TRIDON Pierre

 

1926-2007

 

` sommaire

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ELOGE FUNEBRE

Vous me demandez de parler alors que j'écoute encore la teneur de la dernière conversation que j'ai eue avec Pierre TRIDON quelques jours avant sa disparition survenue le 27 Août 2007. Depuis plusieurs années, je passais très régulièrement le voir et, alors que ses possibilités physiques diminuaient progressivement et inexorablement, malgré tous les efforts thérapeutiques orchestrés par son épouse, ses capacités intellectuelles restaient intactes et je partais à la fois ému et émerveillé par son contact, son savoir, sa mémoire, son humour. J'ai pleinement conscience de l'honneur qui m'est fait en me demandant d'évoquer sa mémoire. D'autres eussent pu légitimement occuper ma place. Je pense à Michel LAXENAIRE, son complice et ami, à Colette VIDAILHET son élève qui lui a constamment témoigné son admiration, son affection, sa reconnaissance, sa fidélité sans failles.

Pierre TRIDON fut d'abord mon maître, puis en raison d'une sympathie et attirance réciproques, du respect des mêmes valeurs, de sa façon d'aborder la médecine comme clinicien, je devins son ami, mais il resta toujours mon maître. J'ai souvenir lorsque j'ai eu la charge de diriger précocement le service de neurologie en raison du décès prématuré de mon maître, le Professeur Georges ARNOULD, que c'est à lui que je demandais aide et conseil devant un problème particulièrement difficile et délicat.

Né le 14-12-1926 à Pierrefitte sur Aire (Meuse), il effectua ses études secondaires au Collège Saint Louis à Bar-Le-Duc puis entra en Faculté de Médecine sur les conseils de son frère aîné. Il gravit rapidement et sans échec les étapes de la carrière hospitalo-universitaire : Externe des Hôpitaux en 1949, Interne des Hôpitaux en 1952, Chef de Clinique Neurologique en 1956, Médecin-Assistant des Hôpitaux en 1958, Professeur (on parlait alors d'agrégé) de Neurologie et Psychiatrie (les deux disciplines étant confondues) en 1961. A partir de là, il mena de front deux activités : la neurologie et la neuropsychiatrie infantile, ce qui impliquait une charge de travail et d'enseignement considérable. Qu'il était doux ce temps où avec Georges ARNOULD, Jean SCHMITT, Michel LAXENAIRE, les neurologues en formation avaient le privilège d'assister au célèbre « tribunal » et au non moins célèbre staff du vendredi.

C'est après 1968 qu'il opta pour la neuropsychiatrie infantile qu'il développa sur le plan régional et national. Colette VIDAILHET me rappelait toute son action depuis l'individualisation d'un hôpital de jour à l'institution J.B. Thierry, le développement du secteur de neuro-psychiatrie infantile avec la création de nombreux centres de consultation, la création de Centres Médico-Psychologiques, l'individualisation d'un D.U. de psychopathologie de l'enfant…Il a réussi à créer une psychiatrie de liaison (fait unique sur le plan national) avec tous les services s'occupant d'enfants : médecine infantile, chirurgie infantile, neurochirurgie, maternité. En 1984, il devint chef du service de pédo-psychiatrie à l'Hôpital d'Enfants, permettant l'intégration de la psychiatrie dans un hôpital pédiatrique. Il créa le CREAI (Centre Régional de l'enfance et de l'Adolescence Inadaptées). J'eus le privilège de créer avec lui et avec le Professeur Michel MANCIAUX le Centre d'Observation et de Cure D'Enfants Epileptiques de Flavigny-sur-Moselle.

A mon sentiment, trois caractéristiques dominent sa personnalité sans que pour autant la qualité des autres en soit diminuée : l'intelligence avec ses corollaires la mémoire et la compétence, la disponibilité, l'honnêteté et son corollaire la modestie. Pour moi c'est l'essentiel : comment se résument elles ?

L'intelligence, associée à un bon sens inégalable, que l'on peut qualifier de lumineuse ou mieux de pénétrante, en ce sens qu'elle pénétrait ses interlocuteurs. Il rendait simple, voire évident, un raisonnement qu'un autre n'aurait su exprimer de la même façon. Sa mémoire était sans failles. Il retrouvait une référence qu'il avait lue longtemps auparavant, se souvenait d'un cas clinique identique à celui qui posait problème. Dans les derniers mois de sa vie, nous étions impressionnés, Colette TRIDON et moi lorsque évoquant le souvenir d'un collègue dont le nom nous échappait, c'est lui qui le retrouvait.

La disponibilité : nous sommes nombreux à en avoir profité tant sur le plan médical pour nous-mêmes ou notre famille que sur le plan professionnel depuis les conférences d'internat jusqu'à l'aide apportée pour la rédaction d'articles ou de rapports. Il était toujours présent pour répondre à la demande d'un malade et les innombrables témoignages de tristesse et de sympathie qu'a reçu son épouse en témoignent Il ne refusait aucune charge d'enseignement ou de participation à des réunions scientifiques : son nom sur un programme était un gage de succès.

L'honnêteté dans tous les domaines et bien entendu dans le domaine médical. Il avait une éthique et un idéal moral d'une haute élévation. Il remplissait, au-delà du raisonnable les fonctions qui lui étaient attribuées ne déléguant qu'à bon escient. Je disais modestie en corollaire, car s'il avait la volonté et l'amour de sa tâche, les honneurs et les intrigues ne l'intéressaient pas.

Ces qualités ont permis une réussite professionnelle et familiale exemplaires.

Le Professeur TRIDON a formé de très nombreux élèves qui garderont de lui le souvenir d'un médecin, d'un enseignant et d'un homme exceptionnels. On apprend de tous côtés, que ce soit à Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Strasbourg, Lille et dans de nombreuses autres villes que tous ses collègues, amis et élèves ont ressenti un vide avec sa disparition. Je ne crains pas de dire que nous avons probablement perdu l'un des meilleurs sinon le meilleur d'entre nous.

Emile HENRIOT, écrivain et critique littéraire français écrivait : «  J'ai cette conviction profonde : les morts vivent tant qu'il y a des vivants pour penser à eux  ». Nous penserons souvent et pendant longtemps à Pierre TRIDON.

Professeur Michel WEBER