IV - L’HOPITAL CENTRAL DE 1939 A 1983
1
- LES HOSPICES CIVILS PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE
LES HOSPICES PENDANT LA «
DROLE DE GUERRE »
La violation, le 1er Septembre
1939 des frontières polonaises par les troupes allemandes entraîna la
déclaration de guerre de la Grande-Bretagne et de la France à l'Allemagne le 3
Septembre suivant. Ces événements se répercutèrent au niveau des établissements
hospitaliers de Nancy qui, dès la fin du mois d'Août 1939 connurent de graves
perturbations dans leur activité. Devant l'aggravation des tensions internationales,
beaucoup de malades craignant de prochains bombardements, quittèrent
prématurément les services hospitaliers pour chercher refuge dans un lieu jugé
plus sûr.
En accord avec le Maire de
Nancy et le Préfet de Meurthe-et-Moselle, dès le début de la guerre, la
population de l'Hospice Saint-Stanislas, enfants
orphelins et assistés accompagnés des religieuses et des employés laïcs, fut
évacuée pour être installée dans une partie de l'Asile Victor Poirel à Rosières-aux-Salines, à
une quinzaine de kilomètres de Nancy.
Tandis que la mobilisation
privait les Hospices d'une partie de leurs effectifs de personnel masculin,
l'Administration Hospitalière limitait le nombre des admissions de malades pour
préserver un potentiel de lits permettant l'accueil d'éventuels blessés
militaires ou civils. Mais la diminution des entrées de malades du fait tant de
la désaffection de la population que de la nécessité de réserver des lits
conformément aux engagements pris par les Hospices vis-à-vis du Service de
Santé Militaire, devait engendrer de sérieuses difficultés financières qui les
contraignirent à prendre diverses mesures pour réduire leurs frais de
fonctionnement et le déficit entraîné par la baisse de l'activité de leurs
services. Dès l'automne, l'Hôpital-Sanatorium
Villemin dut être partiellement fermé et une partie
de ses malades fut transférée au sanatorium de Lay-Saint-Christophe.
Les malades des services complémentaires de chirurgie générale furent
rapatriés sur l'Hôpital Central. Le service des contagieux demeura toutefois
ouvert ainsi que le service de dermatologie-vénéréologie.
A l'Hôpital Central furent
fermés le service de chirurgie infantile ainsi que le 3e étage du pavillon Krug qui abritait une partie du service de médecine
infantile. Enfin, l'Hôpital Marin, annexe de l'Hôpital Central fut également
fermé, tandis que les effectifs de personnel furent simultanément réduits. Les
soixante et un employés mobilisés ne furent pas remplacés et 146 furent congédiés.
La
suppression de ces 207 emplois devait permettre une économie mensuelle
d'environ 150000 F, mais qui, à elle seule, ne pouvait parvenir à couvrir le
déficit mensuel, estimé entre 350 et 400 000 F et dû à l'inoccupation des lits.
En effet, sur un potentiel de 1400 à 1500 lits d'hospitalisation encore ouverts
et habituellement occupés à 90 %, on ne comptait guère plus qu'un tiers de lits
actifs à l'automne 1939.
La poursuite de
l'évacuation de la population des hospices et même de certains malades contribua
encore à aggraver la situation. Redoutant pour les populations urbaines les
effets des bombardements aériens et des gaz toxiques, les autorités civiles et
militaires décidèrent l'évacuation des enfants, des vieillards et des malades
transportables vers une zone moins exposée. Dès le 18 Octobre 1939 les
vieillards encore présents à l'Hospice Saint-Julien étaient dirigés sur le
département de la Gironde. Arrivés à Bordeaux, non sans quelques incidents de
parcours, il furent séparés en deux groupes, l'un envoyé à Blaye et l'autre sur
Cantenac, tandis que les religieuses et employés qui
les accompagnaient se répartissaient entre les deux centres.
