DUPREZ Adrien

1933-2013

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` sommaire

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ELOGE par les Professeurs M. WEBER et L. TAILLANDIER

Le Professeur Adrien DUPREZ est décédé le dimanche 22 décembre 2013. Il avait 80 ans. Sa mort, à laquelle il pensait depuis longtemps, est survenue au terme d'une courte et cruelle maladie. Au cours de ce combat, car combat il y a eu, il nous a donné une ultime leçon  de courage, de grandeur et de dignité. Ceux qui l'ont côtoyé ou accompagné l'ont, une fois de plus, admiré.

Nous retracerons ci-dessous, en grande partie grâce à sa propre et  anthume  contribution, les différentes étapes de ses carrières et terminerons par quelques commentaires plus personnels.

Son enfance, passée dans le département des Ardennes, a été marquée par le décès précoce de son père. Elevé par sa seule mère, femme forte et déterminée, sa scolarité initiale fut tout aussi irrégulière que brillante. A l'issue, il décidera de s'inscrire à la Faculté de Médecine de Nancy. La phase initiale de ses études s'est étalée de 1953 à 1959. Il fut ainsi Externe des Hôpitaux en 1955 et Externe en Premier puis lauréat de la faculté en 1958. Nous soulignerons qu'il a suivi parallèlement un cursus de philosophie. Kant et Epictète furent ses guides. Il soutint une licence dans cette discipline en 1956. Il assuma les fonctions hospitalières d'I nterne des Hôpitaux (1959) juste avant d'effectuer son service militaire comme Médecin Lieutenant puis médecin bénévole de l'Assistance Médicale aux Populations d'Algérie (1960 et 1961). C'est lors de cette période qu'il obtint la Valeur Militaire avec citation à l'Ordre de la Brigade Aérienne. De retour à la société civile, il termina son Internat en 1965. Il accéda immédiatement aux fonctions d'Assistant des Hôpitaux en médecine interne (1965) après avoir obtenu le grade de Docteur en Médecine avec un premier prix de thèse (1965) et s'être spécialisé (certificats) en anatomie pathologique (1964), pédiatrie (1964) et médecine interne (1966). Il devint Chef du Service d'Anatomie Pathologique en 1974. Il le resta jusqu'à sa retraite tout en assumant la responsabilité du planning familial et des IVG de 1990 à 1999. Il fonda en 1994 et dirigea jusqu'en 1999, le premier service commun de biologie moléculaire du CHU.

Sa carrière universitaire avait débuté en 1965 via l'obtention d'un poste de Chef de Clinique en médecine interne. Il fut secondairement (1966) chargé de cours en histologie et embryologie. La publication de ses premiers travaux lui valut de devenir lauréat  de l'Académie Nationale de Médecine puis lauréat  de l'Académie de chirurgie en 1966.

C'est en 1967 qu'il fut nommé Professeur Agrégé Délégué d'anatomie pathologique et, en 1970, Professeur Agrégé et Médecin des Hôpitaux. L'année de ces nominations, il avait été fait lauréat  du grand prix de la recherche de l'Université de Nancy (1970). Il devint en 1980 Professeur Titulaire d'Anatomie Pathologique (par transformation de la chaire d'Embryologie) avant de céder sa place en 1999 et de devenir, en 2002, Professeur Emérite.

Son activité d'enseignement s'est exercée au sein de la clinique médicale de 1965 à 1971, dans le domaine de l'histologie-embryologie de 1963 à 1968 et bien évidemment dans celui de l'anatomie pathologique de 1966 à 2001. Il fut le responsable et l'animateur du DEA de médecine et chirurgie expérimentale des implants et transplants (1988) puis le fondateur du laboratoire autofinancé et totalement indépendant de microchirurgie expérimentale et d'anatomie pathologique. Au sein de cette structure, il put développer pendant 25 ans, ses activités de recherche autour des xénogreffes dans les domaines de la cancérologie, de la physiologie, de l'embryologie et de l'infectiologie. Il a ainsi dirigé de nombreuses thèses d'Exercice et d'Université (entre 1990 et 2003) ayant permis à nombre de ses élèves d'accéder à des fonctions de soins, d'enseignement et de recherche.

