1918-1979
ELOGE FUNEBRE
Le Docteur Georges ARNOULD, Professeur de Clinique de Neurologie
et Psychiatrie, est décédé brutalement, le 29 janvier 1979. On ne peut manquer
de remarquer la cruauté du destin, si on veut bien se rappeler qu'il y a
seulement quatre mois, devant cette même assemblée, il avait prononcé, avec une
émotion et un talent qui avaient touché tous les auditeurs, l'éloge funèbre de
son Maître, le Profeseur Pierre KISSEL, décédé le 26 août 1978. Qui aurait pu penser
que, si peu de temps après, alors que rien ne le laissait craindre, il
reviendrait à son collaborateur le plus proche le douloureux devoir de rendre
hommage à la mémoire de son Maître.
Le Professeur Georges ARNOULD est né le 9 juillet 1918, à
Gérardmer, dans ce département des Vosges qu'il aimait tant.
Dès sa deuxième année d'Internat, il est attiré par la rigueur de
l'examen neurologique, la sûreté de la conclusion et il décide d'en faire sa
spécialité. Il aimait aussi à rappeler qu'auprès du Professeur KISSEL, le
Professeur René ROUSSEAUX l'avait séduit par sa grande expérience et sa forte autorité,
« donnant du diagnostic neurologique l'illusion d'un jeu ». Cette collaboration
entre la neurologie et la neuro-chirurgie se poursuivra ultérieurement entre
Georges ARNOULD et Jean LEPOIRE.
Sur le plan universitaire. Lauréat de la Faculté en première
année, il est préparateur de Médecine Légale en 1949, Chef de Clinique
Neurologique en 1951, année où il soutient sa thèse de Docteur en Médecine,
Agrégé de Neurologie et Psychiatrie en 1955.
Le 1er février 1962, il est nommé Professeur Titulaire de chaire
de Clinique de Neurologie et Psychiatrie et prend la direction officielle du
Service de Neurologie qui sera transféré en 1965 à l'Hôpital Saint-Julien. En
1968, il est intégré comme Professeur Titulaire de Neurologie et Psychiatrie,
Médecin des Hôpitaux, Chef de Service.
Son oeuvre scientifique est considérable et il serait à la fois
excessif et déplacé de vouloir citer tous les rapports, mémoires, thèses et
publications qu'il a réalisés, inspirés ou dirigés. Ils touchent à tous les
domaines de la Neuro-Psychiatrie depuis son ouvrage sur les manifestations
neurologiques des maladies à virus lymphotropes, ses publications sur la
pathologie vasculaire cérébrale, la sclérose en plaques, les syndromes
malformatifs, les états démentiels, les céphalées, l'épilepsie, ... aucun
aspect de la pathologie neurologique n'a été laissé dans l'ombre par ce
clinicien hors pair. Il avait, de longue date, un attrait particulier pour les
atteintes des fonctions supérieures et il essayait de développer un département
de Neuro-Psychologie avec la collaboration de Gérard BARROCHE qu'il avait
envoyé se former chez son ami François LHERMITTE à la Salpêtrière.
Enseignant très apprécié tant des étudiants du 2e cycle que des
stagiaires des C.E.S. de Neurologie, de Psychiatrie, des étudiants en
Orthophonie ou de la Faculté des Sciences, il savait rendre simples et compréhensibles,
les problèmes les plus difficiles de la Neurologie. Ceux qui ont eu le
privilège d'y assister se rappellent comme moi, avec beaucoup d'émotion, de son
éblouissante démonstration sur l'organisation de la mémoire, lors de la
dernière thèse qu'il a jugée, cinq jours avant sa disparition.
Mais peut-être plus encore que ses qualités d'enseignant, nous
garderons un souvenir impérissable de sa valeur de clinicien. Formé de façon
directe et objective à la Neurologie, il était resté un clinicien remarquable,
sachant discuter un diagnostic en l'argumentant par une analyse séduisante, se
rapportant à sa propre et grande expérience et s'aidant de références qu'il
nous amenait le soir ou le lendemain. Combien de fois a-t-il tempéré notre
désir de réaliser des examens complémentaires en nous montrant leur inutilité
théorique ou pratique à propos de tel ou tel cas. Il était cependant très
ouvert aux nombreuses techniques apparues tout au long de ces dernières années,
cherchant à les comprendre, les assimiler, mais aussi les critiquer à bon
escient.
La personnalité du Professeur Georges ARNOULD, pour ceux qui le
connaissaient, mal ou peu, était assez difficile à cerner. Il apparaissait
comme un homme affable, d'une extrême courtoisie, d'une foi simple et solide,
mais toujours discret et réservé. Mais cette discrétion, que certains lui
reprochaient n'était qu'apparente. Certes, il n'aimait pas les honneurs, il
détestait les intrigues, mais par contre, et les différents collègues et amis
que nous avons reçus lors de nos réunions de Neurologie, ses collègues et amis,
ses camarades d'Internat pourraient en témoigner, il était très à l'aise dans
une atmosphère amicale et chaleureuse. Il avait noué des liens d'amitié très
étroits avec plusieurs Maîtres de la Neurologie française, dont François
LHERMITTE à Paris, Bernard SCHOTT à Lyon, Francis ROHMER à Strasbourg.
Il savait recevoir avec une grande simplicité et beaucoup de
chaleur; beaucoup d'entre nous l'ont particulièrement noté dans sa ferme
vosgienne de Tendon où libéré des soucis de la direction d'un service aussi
actif que celui de Neurologie il était plus détendu, plein d'humour et de
chaleur humaine, auprès de Madame ARNOULD, sa compagne pendant 30 ans. Ces
moments de détente lui permettaient aussi de se livrer au plaisir de la lecture
et d'enrichir sa culture historique. Il aménageait progressivement cette maison
de campagne où il comptait passer une retraite paisible dans sa région de
prédilection.
Le Professeur Georges ARNOULD restera pour nous le modèle du bon
patron.
Professeur M. WEBER