GOSSEREZ Maurice

1912-1985

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Leçon inaugurale

ELOGE FUNEBRE

Après une longue et très pénible maladie, supportée avec un courage admirable, le Professeur Maurice GOSSEREZ s'est éteint le 29 avril 1985 à Neuilly. Ses très nombreux amis n'ont pu lui rendre le témoignage de sympathie qu'ils auraient souhaité apporter à sa famille en cette douloureuse circonstance. Obéissant à leur désir et en souvenir des liens d'une profonde amitié qui m'unissaient à Maurice GOSSEREZ, j'ai accepté d'être leur interprète pour rappeler ce que fut cet excellent camarade et ce Maître éminent de notre Faculté de Médecine de Nancy.

Ce sont les hasards de la carrière militaire de son père qui ont fait naître Maurice GOSSEREZ à Montpellier, loin du berceau de sa famille, lorraine de vieille souche et implantée depuis de très nombreuses générations sur les bords de la Moselle. Mais, très jeune, il va regagner ce petit village de Belleville, où se dérouleront les années de son enfance et de son adolescence. C'est à Pont-à-Mousson, tout proche, qu'il effectuera brillamment ses études secondaires.

Décidé très jeune à embrasser la carrière médicale, il s'inscrit à la Faculté de Médecine de Nancy qu'il ne quittera plus, après avoir franchi toutes les étapes qui le mèneront au Professorat. Il lui fallait tout d'abord réussir aux différents concours qui jalonnaient alors la vie hospitalière. D'abord, externe des Hôpitaux en 1933, il passait brillamment les épreuves de l'internat dont il était le major de la promotion 1937. Mais survint alors la deuxième guerre mondiale, durant laquelle il accomplit avec courage ses obligations militaires.

Après le désastre de 1940, il devait se trouver replié dans le Midi avec sa formation sanitaire et, très naturellement, c'est à Montpellier, sa lointaine ville natale, où il avait encore de la famille, qu'il devait trouver refuge, accueilli avec une très grande et cordiale amitié par ses camarades d'internat de cette vieille ville universitaire, en même temps qu'un autre interne nancéien Jacques CORDIER. Il fut recueilli par le Professeur TERRACOL, Maître éminent de l'Oto-Rhino Laryngologie, qui était resté très attaché à ses racines strasbourgeoises et qui devait devenir un guide précieux pour la carrière de Maurice GOSSEREZ. C'est dans son service que se trouvait alors un médecin militaire, Louis HOUPERT, qui avait acquis au Val de Grâce une solide formation de chirurgie maxillo-faciale auprès des Professeurs GINESTET et BERCHER, et auquel le Professeur TERRACOL avait confié la responsabilité de ce secteur particulier dans son service.

Mais, dès 1942, malgré les difficultés de franchissement de la frontière de la "zone interdite", Maurice GOSSEREZ parvenait à rejoindre Nancy où il reprenait ses fonctions d'interne en particulier dans le service du Professeur CHALNOT où il s'initiait aux gestes de la chirurgie générale, bien utiles à celui qui voulait se spécialiser. Dès 1944, en effet, il était nommé Assistant des Hôpitaux dans le service d'Oto-Rhino-Laryngologie, et finalement spécialiste dans cette discipline au concours du 13 décembre 1948. Sa carrière hospitalière ainsi couronnée de succès, devait se compléter du point de vue universitaire par l'agrégation des Facultés de Médecine qu'il remporta brillamment au concours de 1955 dans le domaine de sa spécialité.

La carrière de Maurice GOSSEREZ va se poursuivre heureusement aussi bien sur le plan hospitalier que sur le plan universitaire. La spécialisation dans ce que l'on appelait alors la Chirurgie maxillo-faciale, l'attira immédiatement et il y acquit une très grande maîtrise après avoir d'ailleurs perfectionné ses connaissances auprès de maîtres français, en particulier du Professeur Michel DECHAUME, mais aussi à Londres auprès d'un spécialiste de très grande réputation, Sir Archibald MAC INDOE.