A la même époque, les
enfants de l'Hospice Saint-Stanislas installés depuis
peu à Rosières-aux-Salines, étaient à nouveau évacués
pour être transférés cette fois en Gironde où ils devaient également rester
durant toute la durée de la guerre. A Rosières, durant cette même période les
enfants assistés envoyés en dépôt, continuèrent à être reçus à l'Asile POIREL,
les Hospices ne pouvant plus utiliser les locaux de l'Hospice Saint-Stanislas occupés par les séminaristes du Grand
Séminaire de l'ASNEE (1).
La situation financière des
Hospices Civils de Nancy déjà quelque peu fragilisée par les fortes hausses
subies par les dépenses hospitalières en 1937 et 1938, mais aussi par les
difficultés de récupérer les excédents des dépenses sur les prix de journée d'A.M.G. en raison des nouvelles modalités de fixation des
tarifs hospitaliers, ne permettait pas d'envisager sereinement l'avenir.
Contrairement à ce qui s'était passé en 1914, les Hospices Civils abordaient la
seconde guerre mondiale avec une situation financière moins prospère
Leurs difficultés de
trésorerie s'avérèrent particulièrement aiguës à l'automne 1939. Aussi à
l'initiative du vice-président HOUOT, la Commission Administrative sollicita
l'aide de l'Etat par l'intermédiaire du Maire de Nancy tandis que pour parer
aux besoins les plus urgents, elle autorisait son vice-président à réaliser
certains titres de rentes sur l'Etat faisant partie du patrimoine hospitalier.
N'ayant pu obtenir de l'Etat l'aide financière espérée, les Hospices devaient
clore leur budget de l'année 1939 avec un déficit de 1378919 F auquel ils
purent toutefois faire face grâce à l'excédent dégagé sur l'exercice précédent,
mais ce n'est pas sans angoisse que l'Administration Hospitalière envisageait
les années de guerre.
(1) Les Allemands ayant
réquisitionné les bâtiments du grand Séminaire de l'ASNEE,
les Hospices Civils de Nancy furent conduits à mettre à la disposition des
Séminaristes l'Hospice Saint-Stanislas en Septembre
1940
LES DIFFICULTES
RENCONTREES PENDANT LA « GUERRE-ECLAIR » PUIS L'OCCUPATION
L'offensive allemande à
l'Ouest, débuta en Mai 1940. Dès le 10 Mai, Nancy essuyait un bombardement
aérien qui fit une quarantaine de victimes et endommagea quelques
constructions. Les attaques et les combats les plus décisifs n'eurent toutefois
pas lieu en Lorraine, mais la région ne fut pas pour autant épargnée et elle
connut le même climat d'angoisse qui poussa sur les chemins de l'exode, les
populations hébétées devant la rapidité des événements et la progression
ennemie..
L'Hospice
Saint-Julien fermé depuis l'évacuation de ses pensionnaires à l'automne 1939
vers la Gironde, dut être réouvert
en toute hâte pour accueillir entre Mai et Août 1940 plus de 6 000 réfugiés
venus du Nord du département, de la Moselle et même du Luxembourg. Les hôpitaux
eux-mêmes reçurent de nombreux blessés ou malades militaires. A partir du 10
Mai des centaines de blessés arrivèrent jour et nuit à l'Hôpital Central,
remplissant « à craquer les salles et les sous-sols » selon les propres termes
du vice-président HOUOT. Lors de la débâcle, les
Hospices Civils de Nancy comptèrent jusqu'à 1 100 militaires français dans
leurs murs.
L'accueil et les soins
nécessités par leur état posèrent quelques difficultés à un personnel médical
réduit du fait de la mobilisation qui avait privé les Hospices nancéiens d'une grande partie de leur corps médical depuis
plusieurs mois (1).
Ce fut le 18 Juin 1940, au
lendemain de la demande d'armistice faite par la France à l'Allemagne, que
Nancy devait être occupée par l'armée allemande. Tandis que la frontière de
1871 était rétablie sans autre forme de procès et que tous les Alsaciens-Lorrains susceptibles d'entraver la germanisation
des provinces réannexées étaient expulsés, les
Allemands constituaient une « zone interdite » englobant la Lorraine, les
Ardennes, le Nord et une partie de la Franche-Comté.