Sa production scientifique aura finalement concerné l'ensemble des thèmes ci dessus évoqués. Il fut à l'initiative et/ou associé à plus de 300 publications scientifiques concernant, selon les périodes et les collaborations :

- la pédiatrie et la médecine interne de 1959 à 1965 

- la perfusion locorégionale des cancers et la cinétique cellulaire (travaux menés en collaboration avec son ami le Professeur BESSOT) de 1964 à 1970 ;

- l'histologie et l'histopathologie dans leurs liens avec, pour les micro-analyses par la fluorescence X, l'industrie sidérurgique, l'Ecole des Mines de Nancy (microsonde de Castaing) ou le CEA de Strasbourg (radioactivation en pile atomique) de 1964 à 1970 ;

- la création de modèles de cancérologie expérimentale humaine par des xénogreffes  microchirurgicales de tumeurs humaines chez des souris athymiques congénitales pour des recherches de thérapeutiques précliniques de 1976 à 2004 ;

- la création de modèles de développements d'organes ou de tissus embryonnaires humains provenant d'IVG et utilisés pour des explorations de physiologie, de bactériologie ou de thérapies diverses de 1985 à 1990 puis de 1994 à 2003.

Il a dirigé la rédaction d'ouvrages divers concernant l'embryologie (« Les dysgonosomies mâles ». Expansion Scientifique Française, Paris, 1965), l'oncologie médicale (« La chimiothérapie régionale des cancers digestifs ». Ed. Masson, Paris, 1971) ou la politique de santé («  La médecine du  XXI ème siècle sera-t-elle humaine ?  » Ed. Minter, Paris, 1988).

Sa créativité s'est aussi illustrée via la réalisation de quatre films vidéo concernant le développement d'organes embryonnaires humains (estomac, intestin, œil, poumon, rein, thyroïde, trachée…) qui ont été présentés dans des congrès nationaux et internationaux.

Malgré cette foisonnante activité hospitalo-universitaire, le Professeur Adrien DUPREZ s'est toujours soucié, au sens littéral du terme, de la politique hospitalière et universitaire.

Versant Université, il fut membre des conseils constituants de la Faculté de Médecine A et de l'Université de Nancy I entre 1968 et 1970 puis il exerça les fonctions de Doyen de cette faculté de 1971 à 1976. C'est ainsi, qu'en étroite collaboration avec le Doyen Jean Bernard DUREUX (Faculté B), il s'impliqua activement dans :

- la réorganisation administrative de la Faculté ;

- l'organisation de l'enseignement du second cycle par certificats (1971 et 1972) ;

- l'élaboration et rédaction du projet pédagogique de la construction de la nouvelle faculté (également 1971 et 1972) ;

- les démarches administratives et techniques locales, régionales et nationales pour la construction et l'équipement de la nouvelle Faculté ;

- le suivi des travaux (de 1971 à 1974) puis l'installation et l'organisation de la nouvelle Faculté à Vandoeuvre-Brabois (1975).

Il est resté membre des conseils scientifique et de gestion de l'Université de Nancy I de 1971 à 1979, a assumé le secrétariat de la Conférence Nationale des Doyens de médecine de 1973 à 1976 et a été un membre actif de la 40 e section du  Comité Consultatif des Universités de 1971 à 1976. C'est aussi lui qui a présidé le colloque de la Conférence des Doyens et Présidents de section du CCU consacré à l'Enseignement médical qui s'est tenu à Nancy en 1976. Il en a d'ailleurs été le rapporteur. Enfin, après avoir créé et assumé la présidence de la société des Professeurs de la Faculté de Médecine de Nancy en 1989, il a, depuis 2005 et jusqu'à la période ayant immédiatement précédé la maladie, été le brillant responsable du Club des Professeurs Honoraires de la Faculté de Médecine de Nancy.

Versant hôpital, son investissement a été précoce puisqu'il a présidé l'Association des Internes des Hôpitaux de Nancy (1963 et 1964) et organisé le Congrès National des Internes en Exercice (Nancy, 1964). Il s'est tôt investi dans la gestion de l'établissement en tant que membre de la Commission Médicale d'Etablissement du CHR de 1971 à 1976 , p résident de la commission des finances du Conseil d'Administration de 1973 à 1976 puis p résident de la Commission Médicale d'Etablissement de 1991 à 1994. C'est lors de cette mandature, en collaboration avec le Directeur Général Paillé, qu'à été mise en place la nouvelle loi portant réforme hospitalière (élaboration du nouveau projet d'établissement, création des fédérations de services et du DIM, démarches administratives pour l'hôpital neurologique). Au delà de l'établissement, il a été membre du bureau de la conférence des Présidents de CME de CHU de 1991 à 1994 et Président fondateur de la Conférence des Présidents de CME des Hôpitaux de Lorraine en 1991. 

Ce long investissement a été reconnu par sa nomination comme Chevalier dans l'Ordre National du Mérite en 1994 puis comme Commandeur des Palmes Académiques 1998.