C'est ainsi que pour reconnaître cette haute spécialisation, la Commission des Hospices de Nancy créait en 1951 le service de Chirurgie maxillo-faciale dont la direction lui était confiée. A cette époque, la Stomatologie était intimement liée à l'Oto-Rhino-Laryngologie et à la Chirurgie maxillo-faciale, et c'est ainsi que le Professeur GOSSEREZ fut appelé par la Faculté à diriger l'Institut Dentaire de 1956 à 1961. Il faut rappeler qu'à cette époque l'enseignement dentaire était dispensé dans un Institut dépendant directement de la Faculté de Médecine. Il avait été animé pendant de nombreuses années par le Docteur Armand ROSENTHAL, à l'activité duquel on doit la construction de ces beaux bâtiments de la rue du Dr. Heydenreich. Armand ROSENTHAL devait trouver une fin glorieuse dans le Vercors comme membre très actif de la Résistance Française.

Depuis cette disparition, l'Institut n'avait plus que des directeurs intérimaires et c'est seulement à la nomination du Professeur HOUPERT qu'il devait retrouver un animateur remarquable. Malheureusement, sa présence devait être de courte durée car, frappé par la maladie, il fut éloigné de son service et le Professeur GOSSEREZ fut appelé à nouveau à prendre la responsabilité de l'Institut.

Sa carrière universitaire devait être couronnée par sa nomination au rang de Professeur titulaire de clinique stomatologique, le 1er octobre 1960. C'est pendant vingt ans jusqu'à sa retraite, atteint par la limite d'âge le 19 mars 1980, qu'il devait diriger ce service avec un très grand dévouement et un grand succès. L'enseignement et la clinique devinrent par une évolution normale de son domaine : la Chirurgie plastique et reconstructive. Maurice GOSSEREZ sut s'entourer de brillants élèves de telle sorte que cette spécialité devint l'une des plus renommées de notre Centre Hospitalier.

Durant toute sa carrière, Maurice GOSSEREZ a beaucoup travaillé et publié de nombreuses monographies consacrées à son domaine préféré. Son premier travail important a été sa thèse de Doctorat en Médecine soutenue à Nancy en 1944. C'est d'ailleurs sur mes conseils qu'il choisit pour thème "l'innervation motrice du voile du palais", problème encore mal connu et objet de nombreuses discussions.

Grâce à de multiples dissections pratiquées sur le cadavre et à des expérimentations animales, GOSSEREZ put préciser non seulement le trajet périphérique et l'épanouissement au niveau du voile des différents filets nerveux qui y aboutissent, mais surtout de préciser leur origine radiculaire crânienne et par conséquent leurs noyaux au niveau des centres bulbo-protubérantiels. Cette thèse très remarquée fut éditée cinq ans après à Paris chez Doin. Elle comporte en particulier quatre belles planches anatomiques. Il n'est guère de sujet ressortissant à l'O.R.L, à la Stomatologie ou à la face qui n'aient fait l'objet de recherches de la part de GOSSEREZ.

Notre collaboration dans le domaine de la pathologie devait nous amener en particulier à préciser l'origine et les possibilités du traitement des malformations médianes de la face. Intrigués, en effet, en particulier par les fistules médianes du dos du nez, nous parvenions à l'idée qu'il s'agissait en l'occurrence d'une persistance du canal neuroporal antérieur. On pouvait dès lors établir un parallélisme entre les défauts de fermeture du neuropore postérieur donnant le tableau clinique fréquent et bien connu du spina-bifida et de ses nombreuses variétés avec celui des défauts de fermeture du neuropore antérieur s'exprimant lui aussi par de nombreuses formes cliniques : kystes, fistules, fentes, etc... siégeant au niveau du dos du nez.

Ses nombreuses occupations universitaires et hospitalières furent complétées par des responsabilités administratives. Sa compétence devait l'amener tout naturellement à faire partie, d'une manière très efficace, de nombreux organismes locaux et nationaux. Appelé au Comité Consultatif des Universités, il y défendit avec beaucoup d'enthousiasme ses collègues de la spécialité ; c'est grâce à son intervention d'ailleurs que fut créée officiellement cette nouvelle discipline intitulée "chirurgie plastique et reconstructive de la face".