Peu après leur entrée à
Nancy, les autorités allemandes réquisitionnèrent une partie des bâtiments
hospitaliers. L'Hôpital Central et ses annexes
(l'Hôpital Marin, la Pension Bon Secours et la Maison de Convalescence de La Ronchère) furent heureusement épargnés et laissés à la
disposition exclusive des malades français tant civils que militaires (2). En
revanche, les Allemands jetèrent leur dévolu sur une bonne partie des locaux
des hôpitaux du Groupe Maringer-Villemin-Fournier et
de l'Hospice Saint-Julien dès Juin 1940.
A l'Hospice Saint-Julien,
vidé de ses pensionnaires après l'évacuation de l'automne 1939, évoquée plus
haut, seules les infirmeries restèrent à la disposition des Hospices Civils de
Nancy.
Tous les autres bâtiments
furent reconvertis en caserne par les Allemands qui y installèrent même pour
leur détente un casino, avec piano, billard, etc...
Dans les anciennes écuries de l'hospice, ils installèrent une porcherie, tandis
que le pavillon Louise-Elisabeth devenait le siège
d'une kommandatur pour toute la durée de l'occupation
allemande.
Mais ce fut surtout la
réquisition des services des Hôpitaux Maringer-Villemin-Fournier
qui posa le plus de problèmes aux Hospices de Nancy car elle les privait de
lits d'hospitalisation indispensables à leur bon fonctionnement alors que les malades
restaient fort nombreux. Durant toute la guerre, l'Hôpital Central devait en
effet connaître une importante activité et un surpeuplement presque constant.
Dès leur arrivée, les
Allemands occupèrent rapidement tout l'Hôpital-Sanatorium
Villemin privant les Hospices de 228 lits de tuberculeux au mépris des besoins
de la population civile. Il fallut donc que l'Administration Hospitalière
trouve d'autres possibilités pour loger les tuberculeux : une partie fut
envoyée au Sanatorium de Lay-Saint-Christophe et le
reste fut hospitalisé tant bien que mal à l'Hôpital Fournier. Mais les Hospices
n'en furent pas moins contraints de refuser certaines admissions en limitant
l'accueil aux malades tuberculeux habitant le département de Meurthe-et-Moselle
et aux cas curables en attendant de pouvoir disposer des locaux de l'Hôpital Maringer libérés par le transfert du service des contagieux
le 19 Mars 1941 à la Maison Départementale de Secours et l'évacuation du
service de chirurgie complémentaire temporairement réquisitionné par les
Allemands.
Mais en améliorant un peu
la situation du service des tuberculeux à l'Hôpital Maringer,
le transfert du service des contagieux provoquait le surpeuplement à la Maison
Départementale de Secours déjà encombrée par les vieillards qui ne pouvaient
trouver place à l'Hospice Saint-Julien du fait de l'occupation allemande. Sur
l'intervention pressante du Docteur BENECH, Inspecteur Départemental à la Santé
et du médecin-chef allemand de la Place de Nancy, la nouvelle kommandatur installée à l'Hospice Saint-Julien consentit
finalement à libérer le pavillon des indigents hommes le 6 Novembre 1941 pour y
loger une partie des vieillards abrités à la Maison de Secours. Mais il
s'agissait de solutions toujours partielles et durant toutes ces années de
guerre, les Hospices devaient cruellement ressentir le manque de locaux
résultant des réquisitions militaires, d'abord allemandes puis alliées. (3)
Les Allemands au cours de
leur occupation occasionnèrent des dégâts et des pertes importantes aux
bâtiments des Hospices Civils de Nancy. En Octobre 1943, l'Administration
Hospitalière eut la triste surprise de constater, après que les Allemands
eurent évacué les bâtiments qu'ils avaient réquisitionnés dans les Hôpitaux du
Groupe Maringer-Villemin-Fournier, que tout le
matériel et tout le mobilier avaient disparu ; même ce qui avait un caractère
fixe avait été arraché.