Enfin, son implication dans la vie publique a largement débordé l'Hôpital et l'Université. Il a en effet présidé le Festival Mondial du Théâtre (crée par Jack Lang) de 1979 à 1984 (en rétablissant l'équilibre financier) puis organisé avec Mira Trailovitch le « Théâtre des Nations » à Nancy en 1983. C'est dans ce cadre qu'il a été fait Chevalier dans l'Ordre National des Arts et Lettres en 1983. Un ouvrage, intitulé « Nancy sur scène » et publié en 1984 avec la collaboration de Roland Grunberg a été tiré de cet investissement culturel.

Comme l'a écrit lui-même le Professeur Adrien DUPREZ «  Cette carrière je la dois pour une très grande part à mes Aînés et Collègues. Elle découle d'une formation multidisciplinaire rendue possible par la compréhension de Maîtres bienveillants à très vaste culture (tout particulièrement les Professeurs DOLLANDER, FLORENTIN, KISSEL, NEIMANN), d'activités d'enseignements et de recherches très diversifiées que j'ai pu assumer grâce à la confiance des titulaires de Chaires déjà cités et du Doyen de l'époque (le Professeur BEAU), d'activités de recherches variées devenues possibles par l'accès à des équipements de physiques complexes possédés par l'industrie et les grandes Ecoles et surtout par des collaborations nombreuses et tout particulièrement avec un ami très cher le Professeur BESSOT. Elle découle également de fonctions administratives  multiples assumées collégialement  grâce à la confiance des collègues et durant mon décanat à l'amitié du Doyen DUREUX et des Vice-Doyens les Professeurs ANTHOINE, CUNY, MARTIN, BOULANGE, MANCIAUX et PAYSANT  »

Nous terminerons notre contribution par quelques commentaires plus personnels en grande partie tirés de nos interventions lors de la cérémonie des obsèques qui s'est tenue le samedi 28 décembre 2013.

Adrien DUPREZ était notre ami (Michel Weber)

Qu'il est douloureux, encore aujourd'hui, de penser que nous ne verrons plus cette personnalité hors du commun, que nous n'entendrons plus ses exposés lumineux et documentés, que nous n'assisterons plus aux débats passionnés mais toujours courtois qu'il avait avec ses contradicteurs. Le CHU de Nancy perd en lui un de ses membres les plus éminents et l'un de ceux qui a le plus contribué à le développer comme nous l'avons rappelé ci-dessus.

Le Professeur DUPREZ était un homme exceptionnel à savoir qu'il avait des qualités qui le mettent à part. Aimé, adulé, admiré, soumettant les autres à une sorte de fascination magique et irrésistible, il eut des amis inconditionnels dont nous nous enorgueillissons de faire partie. Il était à l'aise sur tous les sujets de politique, de société, d'histoire et bien entendu de médecine et d'études médicales. Mais il subit des critiques - oublions les jaloux - de la part de ceux qui prenaient ses calculs pour machiavéliques et de ceux (et cette critique peut être admise) qui regrettaient que de telles qualités de l'esprit ne fussent pas entièrement consacrées à la pratique médicale et aux recherches scientifiques.

Homme au savoir encyclopédique, remarquable clinicien en toutes disciplines il avait créé et animé un laboratoire de recherche dans lequel plusieurs d'entre vous ont pu réaliser leur thèse de troisième cycle.

Il est difficile de rappeler les caractéristiques de sa personnalité tant elles sont nombreuses. Celle qui frappait en premier ses interlocuteurs était son intelligence lumineuse et pénétrante soutenue par une remarquable éloquence, une mémoire sans failles et un esprit de synthèse stupéfiant. La présentation de divers aspects de l'évolution des idées concernant, par exemple, la réforme des études médicales nous laissait admiratifs.

Nous retiendrons aussi la disponibilité. Il était toujours présent pour répondre aux interrogations d'un collègue, même quand ce dernier ne faisait pas partie de son cercle d'amis. Depuis sa retraite, il recevait les confessions et les demandes d'avis sur telle ou telle orientation. Nous sommes nombreux à en avoir profité.

La troisième qualité qu'il faut mentionner (sans que pour autant la qualité des autres en soit diminuée) est l'honnêteté dans tous les domaines sans favoriser qui que ce soit.

Adrien, mon vieux copain, je te le dis avec la plus intense de mon émotion nous pensons beaucoup à toi. Comme l'écrivait Emile Henriot : «  Les morts vivent tant qu'il y a des vivants pour penser à eux  ». Ainsi tu es toujours là, mais ne t'éloigne pas trop

Adrien DUPREZ était notre maitre (Luc Taillandier)

Nous disions, en ce jour bien douloureux, combien l'exercice était difficile et combien nous le considérions comme un honneur. Il était difficile car nous étions ému. L'enjeu était de taille. Nous connaissions tous l'éloquence d'Adrien DUPREZ, ses capacités à manier le verbe. Comment, en ce moment précis et à l'avenir, être digne de celui qui fut plus que notre maitre ?

