, en en faisant un centre reconnu bien au-delà de l’hexagone, tout particulièrement dans le domaine de la prise en charge des toxidermies.

Dans le domaine des investigations, il faut aussi souligner combien la mycologie développée par le Dr. Nelly CONTET AUDONNEAU a été, et est toujours, d’un apport précieux dans le diagnostic de certaines dermatoses chroniques ou rebelles. La facilité d’un examen direct effectué sur place est un élément souvent décisif, permettant avant les cultures, de redresser un diagnostic ou une thérapeutique inefficace.

La photobiologie couplée à la photo-allergologie a constitué une étape importante dans le diagnostic et la prise en charge d’un certain nombre de dermatoses déclenchées ou aggravées par le soleil, survenant de façon « essentielle » ou secondairement à la prise de médicaments ou l’utilisation de topiques.

Utilisée depuis un quart de siècle, cette technique a été mise en place dans le service par le Dr. Jacques VADOT, à la suite d’une formation à Grenoble, auprès du Pr. Pierre AMBLARD et du Dr. Jean-Claude BEANI. Assez empirique à ses débuts, elle a ensuite profité des progrès et de l’expérience de tous, avec les concours successifs des Dr. Jean-Luc SCHMUTZ, Marie-Noëlle GILLET-TERVER et plus récemment Samuel MARTIN.

L’utilisation des rayonnements ultra-violets a rapidement débordé le stade de l’investigation pour devenir un traitement à travers la photothérapie.

« Aux lits de puva » implantés par le Pr. BEUREY, se sont rapidement adjointes les « cabines », permettant l’utilisation conjointe ou séparée des UV A et des UV B. Nombreux furent les médecins du service qui ont participé à cette activité, prenant en charge des affections rebelles comme les psoriasis récidivants, les prurits essentiels ou les hématodermies débutantes.

Pendant cette même période, les traitements par laser ont constitué un apport thérapeutique pour certaines affections cutanées dont le traitement restait difficile ou inefficace.

Différents types d’appareils se sont succédés : le laser argon, commun au service de chirurgie maxillo-faciale et de dermatologie, mais implanté à l’Hôpital Fournier, a permis essentiellement la prise en charge d’angiomes ou de pathologies vasculaires, sous la conduite du Dr. Jean-Luc SCHMUTZ qui avait profité de l’expérience de nos confrères lillois.

Le laser CO², version moderne de l’électrocoagulation, a facilité le traitement de certaines tumeurs, dont les végétations vénériennes, et celui des tatouages.

Plus récemment, un laser à colorant pulsé est venu remplacer, avec des indications élargies, l’ancien laser argon.

Etape importante, parallèlement à l’efficacité du laser, la cryochirurgie, implantée dans le service depuis près de quinze ans, a permis la prise en charge d’un certain nombre de tumeurs dont les carcinomes, en particulier basocellulaires. Cette technique fut développée grâce à l’implication des Dr. Frédérique WEBER-MULLER, Sophie REICHERT-PENETRAT, Florence GRANEL BROCARD et Samuel MARTIN. Pratiquées sous anesthésie locale, ces interventions ont l’avantage de favoriser une cicatrisation satisfaisante, mais ne permettent cependant pas le contrôle histologique de la pièce opératoire.

La cancérologie cutanée, discipline à part entière de la dermatologie favorise la prise en charge et le suivi de patients non seulement atteints de carcinomes, mais aussi de mélanomes à des stades de développement divers, dont la thérapeutique associe souvent chirurgie d’exérèse et traitements médicaux complémentaires. Parallèlement, la surveillance de ces patients est régulièrement assurée.

A côté de ces techniques originales ou celles faisant intervenir des services spécialisés, la chirurgie dermatologique s’est développée depuis des années. De nombreux médecins s’y sont succédés : Bernard KREMER, Agnès EHLINGER, Samuel MARTIN et Marie-Pierre COCCIALE. Les simples techniques d’exérèse ont été complétées par celles des lambeaux et plasties limitées.

Plus simple dans sa réalisation, mais ô combien importantes dans la prise en charge des vitiligos, les greffes mélanocytaires ont été mises en place par Marie-Noëlle GILLET-TERVER puis Florence GRANEL-BROCARD.