Les Allemands avaient ainsi
emporté avec eux jusqu'aux appareils téléphoniques, réchauds à gaz,
extincteurs et éléments de placards. Une lettre de réclamation fut adressée en
vain au Préfet pour protester auprès des autorités allemandes contre ces
pratiques qui n'avaient malheureusement rien d'exceptionnel en ces temps troublés.
Mais ce qui est plus
révoltant ce fut l'arrestation de deux religieuses de la Congrégation de
Saint-Charles, incident caractéristique du climat d'oppression qui devait
régner sous l'occupation allemande.
Le 14 Septembre 1940, un
gendarme allemand se présenta à l'Hôpital Central chargé du mandat d'amener à
la Prison de Nancy, deux des religieuses de la Congrégation de Saint-Charles
qui étaient affectées aux services des malades. Il s'agissait de Sœur EDOUARD, infirmière-surveillante au Service d'O.R.L.
et de Sœur GILBERTE, infirmière-surveillante en
Médecine Infantile qui étaient de nationalité britannique. Malgré
l'intervention de Sœur LOUISE, Supérieure de l'Hôpital Central, elles furent
transférées à la prison par mesure de représaille,
les Allemands arguant que des religieuses allemandes auraient été incarcérées
en Grande-Bretagne du fait de leur nationalité et de l'état de guerre.
Le 15 Septembre, à la suite
d'une démarche effectuée par Sœur LOUISE auprès du Feld-maréchal au Palais du
Gouvernement, les deux religieuses furent remises provisoirement en liberté.
Mais le 15 Février 1941, elles étaient à nouveau arrêtées par les autorités
allemandes, qui devaient les expédier vers un camp de concentration.
Outre le climat détestable
qu'engendrait la présence allemande, cette période a été marquée par d'inextricables
difficultés de ravitaillement du fait de la pénurie due à une certaine
désorganisation économique du pays, entretenue et aggravée par l'occupant.
Rapidement, s'instaurèrent les tickets de rationnement. Sur le plan alimentaire,
dès Septembre 1940, la ration quotidienne était réduite à 1800 calories par
Français adulte, alors qu'on estime à près de 2700 le nombre de calories normalement
nécessaires à un homme exerçant une activité sédentaire. Les Hospices Civils de
Nancy ne furent pas épargnés par le rationnement et ce n'est pas sans peine
qu'ils durent assurer tant bien que mal l'entretien de leurs hospitalisés et de
leur personnel. En ce qui concerne les médicaments, la situation était
particulièrement catastrophique. Les services manquaient même des produits les
plus élémentaires. Enfin, pour ce qui est des combustibles, la situation
n'était guère plus satisfaisante. Pour parer aux difficultés énormes
d'approvisionnement en charbon et bois les Hospices durent réduire à l'extrême
limite le chauffage de leurs bâtiments. Le compte rendu de la séance de la
Commission Administrative du 12 Mai 1942, nous apprend
par exemple que le chauffage de l'hiver 1941-1942 n'avait débuté qu'à la
Toussaint et avait été arrêté dès le 31 Mars. De plus, durant tout l'hiver, le
chauffage de nuit avait été supprimé et celui de jour avait été réduit au
minimum, une chaudière sur trois étant restée éteinte pendant tout l'hiver. On
peut facilement imaginer les résultats médiocres obtenus par de telles
restrictions, sur le plan du confort offert aux malades.
Ceux-ci ne devaient pas
être surpris de cet état de choses puisque dans les maisons particulières, la
population devait se contenter souvent de 11° de température en hiver, les
effets de la pénurie en combustibles étant amplifiés par les rigueurs des
hivers lorrains.