Nous avions promis, il y a quelques années, à son épouse Nicole (sans qui rien n'aurait été) une lettre pour lui dire toute l'estime (le mot est bien faible) que nous portions à son mari. Cette estime allait alors bien au delà de notre simple statut d'élève. Nous ne l'avons jamais écrite. Nous avons donc tenté, en ce jour où la douleur de perdre ce maitre dont nous nous sentions si proche côtoyait le soulagement de savoir la fin de son chemin de souffrance, de payer notre dette. «  Ainsi supprime la crainte de la mort  » disait Epictète «  et tu verras combien grande est la tranquillité, la sérénité de la partie maitresse de ton âme  ». Il était de ceux ayant réussi à supprimer la crainte de la mort et mourir était devenu, au fil des semaines, sa volonté. C'est lui aussi qui écrivait dans «  La médecine du XXIème siècle sera-t-elle humaine  », que chacun «  devrait, avec des garanties rigoureuses, pouvoir choisir entre une mort sans souffrance ni violence et la vie » et que « chaque cas puisse être résolu au mieux du seul intérêt de l'être concerné  ».

Nous avons cheminé aux côtés d'Adrien DUPREZ depuis 20 ans dans le cadre

- de notre vie d'étudiant (nous nous souvenons de ses minuscules notes de cours venant immanquablement contraster avec la quantité et la qualité de ses digressions) ;

- de notre vie de médecin hospitalier (c'est en tant que pathologiste féru de cinétique cellulaire que nous l'avons découvert, avec notre ami  François Baylac) ;

- de notre vie universitaire (il a encadré nos thèses d'exercice puis d'Université) ;

- puis de notre vie dite privée.

Oui, il fut notre maitre, nous le confirmons. Pas une fois, quel que fut l'enjeu de la discussion, nous ne sommes resté indifférent face à tout ce que beaucoup ont souligné et souligneront encore : sa culture, son éclectisme et ses capacités conceptuelles. Il fut un grand intellectuel et nous l'avons admiré pour cela. Nous l'avons aussi admiré par ce qu'il nous semblé, chose rare en ce monde, que son action fut toujours désintéressée. Il avait d'abord «  l'état d'esprit  » de la chose publique. Sinon, jamais, au grand jamais, nous ne nous sommes senti gêné pour lui exprimer nos pensées. Il était en effet de ceux à qui l'on pouvait tout dire sans crainte. Nous mesurons, plus encore aujourd'hui, le privilège qui a été le notre.

Qu'il nous soit permis également de souligner une autre facette de sa personnalité : son souci de l'autre sans mièvrerie. Il s'est à la fois montré « indulgent envers les fautes des humbles  » et «  sévère pour celle des grands  » (Robert Sabatier – Le livre de la déraison souriante). L'attention qu'il portait aux autres, aux siens, à ses collaborateurs, élèves et amis, quels qu'ils fussent dans la hiérarchie de notre monde, a toujours été pour nous essentielle et touchante d'autant plus qu'il n'attendait rien en retour. «  Chacun sait bien que le juste n'attend pas que les autres soient justes  » (Alain - Propos). Il fut ainsi à nos yeux un juste même si, plus on était proche de lui, plus secrètement, à son corps défendant, il attendait malgré tout. Nous avons modestement connu cette attente qui ne passait pas par les mots et garderons en nous l'idée de ne pas avoir été à la hauteur.

Nous pensons aussi à l'univers hospitalier qu'il a côtoyé en tant que malade ces 6 derniers mois. Il s'est toujours montré sincèrement préoccupé et à l'écoute de tous, du plus modeste au plus puissant, allant jusqu'à ignorer ou faire mine d'ignorer sa maladie.

Adrien DUPREZ fut plus que notre maitre. Au fil des années, alors que tout aurait dû conduire à un éloignement progressif, nos liens se sont resserrés. Il nous a parlé de son enfance, de la perte précoce de ce père emblématique, de cette mère déterminée. Il nous a parlé de l'Algérie, de cette seule médaille dont il était fier «  Ma source est dans ce monde de pauvreté et de lumière où j'ai longtemps vécu et dont le souvenir me préserve encore de deux dangers : le ressentiment et la satisfaction  » (Albert Camus – L'envers et l'endroit), de ses années d'apprentissage, de la complicité avec son ami Michel Bessot trop vite interrompue en 1973, de ses combats d'avant garde à la faculté stoppés en 1976, de l'hôpital, du système de santé qu'il appréhendait dans sa globalité.