Très importante dans l’arsenal thérapeutique et le suivi de nombreux patients dermatologiques, la section phlébologique développée depuis de très nombreuses années, a vu intervenir de nombreux médecins : Dominique BARTHELME, Jean-François CUNY, Marie-Noëlle GILLET-TERVER (capillaroscopie), Elisabeth LAVEINE et Claire PARISOT (éveinages superficiels), Florence GRANEL-BROCARD (capillaroscopie) et Ségolène FAYS-MICHEL. Parallèlement, de nombreuses infirmières assurent quotidiennement la prise en charge médicale des ulcères de jambe de toute origine, qu’ils aient bénéficié ou non d’une greffe préalable, le plus souvent effectuée sur place.

Si l’activité du service de dermatologie se déroule essentiellement à l’Hôpital Fournier, elle déborde vers des consultations satellites à l’hôpital d’adultes de Brabois ou à l’hôpital d’enfants de Brabois.

La prise en charge de la dermatologie pédiatrique a été depuis longtemps une préoccupation du service, avec la participation des Dr. Marie-Noëlle GILLET-TERVER, Sophie REICHERT-PENETRAT et Jean-François CUNY.

L’activité principale de consultations et traitements, se déroule à l’Hôpital Fournier grâce à la participation des médecins, chefs de clinique, attachés et internes du service, accueillant chaque année plus de 40 000 patients, qui sont maintenant reçus sur rendez-vous.

A côté de cette activité purement médicale, le service de dermatologie participe depuis toujours aux Journées Dermatologiques de Paris, à travers des communications originales de recherche clinique ou des posters relatant des cas dermatologiques rares.

La création, il y a plus de 20 ans de l’Association Lorraine d’Etudes et de Recherches Dermatologies (ALERD), sous l’impulsion des Pr. BEUREY et WEBER et du Dr. VADOT, a permis d’effectuer des investigations scientifiques essentiellement dans le domaine de la recherche thérapeutique.

L’Association Lorraine Post-Universitaire de Dermatologie (ALPUD), créée à la même époque que l’ALERD, par les mêmes décideurs, a permis de bénéficier d’une structure conviviale réunissant les médecins hospitaliers et les médecins libéraux de Lorraine. Elle a été successivement présidée par le Dr. Jean-Marie MOUGEOLLE puis Elisabeth LAVEINE, actuellement par le Dr. Anne BELLUT.

Parallèlement, de nombreux congrès, colloques ou formations spécialisées (allergologie-photobiologie,….) ont été organisés dans le cadre des activités hospitalo-universitaires du service.

Citons les Journées Franco-Britanniques en 1978, les Journées d’Actualités Dermato-Rhumatologiques, Borrélioses et maladie de Lyme (1989), le Cours du Gerda 1998, les Xèmes Journées de Photodermatologie en 1999. Ces réalisations ont successivement impliqué le Pr. BEUREY, animateur du service de 1955 à 1990, secondé par le Pr. WEBER qui peu de temps après sa prise de fonction de chef de service a dû affronter les épreuves de la maladie mais a pu continuer sa tâche grâce au soutien de tous ses collaborateurs et de son épouse Madeleine, elle aussi dermatologue dans le service. Le Pr. Jean-Luc SCHMUTZ a pris ses fonctions en 1999, assisté du Pr. Annick BARBAUD qui a, depuis de très nombreuses années, développé à Nancy la dermato-allergologie, faisant de ce centre une référence nationale et même internationale.

Au cours de ces trente années d’activité, l’Hôpital Fournier a bénéficié de leaders importants, rassemblant autour d’eux des collaborateurs compétents et soucieux de la bonne marche du service. Si l’implantation urbaine et un peu isolée de la dermatologie n’a pas empêché son développement à travers les techniques et grâce aux Hommes, l’isolement du reste des activités hospitalières constitue parfois un handicap. Celui-ci devrait être levé dans les prochaines années par une autre implantation. Les plus anciens regretteront l’abandon du « Quai de la Bataille » où « Fournier » était historiquement l’âme de la dermatologie lorraine mais il faut savoir se tourner résolument vers l’avenir.