L'Administration
Hospitalière qui rencontrait tant de difficultés à pourvoir aux besoins
élémentaires des établissements qui lui restaient confiés fut de surcroît
contrainte de procéder à la réouverture de l'Ecole Régionale d'Infirmières
qu'elle avait fermée dès le début de la guerre pour réduire les frais généraux.
C'est sans enthousiasme que les administrateurs envisageaient la réouverture de
cette école dont le fonctionnement était déficitaire et constituait une
certaine charge financière pour les Hospices, d'autant plus que les conditions
de guerre allaient en outre poser des problèmes de chauffage des locaux et
d'entretien des élèves internes. Mais la Commission Administrative ne put se dérober devant l'insistance des autorités sanitaires
qui souhaitaient remédier notamment à la pénurie d'assistantes sociales et le
15 Octobre 1941, l'Ecole réouverte accueillait 86
élèves dont 61 internes.
Sur le plan financier,
contrairement aux craintes suscitées par les difficultés des premiers mois de
guerre, la situation s'améliora progressivement Malgré la guerre, puis
l'occupation allemande, le recouvrement des frais de séjour parvint à être
assuré de façon presque satisfaisante. Pour ce qui est des frais de séjour des militaires
tant français qu'allemands, le vice-président HOUOT constatait au cours de la
séance de la Commission Administrative du 1er Octobre 1940 qu'il n'y
avait aucun problème. Les Hospices avaient en effet réussi à obtenir une
indemnité journalière de frais généraux calculée par tête d'homme pour les
services hospitaliers, les hôpitaux et les hospices occupés directement par
l'armée allemande et gérés par elle (4).
Le regain de l'activité
hospitalière et la poursuite d'un recouvrement satisfaisant de leurs créances
conduisirent les Hospices à envisager dès le mois de Novembre 1940 la
possibilité de rembourser l'avance d'un million de francs que leur avait consentie
la Ville en Juin 1940 pour les aider à faire face à leurs difficultés de
trésorerie.
Malgré l'accroissement du
coût de la vie résultant des difficultés d'approvisionnement provoquées par
l'état de guerre, les Hospices devaient voir très rapidement se rétablir
l'équilibre de leur budget grâce à une forte occupation de leurs lits d'hospitalisation.
D'autre part, la rareté des denrées de toutes sortes conduisit malgré eux, les
Hospices à comprimer au maximum leurs dépenses que ce soit sur le plan du
chauffage, de l'alimentation ou des produits pharmaceutiques.
Si, contrairement à la
Première guerre mondiale, la guerre de 1939-1945 n'entraîna pas de graves
bouleversements pour les finances des Hospices Civils de Nancy, en revanche,
comme elle, elle constitua une période de régression dans la mesure où les
travaux de maintenance ne purent être effectués ni a fortiori les travaux de
modernisation, qui se seraient imposés. A l'issue de la guerre, comme nous le
verrons plus loin, un sévère bilan de carence devait être dressé.
(1) Ce n’est qu’à la fin de l'année 1940 que la plupart des
médecins devaient réintégrer leurs fonctions dans les établissements nancéiens.
(2) A leur arrivée, les
Allemands s’étaient contentés d’installer un corps de garde à l'Hôpital
Central. Dès le 24 Octobre 1940, il devait être supprimé après le départ des
derniers militaires français prisonniers hospitalisés.
(3) Après la Libération,
les Américains devaient remplacer les Allemands à l'Hôpital Villemin tandis que
les Français réquisitionnaient l'Hospice Saint-Julien.
(4) C'était la moindre des choses quand on
sait que la France était contrainte en vertu des accords d'armistice, d'assumer
l'entretien des troupes allemandes (soit 400 millions de francs par jour puis
500 millions de francs par jour après Novembre 1942 ; ce qui représenterait plus de
900 milliards de francs de charges financières entraînées par l'occupation
allemande).