Par ailleurs, il fut désigné pour être membre de la Commission Nationale Consultative au moment de la création de l'Ecole Nationale de Chirurgie Dentaire en 1965. Mais c'est surtout sur le plan local que son action fut la plus remarquable. Nommé vice-président de la Commission Administrative des Hôpitaux de Nancy dans sa séance du 12 décembre 1966, il devait déployer une activité remarquable dans ses nouvelles fonctions.

Le Centre Hospitalier Régional de Nancy était alors en pleine transformation. Les travaux de construction de Brabois étaient déjà bien engagés, mais il fallait les mener à bien en suivant très attentivement leur déroulement, ce qui représentait une tâche très considérable. Mais l'action du Profeseur GOSSEREZ fut surtout marquée par l'acquisition de l'Hôpital Jeanne d'Arc situé sur le territoire de Dommartin-lès-Toul. Il se trouvait, en effet, à la fin de l'année 1966 que l'armée américaine quittait les importants locaux hospitaliers qui avaient d'ailleurs été construits peu de temps avant la guerre par le Génie militaire français. De vastes bâtiments et une très grande étendue de terrain se trouvaient alors disponibles.

Malgré les nouveaux aménagements réalisés à l'Hôpital Central et la construction en voie de réalisation de l'Hôpital de Brabois, le Centre Hospitalier ne disposait que d'un nombre de lits insuffisant pour parer à l'afflux considérable de malades. L'occasion qui se présentait alors d'acquérir un vaste ensemble hospitalier devait retenir l'attention des administrateurs nancéiens. Il fallut de la part du Professeur GOSSEREZ, aidé par le Président de la Commission Médicale Consultative et le Doyen de la Faculté de Médecine, déployer une action soutenue et persévérante auprès des administrations départementales et surtout auprès du Ministère de la Santé Publique pour obtenir l'accord nécessaire à cette acquisition. Ces démarches aboutirent non sans difficultés, et virent leur déroulement couronné de succès. Dès le début de l'année 1970, le nouvel Hôpital Jeanne d'Arc pouvait être mis en activité et plusieurs services médicaux et chirurgicaux y étaient implantés. C'est donc en grande partie au mérite du Professeur GOSSEREZ que le C.H.R. de Nancy dispose maintenant d'un bel ensemble hospitalier.

En plus de ses activités hospitalières, le Professeur GOSSEREZ avait été nommé auparavant Conseiller Municipal de la Ville de Nancy. Il s'y fit remarquer par ses nombreuses interventions surtout en faveur des Arts et Lettres et de la communication. Cette activité et ce dévouement pour la chose commune furent d'ailleurs reconnus par le Ministère de la Santé Publique qui lui décerna le grade de Chevalier de l'Ordre National du Mérite le 13 décembre 1973, de même qu'il avait reçu entre temps la croix de Chevalier des Arts et Lettres.

En dehors de ses qualités d'enseignant et de ses talents d'administrateur, Maurice GOSSEREZ était un homme de très grand dévouement vis-à-vis de ses malades et de ses nombreux amis qui furent amenés bien souvent à apprécier ses qualités de coeur. Son enthousiasme était communicatif. Il savait créer autour de lui de solides amitiés et de nombreux disciples.

Affecté à de nombreuses reprises par la maladie, il ne se résigna jamais à faillir sous le poids de l'adversité et sut toujours avec courage surmonter bien des épreuves. Il eut la chance d'être aidé et entouré par l'affection d'une épouse qui fut pour lui une précieuse collaboratrice. Ses dernières joies furent d'assister aux succès de ses enfants et plus particulièrement de Martine et d'Olivier qui, à l'exemple de leur père, embrassèrent avec bonheur la carrière médicale. A sa femme et à ses enfants, nous voulons dire toute notre sympathie attristée et leur assurer que la mémoire de Maurice GOSSEREZ sera pieusement conservée à la Faculté, à l'Hôpital et parmi ses nombreux amis.

Professeur A. BEAU