«  Le rocher roule encore  » disait Camus à propos de la mort de Sisyphe. Puis-je dorénavant «  par ta mort me montrer digne de toi  ». (Pierre de Corneille - Le Cid).

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ELOGE par le Professeur J-M GILGENKRANTZ

Il est des hommes qui, à leur disparition, laissent dans la mémoire collective le souvenir de leur forte personnalité, de leur intelligence, de leur perspicacité, de leur efficacité enfin face aux nombreuses responsabilités qui leur avaient été confiées.

C'est le cas d'Adrien Duprez

Certes, comment mieux faire revivre celui qui vient de nous quitter qu'en mentionnant ses nombreux titres universitaires et hospitaliers, ses travaux de recherche, ses distinctions honorifiques … mais aussi ses écrits, ses analyses pertinentes sur la situation actuelle de la médecine française en ce début du XXI ème siècle ?

Cependant, pour avoir eu avec lui de nombreux échanges et nous être sentis en accord sur nombre de questions, qu'il me soit permis aujourd'hui de me limiter à évoquer simplement quelques épisodes de sa vie, de sa carrière qui le définissent, à mon sens, remarquablement.

En 1971, la Faculté de Médecine de Nancy est scindée en deux Unités d'Enseignement et de Recherche (UER) des sciences médicales, A et B. Elu à 38 ans, doyen de l'Unité A , il est un des plus jeunes, sinon le plus jeune doyen en France. Apprécié de tous ses collègues, il deviendra en deux ans le secrétaire général de la Conférence nationale des doyens de médecine. A ce titre, il sera amené à rencontrer le professeur Debré, le père des CHU et du temps plein hospitalier. Avec son esprit analytique développé et son franc-parler, il n'hésitera pas à exprimer les enjeux de ces réformes avec leurs avantages et leurs éventuelles dérives.

Pendant 5 ans, en étroite collaboration avec le Professeur Dureux, doyen de l'Unité B, il sera confronté à des problèmes cruciaux : élaboration et construction de la nouvelle Faculté sur le site de Brabois puis son installation et son équipement. Aujourd'hui encore, avec un recul de 30 ans, cette réalisation reste fonctionnellement appréciée de tous.

En 1991, il me succédera à la Présidence de la Commission d'Etablissement du CHU. Je dois à la vérité de reconnaître qu'il a rencontré, durant les 3 années de son mandat, une situation hospitalière plus délicate que celle que j'avais connue, marquée par les premières difficultés financières auxquelles il a fait face, comme à son habitude, en respectant en priorité l'intérêt des malades mais ces problèmes économiques l'ont conduit à dénoncer, selon sa propre expression : “ la marchandisation moralement inadmissible de la médecine de soins “.

C'est probablement par souci de rester en parfait accord avec ses convictions personnelles, voire de ne pas hésiter à les faire connaître, qu'il a accepté de prendre la responsabilité du secteur d'interruption volontaire de grossesses qu'à Nancy gynécologues et accoucheurs hospitaliers n'avaient pas souhaité prendre en charge.

Ses responsabilités universitaires devaient l'amener à rencontrer Jack Lang lui même doyen de l'unité d'enseignement et de recherche de sciences juridiques et économiques à l'Université de Nancy II. La grande culture d'Adrien Duprez, son estime pour le créateur du Festival du théâtre universitaire l'incita à accepter , au départ de Jack Lang, la responsabilité du Festival mondial du théâtre, lourde charge qui, là encore, devait se solder par une totale réussite.

Mais l'ami que je suis garde en permanence à l'esprit ce courage dont il a fait preuve durant les derniers mois de sa vie pour supporter des douleurs intolérables qui le clouaient dans son lit et cette sérénité admirable avec laquelle il envisageait sa propre fin, pensant plus à ceux qu'il laissait qu'à lui-même. Tous ceux qui l'ont accompagné dans ces derniers moments ont éprouvé, j'en suis sûr, une profonde admiration mêlée d'un immense respect.

Qu'il me soit permis, pour terminer cette brève évocation, d'émettre un vœu auprès des responsables actuels : celui de donner le nom d'Adrien Duprez à un bâtiment, un amphithéâtre, une salle soit à la Faculté, soit au CHU pour que les futures générations d'étudiants soient amenées à prononcer souvent son nom, façon de continuer à le faire vivre et, sans nul doute, les plus curieux d'entre eux chercheront à savoir ce qu'il était, ce qu'il a fait et ce qu'il nous a laissé.

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