LES MODIFICATIONS
LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
Pendant la guerre,
d'importants textes vinrent bouleverser la législation hospitalière française
qui était encore basée sur la loi de 1851. Cette dernière fut abolie et
remplacée par la loi du 21 Décembre 1941 relative aux Hôpitaux et Hospices,
dont les modalités d'application furent précisées par
le Règlement d'administration publique du 17 Avril 1943.
Ces textes, qui devaient
entraîner de profondes modifications dans l'organisation et le fonctionnement
des hôpitaux, reçurent un début d'application pendant la guerre, notamment en
ce qui concerne la désignation des Commissions Administratives, la création de
Commissions Médicales Consultatives, etc...
LA COMMISSION
ADMINISTRATIVE DES HOSPICES PENDANT LA GUERRE
Pendant les premiers mois
de la guerre, la Commission des Hospices Civils de Nancy devait perdre
plusieurs de ses membres. En particulier, le Professeur WEISS et
l'Administrateur GUINIER démissionnèrent du fait de leur déménagement à Paris,
imités peu après par le Professeur FROELICH qui se retira pour raison de santé.
Dans l'attente de
l'application de la nouvelle législation, la Commission devait fonctionner à
effectifs réduits, toujours sous la vice-présidence de M. Philippe HOUOT.
Par arrêté ministériel du 3
Août 1943, enfin une nouvelle commission était désignée et installée lors de
la séance du 30 Septembre 1943. Outre M. HOUOT Notaire Honoraire, qui était
maintenu comme membre choisi par le Préfet sans condition d'origine, les autres
administrateurs étaient :
— Le Docteur COLLIN et
l'industriel Jean KRUG, membres délégués du Conseil Municipal,
— Le Docteur GERBAUT,
représentant du Conseil Départemental de l'Ordre des Médecins,
— Pierre JACQUEMIN,
représentant des Caisses d'Assurances Sociales,
—
Le
Docteur DROUET, représentant du Conseil de la Faculté de Médecine et seul
membre nouveau au sein de la Commission.
La Loi du 21 Décembre 1941
devait finalement être modifiée et le nombre des membres des Commissions
Administratives dans les villes sièges de faculté de médecine et de Centres
Hospitaliers Régionaux, put être porté de six à huit,
le maire-président-né non compris. Les
administrateurs proposèrent alors la nomination de Marcel GAUGUERY Secrétaire
Général des Hospices qui était sur le point de prendre sa retraite. Cette
nomination devait être agréée par les autorités en Juin 1944.
LA COMMISSION MEDICALE
CONSULTATIVE
Le Décret du 17 Avril 1943
prévoyait dans chaque Hôpital la constitution d'une Commission composée de
médecins élus par leurs pairs pour les représenter au sein des Etablissements
et présidée par le délégué du Conseil de l'Ordre des Médecins. Il s'agissait
d'une innovation qui reconnaissait enfin la place importante du rôle joué par
le corps médical et la nécessité de prendre en compte ses avis. La première Commission
Médicale Consultative fut constituée à l'automne 1943 et était composée du
Docteur GERBAUT, Délégué du Conseil de l'Ordre des Médecins et en assurant la
présidence, des Professeurs CAUSSADE et DROUET, représentants des médecins, des
Professeurs HAMANT et BODART, représentants des chirurgiens, du Professeur
Agrégé THOMAS et du Docteur VERAIN, représentants des spécialistes, et du
Professeur MEUNIER, Pharmacien.
LE STATUT DU CORPS MEDICAL
Les décrets-lois des 8
Novembre 1941 et du 18 Février 1942 créaient pour les professeurs et agrégés
chargés d'un service hospitalier les mêmes droits et devoirs vis-à vis des administrations hospitalières que ceux des
médecins et des chirurgiens des hôpitaux. A compter du 1er Mars
1942, la Commission Administrative leur appliqua les nouvelles dispositions ;
d'après celles-ci ils devaient percevoir les mêmes indemnités que les médecins
et chirurgiens des hôpitaux.
AUTRES CHANGEMENTS DUS A LA
REFORME HOSPITALIERE
A partir du 1"
Décembre 1943, les consultations externes gratuites furent transformées en
consultations externes payantes en vertu des nouvelles dispositions. Tandis que
les frais de fonctionnement du Laboratoire Central étaient mis entièrement à
la charge des Hospices à compter du 1er Janvier 1944 et non plus
partagés avec la Faculté de Médecine. La Pension Bon Secours qui continuait
toujours à fonctionner dut se soumettre aux règles
de fonctionnement des « cliniques ouvertes » prévues par la réglementation en
dépit des demandes de dérogations formulées par la Commission Administrative.
Un nouveau règlement
intérieur fut élaboré conformément à la nouvelle législation, pour remplacer
celui de 1931, en Février 1944.
- Enfin, en Mai 1944, un
nouveau contrat fut conclu par les Hospices avec la Congrégation de
Saint-Charles en application de la réforme hospitalière, sur les bases du
contrat-type établi par le Secrétariat d'Etat à la Santé.
LA LIBERATION
En Août 1944, Nancy vit
refluer en direction de l'Allemagne, du fait de l'avancée des armées alliées de
nombreux convois formés d'Allemands, mais aussi de Français, compromis par
leur collaboration avec l'ennemi. Dès le 16 Août Lunéville était libérée,
suivie le 31 Août par Toul. Mais Nancy devait patienter encore une quinzaine
de jours avant de connaître à son tour l'ivresse de la libération après ces
interminables années d'occupation.
Les Allemands craignant
l'arrivée imminente des Alliés, avaient précipitamment quitté la ville le 1er
Septembre. Voyant ces derniers bloqués à une vingtaine de kilomètres de Nancy
dans l'attente de ravitaillement d'essence, ils y revinrent temporairement
pour y commettre leurs derniers méfaits. Tandis que la Gestapo opérait encore
quelques arrestations, l'armée allemande faisait sauter les ouvrages d'art et
mettait hors d'usage la centrale électrique, l'usine à gaz et même les Moulins VILGRAIN. Outre les inconvénients que l'on imagine
aisément, le dynamitage de ces installations devait entraîner d'énormes dégâts
de vitrerie, en particulier dans les différents Etablissements Hospitaliers.
Dans la nuit du 14 au 15
Septembre, les F.F.I. dirigées par le Colonel Gilbert
GRANDVAL lançaient l'offensive libératrice en occupant tous les points stratégiques
de la Ville. Peu après, les armées américaines pénétraient dans Nancy.
A la Mairie, l'industriel
Jean PROUVE remplaçait le Docteur Camille SCHMITT à qui on reprochait son
ralliement au régime de Vichy. Entre temps, aux Hospices Civils de Nancy où M. Ph. HOUOT continuait à assumer ses fonctions, le Directeur
Marcel GAUGUERY, qui avait pris sa retraite le 1er Juin 1944 était
remplacé par Monsieur Georges JATTIOT, précédemment Directeur à la Maternité
Départementale. Nommé par un arrêté préfectoral du 25 Août 1944, le nouveau
directeur devait prendre ses fonctions au début du mois de Septembre.
Après une interruption de
près de 6 semaines du fait des événements, les séances de la Commission
Administrative devaient reprendre un cours presque normal le 10 Octobre 1944.
La fin de l'occupation
allemande pour Nancy ne signifiait pourtant pas la fin de la guerre, ni en
particulier la fin des privations. Tandis que les combats se poursuivaient en
Alsace puis au-delà du Rhin, les Lorrains comme une grande partie des Français
devaient continuer à avoir faim et froid et tout particulièrement durant le
rigoureux hiver 1944-1945.
Le ravitaillement restait
toujours aussi problématique et devait le rester encore pendant quelques années
notamment pour l'Administration Hospitalière chargée d'assurer
l'approvisionnement des établissements vers lesquels affluait un nombre
toujours croissant de malades. Le surpeuplement des services devait en effet
constituer un autre problème préoccupant qui ne devait pas recevoir de
solution satisfaisante avant de nombreuses années.